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00:00Medias sur Europe à 9h30-11h avec Thomas Hill. Ce matin, Thomas, vous recevez Michel Azanavicius pour son livre
00:06« Carnets d'Ukraine » publié aux éditions Alari.
00:09Un livre dans lequel vous racontez votre cinquième voyage en Ukraine et vos rencontres avec ceux qui subissent la guerre depuis trois ans maintenant.
00:16Une guerre qui a fait près d'un million de morts. Et dans le train vers le front, vous écrivez « Je ne peux pas m'empêcher de me demander ce que je fais là.
00:23J'ai quatre enfants, une femme merveilleuse, une vie privilégiée. Pourquoi prendre le risque de créer autant de soucis à autant de gens ? »
00:29Est-ce que vous avez trouvé une réponse à cette question ? Pourquoi vous allez là-bas ?
00:33La vie m'a proposé comme ça. En fait, c'est par petite décision. Il n'y a pas de grande décision de ma part.
00:45Mais les choses se sont un peu enclenchées avec moi et malgré moi. Et donc, je me suis retrouvé là-bas.
00:53Mais la phrase que vous citez, le livre ne parle pas de moi. J'ai vraiment essayé d'être un passeur d'histoire et j'ai essayé de montrer des hommes et des femmes
01:04qui sont dans une situation de guerre au quotidien alors même qu'ils ont au départ exactement la même vie que nous, les mêmes aspirations que nous.
01:13Ce sont des ouvriers agricoles, des ferronniers, des soudeurs, des avocats, des artistes, tout ce que vous voulez.
01:21C'est l'introduction.
01:23Oui, je parle de moi mais ce n'est pas un livre sur ma personne.
01:27Pas du tout, au contraire. Après, c'est une grande suite de portraits, de portraits écrits, de portraits dessinés aussi parce que vous dessinez les personnes que vous rencontrez.
01:35Et c'est un exercice assez nouveau pour vous parce que vous dites que vous n'êtes pas journaliste.
01:39Et en même temps, c'est vrai que vous posez des questions, vous essayez de mieux comprendre la vie de ces combattants.
01:44Vous confiez d'ailleurs que souvent c'est difficile de connecter avec eux.
01:48Au départ, c'est vrai que j'ai eu un peu de... comment dire...
01:51C'est-à-dire, moi je ne suis pas ukrainien et je ne suis pas militaire.
01:55Donc ça fait quand même deux très grands fossés avec eux.
01:59Vous leur parlez comment d'ailleurs ?
02:00En anglais avec une interprète.
02:02Je parle en anglais à l'interprète qui parle en ukrainien.
02:08Mais écoutez, j'arrive avec des carnets et un crayon en fait.
02:14Et donc il y a quelque chose d'extrêmement intime qui très vite se met en place.
02:18On n'est pas sous l'œil d'une caméra, etc.
02:20On est vraiment dans une espèce de grande intimité.
02:23Il m'a fallu, oui je crois, deux, trois entrevues, rencontres,
02:30pour comprendre un petit peu les règles que je proposais moi-même.
02:35Les règles du jeu de ces interviews.
02:38Et puis après...
02:40Mais même celles où moi je n'ai pas été bon en fait,
02:43eux m'ont apporté quelque chose.
02:45Il y a toujours quelque chose que finalement,
02:48il y avait toujours un enseignement attiré,
02:50il y avait toujours quelque chose à comprendre,
02:52même dans un raté en fait.
02:54Et donc voilà, c'est ce que j'ai essayé de faire.
02:58Et vous faites par exemple la rencontre d'Olexi,
03:01patron d'une fabrique de meubles,
03:03qui s'est engagé comme civil volontaire pour aider l'armée.
03:06Avant la guerre, il écrivait des chansons comme ça, juste pour le plaisir.
03:09Avant la guerre, il a publié cette chanson sur YouTube.
03:26Alors cette chanson, elle a eu un succès absolument colossal en Ukraine.
03:30Qu'est-ce qu'elle raconte ?
03:32On l'entend « Bratik ».
03:34« Bratik » ça veut dire « comme frérot », un truc comme ça.
03:37C'est ça, c'est une déclinaison de frère.
03:40En fait, c'est une notion qui est hyper importante pour les militaires.
03:43C'est cette notion, nous on appelle ça « frère d'armes ».
