Mathieu Bock-Côté propose un décryptage de l’actualité des deux côtés de l’Atlantique dans #FaceABockCote
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00:0019h sur CNews, merci d'être avec nous pour Face à Mathieu Boquecôté, cher Mathieu, bonsoir.
00:05Bonsoir.
00:06Bonsoir Arthur de Vatrigan, j'ai entre les mains le nouveau numéro de L'Incorrect, c'est sur l'intelligence artificielle.
00:12Vous imaginez si un jour le présentateur de cette émission, la présentatrice, est comme ça ?
00:18Il n'y aura pas la même coupe de cheveux que vous.
00:20C'est sûr, mais j'espère que vous aurez le même sourire quand il vous dira bonjour.
00:24Maureen Vidal pour Le Point sur l'information, bonsoir Maureen.
00:27Bonsoir Eliott, bonsoir à tous.
00:28À l'âne de l'actualité, des tensions ont été observées à Paris en fin de cortège entre manifestants et forces de l'ordre
00:34cette journée internationale de droits des femmes.
00:3648 000 manifestants se sont réunis dans la capitale selon la préfecture,
00:39une journée qui s'est déroulée dans l'ensemble dans le calme,
00:42des rassemblements partout en France avec des milliers de personnes réunies.
00:45Tous dénoncent entre autres les inégalités salariales femmes-hommes, les féminicides et les discours dits masculinistes.
00:52Une manifestation en faveur de l'autoroute A69 a eu lieu à Castres.
00:56Près de 8 000 personnes se sont rassemblées pour former une véritable autoroute humaine
01:00un peu plus d'une semaine après le coup de frein du projet par la justice.
01:03Le ministre des Transports a annoncé hier que le gouvernement va demander la reprise du chantier.
01:09Et dans l'enquête sur l'évasion mortelle de Mohamed Amra,
01:11huit suspects ont été mis en examen dont six placés en détention provisoire hier soir.
01:16Le nombre total de suspects mis en examen est à présent de 27.
01:20L'évasion du narcotrafiquant en mai 2024 avait coûté la vie à deux agents pénitentiaires au péage d'un Carville dans l'heure.
01:26Merci Maureen pour le point sur l'information, on vous retrouve à 20h pour un nouveau point.
01:31A la une de face à Mathieu Bocoté, alors que la paix se négocie entre Russes, Américains et Ukrainiens,
01:37l'Europe et Emmanuel Macron entendent se réarmer.
01:40Dans son allocution, le président de la République s'est présenté en père patriote.
01:44La patrie a besoin de vous, mais de quelle patrie parle-t-il ?
01:48Inaudible à l'échelle nationale, le salut viendra-t-il de l'Europe ?
01:52On en parle dans un instant avec vous Mathieu.
01:54A la une également, la journée internationale du droit des femmes nous plonge une nouvelle fois dans l'intéloréance de certains groupes dits féministes.
02:00Il y a les bonnes et les mauvaises victimes, les bons et les mauvais collectifs, jusqu'à faire de l'Occident le théâtre de tous leurs mots.
02:06Là aussi, on vous entendra dans un instant.
02:09Vous recevez ce samedi la philosophe Bérénice Levé, auteure également de Penser ce qui nous arrive avec Anna Arendt et le courage de la dissidence.
02:18Voilà le programme de face à Mathieu Bocoté.
02:22On va commencer évidemment avec l'allocution du président de la République, l'interventionnisme d'Emmanuel Macron cette semaine.
02:29Dans son allocution à La Nation, il s'est lancé dans un éloge du patriotisme qui en a surpris plusieurs.
02:36Pourquoi cette surprise Mathieu Bocoté?
02:39Parce qu'on avait cru comprendre qu'Emmanuel Macron était le président du dépassement de la Nation.
02:45On se souvient, c'est une citation qui date d'il y a quelques années déjà, mais il s'était tourné très positivement vers le philosophe Jürgen Habermas,
02:52le philosophe allemand qui est le philosophe du post-nationalisme, le philosophe qui veut qu'advienne,
02:57c'est un philosophe très important en Allemagne mais aussi en Occident, qui veut qu'advienne une Europe fédérale supranationale
03:03et que ce serait le nouveau lieu de l'appartenance politique des peuples européens, que l'État-Nation devrait être dépassée une fois pour toutes.
03:10Donc Emmanuel Macron, on comprenait que pour lui, il se voyait moins comme le président dans la continuité gaullienne
03:16qu'un homme qui allait en fait permettre à l'Europe d'accoucher d'elle-même.
03:21On sait par ailleurs qu'il n'a jamais caché sur l'opposition ou à tout le moins ses réserves à l'endroit de tout ce qui touche à la souveraineté française.
03:30Rappelez-vous ce propos rapporté mais qui n'a jamais nié, si je ne me trompe pas, sur le fait que ça coûte très cher la dissuasion nucléaire.
03:37Est-ce qu'on ne pourrait pas se passer de ça par exemple ?
03:39Alors que dans les temps présents, on pourrait dire que c'est une phrase qui était antiprophétique.
03:44Rappelons-nous sa déclaration qui date d'il y a quelques années déjà mais qui voulait dire quelque chose.
03:49Il n'y a pas de culture française, ça veut dire quelque chose en rapport à la patrie.
03:53Rappelons-nous sa lecture de l'histoire lorsqu'il assimilait la colonisation, notamment en Algérie, à un crime contre l'humanité.
03:59Ce n'est pas simplement une page qu'il faut tourner, pas simplement une page où il y a plus de mauvais points que de bons points à la rigueur.
04:05Un crime contre l'humanité.
04:07Rappelons-nous sa présentation des Français au moment de la crise des Gilets jaunes comme des Gaulois réfractaires.
04:12Rappelons-nous son appel au moment de la présidentielle de 2022 à la télévision américaine, à la nécessaire déconstruction de l'histoire nationale française.
04:20On avait l'impression qu'Emmanuel Macron était un homme avec des sentiments réservés à l'endroit du cadre national français, du patriotisme français.
04:29Par ailleurs, c'était le point d'aboutissement d'une doctrine qui lui était bien antérieure.
04:33On peut dire que Jean Monnet, par exemple, a voulu au lendemain de la guerre,
04:37il s'est dit qu'on ne peut réconcilier les peuples européens qu'en congédiant l'État-nation.
04:41Laissez-le de côté et créons quelque chose comme une Europe fédérale.
04:45C'est un héritage aussi de la Mitterrandie, la lointaine époque des Mitterrands, qui disait que le nationalisme, c'était sa formule, c'est la guerre.
04:52Donc, il fallait tourner aussi cette formule, la France est notre patrie et l'Europe est notre avenir.
04:58Donc, on réservait l'avenir à l'Europe.
05:00C'est un courant de pensée qui est loin d'être nouveau.
05:03On sait que, par ailleurs, les européistes, au fil du temps, et c'est très particulier, ont voulu construire l'Europe en la vidant de sa substance.
05:11C'est très particulier.
