• il y a 3 semaines
Avec Nadège Hubert, journaliste et auteure de "À coeurs perdus - Enquête sur la prostitution des mineurs" (Editions de Mareuil)

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##LA_VERITE_EN_FACE-2025-03-06##

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Transcription
00:009h-10h, Sud Radio, La Vérité en face, Patrick Roger.
00:05La Vérité en face jusqu'à 10h.
00:10Ce matin, sur ce livre, A Coeur Perdu, une enquête sur la prostitution des mineurs.
00:17Avec l'une des deux auteurs, Nadège Hubert, journaliste indépendante.
00:23Bonjour.
00:24Vous avez co-écrit ce livre, à partir d'un documentaire aussi.
00:29C'est la suite.
00:30Avec Claude Ardide, journaliste et écrivain que l'on connaît bien sur Sud Radio,
00:34qui est venu à plusieurs reprises nous parler de toutes ces enquêtes,
00:37notamment du côté de Marseille.
00:38Et là aussi, vous nous emmenez du côté de Marseille,
00:41parce que vous avez suivi une brigade qui travaille sur ces sujets de prostitution des mineurs.
00:52J'ai été quand même étonné par les chiffres,
00:55même si c'est difficile de donner des chiffres très précis.
00:58C'est-à-dire qu'au niveau des chiffres, évidemment, on a toujours une fourchette.
01:01C'est-à-dire que c'est compliqué de savoir exactement le nombre de gamines qui se prostituent.
01:07Puisque déjà, cette enquête au départ,
01:09elle a été réalisée dans le département de Seine-Saint-Denis,
01:13sur des adolescentes, mais dans les foyers de l'ASE.
01:17L'ASE, on rappelle ce qu'est l'ASE.
01:20L'aide sociale à l'enfance.
01:21Voilà, c'est ça.
01:22Donc après, les chiffres ont été extrapolés.
01:25C'est pour ça qu'on arrive entre 20 et 30 000.
01:27Mais évidemment, le profil de ces filles, c'est-à-dire qu'elles entrent en prostitution,
01:31elles peuvent y rester pendant trois semaines, en ressortir.
01:34Donc en fait, ça change énormément.
01:36Et parfois, par exemple, elles se prostituent juste pendant quelques semaines,
01:40elles arrêtent totalement, parfois pendant deux, trois, quatre ans.
01:43Donc les profils sont assez variés.
01:45Non, non, mais c'est ce que l'on voit.
01:47Sauf que ce qui est assez zédifiant quand même,
01:49c'est sur l'entrée dans la prostitution,
01:52quand on est mineur.
01:55Alors c'est accéléré par beaucoup de choses,
01:57notamment Internet, etc.
01:59La crise aussi financière.
02:01Le Covid aussi.
02:03Le Covid, et puis beaucoup de jeunes filles et de familles qui sont un peu perdues.
02:08De migrants, notamment, beaucoup à Marseille.
02:11C'est ce que l'on voit énormément.
02:13Et donc, l'exploitation par de jeunes garçons, de ces filles aussi.
02:17Alors, il y a un peu tous les profils,
02:19c'est-à-dire que la prostitution des mineurs,
02:21elle concerne tous les milieux sociaux.
02:23Après, évidemment,
02:25les filles qui sont plus fragiles,
02:27on a tendance à les voir davantage.
02:29C'est-à-dire que les prédateurs, par exemple,
02:32repèrent ces filles au sein des foyers de l'aide sociale à l'enfance.
02:37Donc évidemment, à ce moment-là,
02:39c'est là qu'on verra au premier plan.
02:42Mais par contre, on a aussi l'exemple de familles,
02:44par exemple de Stéphanie et de Léa.
02:47Donc elles, elles sont en Nouvelle-Aquitaine.
02:49Cette famille est plutôt aisée.
02:51Les parents sont divorcés, mais ils s'entendent très bien.
02:54Et donc, cette gamine qui a 15-16 ans va partir à la dérive.
02:58Tout ça parce qu'elle aura fait la mauvaise rencontre au mauvais moment.
03:02Elle allait juste chercher du travail pour l'été,
03:05pour un petit job d'été, comme beaucoup d'adolescentes.
03:08Et puis, elle tombe sur ce garçon qui est un proxénète
03:11et qui va devenir son bourreau.
03:12C'est-à-dire qu'à partir de là,
03:14elle va tomber dans la drogue.
