• il y a 18 heures

Visitez notre site :
http://www.france24.com

Rejoignez nous sur Facebook
https://www.facebook.com/FRANCE24

Suivez nous sur Twitter
https://twitter.com/France24_fr#

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00Bonsoir Guilhem Giraud, vous êtes expert en cyber renseignement,
00:03ancien agent de la direction de la surveillance du territoire,
00:06la DST, l'ancienne DST remplacée désormais par la DGSI.
00:09Vous signez aux éditions Robert Laffont,
00:11confidence d'un agent du renseignement français.
00:14Merci d'être avec nous ce soir.
00:16Est-ce que c'est si rare ce type d'affaires
00:18ou c'est parce qu'il s'agit de la France et de l'Algérie,
00:20dont on connaît les relations tumultueuses surtout ces derniers temps,
00:23que cela fait grand bruit ?
00:26Bonsoir, tout d'abord il faut rappeler que l'espionnage est très courant,
00:32et surtout entre États,
00:33parce que l'espionnage tout simplement n'est pas illégal,
00:36au regard du droit international.
00:38Pas plus qu'il n'est légal d'ailleurs,
00:39en fait il bénéficie d'une sorte de paradoxe juridique,
00:42il échappe au droit,
00:44certains juristes le qualifient de allégal,
00:46c'est-à-dire qu'il est en dehors du droit.
00:49Donc les États s'espionnent depuis toujours,
00:52c'est vieux comme le monde,
00:52surtout selon le type de procédé qui est décrit dans ce reportage,
00:58une intimidation, une manipulation,
01:00une proposition d'une somme d'argent pour avoir accès à des informations,
01:04ça se fait très couramment entre les pays,
01:07on n'en entend pas effectivement parler,
01:09et il est fort à parier que si on en entend parler à ce sujet,
01:12c'est parce qu'il y a une tension entre les deux pays en question,
01:17mais c'est extrêmement courant,
01:20c'est un usage en fait entre les États.
01:23Alors ce n'est pas ni légal ni illégal de ce que vous disiez,
01:27en attendant il y a trois protagonistes dans cette affaire,
01:30le troisième c'est ce commanditaire qui exerçait au consulat d'Algérie de Créteil,
01:34lui n'a pas été mis en examen,
01:37en revanche les deux autres personnes,
01:39donc le fonctionnaire qui travaille au ministère de l'économie
01:42et cet employé de l'office de l'immigration,
01:44oui, c'est assez classique là encore que les commanditaires finalement ne soient pas inquiétés.
01:49Oui, alors parce que si au regard du droit international il y a un vide,
01:54en revanche sur les droits territoriaux il n'y en a pas,
01:58et en l'occurrence c'est le code pénal qui va poursuivre l'infraction,
02:02et le code pénal dans son livre 4 reconnaît deux protagonistes dans ce genre d'affaires,
02:08il y a l'espion, l'agent étranger,
02:11et le traître, on parle ici de trahison en fait,
02:13donc l'agent qui s'est fait corrompre, l'agent français qui s'est fait corrompre,
02:18est un traître, il est poursuivi de ses chefs qui sont d'ailleurs très très lourdement punis.
02:23Alors ce qui se passe c'est qu'en général l'espion,
02:26donc l'agent étranger, lui il bénéficie d'une couverture diplomatique,
02:30donc il est tout simplement impossible de le poursuivre.
02:33Vous avez été au plus près de l'affaire Pegasus,
02:37du nom de ce logiciel d'espionnage qui est vendu par la société israélienne NSO,
02:44est-ce que les pressions, les intimidations que vous évoquiez tout à l'heure
02:48pour divulguer justement des informations,
02:51est-ce que vous en avez été témoin, est-ce que vous en avez été victime ?
02:55Alors je n'en ai été ni témoin ni victime,
02:58mais j'ai été on va dire très proche de tous ces sujets-là.
03:02Moi j'ai été démarché par NSO alors que je travaillais pour un chef d'État d'un pays du Golfe,
03:09c'est ce que j'explique dans l'ouvrage,