05:12Donc, on voulait d'autant plus construire l'Europe qu'on s'essayait de mentionner ce qu'il y avait de propre à l'Europe.
05:16Et ça, ça a été symbolisé en 2005 par le refus d'intégrer les racines chrétiennes dans la Constitution européenne.
05:22Mais voilà, les circonstances historiques sont nouvelles.
05:25Et Emmanuel Macron, qui n'aimait pas lancer des appels aux sentiments patriotiques, mais lancer des appels à l'Europe,
05:30se sent obligé, en quelque sorte, d'en appeler au patriotisme français,
05:34donc emprunte un langage qui n'était plus nécessairement le sien.
05:37Un peu, on pourrait dire qu'en des temps antérieurs, pour réveiller un peuple dans l'adversité,
05:43plutôt que de parler de son idéologie officielle, on parle de son identité profonde, historique,
05:47donc pour réveiller un peuple que l'on juge endormi.
05:50Donc, il parle le langage du patriotisme, et là, ça frappe.
05:53Et à certains égards, il en a les apparences, il en a le contenant.
05:58On verra pour le contenu.
05:59Donc, qu'est-ce qu'on voit dans cet appel au patriotisme pour battre la Russie ?
06:03Pour entrer, être capable de confronter la Russie dans un éventuel conflit,
06:07il nous dit « leur est au réarmement de l'Europe, leur est au réarmement de la France, soyez patriotes ».
06:12Vous noterez que, d'ailleurs, dans l'appel au patriotisme, en ce moment, il y a aussi la notion d'épargne patriotique.
06:16Ça, c'est un épargne qui vous rapporte peu, mais qui apparemment sert la patrie.
06:20J'ai entendu ça.
06:21Donc, quoi qu'il en soit, il nous dit, pour être capable de se mobiliser, « soyons patriotes ».
06:25Et tous les éléments, on pourrait dire, formels du patriotisme y sont.
06:29Une appartenance forte qui nous oblige, une appartenance qui est exigeante,
06:34mais c'est une appartenance à la grandeur de l'Europe.
06:36Une défense passionnée des frontières, celle de l'Ukraine toutefois, celle de l'Europe aussi,
06:41mais pas celle de la France nécessairement, quand on parle du Sud qui remonte vers le Nord.
06:45Il y a même un côté nationalisme exacerbé là-dedans.
06:48Donc, nous sommes la civilisation et les Russes, devant nous, ne sont pas des barbares, évidemment.
06:53Mais il dit que c'est un régime qui s'est présenté comme tel, un régime qui est au sein de la barbarie.
06:58Donc, il y a quelque chose d'étonnant dans ce discours, d'autant que certains disent un instant,
07:04le patriotisme, ce n'est pas exactement cela.
07:07Votre patriotisme répond à une définition, peut-être, mais il y en a une autre.
07:10Mais là, eux disent, comment peut-on être patriote, disent-ils,
07:13si vous n'avez pas le souci de l'immigration submersion?
07:16Comment peut-on être patriote si on consent et même on s'enthousiasme
07:20à l'idée d'une perte de souveraineté vers l'Union européenne?
07:22Comment peut-on être patriote si on accepte une perte de souveraineté intérieure
07:26avec les bandes qui se multiplient sur le territoire national
07:29et qui exercent une vraie souveraineté sur le mode du narco-État, du narco-trafic?
07:33Comment peut-on se dire patriote si on accepte ces violences antifrançaises
07:38qui se multiplient aujourd'hui sur le territoire?
07:42Comment peut-on être patriote si on consent à la perpétuation de cette caste
07:47qui, aujourd'hui, explique sans cesse que la démocratie, oui,
07:50mais pas au point de consulter le peuple sur ce qu'il juge essentiel pour son avenir.
07:54Comment peut-on être patriote, diront-ils peut-être aussi,
07:57si, généralement, on explique qu'on fait un travail pédagogique,
08:00entre guillemets, de rééducation permanente des populations
08:02qui s'opposent à l'immigration massive en assimilant le sentiment national
08:05à la xénophobie ou au racisme à la fermeture à l'autre?
08:08Et comment peut-on être patriote, diront certains,
08:10si la conscience de l'intérêt national n'est jamais, on pourrait dire,
08:15distinguée de la conscience de l'intérêt européen,
08:17comme si la France n'était finalement qu'un segment de l'Europe?
08:21Alors, personne ne conteste évidemment le patriotisme du président de la République,
08:24mais le fait est que se concentrer par les patriotismes seulement
08:26quand vient le temps de défendre les frontières de l'Ukraine
08:28et se montrer relativement indifférent au contenu identitaire historique de la patrie France,
08:34ça peut témoigner en quelque sorte de deux visions du patriotisme.
08:37S'il y a deux patriotismes, deux visions du patriotisme,
08:41c'est donc qu'il y a deux patries. Est-ce un phénomène récent, Mathieu?
08:45Alors, vous me ramenez aux travaux de cet historien malheureusement oublié
08:49qui est Jean de Vigry. Jean de Vigry avait écrit un très beau livre
08:52qui s'appelait « Les deux patries » et il racontait l'histoire du sentiment patriotique
08:56en France au fil de l'histoire. Il disait qu'il y a un moment de bascule.
09:00Donc il dit que la patrie, traditionnellement, c'est une patrie charnelle,
09:03une patrie historique, une patrie des appartenances, c'est la terre de nos pères,
09:06c'est la continuité historique, c'est une continuité humaine.
09:09On peut s'y greffer évidemment si on vient de l'extérieur,
09:11mais en s'appropriant ses mœurs, sa mémoire, en s'assimilant,
09:14comme on aurait dit autrefois.
09:16Et Jean de Vigry nous dit dans son livre, avec la Révolution française,
09:19on bascule d'une définition de la patrie à l'autre.
09:21Donc la patrie historique est laissée de côté parce qu'on la juge un peu résiduelle,
09:25les Vendéens vont être les premiers à le subir, soit dit en passant.
09:28Et là, désormais, la patrie, c'est la patrie révolutionnaire,
09:30c'est la patrie idéale, c'est la patrie désincarnée.
09:32Donc c'est liberté, égalité, fraternité. C'est la République, c'est la Révolution.
09:36C'est une patrie qui devient relativement étrangère à l'identité d'un peuple,
09:41mais qui prétend réformer ce peuple au nom d'un idéal magnifique.
09:46Et de ce point de vue, le point d'aboutissement de ça dans l'histoire,
09:49c'est qu'on peine aujourd'hui à dire « vive la France »,
09:51mais on dit beaucoup plus « vive la République ».
09:53Donc la République n'est plus seulement un régime, un excellent régime probablement,
09:56mais la République se présente à nous en fait comme une religion de substitution.
10:00On demande aux Français d'être un peu moins attachés à leur identité nationale particulière
10:04et se définir exclusivement par des valeurs universelles, universalistes,
10:08qui seraient censées être supérieures.