03:16Il y a aussi une emprise chimique
03:18qui est aussi une soumission chimique qui est aussi importante.
03:22C'est un peu des petites Gisèle Pellicot.
03:24On en est là.
03:25C'est-à-dire que, par exemple, même cette gamine,
03:28cette adolescente, Léa, raconte une scène à sa mère
03:32qui est assez édifiante.
03:34Elle est donc dans un lieu.
03:39Et puis, il y a plusieurs clients.
03:42Et elle ne sait pas si elle a été violée
03:44parce qu'elle ne pouvait pas bouger.
03:47Elle ne pouvait pas dire oui ou non.
03:49Mais de toute façon, en dessous de 15 ans,
03:51il n'y a pas de consentement.
03:53Donc, ça, c'est assez clair.
03:55Mais en tout cas, elle ne pouvait pas bouger.
03:57Donc, ça a été assez...
03:59On voit des choses assez édifiantes
04:01et donc dans tous les milieux sociaux.
04:03Mais sauf que...
04:04– Dans tous les milieux sociaux.
04:05C'est ce que vous dites.
04:06Mais on voit bien quand même qu'il y a des milieux sociaux
04:09malheureusement défavorisés
04:11où ça va encore beaucoup plus vite, bien sûr.
04:13Parce qu'on sait qu'en quelques jours...
04:16J'ai vu des témoignages.
04:18En quelques jours, on va gagner de l'argent
04:20que d'autres vont mettre un bout de temps à avoir.
04:24– Exactement.
04:25Mais l'argent, finalement,
04:27ça n'a pas vraiment d'importance pour ces gamines.
04:30En fait, on se rend compte qu'elles ont été aussi victimes
04:32avant de violences.
04:34C'est notamment de violences intrafamiliales.
04:36Et ça, c'est un point important.
04:37Donc, ça n'a pas été repéré.
04:39Et donc, c'est un continuum de violences.
04:41Et donc, il y a des failles qui sont repérées par ces prédateurs.
04:44C'est ça aussi, en fait.
04:45– Alors, les prédateurs, justement.
04:47Comment on rentre dans cette prostitution
04:49quand on est mineur ?
04:50Et quels sont ces prédateurs ?
04:52Parce que j'ai lu des témoignages
04:53où parfois, ce sont des garçons très très jeunes.
04:56– Oui.
04:57Ils ont souvent l'âge de leurs victimes.
05:00Ou alors, ce sont de jeunes majeurs.
05:02Donc, en fait, c'est ces prédateurs.
05:04C'est-à-dire qu'il y a plusieurs profils.
05:06Il y a, par exemple, les petites bandes, un peu de bras cassés,
05:09on explique, par exemple, lors de l'immersion
05:11à la brigade de répression du proxénétisme de Marseille,
05:14où là, ils ont l'occasion.
05:16Et puis donc, ils prostituent une gamine.
05:19Ils ne sont pas vraiment organisés.
05:22En plus, ils laissent des traces partout.
05:24Donc, la police les remonte très facilement, finalement.
05:28Et après, vous avez des équipes
05:30où là, ils sont un peu plus organisés.
05:32Et puis, par exemple, ils ont différents rôles.
05:35Il y a celui qui va repérer la gamine sur Internet.
05:38Parce que les réseaux sont vraiment...
05:41C'est vraiment...
05:43Il faut vraiment que les parents,
05:45que tout le monde comprenne à quel point
05:47les réseaux sociaux sont devenus
05:49le nouveau lieu, en fait, de prédation.
05:51C'est-à-dire que, par exemple,
05:53il y a un autre exemple.
05:55Alors, il n'est pas dans le livre,
05:57mais il y a tellement d'affaires.
05:59Donc, c'est une gamine de 16 ans,
06:01parce qu'il y a aussi la notion de victime auteur.
06:03Donc, c'est une gamine de 16 ans
06:05qui se prostitue avant et qui devient proxénète.
06:07Sur les réseaux sociaux...
06:09Alors, ça doit être TikTok, etc., Snapchat...
06:12Enfin, bref.
06:14Et sur ces réseaux,
06:16donc, elle est à la recherche
06:18de filles fragiles en rupture ou en fugue.
06:20Donc, elle leur propose un peu
06:22le gîte et le couvert.
06:24Malheureusement, les gamines,
06:26elles se disent, bon, voilà,
06:28une âme charitable.
06:30Cette fille-là va m'aider.