03:12et les commerciaux de NSO en fait avaient un argument de vente,
03:17c'était tout simplement de dire avec ça vous pouvez espionner n'importe qui,
03:23c'est-à-dire entre parenthèses vous affranchissez de toutes les règles,
03:29les règles de droit, les règles démocratiques, le contrôle parlementaire,
03:33donc c'était ça la promesse de Pegasus.
03:37Ce qui est intéressant avec un outil comme Pegasus,
03:40c'est que là vous n'avez même plus besoin de sous-doyer quelqu'un,
03:45vous n'avez même plus besoin de compromettre quelqu'un,
03:48parce que l'information elle est récupérée directement sur le téléphone de la cible,
03:52sans que personne ait à donner son accord ou à faire quelque action que ce soit.
03:57Donc en fait ce type de logiciel permet justement de contourner le droit pénal.
04:02Les pays qui utilisent ce type de logiciel pour avoir accès à des informations
04:08qui sont au sein d'autres États,
04:11ont finalement très peu de chances de subir la moindre poursuite que ce soit.
04:17Ça va s'aggraver selon vous avec l'arrivée de l'intelligence artificielle ?
04:21Alors c'est une bonne question qui est vertigineuse avec l'intelligence artificielle,
04:26toutes les questions sont vertigineuses.
04:28Moi ce que je note c'est que l'intelligence artificielle,
04:32et notamment l'intelligence artificielle générative,
04:34celle qui génère du contenu,
04:36elle excelle dans un art, c'est celui de plaire, de séduire.
04:41Vous avez vu comme moi le choc que ça a été quand ChatGPT est arrivé sur le marché,
04:47les gens étaient littéralement fascinés par cet outil.
04:51Or en matière de renseignements et de renseignements offensifs,
04:55séduire c'est une qualité importante, c'est ce qu'on appelle l'ingénierie sociale.
05:00Donc si vous avez une intelligence artificielle qui vous assiste
05:05dans une activité de renseignements offensifs, c'est clairement un avantage,
05:10c'est clairement une manière de déverrouiller tous les blocages
05:14que vous pouvez rencontrer en face de vous.
05:16Donc oui, certainement l'intelligence artificielle est un élément de menace supplémentaire
05:22que les services de renseignements défensifs doivent prendre en compte.
05:27Rapidement, on revient à cette affaire de Bercy.
05:30On voit que là, ce n'est pas un espionnage qui ne touche pas forcément
05:33les plus hautes sphères de l'État.
05:35Est-ce que ça veut dire que l'espionnage a changé de nature ?
05:37Est-ce que maintenant on est plus dans la généralisation de la surveillance ?
05:43Je pense que la surveillance a toujours eu une nature opportuniste.
05:49Je ne pense pas que ce soit vraiment un changement dans la nature de la surveillance.
05:58La surveillance s'est toujours appuyée sur un élément assez important,
06:04c'est qu'à un moment, vous visez un maillon faible pour obtenir des informations.
06:09Là, la chaîne dont il est question dans votre reportage, elle est quand même assez simple.
06:14C'était tout simplement avoir accès à des adresses d'opposants
06:19pour pouvoir exercer une pression sur eux.
06:21Ils ont ciblé un agent qui lui-même a pu avoir éventuellement accès
06:27à une autre personne qui avait ces adresses.
06:29Donc, j'ai envie de dire que là, c'est ciblé.
06:32On ne peut pas dire que la surveillance se soit déportée d'une nature de cible à une autre.
06:40C'est vraiment opportuniste et c'est sans doute que cette personne qui,
06:43c'est une hypothèse que je fais, présentait une vulnérabilité quelconque.
06:47Vous savez, l'ingénierie sociale à laquelle je faisais référence juste avant,
06:52elle s'appuie sur des vulnérabilités.
06:54Merci beaucoup Guilhem Giraud d'avoir été avec nous, ancien agent de la DST.

Recommandations