10:10Et je note, de ce point de vue, dans cette logique,
10:12la population d'un pays qui est attaché à ses coutumes, sa culture, son identité,
10:16est presque vue comme une population obstacle.
10:18Parce qu'elle dit « non, ma patrie, ce n'est pas votre définition très abstraite des incarnées républicaines,
10:22c'est ma langue, ma culture, ma manière de vivre, ma manière d'habiter le monde ».
10:26Quelquefois, on se dit qu'il faut rééduquer ces populations-là.
10:29Il faut rééduquer les réfractaires qui s'entêtent à être des enracinés.
10:32Et de ce point de vue, on comprend pourquoi l'extrême-centre préfère souvent l'immigration.
10:35Parce qu'on se dit que les immigrés, on a une population nouvelle
10:38qui n'a pas cet attachement enraciné, charnel, au pays où il arrive,
10:42et dès lors qui est plus facilement malléable dans la « logique républicaine ».
10:47Je note, soit dit en passant, que le remplacement d'une patrie au sens patriotique
10:53par un système de règles désincarnées, ce n'est pas exclusif à la France.
10:58Si vous regardez ce qui s'est passé ailleurs dans le monde,
11:00pensez dans les années 90 à l'État d'Israël, où il y avait un débat sur le post-sionisme.
11:06On disait qu'Israël ne doit plus être l'État juif, ou l'État des juifs, ou l'État du peuple juif,
11:10parce que ça serait fermé.
11:12Et la gauche israélienne disait que nous sommes le post-sionisme,
11:15donc un État de tous ses citoyens qui ne doit plus avoir de lien particulier avec l'identité juive.
11:19Je note qu'Israël s'est heureusement délivré de cela.
11:22Pensez aux États-Unis, qui étaient autrefois enracinés dans l'histoire non seulement des 13 colonies,
11:26mais de l'Europe, l'empreinte européenne du pays,
11:28et qui se sont voulus un jour, à partir des années 80, nations universelles messianiques,
11:33est détachée de son histoire particulière.
11:36Et de ce point de vue, il est possible quelquefois que le patriotisme très guerrier,
11:41le patriotisme quelquefois belliciste,
11:43à tout moment le patriotisme strictement intellectuel, idéologique, désincarné,
11:48se retourne contre la définition concrète de la patrie réelle qui peut être la nôtre.
11:51Si je vous suis Mathieu Bocoté, est-ce qu'il faut se méfier de l'appel au patriotisme en ce moment?
11:57Bien sûr que non. Pas de l'appel au patriotisme en lui-même, qui est un sentiment fort honorable.
12:00Mais il faut en faire un bon usage.
12:02Que la Russie soit inquiétante, nul ne le conteste, je crois.
12:05On n'évalue pas au même niveau la menace,
12:08mais tous constatent que les Russes, la Russie aujourd'hui de Vladimir Poutine,
12:11voient l'Occident généralement avec la plus grande méfiance et la plus grande hostilité.
12:14Donc comment on se positionne par rapport à ça, c'est une vraie question.
12:17Ce que je redoute toutefois, c'est qu'au nom de cela,
12:20on assiste à un rétrécissement considérable des libertés publiques,
12:23de la démocratie, du pluralisme politique dans les sociétés occidentales,
12:26parce que la tentation en ce moment, c'est de dire devant nous,
12:29il y a Poutine, nous, nous sommes les patriotes,
12:32et si vous ne partagez pas exactement la même grille de lecture des événements,
12:35vous êtes des traîtres, vous êtes des pacifistes, vous êtes des lâches,
12:38vous êtes des vendus, vous êtes des moscoutaires.
12:41Et je méfie, quant à moi, de cette assimilation du désaccord à la trahison.
12:46Si on est en désaccord sur la lecture des événements,
12:48si on se dit que la plus grande menace est peut-être au sud davantage qu'à l'est,
12:51ça veut pas dire qu'il n'y a pas de menace à l'est.
12:53Sur le plan existentiel, c'est davantage la remontée du sud vers le nord
12:56qui menace l'identité de la France.
12:57Est-ce qu'on est un traître pour avoir dit ça?
12:59Est-ce qu'on est un lâche et un défaitiste pour avoir dit ça?
13:01Par ailleurs, d'autres patriotes, vous savez, ce sera mon dernier point,
13:05quelquefois, il y a des patriotes tellement déçus de ce que devienne leur pays,
13:08et puis on peut comprendre, un pays qui va mal, c'est une blessure à l'âme,
13:11qui en viennent quelquefois à se tourner vers des patries de substitution à l'étranger.
13:15Au fil de l'histoire, c'était la Russie, au fil de l'histoire, c'était les Américains,
13:18ça a été d'autres pays.
13:20Moi, j'invite mes amis patriotes sincères à ne jamais se dire, finalement,
13:26mieux vaut avoir ce régime étranger qui a les bonnes valeurs
13:29et meilleur que mon pays qui est imparfait.
13:31Au fond des choses, un pays est toujours à reconstruire,
13:33mais ne doit jamais avoir le transfert d'allégeance.
13:36Vous avez eu comme image devant moi la menace, c'est Poutine,
13:38devant vous, pour l'instant, c'est Arthur de Vatrigan.
13:40Non, ça va, Arthur de Vatrigan.
13:42Est-ce que vous avez partagé le constat sur le patriotisme de Matthieu Bocoté
13:48après l'allocution du président de la République?
13:51Je me pose une question.
13:53C'est dans un moment aussi historique, aussi important,
13:57la France peut-elle se permettre d'avoir comme président Emmanuel Macron?
14:02Je m'explique.
14:04Premièrement, il n'a plus de pouvoir politique,
14:06ni à l'Assemblée, ni dans l'opinion,
14:08et je ne vois pas comment ça va changer.
14:10Deuxièmement, tout ce qu'il annonce,
14:12ou du moins en grande partie,
14:14est l'inverse de ce qu'il a fait jusqu'à présent.
14:16Il a vendu la France à la découpe,
14:19et aujourd'hui, il nous parle de souveraineté et de nation.
14:22Ce n'est plus une couleuve qu'on avale, c'est carrément le Boas ou l'OGM.
14:25Alors, on peut changer d'avis, on peut se tromper, évidemment.
14:27L'histoire peut créer des renversements,
14:29encore faut-il y croire.
14:31Troisièmement, Emmanuel Macron est l'incarnation
14:33de la métamorphose perpétuelle,
14:35de l'impermanence du temps.
14:38Donc, il ne s'inscrit ni dans un passé, ni dans un avenir,
14:40mais dans un présent qui est indéfini.
14:42C'est pourquoi les soumissions, les renoncements
14:45ne sont pas un problème.
14:47L'époque n'est plus une vision du monde mondialiste,
14:50euro-centrée, mais un retour à la continuité historique.
14:55On voit la Russie, on voit les États-Unis,
14:57on pourrait également ajouter la Turquie,
14:59qui vivent tous dans un présent qui a commencé il y a longtemps.