06:32Donc, elle rejoigne cette proxénète
06:34et le piège se referme sur elle.
06:36Là, c'est catastrophique.
06:38C'est-à-dire que, pourtant, elles n'ont rien demandé.
06:40Enfin, c'est...
06:42Il n'y a pas eu de...
06:44Vraiment de... Enfin, comment dire ?
06:46Elles rentrent là-dedans.
06:48Elles n'ont rien demandé.
06:50C'est pas... Enfin, voilà.
06:52Maintenant, tous les moyens sont utilisés,
06:54que ce soit les réseaux.
06:56Tous les moyens sont bons, en fait,
06:58pour ces proxénètes.
07:00Et le résultat, ça va très, très vite.
07:02Il y a un exemple aussi à Marseille.
07:04Il y a un homme qui appelle une maman
07:06qui lui dit, il faut que tu viennes.
07:08Ta fille se prostitue.
07:10Elle dit, ben non.
07:12Elle est au collège. Elle est à l'école.
07:14Elle est en train de se prostituer,
07:16en fait, dans la ville.
07:18Tout va très, très vite.
07:20Par exemple, vous faites référence
07:22à la petite Leïla.
07:24Donc, Leïla, en fait,
07:26elle est aussi... Elle a des problèmes
07:28avec sa famille. Elle est en foyer.
07:30Elle fugue. Puis là, elle décide de fuguer.
07:32Donc, elle croise
07:34ses futures proxénètes.
07:36Et puis, tout va très vite.
07:38C'est-à-dire qu'il suffit, en fait, d'un téléphone portable.
07:40Un téléphone portable,
07:42une annonce, 50 euros,
07:44et c'est ailleurs. C'est-à-dire que maintenant,
07:46vous n'avez même pas besoin, forcément.
07:48Beaucoup se servent des Airbnb,
07:50de ces appartements.
07:52C'est ce qu'on allait dire, où ça se passe.
07:54Il y a quelques années, par exemple, on avait appris
07:56qu'il y avait ce phénomène des tournantes dans les cités.
07:58Alors, c'était un peu différent,
08:00mais c'est aussi
08:02sur le même schéma.
08:04C'est-à-dire qu'effectivement,
08:06il y a les appartements Airbnb.
08:08Ils changent assez souvent. Parfois, ils restent une semaine.
08:10Et puis, ils changent aussi de ville.
08:12Mais pas qu'aujourd'hui.
08:14Par exemple, ils peuvent
08:16aménager une voiture, le coffre d'une voiture.
08:18Une banquette. Ils mettent
08:20un espèce de petit matelas
08:22et ça fera l'affaire. Ou alors,
08:24ils peuvent aller chez les clients, de plus en plus.
08:26Ils se déplacent.
08:28Et c'est ça qui...
08:30La prostitution n'est plus dans la rue.
08:32Ça, c'est terminé. En plus,
08:34c'est une génération 2.0.
08:36Donc, tout se fait
08:38sur le net. On parle
08:40d'ubérisation de la société.
08:42C'est tout à fait ça.
08:44Y compris dans le sexe.
08:46Et dans la
08:48prostitution, bien sûr.
08:50Alors, quand on est mineur
08:52et qu'on tombe, évidemment, dedans,
08:54est-ce qu'après, on peut quand même...
08:56C'est l'une des questions.
08:58S'en sortir, échapper à ces...
09:00Vous avez dit, ces prédateurs, ces bourreaux.
09:02Alors, c'est très difficile. C'est très long
09:04puisque déjà,
09:06ce sont des victimes qui ne se
09:08reconnaissent pas au départ comme victimes.
09:10Il faut du temps
09:12et un accompagnement.
09:14C'est-à-dire que quand on voit...
09:16Pourquoi ? Parce qu'elles sont plus ou moins droguées ?
09:18Parce qu'elles sont prises par...
09:20C'est une façon de se protéger.
09:22Il y a une vraie emprise. Parce que parfois,
09:24on appelle ça de l'amour.
09:26On n'appelle pas vraiment ça de l'amour.
09:28C'est de l'emprise, en fait.
09:30Le proxénète a de l'emprise.
09:32Donc, ces jeunes filles,
09:34parfois, qui même témoignent en faveur
09:36de leur proxénète, ça peut arriver.
09:38Et donc,
09:40effectivement,
09:42il y a cette espèce d'emprise.
09:44Et puis, on voit bien que le système
09:46de santé est déficient.
