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Anne Fulda reçoit Emmanuelle Franck pour son livre «Comment pouvez-vous les défendre ?» dans #HDLivres 

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Transcription
00:00Bienvenue à l'heure des livres, Emmanuelle Franck.
00:03Alors vous êtes avocate, avocate pénaliste.
00:06Vous êtes notamment l'une des avocates de Cédric Jubilard
00:09qui est accusé d'avoir tué sa femme.
00:12Et vous venez de publier « Comment pouvez-vous les défendre ? »,
00:15un livre écrit avec Caroline Lorion et publié aux éditions de l'Observatoire.
00:19Un livre que vous avez écrit justement parce que cette question,
00:22« Comment pouvez-vous les défendre ? »,
00:24c'est probablement l'une de celles que vous entendez le plus.
00:26Donc c'est pour y répondre que vous avez pris la plume.
00:29Parce que souvent, derrière la question, en fait, il y a un jugement.
00:32Oui, effectivement. J'ai pu constater que cette question
00:36qui est effectivement fréquemment posée aux avocats
00:38est une question qui n'appelle souvent aucune réponse.
00:41Et la réponse que nous, on donne un peu classiquement,
00:44je dirais aussi classiquement que la question,
00:46c'est de dire « Mais tout le monde a le droit à être défendu ».
00:49Alors c'est éminemment vrai, mais c'est aussi court que la question qui nous est posée.
00:53Et donc j'avais envie, au travers de ce livre, d'aller plus en profondeur
00:57et d'expliquer plus profondément à la fois mon métier,
00:59mais également la genèse du passage à l'acte.
01:02Oui, parce que ce que vous expliquez justement à ceux qui vous posent cette question
01:06avec parfois une once de réprobation,
01:08c'est que la charge de l'avocat, ce n'est pas de justifier, mais d'expliquer.
01:13Alors vous écrivez que les personnes que vous défendez,
01:16s'ils ont souvent commis des actes monstrueux, ne sont pas des monstres.
01:19Mais vraiment, jamais on a rencontré un monstre absolu ?
01:24Ça n'existe pas ?
01:25Je crois que les monstres n'existent pas.
01:27En tout cas, c'est ce qui fait que j'aime ce métier.
01:29Et même quand les apparences laissent à croire
01:32que la personne est aussi monstrueuse que les actes qu'elle a commis,
01:35en fait, on se rend compte qu'il y a toujours un peu de lumière
01:38à aller chercher dans la noirceur.
01:40Et en tout cas, c'est le sens de mon métier tel que moi je l'envisage.
01:43Chercher de la lumière chez des meurtriers, des violeurs, etc.,
01:47ça peut être mal perçu, voire entendu, par les victimes ou les familles des victimes.
01:53Et c'est souvent effectivement mal perçu
01:55jusqu'à ce que des personnes franchissent le seuil d'une cour d'assises,
01:59quelle que soit leur qualité d'ailleurs,
02:01et où là, les personnes se rendent compte de l'objet de notre métier,
02:05et se rendent compte notamment que défendre un criminel,
02:08ce n'est pas être contre les victimes,
02:10et que oui, tout le monde a le droit d'être défendu,
02:12et qu'il y a toujours quelque chose à expliquer,
02:14bien sûr jamais à justifier.
02:16Alors la question qu'on peut se poser,
02:18il y a peut-être quand même des personnes
02:22qui sont plus difficiles à défendre que d'autres,
02:24est-ce que vous n'avez jamais, jamais fait un refus d'obstacle,
02:26en disant non, là, je ne peux pas,
02:28même si vous tentez d'expliquer, de comprendre ?
02:30Non, jamais de refus d'obstacle,
02:32parce qu'il y a je crois une obstination nécessaire
02:35à essayer de comprendre, à essayer de rechercher une explication,
02:39de rechercher quelque chose,
02:40parfois d'ailleurs malgré le criminel lui-même
02:43qui n'a pas toujours tous les tenants et les aboutissants de son passage à l'acte.
02:47Alors ce que vous dites, et c'est intéressant d'ailleurs,
02:50c'est qu'en fait souvent lorsque les personnes qui ne comprennent pas,
02:54c'est qu'elles n'assument pas le fait que,
02:59enfin cette phrase que vous citez de Hugo,
03:01pour qui en fait le crime est désespérément humain,
03:04en fait il est même d'ailleurs l'une des manifestations de l'humanité,
03:08ce qui peut effectivement déranger.