15:02Or, quand Emmanuel Macron parle de patriotisme,
15:05je trouve qu'il le fait avec autant de conviction
15:07que lorsque Mathieu commande une assiette de légumes vapeur
15:10au restaurant, si vous voulez.
15:12Quatrièmement, Emmanuel Macron est tellement détesté
15:15par une partie des Français que quand il dit
15:17quelque chose de juste et même de sensé,
15:19il y a un réflexe pavlovien qui consiste en fait
15:22à épouser la cause inverse.
15:25Donc, un exemple, on l'a vu avec la position américaine.
15:28Alors, après des décennies d'humiliation,
15:30de trahison des gouvernants français et européens,
15:33le Compte national s'est surpris à épouser
15:36la bonne parole qui venait d'ailleurs.
15:39D'ailleurs, en 2022, on a même entendu quelques voix,
15:43on a vu quelques visages regarder Poutine avec envie.
15:46Comme Mathieu l'a dit, malheureusement,
15:48l'identité de substitution rend toujours plus malheureux,
15:51surtout quand la géopolitique et l'idéologie
15:53s'emboîtent aussi mal.
15:55Si on parle maintenant géopolitique,
15:57l'Union européenne s'est construite sur une fable,
15:59la fable de la paix.
16:01Et dans la fable qu'un voisin, même lointain,
16:04n'a jamais été un ennemi, mais c'était un partenaire commercial.
16:07Or, avec la guerre en Ukraine, ils ont redécouvert
16:09que non seulement un voisin pouvait être un ennemi,
16:11mais que les frontières avaient un sens
16:13et que la géopolitique n'a jamais été qu'un rapport de force
16:16et que les peuples ne mourraient jamais
16:18pour une construction décrétée, mais pour une nation.
16:21Or, la nation européenne n'existe pas,
16:23donc la souveraineté européenne n'existe pas non plus.
16:26Si on regarde l'Ukraine, certains avaient des doutes
16:28sur la définition de ce que l'Ukraine est une nation ou pas.
16:30Trois ans plus tard, après autant de victimes,
16:32après autant de destructions, après autant de courage,
16:34je pense que les Ukrainiens ont répondu par l'affirmative
16:37parce qu'il n'y a pas plus patriotique que de mourir pour sa terre.
16:42Et d'ailleurs, c'est assez étonnant de voir en France
16:44une sorte de front renversé.
16:45On voit des mondialistes qui s'amourachent de la cause ukrainienne
16:49en usant de mots qu'ils fascisent pour la France.
16:52Frontières, nations, histoire.
16:54Mais si on veut être honnête, l'inverse existe aussi, malheureusement.
16:57D'ailleurs, si on regarde, ce n'est pas l'Union européenne qui s'arme,
17:01mais ce sont les nations.
17:02La Pologne s'arme, car si la Russie n'est pas une menace
17:06existentielle pour la France, elle l'est pour d'autres pays européens.
17:11Or, j'ai dit plus tôt qu'il n'existait pas de nations européennes.
17:14En revanche, il existe une appartenance européenne des nations.
17:17Et quand je dis que la Russie n'est pas une menace existentielle,
17:20elle est quand même une menace.
17:21Elle est une menace pour la France en Afrique,
17:23elle est une menace par sa propagande,
17:25elle est une menace par ses raids numériques
17:27et elle l'est par les pays frontaliers.
17:29C'est pourquoi il faut s'armer moralement, militairement,
17:32parce que la souveraineté passe par la force
17:34et la force n'existe que par une puissance militaire.
17:37Mais, en tout cas, je le crois, j'espère,
17:39la menace russe n'est pas existentielle.
17:41En revanche, il y en a une, c'est l'islamisme.
17:43Et Emmanuel Macron en voit une deuxième, c'est l'Algérie.
17:46Et c'est pourquoi il se couche.
17:48On reparlera du réveil européen avec Bérenice Levé
17:52dans la deuxième partie de face à Mathieu Bocoté.
17:54Mais avant cela, revenons quand même sur cette manifestation
17:58féministe radicale hier dont on a parlé sur CNews,
18:00mais il y a un malaise médiatique.
18:02Personne n'en parle, bien évidemment.
18:03Que la préfecture de Paris avait d'abord interdite,
18:05mais que la justice administrative a finalement autorisé.
18:09Et en marge de cette manifestation hier,
18:12il y a eu des manifestations aujourd'hui
18:14émaillées en fin de cortège, de tensions,
18:17parce qu'il y avait plusieurs collectifs
18:19qui dérangeaient certains organisateurs et organisatrices.
18:24Et vous souhaitez revenir sur cette situation, Mathieu ?
18:28Alors, revenons en fait sur le révélateur,
18:30surtout d'hier, mais surtout d'aujourd'hui,
18:33la présence à cette manifestation de Nemesis et du groupe Nous Vivrons.
18:37Oui, Nous Vivrons, c'est bien ça.
18:40Qui sont deux groupes dans un cas qui veut témoigner
18:43de la situation des femmes qui ont été victimes
18:46au moment du 7 octobre.
18:48Et de l'autre côté, la situation des femmes en Europe.
18:50Et moi, je pense que c'est le révélateur
18:52de ce qui est devenu cette marche, hélas,
18:56confisquée par ce qu'on appelle de manière non exagérée
18:59la gauche islamo-gauchiste, les islamo-gauchistes.
19:02Qu'est-ce qu'on voit dans la rue ? Parce qu'il faut les regarder.
19:04Il faut les regarder quand même, ces gens qui manifestent
19:06en hurlant, en cherchant à censurer,
19:10qui ont une logique d'antifa, qui cherchent toujours
19:12presque à tabasser moralement, si c'est pas physiquement,
19:14ceux et celles qui ne pensent pas comme elles.
19:17Eh bien, on voit dans cette gauche radicale à cheveux bleus,
19:20qui doute de tout jusqu'à quelque fois de son identité de genre,
19:23comme on dit aujourd'hui, on est d'abord devant
19:25un phénomène d'effondrement psychique, je crois.
19:27Des gens qui sont dans une forme d'hystérie idéologique
19:30permanente pour compenser une incertitude existentielle,
19:33comme on le voit aujourd'hui.
19:35Il y a un effondrement aussi culturel et des mécanismes
19:38de transmission culturelle, quand on voit ces gens-là.
19:40Ce sont des hordes de zombies fanatisés
19:43qui rêvent d'en découdre.
19:45C'est le retour à la politique de l'affrontement physique.
19:47Ils ne veulent pas débattre. Ils refusent de débattre.
19:49Ils agressent même les journalistes qui leur posent
19:51des questions en disant qu'est-ce que vous avez comme némésiste,
19:53par exemple, qu'est-ce que vous avez ? Eh bien, ils préfèrent agresser.
19:55Je vois aussi là-dedans, je n'y peux rien,
19:57un dérèglement du marché du travail
19:59engendré par l'État-providence.
20:01Voilà des gens qui ont quelquefois l'impression d'avoir
20:03une formation parce qu'ils ont passé un peu de temps en fac.