03:46C'est-à-dire qu'il y a un esprit de fraternité
03:49entre chacun est responsable de l'autre.
03:52Et c'est vraiment ce qui fait le socle de ces combattants.
03:57Et en fait, c'est l'histoire d'un soldat qui parle à un autre
04:00et qui lui dit « Vas-y, je serai toujours là, je serai avec toi.
04:04Et on va y aller ensemble et on ira au bout ensemble. »
04:08Donc c'est une chanson qui parle de cette fraternité.
04:11Il a écrit cette chanson, il l'a mise sur un réseau social
04:16et en fait, c'est devenu comme un hymne.
04:20Oui, c'est ça, les soldats s'en sont emparés.
04:23Et aujourd'hui, c'est une chanson qui est jouée aux enterrements.
04:27Il y a beaucoup d'enterrements de soldats à travers tout le pays.
04:31Pour lui, c'est une situation qui est un peu compliquée à vivre.
04:37Mais c'est son destin.
04:395 voyages, c'est une manière plus que de témoigner,
04:45c'est aussi votre combat, c'est une guerre.
04:48Parce que vous ramenez des témoignages
04:50et ramener ces témoignages, c'est aussi une façon de lutter.
04:54Pourquoi justement ne pas avoir pris de caméra ?
04:57C'est votre outil d'habitude, vous avez toujours travaillé avec des caméras.
05:03Pourquoi cette fois-ci, édictez-vous même d'ailleurs de nouvelles règles du jeu ?
05:07Pourquoi ne pas en avoir fait aussi un documentaire ?
05:09Pourquoi ne pas avoir prolongé ces carnets d'autres choses,
05:14d'une autre manière de témoigner ?
05:16Je pense que ça va être compliqué de vous répondre de manière limpide.
05:22Mais je crois que ce n'est pas une manière de lutter,
05:26je dirais que c'est plutôt une manière de soutenir ceux qui luttent.
05:28Donc je participe d'une manière qui n'est pas extraordinaire,
05:33mais qui est en tous les cas dans mon champ d'action possible.
05:37Mais c'est une démarche de citoyen, ce n'est pas une démarche de réalisateur.
05:42Ça a commencé par une vente aux enchères que j'ai faite,
05:46avec des objets de cinéma que j'ai été collecter un peu partout dans le monde.
05:50Donc je me suis servi de mon statut de réalisateur.
05:55Là aussi pour aller là-bas, je me sers de mon statut de réalisateur,
05:58mais j'y vais en tant que citoyen et je ramène un objet
06:03que finalement nous sommes deux à assumer,
06:06c'est-à-dire mon éditeur et moi,
06:07ce qui nous permet de donner tout l'argent à United24.
06:11Ce n'est pas tout à fait la même démarche que de faire un film avec du monde,
06:14avec une production, c'est tout de suite beaucoup plus lourd.
06:20Là je vous dis, je suis dans un espace très intime,
06:23je vais chercher un truc très humain, très intime,
06:25et je suis entièrement responsable de ce livre.
06:31C'est vrai que ça vous permet d'avoir accès plus facilement aussi à eux
06:33que quand on débarque avec des lumières, une caméra et tout un staff autour.
06:37Oui bien sûr, et je vais vous dire autre chose,
06:39c'est que c'est mon métier de faire des films,
06:41c'est comme ça que je gagne de l'argent,
06:44et là je ne veux pas gagner d'argent avec ça,
06:46il y aurait même quelque chose qui me gênerait profondément
06:52de gagner de l'argent avec cette démarche.
06:55Donc je suis beaucoup plus à l'aise à tout point de vue.
06:58Et puis je vous dis, le rapport que j'ai pu créer
07:01et les gens que j'ai pu rencontrer n'ont été possibles que
07:06parce que j'étais encore une fois armé d'un simple crayon et d'un carnet.
07:10Le carnet d'Ukraine s'est publié aux éditions Alari,
07:13et donc tous les bénéfices seront donc reversés à l'association ukrainienne
07:16United24 qui oeuvre à la défense et à la reconstruction de l'Ukraine.
07:21On va continuer à en parler dans un instant,
07:23et puis on va parler un petit peu de cinéma M. Benké.
07:25Qu'est-ce que vous avez prévu ce matin ?
07:27Avec un film qui va gagner de l'argent à mon avis.

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