Il vient de tenir des propos très inquiétants sur l'industrie automobile européenne qu'il estime "en danger de mort" : Stéphane Séjourné, vice-président de la Commission européenne, ancien ministre des Affaires étrangères et conseiller d'Emmanuel Macron à l'Elysée, répond aux questions de Yves Calvi et Agnès Bonfillon.
Regardez L'invité pour tout comprendre avec Yves Calvi du 05 mars 2025.
Regardez L'invité pour tout comprendre avec Yves Calvi du 05 mars 2025.
Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:00RTL Soir, Yves Calvi et Agnès Bonfillon.
00:03Il est 18h45, bonsoir Stéphane Séjourné.
00:06Bonsoir.
00:07Merci de nous rejoindre sur RTL.
00:08Vous êtes vice-président de la Commission Européenne,
00:10vous avez aussi été notre ministre des Affaires étrangères,
00:13en plus d'avoir conseillé Emmanuel Macron à l'Élysée.
00:15Vous venez de tenir des propos très inquiétants
00:18sur l'industrie automobile européenne,
00:19que vous estimez en danger de mort.
00:21Expliquez-nous Stéphane Séjourné.
00:23Oui, la filière de l'automobile est en danger de mort.
00:26Si on n'agissait pas,
00:27la filière a des problèmes de demande,
00:31des problèmes de compétitivité liés au prix de l'énergie,
00:34liés au prix des matières premières.
00:36C'était la responsabilité de la Commission Européenne
00:38de pouvoir agir dans les 100 premiers jours
00:40de la nouvelle Commission.
00:42La Commission a proposé son premier plan sectoriel
00:46de la mandature,
00:47et il l'a dédié à l'automobile,
00:51qui en a bien besoin,
00:52avec un certain nombre de mesures d'urgence,
00:55des mesures choc également,
00:57qui doivent pouvoir permettre d'avoir plus de demandes
01:00dans les carnets de commande des constructeurs automobiles,
01:03mais aussi de sécuriser
01:04nos approvisionnements de matières premières,
01:06mais aussi de financer une partie
01:08et d'accompagner le secteur de l'automobile.
01:10Bref, on a une dizaine de grosses réformes
01:13à proposer dans la période,
01:17et donc j'ai présenté ce plan de réforme
01:20ici à Douai, dans l'usine Renault,
01:23qui est aussi un exemple d'investissement.
01:25Mais Stéphane, ces journées France, Allemagne, Italie,
01:28trois pays historiquement majeurs
01:30dans l'industrie automobile, ça c'est fini ?
01:33Non, il y a toujours un futur,
01:36un futur, une fierté aussi,
01:39qui doit être retrouvé de l'automobile européenne.
01:42On a mis les moyens avec plus de flexibilité,
01:45puisqu'on a donné de la flexibilité sur les amendes,
01:48les fameuses amendes que devaient payer les constructeurs
01:51s'ils n'arrivaient pas à leurs objectifs,
01:53et donc la commission donnera de la flexibilité
01:55pour éviter de sanctionner des constructeurs
01:57qu'on veut aider par ailleurs.
01:58C'était le paradoxe du moment.
02:00Et puis on va également financer tout un tas de secteurs,
02:03je pense à la batterie, on met 1,8 milliard sur la batterie,
02:06c'est 40% du prix de la voiture aujourd'hui.
02:09La batterie, ce qui doit nous permettre également
02:12de mettre des composants européens,
02:14et c'est l'apparition du Made in Europe
02:16dans les textes européens, c'est une première,
02:18c'est une petite révolution pour l'Europe,
02:20mais tous nos concurrents, partout dans le monde,
02:22que ce soit les Etats-Unis, la Chine, l'Inde, le faisaient,
02:25et donc on s'est battus aussi à la commission,
02:28ces textes passeront au Parlement européen,
02:30devant les co-législateurs aussi au Conseil,
02:32et il nous faudra du soutien pour soutenir cette filière.
02:35On revient tout de suite sur l'électrique,
02:37parce que de toute façon c'est passionnant
02:38et c'est un enjeu majeur,
02:39mais je reviens quand même sur ceux qui travaillent
02:41dans ce secteur, de nombreux sites de production
02:43sont menacés de fermeture,
02:45c'est un secteur qui emploie 13 millions de personnes en Europe.
02:47Comment on va empêcher cette casse sociale ?
02:49De toute façon, on ne va pas basculer
02:51du jour au lendemain, du classique
02:53à l'électricité pour ces 13 millions d'employés.
02:56Non, on fait justement de la transition,
02:59donc la Commission européenne a proposé
03:01un certain nombre de plans,
03:02y compris dans les transformations
03:04et les changements de modèles des entreprises,
03:06d'accompagnement,
03:08et y compris on donne de la flexibilité
03:10aujourd'hui aux constructeurs
03:13pour pouvoir proposer des gammes de véhicules
03:15qui sont adaptées.
03:17L'électrification...
03:18Pardonnez-moi, ça veut dire quoi donner de la flexibilité ?
03:20Je pense à nos auditeurs,
03:21parce que je pense que ce terme est difficile à...
03:24C'est-à-dire qu'il faut qu'on puisse avoir
03:26de la neutralité technologique aussi,
03:28que certains,
03:30les politiques ne sont pas des industriels,
03:33et donc c'est aux industriels de décider
03:35et de proposer des technologies neutres
03:39en carbone,
03:40qui vont dans les objectifs européens évidemment,
03:43mais c'est à eux aussi,
03:45qui prennent le risque économique et industriel,
03:47et donc on donnera,
03:49et on n'enfermera pas dans une logique,
03:51il y a l'hydrogène, il y a l'électrique,
03:53il y a un certain nombre de gammes intermédiaires
03:55pour arriver à 2035 qui sont possibles,
03:58l'hybride, l'hybride rechargeable,
04:00bref, tous ces sujets seront...