20:05Ils ont vaguement le début d'une formation en sociologie féministe
20:07ou en éco-socialisme féministe.
20:09Et qu'est-ce qu'ils ont à partir de là ?
20:11Ils ont le sentiment d'avoir une forme de supériorité sur le monde.
20:15Et ce sont les militants entretenus à temps plein
20:17par un système qui, finalement,
20:19voilà des troupes militantes à son service.
20:21Il y a aussi là-dedans, ne l'oublions pas,
20:23un écologisme suicidaire
20:25qui est l'autre expression de leur rapport à l'Occident.
20:27Mais ces groupes,
20:29ces militants radicaux, sont tiraillés.
20:31On le voit, ces militantes radicales
20:33et ces militants radicaux, parce qu'ils ont un désir de soumission.
20:35Donc, d'un côté, ils détestent l'Occident absolument,
20:37mais de l'autre, ils sont prêts à se soumettre
20:39à l'islamisme en toutes circonstances
20:41parce qu'ils ont un désir de se soumettre devant cela.
20:43Finalement, la force à laquelle ils veulent se soumettre,
20:45ils veulent se soumettre.
20:47Et à travers cela, pourquoi il y a une haine des identitaires ?
20:49Parce que les identitaires au sens large
20:51sont ceux qui ne se soumettent pas
20:53et qui disent de cette civilisation qu'elle ne doit pas s'effondrer.
20:55Ce refus, on le nomme aujourd'hui extrême droite.
20:57Autrement dit, à votre avis,
20:59cette gauche est moins un phénomène politique
21:01qu'un phénomène pathologique ?
21:03Je le dirais d'une formule, c'est une pathologie politique.
21:05Une pathologie, c'est un dérèglement
21:07de l'imaginaire collectif qui engendre
21:09des malheurs politiques nombreux.
21:11Et de ce point de vue, la combattre, ça ne veut pas simplement dire
21:13la critiquer, ça veut dire définancer
21:15ces associations, ça veut dire
21:17empêcher la possibilité de poursuivre les gens
21:19en permanence dans l'espace public
21:21lorsqu'il y a un moindre désaccord qui s'exprime.
21:23Quand il y a un blocage de fac,
21:25on empêche les gens de bloquer les facs.
21:27Quand il y a une volonté de tabasser ou d'empêcher de manifester
21:29les gens de Némésis ou d'autres, il faut empêcher cette interdiction.
21:31Autrement dit, il faut faire preuve
21:33de la fermeté nécessaire devant ces groupes
21:35qui, sinon, pratiquent la logique de la terreur à Paris.
21:37Arthur de Vatrigan, avant la publicité,
21:39rapidement sur ce qui s'est passé ces 24 dernières heures
21:41entre la manifestation interdite
21:43et finalement
21:45validée par le tribunal administratif de Paris.
21:47Et aujourd'hui, ces tensions
21:49parce que le collectif Némésis
21:51ainsi que le collectif Nous Vivons
21:53souhaitaient manifester et marcher
21:55pour le droit des femmes partout dans le monde.
21:57Si les néo-féministes
21:59voulaient prouver que la sororité
22:01est un concept complètement bidon,
22:03elles ne pouvaient pas mieux s'y prendre qu'aujourd'hui.
22:05Donc les néo-féministes visibles,
22:07c'est-à-dire celles de gauche et d'extrême-gauche,
22:09autoproclamées nous toutes mais qui en fait ne font pas grand-chose
22:11et surtout pas des féministes,
22:13se sont pris les pieds dans leur tapis intersectionnel.
22:15Forcément, quand on mélange le kéfié
22:17et l'LGBT, ça ne marche pas très bien.
22:19La farce ne dure pas longtemps.
22:21Parce qu'en fait, la réalité, c'est que la cause des femmes,
22:23elle s'en tamponne. C'est juste un marche-pied.
22:25C'est un marche-pied, par exemple, pour la théorie du genre
22:27qui vous explique que n'importe qui peut devenir une femme
22:29à partir du moment où on épouse les clichés.
22:31C'est quand même pas très néo-féministe.
22:33C'est un marche-pied pour la haine du mal, surtout s'il est blanc.
22:35C'est un marche-pied pour toutes les idéologies
22:37des groupuscules avec leurs foires
22:39aux revendications, que ce soit décoloniales,
22:41anti-anarchistes, anti-France, anti-clandestins.
22:43Donc forcément, quand on voit débarquer
22:45un collectif, à savoir les némésistes
22:47qui n'ont pas le féminisme à géométrie
22:49variable, ça pique un peu.
22:51Les femmes, oui, disent les groupuscules
22:53mais pas uniquement si elles pensent comme nous.
22:55Sinon, on va les dissoudre à l'acide
22:57comme a relégué Madame Hassan.
22:59On appelle ça le Daesh style, mais l'écharpe
23:01tricolore en plus. – Et il y avait par exemple ce tag
23:03une rafale pour Cordier. On revient dans un instant.
23:05On va recevoir
23:07Bérénice Levé, philosophe, qui a écrit
23:09« Pensez ce qui nous arrive avec Anna Arendt »
23:11notamment, et on va parler du réveil européen.
23:13A tout de suite.
23:1719h30 sur CNews
23:19pour la suite de Face à Mathieu Bocoté
23:21toujours avec Mathieu, bien sûr, et Arthur de Vatrigan.
23:23On est très heureux de recevoir Bérénice Levé.
23:25Merci d'être avec nous. Je rappelle que vous êtes
23:27philosophe, que vous avez écrit entre autres
23:29« Pensez ce qui nous arrive avec Anna Arendt »
23:31ou encore « Le courage de la
23:33dissidence », il sera question du
23:35réveil européen.
23:37Mathieu Bocoté, pourquoi avoir
23:39invité Bérénice Levé ce samedi soir ?
23:41– Parce que Bérénice Levé, dans ses travaux,
23:43s'est interrogée depuis longtemps à cette question
23:45d'un réveil européen. Mais qu'est-ce qu'il faut
23:47entendre par là ? Parce que c'est le thème
23:49de la semaine dans l'actualité.
23:51Réveil militaire, réveil politique. Mais qu'est-ce
23:53qu'on entend par un véritable réveil européen ?
23:55Est-ce que c'est un réveil culturel, civilisationnel ?
23:57Pour en parler, Bérénice Levé, bonsoir.
23:59– Bonsoir. – Cette formule,
24:01est-ce qu'elle vous a interpellé ? Un réveil européen,
24:03premièrement, est-il nécessaire ? Et si oui,
24:07on peut dire que, évidemment,
24:09j'ai été sollicité par cet assaut, presque,
24:15ce rappel. Mais, si vous voulez,
24:17lorsque j'ai écrit le crépuscule des idoles progressistes,
24:19je l'ai publié en 2017, mais en définitive,
24:23j'ai commencé à y réfléchir dès 2015,
24:25et j'avais la conviction que, suite aux attentats
24:29islamistes qui nous avaient frappés,
24:31enfin, le réveil allait se produire.