09:48Il y a vraiment de gros soucis en France.
09:50Elles aussi, elles bâtissent de ça.
09:52Il y a des traumatismes.
09:54Un traumatisme qui est celui
09:56d'un viol. C'est-à-dire qu'elles le disent.
09:58Une fois qu'elles ont compris
10:00que c'était de l'emprise,
10:02elles mettent les mots et elles parlent de viol.
10:04Il y a une décorporation.
10:06Il y a le cerveau qui disjoncte.
10:08C'est exactement les mêmes conséquences.
10:10Pour vous faire une idée, par exemple,
10:12il y avait une jeune fille aussi,
10:14une jeune ado.
10:16C'était 10 clients par jour.
10:18Elle s'est prostituée 3 semaines. 210 clients.
10:20Donc, vous dites
10:22210 viols, en fait.
10:24Donc, déjà, pour une femme,
10:26déjà, juste un viol,
10:28c'est déjà dramatique, c'est déjà compliqué
10:30de se sortir de ça.
10:32Imaginez, pour de jeunes adolescentes
10:34en construction,
10:36elles ne voient que de la violence.
10:38Il faut vraiment comprendre que les clients
10:40ont un rôle aussi qui est déterminant.
10:42Mais est-ce que les clients,
10:44ce n'est pas une excuse, mais est-ce que les clients
10:46savent, sont au courant que ce sont
10:48des mineurs également ?
10:50Est-ce qu'ils réclament, entre guillemets, sur ces réseaux,
10:52sur ces proxos,
10:54des mineurs ?
10:56Là aussi, il y a plusieurs profils.
10:58Vous avez les clients
11:00qui, par exemple, vont
11:02sur le net.
11:04Ils consultent
11:06tous les sites, évidemment, qui proposent ce genre de service.
11:08Au départ, ils voient des photos
11:10et on ne met jamais
11:12moins de 18.
11:14Donc, d'emblée,
11:16parfois, ce sont des photos où on ne voit
11:18qu'une partie de leur corps.
11:20Parfois, ce ne sont même pas
11:22les photos des victimes.
11:24Donc, eux vont dessus.
11:26Ils vont pour une prestation.
11:30Et puis après,
11:32ils rencontrent cette fille. Alors là, il y a plusieurs choses.
11:34Soit les clients,
11:36et c'est un peu dans le procès notamment de Pontoise,
11:38où six clients ont été
11:40condamnés.
11:42Sur les six, il y en a un qui a été
11:44relaxé, mais les cinq autres ont été...
11:46Enfin, il y avait six accusés.
11:48On voit, eux,
11:50ils disent
11:52souvent, on ne l'a pas vu.
11:54Il faisait un peu noir.
11:56C'était dans la pénombre.
11:58Elle était très maquillée.
12:00Donc, il y a toujours une bonne excuse.
12:02Et ça,
12:04on se rend compte qu'il y a ces clients-là.
12:06Il y a d'autres clients qui
12:08se rendent compte qu'elle est mineure
12:10et qui vont, par exemple,
12:12aller voir le commissariat, téléphoner,
12:14comme ça s'est passé, et qu'ils vont dénoncer.
12:16Il y a d'autres clients qui y vont
12:18et qui s'en fichent. Et d'autres clients qui
12:20y retournent parce qu'ils savent justement qu'elle est mineure.
12:22Et donc là, c'est encore une autre
12:24perversion. C'est déjà au départ
12:26une relation entre les garçons et les filles qui est
12:28très problématique.
12:30Et là, en plus, ils y retournent et qu'elle
12:32est mineure.
12:34Là, c'est de la
12:36pédocriminalité. Mais comme on
12:38paye, finalement, on a l'impression que l'argent
12:40achète le consentement.
12:42On va poursuivre avec vous, Nadège Hubert. Si vous voulez
12:44poser des questions, d'ailleurs, dans La Vérité en Face,
12:460 826 300 300.
12:48Et là, c'est véritablement La Vérité en Face.
12:50Notamment aussi, sur un point
12:52que je reviendrai, vous dites que
12:54il y a trois traits communs
12:56entre l'inceste et la prostitution.
12:58On va voir ça, l'argent, la loi du silence,
13:00ce que vous avez évoqué,
13:02et l'aspect sacrificiel également.
13:04Nous en parlons.
13:06Ça concerne plusieurs milliers de jeunes filles
13:08sur notre territoire.