03:10Et oui, il y a toujours cette ambivalence de la part des individus
03:14à se dire mais cet homme ne me ressemble surtout pas,
03:16lui c'est un criminel, moi je ne le suis pas,
03:18il ne fait pas partie de la même communauté que moi,
03:22alors que c'est un non-sens absolu,
03:23puisque effectivement le crime est désespérément humain,
03:26il est insufflé par des sentiments humains,
03:29par de la colère, de la tristesse, de la jalousie,
03:31et donc on a l'impression que finalement cette mise à l'écart
03:34vient rassurer tout un chacun de ce que,
03:36non, non, non, jamais il ne pourrait franchir le cap d'un passage à l'acte.
03:41En réalité, alors tout le monde ne peut pas forcément commettre un crime,
03:45il faut un certain nombre d'ingrédients,
03:46mais je veux dire, les cours d'assis sont peuplés de criminels ordinaires.
03:50Oui, et d'ailleurs vous notez au passage que dans le règne animal,
03:54il n'y a pas d'assassin.
03:56Non, il n'y a pas d'assassin, il y a d'autres choses.
03:59Il y a la cruauté.
04:00Il y a la cruauté, il y a d'autres sentiments,
04:02mais chez l'être humain ils sont poussés à son paroxysme
04:04et dans des crimes parfois très tordus, très pervers,
04:07parce que ça peut ressembler à l'être humain.
04:08Alors vous racontez un peu votre parcours
04:10et vous dites que d'ailleurs vous n'alliez pas être avocate pénaliste initialement,
04:14mais médecin et psychiatre.
04:17Alors évidemment certains se disent que finalement ça se rejoint un peu.
04:21Alors ça se rejoint un peu, après moi je ne suis pas une professionnelle,
04:24mais c'est vrai.
04:25Dans l'analyse des comportements humains.
04:27Exactement, que pour défendre un criminel,
04:29on est obligé de rentrer un petit peu quand même dans sa tête
04:32et dans son parcours et de cette façon-là effectivement,
04:35je retombe un peu sur mes pattes,
04:37parce qu'il y a un peu de psychologie et de psychiatrie.
04:40Alors dans le livre, vous nous faites notamment découvrir
04:43comment vous défendez D,
04:45accusé de plusieurs viols et agressions sexuelles
04:47commis en 11 mois alors qu'il avait à peu près 20 ans.
04:51Alors vous expliquez le processus, vous étudiez le dossier,
04:56vous racontez la première rencontre avec lui,
05:00avec ce séducteur d'abord,
05:02enfin comment il a été décrit comme séducteur d'abord,
05:04puis violeur.
05:07On voit qu'il fait un peu le fierot aussi,
05:10que vous le remettez à sa passe,
05:12mais la question qu'on peut se poser, c'est, vous n'avez jamais eu peur ?
05:15Non, très curieusement,
05:17puisque je comprends qu'on me pose la question.
05:19Je n'ai jamais eu peur,
05:21parce que malgré tout, je suis une femme,
05:23mais je suis surtout un avocat,
05:25et j'ai toujours considéré, moi, dans l'exercice de mon métier,
05:28que je n'étais ni un homme ni une femme,
05:30que je n'avais aucune religion et que j'étais avocat,
05:32et c'est tout, et je pense que c'est peut-être
05:34parce que j'insuffle aussi aux personnes que je défends,
05:36et donc c'est la raison pour laquelle je n'ai jamais été embêtée.
05:39Je touche du bois, bien sûr,
05:40mais en tout cas, je n'ai jamais eu de difficultés.
05:42On n'a pas le temps d'en parler,
05:44mais vous évoquez aussi la médiatisation
05:46que vous jugez parfois excessive,
05:48ou en tout cas,
05:50qui prend en partie de certains cas,
05:52le rôle des réseaux sociaux aussi,
05:54qui ne vient pas faciliter les choses.
05:56En tout cas, pour lire tout ça,
05:58je vous conseille de lire
06:00Comment pouvez-vous les défendre ?
06:02C'est un livre que vous avez écrit avec Caroline Glorion
06:04et qui est publié aux éditions d'Observatoire.
06:06Merci beaucoup, Elisabeth Franck.

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