À l'aube d'un nouveau mandat de Donald Trump à la présidence des États-Unis, Stéphane Séjourné, vice-président exécutif de la Commission européenne à la Prospérité et à la Stratégie industrielle, est l'invité du Grand entretien ce lundi 20 janvier. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-lundi-20-janvier-2025-1649881
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00:00Et avec Léa Salamé, nous recevons ce matin le vice-président exécutif de la Commission
00:05Européenne, chargé de la prospérité et de la stratégie industrielle.
00:10Questions, réactions, 0145 24 7000 et application Radio France.
00:17Stéphane Séjourné, bonjour.
00:18Bonjour à vous deux.
00:19Bonjour.
00:20Soyez le bienvenu sur Inter.
00:21On est heureux de vous entendre parce que depuis votre nomination à l'un des plus
00:26gros postes de la Commission Européenne, vous avez très peu parlé.
00:31C'est une de vos premières interviews et on a beaucoup de questions à vous poser.
00:35On va évidemment commencer par cette journée qui verra dans quelques heures l'arrivée
00:41au pouvoir de Donald Trump.
00:43Comment qualifiez-vous l'homme qui sera investi aujourd'hui 47e président des États-Unis ?
00:51Lui et son administration sont encore les alliés de la France, sont encore les alliés
00:56de l'Europe.
00:57Ils sont nos amis ?
00:58D'abord oui, les Américains restent nos alliés, mais ils vont défendre encore plus
01:03leurs intérêts et mettre en place ce qui avait déjà en réalité commencé avec l'administration
01:11précédente, c'est-à-dire un désengagement aussi des Américains un peu partout sur tous
01:16les continents, notamment en Europe, je pense notamment au sujet de la défense qui va être
01:22un véritable sujet.
01:23Défense des intérêts économiques, l'Europe a une balance commerciale avec les États-Unis
01:28qui est favorable aux Européens, on le sait peu, mais nous vendons énormément de produits
01:33manufacturés aux États-Unis et cette stratégie américaine qui veut un rééquilibrage des
01:39relations commerciales, il va falloir que les Européens puissent défendre leurs intérêts
01:44dans cette discussion.
01:45Alors évidemment on attend des interlocuteurs, on a pris des contacts déjà avec l'administration
01:50qui va arriver aujourd'hui, nos services ont été instruits, l'administration européenne
01:55a été instruite avec à la fois des éléments défensifs et offensifs qu'il faudra mettre
02:00en place dans cette discussion.
02:01On a préparé pendant les vacances de Noël et jusqu'à présent l'ensemble de ces négociations
02:07qui vont venir, mais les Européens doivent rester unis, c'est peut-être le message
02:11principal aujourd'hui qu'il faut passer au chef d'État et de gouvernement.
02:14Donc ceux qui disent « Où est la Commission européenne ? », « On n'entend pas Ursula
02:18von der Leyen », « Où elle est ? », « On entend les attaques de Musk, de Trump, etc.
02:22», mais on n'entend pas l'Europe, vous vous dites « L'Europe est là et on est
02:25là et on va se faire entendre ».
02:26Oui, de toute façon il faut des interlocuteurs pour commencer les discussions et donc on
02:30n'a pas préempté un certain nombre de négociations, il y a l'unité européenne
02:35qui est à mettre en place, on est dans un système asymétrique avec les Américains.
02:39Le président américain est élu, récemment élu, il prend ses fonctions aujourd'hui,
02:44les Européens, il faut, toujours très complexe, la maillotique européenne, il faut pouvoir
02:48aligner 27 points de vue, il faut que la Commission puisse faire des propositions qui sont crédibles,
02:53parce que ça ne sert à rien de venir sur les plateaux télé ou sur les chaînes info
02:57pour expliquer ce que nous allons faire si ce n'est pas crédible derrière et qu'on
03:00est désavoué par le Conseil européen, donc ça veut dire les chefs d'État et le gouvernement
03:03juste après.
03:04Donc il faut qu'on ait une parole crédible, pour avoir une parole crédible, ça nécessite
03:09un temps de négociation et de concertation avec les Européens pour avoir cette parole
03:13et puis la Commission oeuvrera pour défendre les intérêts des Européens.
03:18Je dis juste un mot sur la question de la défense, il y a des opportunités dans cette
03:22discussion, dans cette négociation, notamment la question d'une deuxième assurance vie
03:28après l'OTAN qui est l'Europe de la défense, il faut qu'on puisse saisir cette opportunité,
03:33les Américains veulent se désengager de l'Europe pour se rediriger vers le Pacifique.
03:38Vous dites que c'est le moment de la faire ?
03:39C'est le moment de faire aussi la défense européenne sur ces questions-là et ça c'est
03:43un vrai débat.