13:10Et ça, c'était dans votre doc,
13:12je crois, qui disent au juge
13:14de toute manière, moi, en deux jours, trois jours,
13:16je gagne. Ce que vous, vous gagnez, vous mettez
13:18un mois à gagner.
13:20Ça va jusque-là également
13:22dans les déclarations.
13:24Elles tombent souvent sous la coupe,
13:26ce que vous avez expliqué tout à l'heure,
13:28de très jeunes.
13:30Qui ont 15, 16 ans.
13:32Et là, j'aimerais qu'on en parle.
13:34Il y a un parallèle avec
13:36les narcotrafiquants, les trafiquants,
13:38évidemment, de drogue. Il est 9h44,
13:40nous en parlons encore sur Sud Radio.
13:429h10,
13:44Sud Radio, la vérité
13:46en face, Patrick Roger.
13:48La vérité en face, une enquête sur la
13:50prostitution des mineurs.
13:52C'est ce livre qui sort aujourd'hui,
13:54issu de Doc Télé,
13:56avec Nadège Hubert et Claude Arlide.
13:58Nadège Hubert, vous êtes avec nous
14:00sur ce livre.
14:02Cette édition, en fait, Mareuil,
14:04très édifiant, parce que, vous dites, c'est un phénomène
14:06qui a progressé d'environ 70%.
14:08C'est ça, en l'espace de quelques années,
14:10en moins de 10 ans, bien sûr.
14:12Accentué, accéléré, probablement
14:14par les réseaux sociaux,
14:16la téléréalité,
14:18la crise, peut-être, aussi,
14:20bien sûr, dans notre pays.
14:22Et peu de réponses à cette
14:24prostitution des mineurs, aujourd'hui.
14:26C'est-à-dire que
14:28on a pris conscience du problème
14:30assez tard.
14:32Adrien Taquet
14:34a mis, quand même, en place un plan
14:36de lutte
14:40contre le système
14:42prostitutionnel.
14:44Mais après, il est parti.
14:46Et après, il a laissé
14:48un peu le dossier ouvert sur la table.
14:50Et on voit bien qu'avec
14:52les gouvernements successifs,
14:54et puis l'état, un petit peu,
14:56de notre pays, c'est un peu compliqué.
14:58Et aujourd'hui, on se pose
15:00la question. Qu'est-ce qui va se passer
15:02pour toutes ces victimes ?
15:04Combien de victimes
15:06encore faut-il
15:08pour qu'il y ait un vrai sursaut ?
15:10Parce qu'il y a eu ces victimes, mais il y en a de nouvelles
15:12qui arrivent en permanence, qui tombent dedans.
15:14Ça rejoint, je faisais le parallèle
15:16tout à l'heure avec la drogue,
15:18mais il y a un parallèle incontestable,
15:20bien sûr, entre les
15:22narcotrafiquants qui sont très organisés,
15:24bien sûr, et la prostitution
15:26de ces filles. Pas que des filles, d'ailleurs.
15:28On peut parler aussi de jeunes garçons.
15:30Les garçons,
15:32c'est vraiment minime
15:34par rapport aux filles. On va dire
15:36que les filles, ça représente
15:3880% des victimes.
15:40Mais même si, chez les garçons,
15:42ça a tendance à augmenter.
15:44Souvent des gens qui sont rejetés,
15:46dans leur
15:48quartier,
15:50ou dans leur communauté,
15:52et donc, ils tombent dans la
15:54prostitution.
15:56Mais nous, c'est vrai
15:58que le cœur du sujet, c'était aussi cette
16:00relation entre les filles et les garçons.
16:02D'essayer de comprendre pourquoi
16:04des hommes, parce que souvent, ce sont des hommes
16:06les clients, dans l'écrasante majorité,
16:08pourquoi ils achètent
16:10le corps de ces femmes, de ces filles,
16:12de ces adolescentes.
16:14Et parfois, ça peut être des enfants, quand elles ont 11,
16:1610 ans.
16:18Ah, ça va jusqu'à 11, 12 ans ?
16:20Je n'en ai pas vu beaucoup de cités dans votre livre.
16:22Non, parce que c'est assez rare.
16:24C'est plutôt les procureurs qui vont nous
16:26parler de ces histoires, mais c'est
16:28rare, mais ça peut exister.
16:30Et là, on parle d'enfants, quand elles ont
16:3210, 11 ans.