24:35Enfin, nous allions, et je croyais, briser
24:39les idoles du progressisme qui étaient l'ouverture,
24:43précisément cette vision extrêmement fade du réel,
24:49et je croyais que le réveil se produirait.
24:53Si bien que je ne suis pas particulièrement optimiste,
24:57je veux croire que peut-être, là, effectivement,
24:59ce Trump, l'Ukraine, va enfin produire ce sursaut.
25:05Alors, réveil, sursaut, mais qu'est-ce qu'on met derrière ces termes ?
25:09La question, c'est qu'il s'agit bien d'un réarmement,
25:14mais il faudrait que ce soit un réarmement civilisationnel,
25:18que nous soyons rappelés à ce à quoi nous nous tenons,
25:22ce que nous voulons défendre, parce que
25:25parler de souveraineté n'a de sens que s'il y a une volonté,
25:30et il n'y a de volonté que si nous avons une idée
25:34de ce que nous avons à préserver,
25:37et si nous avons, pas simplement d'ailleurs à préserver,
25:41si nous avons une fidélité à ce que nous avons été,
25:44et une connaissance.
25:46Alors, si vous voulez, il y a quelque chose qui m'intéresse énormément,
25:49c'est que c'est un peu comme si on avait tout à reprendre à zéro.
25:54En 1949, lorsque Albert Camus publie de façon posthume
25:59l'enracinement de Simone Veil,
26:02il prévoyait une préface, que finalement il n'a pas publiée,
26:05mais dans laquelle il écrivait
26:07« Nous ne pourrons pas rebâtir l'Europe sans tenir compte
26:11de ce que contient cet ouvrage ».
26:14Et que contenait l'enracinement de la philosophe Simone Veil ?
26:18Que précisément, un peuple avait besoin d'enracinement
26:22dans une histoire et dans une géographie.
26:26Et résultat, nous n'en avons tenu aucun compte,
26:29nous avons précisément fait comme si les nations
26:33étaient appelées à disparaître,
26:35comme si leur obsolescence était programmée.
26:39Et aujourd'hui, enfin, mais je vous dis,
26:42en réalité depuis au moins 2015,
26:44nous devrions être rappelés à cela,
26:46même avant 2015.
26:48Souvenez-vous aussi, la grande fracture pour l'Europe
26:51et la grande impasse, c'est 1992,
26:54d'abord avec le traité de Maastricht,
26:57et ensuite le traité de Lisbonne en 2005.
27:02Et ce qu'il y a de très intéressant,
27:05c'est que quelqu'un comme Hubert Védrine raconte
27:08qu'au moment de Maastricht,
27:13comment s'appelait-il ? Pilan, son prénom m'échappe.
27:17Comment s'appelait-il ?
27:19Le conseiller en communication François Mitterrand.
27:22On y reviendra, on y reviendra.
27:24Lui dit que dans les sondages,
27:27le non semble majoritaire.
27:29Il lui explique, les Français ne comprennent pas
27:32pourquoi la souveraineté, ce serait mal.
27:35Et Védrine explique que c'est de ce moment-là
27:39qu'il a compris que l'Europe ne pouvait se construire
27:42que sur le principe de la subsidiarité,
27:45cet emprunt justement à la théologie catholique
27:48qui confie en définitive simplement
27:51un échelon supérieur, ce qu'un échelon national
27:54nous ne pouvons pas bien accomplir.
27:56Mais qui précisément restaure,
27:59rétablit la légitimité de la souveraineté.
28:02Et tout cela, nous l'avons passé par pertes et profits.
28:07Et c'est ça pour moi l'impasse du progressisme.
28:10Ce que j'appelle les idoles du progressisme,
28:13c'est ce que j'appelle le péché originel
28:16de la modernité et des progressistes,
28:19c'est d'avoir postulé, d'avoir prêté des vertus
28:24à la désaffiliation, à la déliaison.
28:27Or nous sommes rappelés à cette anthropologie
28:30et c'est là que je trouve le moment
28:32que nous vivons extrêmement intéressant
28:34et que finalement, c'est incroyable
28:37parce que ce sont les Etats-Unis aussi
28:39qui nous rappellent à cela.
28:40Quand on voit quelqu'un comme Vance,
28:42non seulement il exhorte l'Europe
28:48à se rappeler qu'elle a été son histoire,
28:50là sans doute l'avez-vous tous entendu,
28:53c'est que mercredi, ils ont célébré
28:56la messe des cendres à l'initiative
28:59de Trump et de Vance.
29:01Donc il y a toute une histoire
29:03qu'eux sont en train de se réapproprier.
29:05Vance, face au pape François,
29:08il invoque pour défendre justement
29:11la protection des proches,
29:14saint Thomas d'Aquin.
29:16Au nom de quoi abandonnons-nous
29:18cet héritage aux Américains
29:20et nous, nous ne sommes pas
29:22les fiers héritiers de cela ?
29:24Arthur de Matrigan.
29:26Il y a quelque chose de très intéressant
29:28d'actualité qui est en lien avec votre essai
29:30que j'invite tout le monde à lire.
29:32C'est un essai très lumineux, très profond
29:34qui nous éclaire beaucoup sur ce qui se passe aujourd'hui.
29:36Il y a Hannah Arendt, on connaît
29:38le conseil phare Hannah Arendt,
29:40c'est la banalité du mal.
29:41Ce qu'on connaît moins, ce que vous rappelez,
29:43c'est que la banalité du mal,
29:45c'est dans le vide de la pensée
29:46que s'inscrit le mal.
29:47Est-ce qu'aujourd'hui, avec ce basculement
29:49des idées, avec ce basculement géopolitique,
29:52est-ce qu'il y a un risque
29:54d'un vide de la pensée
29:56et donc de nouvelle banalisation du mal ?
30:00Je pense que c'est plutôt une invitation,
30:05surtout qu'il y a une véritable aspiration
30:09des peuples européens
30:11à se réapproprier cette histoire.
30:13Regardez la ferveur dont bénéficie Notre-Dame.
30:17C'est intuitif.
30:19Je crois qu'on ne répond pas exactement
30:22à la demande qui est manifestée à travers cela.
30:27Justement, je consacre un chapitre entier
30:30au génie du christianisme pour Arendt,
30:32mais si vous voulez, pour moi,
30:34que ce soit celui du christianisme
30:35ou celui de la France,
30:36c'est ce que j'appelle,
30:37alors ça c'était plutôt dans
30:38Le Courage de la Dissidence,
30:39L'Esprit français contre le wauquisme,
30:41c'est ce que j'appelle le génie de l'incarnation.
30:43Nous avions compris,
30:45et je le raconte dans Le Courage de la Dissidence,
30:47c'est tout à fait extraordinaire.
30:48Au lendemain de la Révolution française,
30:50au moment de la monarchie de juillet,
30:52Louis-Philippe comprend que de toute façon,
30:55on ne re-cimentera pas un peuple
30:57où on a la France d'Ancien Régime,
30:59la France du Nouveau Régime
31:00qui est un peu en chien de faïence,
31:02et qu'on ne pourra pas restaurer un peuple
31:05si on ne recolle pas les morceaux
31:08d'une histoire déchirée.