03:44Mais quand vous entendez Pierre Aski, on change véritablement de monde et on ne s'en
03:47rend pas compte.
03:48On change de monde aujourd'hui !
03:49Et attention ça va secouer !
03:51Et attention ça va secouer ! Votre successeur au Quai d'Orsay, Jean-Noël Barraud nous
03:55disait à ce micro, c'est l'avènement d'une nouvelle ère où désormais ce sera
03:58la loi du plus fort, c'est ça qui va se passer dans les prochains jours.
04:02Là il va prendre 100 décrets, on le sait, il l'a dit Donald Trump dès son arrivée
04:05va signer 100 décrets.
04:06C'est la loi du plus fort, ça va être dense et sans décret, le début de la guerre commerciale
04:11avec l'Europe, vous vous attendez à ça ?
04:12Justement, les discussions ont commencé sur, je pense qu'il ne faut pas faire attention
04:18parce que la question des droits de douane est aussi un levier de négociation sur d'autres
04:22sujets.
04:23Donc il y a une volonté de rééquilibrage commercial certes et puis il y a la volonté
04:27des Américains, les Européens prennent en charge leur destin et notamment leur garantie
04:32de sécurité commune.
04:33C'est la question de la défense.
04:36Il va y avoir la question qui va être posée aux Européens, notamment sur l'Ukraine,
04:41qui est en charge du respect de la paix, quels sont les troupes qui sont sur cette
04:45eau de tampon éventuellement, si la paix est déclarée, s'il y a des négociations
04:49entre la Russie et l'Ukraine.
04:50Et vous, vous souhaitez quoi ? Que ce soit les troupes européennes ou des troupes de
04:53l'OTAN ?
04:54C'est un débat justement européen.
04:55Et quelle est la position du numéro 2 de la Commission européenne ?
04:58Certains disent qu'il faut absolument convaincre les Américains de rester en Europe et de
05:02garder cette ombrelle de sécurité auprès des Européens, c'est notamment les pays
05:06de l'Est, etc.
05:07Et puis d'autres, comme les Français, veulent avoir une vraie défense européenne.
05:11Moi, vous connaissez ma position.
05:12On va oeuvrer pour qu'on puisse justement construire l'Europe de la défense dans les
05:17prochaines années.
05:18Il nous faut du temps.
05:19Mais on ne peut pas avoir une guerre commerciale et en même temps construire l'Europe de
05:24la défense.
05:25Et on voit bien les débats qu'il y a sur les budgets nationaux pour trouver de l'argent
05:30et puis surtout développer l'industrie européenne.
05:33Et donc le deal avec les Américains, si je peux dire les choses de manière simple...
05:37Vous savez, vous parlez comme lui ! Vous parlez de deal !
05:40De manière simple, c'est oui pour un des engagements et oui surtout pour construire
05:46les garanties de sécurité européennes avec les Européens en plus de l'OTAN.
05:50Néanmoins, nous ne pouvons pas le faire avec une guerre commerciale à nos portes.
05:56Et les budgets nationaux ne sont pas aujourd'hui en capacité de pouvoir monter à 3% partout
06:02le budget de la défense.
06:03Et donc c'est cette magnétique en tout cas européenne qu'il faudra trouver.
06:07On entend dans votre bouche ce que vous dites et ce que vous allez dire à Donald Trump.
06:11C'est-à-dire, vous ouvrez la guerre commerciale, ne comptez pas sur nous pour assurer la défense
06:16de notre...
06:17En tout cas, on ne pourra pas s'organiser de manière efficace, notamment sur le front
06:21de l'Est, si en plus on a une guerre commerciale qui nous coûte énormément.
06:25Cette balance commerciale est très favorable aux Européens, il faut que vos auditeurs
06:30le comprennent.
06:31Il faut que Donald Trump le comprenne.
06:33Dans cette discussion, les Américains sont en position de force puisque c'est eux qui
06:38achètent et c'est eux qui sont en capacité de couper un certain nombre d'exportations
06:44européennes vers le continent américain.
06:45Stéphane Séjour, on est encore quelques mots sur cette investiture.
06:49Normalement, les chefs d'État et de gouvernement ne sont pas invités.
06:54Or, l'équipe Trump a convié Georgia Melloni, Javier Milei, pour la France Marion Maréchal,
07:02Éric Zemmour pour le britannique Nigel Farage, un dirigeant de l'AFD.
07:08Cette investiture, c'est le rendez-vous de l'international réactionnaire, pour reprendre
07:15l'expression qu'Emmanuel Macron a utilisée il y a deux semaines.
07:19Il y a clairement des incoïtances politiques et je crois que la nouvelle administration
07:23veut montrer aussi un certain nombre d'incoïtances politiques avec des dirigeants ou des opposants
07:28à des gouvernements en Europe.