16:34Elles rentrent à peine dans l'adolescence,
16:36et là, on en a de plus en plus,
16:3812, 13 ans. Normalement, c'est plutôt
16:40entre 14 et 17.
16:42Mais en tout cas, pour en revenir
16:44au...
16:46À ce que vous désirez, au parallèle avec
16:48le trafic de drogue.
16:50C'est-à-dire que souvent, tout est lié.
16:52Dans ces affaires de prostitution,
16:54de la drogue, et des armes aussi.
16:56Les armes permettent
16:58de soumettre,
17:00par exemple, celles qui ne
17:02voudraient pas s'adonner à la prostitution,
17:04mais aussi à une protection.
17:06Puisqu'il y a une affaire d'argent aussi,
17:08dans ces histoires.
17:10C'est quand même du flux.
17:12C'est quand même énormément d'argent,
17:14liquide.
17:16Oui, oui.
17:18Et comme il y a beaucoup d'argent, est-ce qu'il y a cette conscience
17:20aussi, de la part de ces jeunes filles,
17:22du fait qu'elles
17:24se mettent en danger, bien sûr.
17:26Vous avez parlé d'équivalent de viol,
17:28tout à l'heure, quand elles font des dizaines
17:30et des dizaines de passes, bien sûr.
17:32Est-ce qu'elles en ont conscience ?
17:34J'ai l'impression, en lisant quelques témoignages,
17:36que pas toujours, finalement. Elles vivent...
17:38C'est une forme d'inconscience, quoi.
17:40Non ? Oui, et puis il faut se rappeler que ce sont
17:42des adolescentes.
17:44Et effectivement, il y a une certaine
17:46inconscience au départ.
17:48Mais après, c'est le corps
17:50qui va réagir d'une façon
17:52à ce qu'elle
17:54supporte ces viols
17:56successifs.
17:58C'est-à-dire la décorporation,
18:00elles ont l'impression de sortir
18:02de leur corps, le cerveau qui
18:04disjoncte, comme je disais
18:06tout à l'heure.
18:08Et puis après, parfois,
18:10on voit bien que les magistrats,
18:12que les officiers
18:14de police ne comprennent pas
18:16pourquoi,
18:18quand elles sortent de prostitution
18:20pendant quelques temps, une ou deux semaines, elles repartent.
18:22Alors ça, c'est un effet
18:24dû au traumatisme.
18:26C'est-à-dire que le corps
18:28est dans une telle
18:30ultra-vigilance
18:32quotidienne
18:34que
18:36tout court-circuit, elles vont
18:38rechercher ce traumatisme.
18:40De nouveau. De nouveau, en fait.
18:42Pour rejouer aussi cette scène
18:44et pour essayer d'avoir un contrôle qu'elles n'auront jamais.
18:46Et puis toujours aussi sous la coupe
18:48de prédateurs.
18:50D'autres, souvent des jeunes garçons.
18:52C'est ça qui les entraîne,
18:54parce qu'il y a un sentiment peut-être aussi
18:56de confiance dans ces...
18:58Souvent c'est des petits copains,
19:00pas tout le temps, mais ça l'est aussi un petit peu.
19:02Il y a ça, c'est vrai que
19:04certains appellent ça
19:06des loverboys.
19:08Comme il n'y a pas
19:10d'amour, à un autre sens, c'est
19:12plutôt...
19:14C'est intitulé ainsi par les enquêteurs.
19:16Pour ces gamines,
19:18elles ont de l'attention, au début.
19:20Parce qu'au départ, ils n'arrivent pas comme ça.
19:22Parfois, ils y vont doucement.
19:24Ils leur donnent de l'attention,
19:26des cadeaux.
19:28Elles ont une certaine importance. C'est ça aussi
19:30qu'elles réclament. Elles veulent de l'attention,
19:32de l'amour. C'est ça
19:34qui va évidemment
19:36les précipiter dans ce gouffre.
19:38Effectivement, oui.
19:40On a parlé de Marseille,
19:42parce que c'est vrai que vous avez beaucoup suivi
19:44une brigade spécialisée à Marseille.
19:46Votre livre, d'ailleurs, commence par l'histoire
19:48de Wali, qui est un ado
19:50d'origine afghane, qui est complètement dedans,
19:52qui a du mal à se rendre compte totalement de ce qu'il fait.