31:10Et c'est à ce moment-là
31:11qu'il décide de convertir Versailles
31:13en galerie des batailles,
31:15qu'il prend l'initiative
31:17de ces magnifiques statues
31:20qui ornent le Jardin du Luxembourg
31:23des Reines et des Femmes Illustres.
31:26Il y a toute cette politique.
31:28Et comme le dit très bien François Furet,
31:30sur le berceau de la monarchie de juillet,
31:32ce sont Guizot, Michelet,
31:34des grands historiens qui se penchent.
31:37Et donc on comprend que
31:39on ne pourra pas refonder un peuple
31:42simplement sur les valeurs
31:43et sur la déclaration des droits de l'homme.
31:45Il faut de la chair, il faut du charnel,
31:47il faut de la patrie.
31:49Vous vous intéressez d'ailleurs,
31:50à Rennes qui le permet,
31:51au commun qui fait un peuple.
31:53Mais la politique, c'est le commun qui fait un peuple,
31:55mais c'est aussi la question de l'ennemi,
31:56comme le disait Julien Freund.
31:58Or, la question de l'ennemi principal
32:00se pose aujourd'hui de manière assez brutale.
32:02Pour certains, l'ennemi principal,
32:04c'est la Russie.
32:06Pour d'autres, c'est l'islamisme
32:08ou, certains disent le régime algérien en ce moment,
32:10ou l'inquiétude existentielle principale
32:12serait l'émigration massive.
32:14Certains disent non, l'ennemi principal,
32:16ce sont les empires autoritaires.
32:18Et les mettre dans la même catégorie,
32:19Trump et Poutine.
32:21Alors, je vous pose la question,
32:22de votre point de vue,
32:23quel est aujourd'hui,
32:24peut-être pas l'ennemi principal,
32:25mais la menace existentielle première pour la France ?
32:27La menace existentielle,
32:29elle est dans l'islamisme.
32:31Alors, j'ai justement
32:33recopié les propos
32:35décembre 2024,
32:37donc c'est tout récent,
32:39du, alors attendez,
32:41je vous trouve cela très vite,
32:43mais du responsable,
32:48attendez, parce que c'est tout à fait édifiant,
32:51c'est le patron du renseignement territorial,
32:53M. Bertrand Chamouleau.
32:55Donc, le titre du Monde,
32:57c'était le Monde en plus,
32:59c'est pas Valeurs Actuelles, le Monde,
33:01les deux risques majeurs pour la cohésion nationale
33:03sont le narcotrafic
33:05et le séparatisme islamiste.
33:0723 décembre 2024.
33:09Et il explique que c'est l'entrisme
33:11des frères musulmans.
33:13Je le cite, la lutte
33:15contre les frères musulmans
33:17est la plus délicate, car ils diffusent
33:19leurs idées par l'entrisme
33:21et au moyen d'un discours très lissé.
33:23Ce courant ne préconise pas
33:25le recours à la violence
33:27pour parvenir à ses fins,
33:29mais la finalité est très claire,
33:31faire à terme
33:33de la France et de l'Europe
33:35un califat
33:37en imposant la charia.
33:39Bon, c'est clair, c'est net,
33:41la vraie menace existentielle, elle est là.
33:43Et vous avez un Emmanuel Macron
33:45qui en une de Paris Match nous dit
33:47qu'il ne faut pas être faible avec
33:49Trump, mais il accepte
33:51d'être faible avec Théboune
33:53et nous avons Voilem Sansalle
33:55incarcéré. Il accepte justement
33:57d'être faible avec les frères musulmans,
33:59avec toute cette politique
34:01d'entrisme.
34:03Alors, heureusement, nous avons
34:05Bruno Retailleau
34:07qui semble un petit peu secouer
34:09les choses,
34:11mais c'est cela la réalité.
34:13Vous savez aussi,
34:15je voudrais seulement une citation
34:17par rapport à la situation
34:19qui est la nôtre, où on se dit
34:21mais quand allons-nous enfin
34:23vraiment prendre le taureau par les cornes ?
34:25Mais une phrase extraordinaire d'Hippolyte Taine,
34:27il est triste
34:29quand on s'endort dans une bergerie
34:31de trouver au réveil
34:33les moutons changés en loups.
34:35Eh bien, on a l'impression que, voilà,
34:37on est chaque matin en train de se réveiller
34:39et on s'aperçoit que les moutons sont changés en loups.
34:41Mais quand allons-nous
34:43véritablement conduire
34:45une politique qui nous permette
34:47de recouvrer une certaine
34:49autorité ?
34:51Arthur de Vatrigan.
34:53Vous dites que la menace existentielle, c'est la menace
34:55islamiste. Mais la menace islamiste existe
34:57parce qu'on a vidé la France
34:59de la substance identitaire,
35:01historique, géographique ?
35:03Je vous remercie, parce que c'est exactement...
35:05Mathieu aime beaucoup...
35:07C'est tout ce que je retraçais
35:09dans mon crépuscule des idoles progressistes.
35:11Il se trouve
35:13que dès les années 70,
35:15je refaisais toute cette généalogie,
35:17on décide, avec ce que
35:19j'appelle l'alibi de la liberté,
35:21de ne plus transmettre
35:23notre histoire. Tout cela
35:25sur fond de décolonisation,
35:27de culpabilité
35:29montante, mais aussi
35:31avec cette idéologie
35:33contre laquelle un Lévi-Strauss
35:35mettait en garde
35:37tous les pédagogues qui misaient
35:39sur la créativité naturelle
35:41de l'enfant et qui disaient
35:43attention, vous êtes en train de détruire
35:45la dernière chose qui fonctionnait en France,
35:47la transmission. On ne transmet plus.
35:49Donc résultat, on crée un vide.
35:51Mais la nature ayant horreur
35:53du vide, il a fallu précisément
35:55se redonner une identité.
35:57Et j'aime à citer
35:59le mot de Voltaire qui dit
36:01ils se sont fait dévots de peur de n'être
36:03rien. Mais vous complétez,
36:05ils se sont fait féministes,
36:07écologistes, victimes
36:09de peur de n'être rien parce que la seule
36:11promesse que le progressisme
36:13a tenue, c'est celle-ci, n'être
36:15rien, en effet. Et donc
36:17pourquoi des jeunes
36:19femmes, nous ne sommes
36:21plus si jeunes, mais avec lesquelles j'ai grandi
36:23dans les années 70
36:25puisque j'ai tendance à dire que
36:27nous avons été le laboratoire
36:29d'expérimentation de cette forme
36:31d'humanité. C'était sans précédent.
36:33Jäger le dit
36:35très bien, Werner Jäger, il dit
36:37toute civilisation qui atteint
36:39un certain degré de maturité aspire
36:41à se transmettre pour se continuer.