04:03On a laissé un peu de flexibilité
04:05pour permettre aussi la transition,
04:07et puis surtout,
04:09ce qui est important de dire,
04:11c'est que cette stratégie d'électrification,
04:13c'est une stratégie économique avant tout,
04:16on ne produit pas de gaz ni de pétrole
04:18sur le territoire européen, ou très peu,
04:20et donc il faut absolument
04:22que nous produisions de l'électricité nous-mêmes,
04:24on a une vraie stratégie de décarbonation,
04:26la stratégie de décarbonation
04:28c'est devenu une stratégie économique pour nous,
04:30et donc le modèle de l'automobile
04:32doit changer également,
04:34si on ne veut pas dépenser 600 milliards d'euros par an,
04:37uniquement en achat d'hydrocarbures
04:40à l'étranger,
04:41ces 600 milliards d'euros qu'on ne retrouve pas
04:43dans notre économie,
04:45ni en emploi, ni en impôts, ni en TVDA,
04:47ni en économie indirecte,
04:50et donc ces 600 milliards
04:52qu'on n'utilise pas pour l'éducation,
04:54la santé, et la compétitivité de nos boîtes.
04:57Stéphane, ces journées fabriquées davantage en Europe,
05:00est-ce que ça va réellement nous aider
05:02à gagner la bataille de l'électrique,
05:04parce que ces voitures sont souvent considérées
05:06comme trop chères par rapport à leur équivalent thermique,
05:09comment faire pour inciter les automobilistes
05:12à sauter le pas ?
05:14Il faut que le prix descende déjà,
05:16et donc on va booster la demande.
05:1860% des achats de véhicules neufs
05:21sont des achats de flottes professionnelles,
05:24et donc nous allons proposer
05:27un verdissement des flottes professionnelles
05:29de véhicules d'entreprise plus rapide,
05:31ce qui permettra d'avoir plus de commandes
05:34chez les constructeurs,
05:35et y compris plus de commandes il y a,
05:38plus le prix de la voiture descend,
05:40il y a des économies d'échelle à faire,
05:42et il y a de la technologie qui est réinvestie
05:45dans la recherche et le développement qu'on aidera.
05:47Il est particulier dans tout ça ?
05:48Ils auront leur aide aussi ?
05:50Évidemment que dans le plan,
05:52il y a des recommandations qui sont fiscales,
05:54mais la compétence est nationale,
05:56la Commission européenne n'a pas de compétence fiscale,
05:58mais il y a des recommandations fiscales
06:00sur le bonus-malus, sur le leasing social
06:02qui sont faites aux Etats membres,
06:03et il y aura un gros effort de la part de la Commission
06:05pour essayer d'harmoniser ces dispositifs,
06:08et d'avoir un effet global
06:10sur l'ensemble du marché européen.
06:12Le marché européen, c'est quand même
06:13450 millions de consommateurs,
06:16et donc nous avons les capacités aujourd'hui
06:18de remplir le carnet de commandes
06:20des industriels et notamment de l'automobile.
06:23On a aussi la capacité de créer
06:25un marché secondaire de la voiture d'occasion,
06:27en permettant aux flottes professionnelles
06:29de se verdir plus rapidement.
06:31Vous savez, c'est des voitures qui restent
06:332-3 ans dans les parcs automobiles professionnels,
06:37et qui après ont une deuxième vie
06:39dans le marché de l'occasion.
06:41Il n'y a pas de marché de l'occasion
06:43de l'automobile électrique,
06:44c'est un marché qui est trop récent,
06:46et donc c'est l'occasion pour nous
06:48d'avoir aussi des gammes de véhicules
06:49qui sont accessibles aux classes moyennes.
06:51En quelques mots, s'il vous plaît,
06:52ce sera la dernière question,
06:53et je m'adresse à notre ancien ministre
06:54des Affaires étrangères.
06:55Le président Macron prend la parole
06:57dans un peu plus d'une heure.
06:58Que doit-il nous dire, selon vous ?
07:01C'est en dehors de ma compétence maintenant,
07:03mais en tout cas, je peux vous dire
07:05que les tensions géopolitiques,
07:07aujourd'hui, effraient à la fois
07:10la question du business,
07:12et notamment pour ce qui est de l'automobile,
07:14créent une forme d'incertitude.
07:17Il y a besoin, je pense,
07:19dans la période de stabilité.
07:21L'Europe est un pôle de stabilité.
07:23On l'a beaucoup critiqué,
07:24pour ses règles, ses normes.
07:26On est en train de simplifier
07:28beaucoup la bureaucratie européenne.
07:29On a tout un tas de textes qui sortent.
07:31Mais l'Europe doit rester ce pôle
07:34de stabilité diplomatique, économique.
07:37C'est notre force.
07:38Je pense que le président de la République
07:40a un rôle à jouer là-dessus,
07:42et un rôle de leadership,
07:43puisqu'il nous faut retrouver
07:46un leadership européen
07:48pour aussi incarner les valeurs démocratiques
07:50qui nous font tant défaut aujourd'hui.
07:52Vous nous avez répondu.
07:53Merci beaucoup Stéphane Séjourné.
07:54Je rappelle que vous êtes vice-président
07:56de la Commission européenne.
07:57Dans un instant,
07:58pour le Breaking News de Marc-Antoine Lebray.