19:54Oui,
19:56Wali,
19:58c'est un garçon. C'est vrai que quand on le voit,
20:00bon, après, il sortait des
20:02geôles. Il était dans un état
20:04un petit peu...
20:06Les cheveux décoiffés,
20:08enfin, ils étaient sales.
20:10Ils étaient dans un état... Ils n'avaient pas beaucoup dormi,
20:12je pense. Donc, oui,
20:14il ne se rende pas compte.
20:16Et encore, Wali, ce n'est pas le proxénète
20:18violent.
20:20On voit, en fait, qu'il a fait ça
20:22parce qu'il a été entraîné par le groupe
20:24aussi, parce qu'ils s'entraînent entre eux,
20:26que finalement, il
20:28aurait pu faire autre chose.
20:30Oui, c'est ça.
20:32Je fais ça comme autre chose,
20:34surtout parce que ça me permet de gagner
20:36beaucoup d'argent très vite.
20:38Et donc, on parle de Marseille,
20:40mais ce n'est pas que Marseille
20:42ou la Seine-Saint-Denis que vous avez évoquée.
20:44Ça a lieu, et c'est ça
20:46qui est assez édifiant dans votre
20:48livre, un peu partout sur tout le territoire,
20:50y compris dans des petites villes,
20:52dans des milieux un peu plus ruraux.
20:54C'est ça. On se rend compte, en fait,
20:56que ça touche vraiment tous les territoires.
20:58Par exemple,
21:00Grenoble...
21:02Alors, Grenoble, c'est...
21:04Oui, c'est sûr,
21:06mais c'est-à-dire que c'est toute l'Isère.
21:08Évidemment, tout est jugé à Grenoble,
21:10mais c'est vraiment... On voit que toute
21:12l'Isère, et puis en plus, l'Isère, c'est
21:14beaucoup aussi de petites villes.
21:16Et tout ce qui est ville à côté de frontières.
21:18Par exemple,
21:20comme je connais très bien Metz,
21:22Metz,
21:24ils ont mis beaucoup de temps à
21:26comprendre qu'il y avait aussi, dans cette ville,
21:28plutôt bourgeoise, de la
21:30prostitution. Donc, on
21:32voit, en fait, qu'il y a aussi un engouement...
21:34Par exemple, quand vous avez des
21:36colloques qui
21:38sont organisés, par exemple,
21:40il y a quelques années,
21:42personne... C'était compliqué
21:44pour remplir les salles de ces colloques.
21:46Aujourd'hui, il y a
21:48tellement de place qu'il faut même faire
21:50des visios pour que tout le monde puisse
21:52assister aux colloques. Donc, on se sent...
21:54Assister aux colloques sur quoi ?
21:56Sur le phénomène de la prostitution.
21:58Montrant qu'évidemment, ça devient
22:00de plus en plus important. Vous avez parlé de Metz.
22:02Il y a un témoignage d'un chef d'entreprise
22:04dans le nord de la France aussi. Le ciel lui est tombé
22:06sur la tête quand il a appris que sa fille
22:08était tombée dans cet enfer.
22:10Oui. Là aussi,
22:12il a même écrit un livre avec sa fille.
22:14Donc, c'est
22:16Thierry Lacroix et Nina.
22:18Donc, oui, c'est
22:20une famille... Alors, eux, ils ne sont pas
22:22divorcés. Elles mentent.
22:24Plutôt bourgeoise.
22:26Et donc, elles tombent
22:28dans cet enfer.
22:30Parfois,
22:32ça commence à l'école avec du harcèlement.
22:34Aussi,
22:36il peut y avoir des viols.
22:38Une fête qui tourne
22:40très mal. Il y a un viol. Et c'est là
22:42qu'on commence à casser ces gamines.
22:44Et d'autant qu'on est fragile à cet âge-là.
22:46Et la fragilité
22:48psychologique, bien sûr,
22:50qui est terrible. Merci beaucoup
22:52Nadej, Hubert, Cotter,
22:54avec Claude Ardide, de ce livre
22:56« Perdus. Enquête sur la prostitution des mineurs ».
22:58C'est aux éditions Mareuille.
23:00Et c'est piloté par un ancien magistrat,
23:02grand magistrat, Jacques
23:04d'Aleste, évidemment.
23:06Merci. Dans un instant, c'est Valérie
23:08Expert. Valérie Expert
23:10avec Gilles Gansman sur
23:12les débats. Et puis, tout gros programme,
23:14bien sûr, jusqu'à ce soir.

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