36:43Qu'est-ce qui s'est produit dans
36:45les années 70 ? C'est fini, cela.
36:47Mais si vous me permettez simplement
36:49de citer, parce que
36:51Arendt, on est toujours en train de dire les nations,
36:53elles détestent. C'est totalement faux.
36:55Elle parlait de l'absence des nations
36:57comme d'une chimère d'intellectuel.
36:59Et je tiens à la citer
37:01parce qu'en plus, en ce 8 mars,
37:03c'est tout à fait intéressant.
37:05Je la cite très rapidement.
37:07La philosophie peut se
37:09représenter la Terre comme la patrie
37:11de l'humanité, d'une seule loi non écrite,
37:13éternelle et valable pour toutes.
37:15La politique a affaire
37:17aux hommes ressortissants
37:19de nombreux pays et héritiers
37:21de nombreux passés. Ces lois
37:23sont les clôtures
37:25positivement établies qui enferment,
37:27protègent et limitent
37:29l'espace dans lequel
37:31la liberté
37:33n'est pas un
37:35concept, mais une réalité
37:37politique vivante.
37:39Et je vous dis en ce jour de 8 mars,
37:41tout comme l'homme et la femme
37:43ne peuvent être eux-mêmes, à savoir
37:45humains, qu'en étant absolument
37:47différents l'un de l'autre,
37:49ainsi le national de chaque
37:51pays ne peut entrer dans l'histoire
37:53universelle de l'humanité
37:55qu'en restant ce qu'il est
37:57et en s'y tenant obstinément
37:59un citoyen du monde qui vivrait
38:01sous la tyrannie d'un empire universel, etc.
38:03Vous n'allez pas citer le livre en complet.
38:05Et en plus, ça me rappelle un texte
38:07qui vous est cher aussi, de Paul Ricoeur.
38:09Je sais que Mathieu Boycotté, vous l'avez déjà
38:11cité, ce très beau texte.
38:13Mais permettez-moi de vous poser
38:15une question, de vous ramener, parce que je crois qu'on pourrait faire
38:17une émission complète sur Arendt, mais revenons
38:19un peu sur ce qui nous arrive.
38:21La question néanmoins se pose aujourd'hui,
38:23la question de la Russie se pose
38:25devant nous. L'Europe se demande
38:27comment réagir. Est-ce que le réarmement
38:29sur le plan tout simplement militaire,
38:31que ce soit par les nations ou par une nouvelle forme,
38:33est-ce que c'est une nécessité existentielle pour vous aujourd'hui aussi ?
38:35Je pense que
38:37il est très bon de se souvenir
38:39qu'effectivement, il faut
38:41être puissant, fort
38:43et donc armé militairement.
38:45Et la chose qui est intéressante,
38:47je crois que ça a été rappelé
38:49dans les jours précédents,
38:51c'est la démission
38:53de Pierre
38:55de Villiers,
38:57qui d'emblée
38:59a alerté sur
39:01le désarmement, sur la baisse
39:03des budgets. Et puis autre point
39:05qui me tient très à cœur, et là je crois
39:07que ça m'a été rappelé, mais souvenez-vous
39:09aussi, Emmanuel
39:11Macron prétend
39:13vouloir aussi servir la paix,
39:15mais le sort qu'il a réservé
39:17au corps diplomatique,
39:19il a supprimé justement la formation
39:21du corps diplomatique en avril
39:232022, j'ai encore vérifié ce matin.
39:25Donc, vous voyez bien,
39:27effectivement, un pays
39:29qui est fort, une nation qui est
39:31forte, c'est une nation qui est armée
39:33et qui a un corps diplomatique surtout.
39:35Et là, relisons les magnifiques
39:37textes de Marc Fumaroli,
39:39nous avions
39:41une des plus belles diplomaties,
39:43une des plus décisives. Donc oui,
39:45je crois que c'est un aspect
39:47à prendre en considération.
39:49De là à... Vous comprenez, Emmanuel
39:51Macron, il se rêve de toute façon,
39:53il nous a fait le réarmement au moment du Covid.
39:55J'ai retrouvé aussi, il se trouve que
39:57je lisais le livre de David Lysnard
39:59qui vient de lire, de
40:01publier, il rappelle dans un entretien
40:03à Elle, janvier 2024,
40:05Emmanuel Macron qui dit
40:07moi, donc
40:09j'engage le réarmement
40:11démographique, je suis
40:13dans le combat, je suis dans le maquis.
40:15Il se rêve en chef de guerre,
40:17il se voudrait...
40:19Il nous reste une minute, une question,
40:21il nous reste une minute, question
40:23probablement toute simple et complexe
40:25tout à la fois. Pour Emmanuel Macron,
40:27la renaissance ne peut se déployer qu'au niveau
40:29européen, on l'aura compris. Est-ce que les
40:31nations demeurent pour vous l'horizon indépassable
40:33de la souveraineté ? Indépassable,
40:35indépassable, naturellement. Et une chose
40:37très importante, parce que tout à l'heure, vous avez en effet
40:39fait allusion à Jean Monnet.
40:41Est-ce que vous vous rendez compte de Jean Monnet qui disait
40:43nous n'assemblons pas les peuples,
40:45nous assemblons les hommes. Et effectivement,
40:47l'Europe, de toute façon, elle délie
40:49totalement. Il n'y a pas
40:51de souveraineté.
40:53C'est ce que, d'ailleurs, en lisant la phrase
40:55d'Arendt, je tenais à dire.
40:57Il n'y a pas de souveraineté, il n'y a
40:59pas de puissance en dehors du
41:01corps national. Il n'y a que là
41:03que les actes et les paroles
41:05peuvent prendre sens. Donc
41:07il n'y a pas, effectivement, aucune
41:09obsolescence de la nation. Et au contraire,
41:11je veux croire,
41:13j'avais prévu de vous citer Péguy,
41:15mais on va peut-être juste finir sur Péguy,
41:17qui défendait l'insurrection des peuples.
41:19Je n'éprouve, disait Péguy,
41:21aucun besoin d'unifier le monde.
41:23Plus je vais, plus je découvre que les hommes
41:25libres et les événements libres
41:27sont variés. Quand les hommes se libèrent,
41:29quand les esclaves se révoltent,
41:31quand les maladies guérissent, bien
41:33loin qu'ils avancent dans je ne sais quelle unité,
41:35ils avancent en variété croissante.
41:37Et l'Europe sera d'autant plus
41:39importante que chacune des nations
41:41recouvrera son génie propre.
41:43Merci beaucoup, Mme Levé, d'être venue.
41:45Face à
41:47Mathieu Bocoté-Berenice Levé,
41:49je rappelle l'un de vos ouvrages,
41:51nombreux ouvrages, « Pensez ce qui nous
41:53arrive » avec Anna Arendt. Mathieu,
41:55Arthur, merci à tous les deux. Rendez-vous
41:57la semaine prochaine. Et nous, c'est dans un instant,
41:59dans l'heure
42:01des proies, tout de suite.