07:31Il n'empêche que dans la discussion commerciale que j'évoquais juste avant, nous sommes
07:37tous liés.
07:38Parce que les droits de douane ne seront pas sélectifs.
07:40Et les droits de douane concerneront la France, comme l'Italie, comme la Pologne, comme
07:45la Hongrie.
07:46Et s'appliqueront partout en Europe.
07:49Il n'y a pas de différence, c'est notre modèle européen et la question notamment
07:54du commerce extérieur est une compétence exclusive de la Commission Européenne.
07:58Donc nous sommes liés avec ces gouvernements au niveau économique.
08:03Alors il peut y avoir des incoïtances politiques mais je dis aussi à ces gouvernements que
08:07nous sommes liés dans nos intérêts économiques au niveau européen et qu'il faudra tous
08:13pousser dans le même sens.
08:15Vous ne craignez pas Stéphane Séjourné pour parler clairement qu'il y ait des deals
08:19bilatéraux entre par exemple Donald Trump, Elon Musk et Georgia Melanie ou Viktor Orban
08:27et qu'ils outrepassent les règles européennes et qu'ils fassent exploser l'Europe littéralement.
08:32Et que Melanie ou Orban disent maintenant moi j'écoute et je deal directement avec
08:36Trump et la Commission Européenne, je m'en fiche.
08:39Les intérêts européens sont trop liés aujourd'hui d'un point de vue économique.
08:43C'est pour ça que je fais une vraie différence entre le symbolique et la présence d'un
08:48certain nombre de responsables politiques à cette investiture qui veut évidemment
08:52montrer des incoïtances politiques entre les administrations et les gouvernements européens
08:59et nos intérêts économiques.
09:00Et nos intérêts économiques sont liés avec l'Italie notamment et la France commerce
09:07plus avec l'Italie qu'avec les Etats-Unis et nous avons également des droits de douane
09:12qui sont liés sur le luxe notamment, s'il y a des droits de douane sur le luxe.
09:16Ça concernera également les Italiens donc nous avons intérêt à parler d'une même
09:21voie au niveau européen, ça va être tout le défi de la Commission, c'est aussi pour
09:25ça qu'il faut préparer les choses avant de faire des annonces et si les annonces
09:31ne sont pas suivies c'est le pire puisque comme vous l'avez souvent dit sur ce plateau
09:35et comme vos interlocuteurs le disent souvent, la nouvelle administration Trump parle aussi
09:40le langage de la force et le moindre accro dans la dissonance européenne et dans les
09:46prises de parole européennes sera vécue comme une faiblesse.
09:49Ce que nous ne voulons pas c'est que l'administration européenne soit faible dans cette discussion
09:54et pour qu'elle soit forte il faut la préparer.
09:57Stéphane, ces journées à l'investiture seront également présentes, Elon Musk évidemment
10:02mais aussi Bezos d'Amazon, Zuckerberg pour Meta, Tim Cook pour Apple, Joe Biden la semaine
10:12dernière dans une déclaration très forte à la télévision a averti contre l'avènement
10:18potentiel d'un complexe techno-industriel qui pourrait faire courir de vrais dangers
10:24à notre pays les Etats-Unis, une oligarchie prend forme en Amérique faite d'extrêmes
10:30richesses de pouvoir et d'influence.
10:32A ce micro, Jean-Noël Barraud s'est aussi agacé des retards de la commission à répondre
10:39aux provocations d'Elon Musk.
10:41Il a dit la chose suivante, soit la commission applique avec la plus grande fermeté les
10:44lois que nous nous sommes donnés pour protéger notre espace public, soit elle ne le fait
10:49pas et alors il faudra qu'elle consente à rendre aux Etats-membres de l'UE, à
10:55rendre à la France la capacité de le faire.
10:57Vous en pensez quoi ?
11:00D'abord il faut comprendre quel est ce débat puisque c'est un débat à la fois politique
11:04mais aussi un débat qui est attrait au business et au modèle puisque derrière il y a des
11:09enjeux économiques très forts pour ces plateformes sur le modèle européen.
11:12Il y a eu ce débat aux Etats-Unis, sous-pouvert d'ailleurs du premier amendement, ce qu'on
11:20appelle le free speech, la liberté d'expression, qui est aujourd'hui le même débat que ces
11:26plateformes essaient de traduire dans le débat européen.
11:29La différence avec le premier amendement américain c'est qu'on a un modèle qui
11:34est particulier et qui amène également le pluralisme avec la liberté d'expression.
11:41Et on considère en Europe que le pluralisme, la capacité de faire venir sur ce plateau
11:47par exemple des voix qui sont différentes, le pluralisme en période de campagne où
11:52on ne peut pas avoir des différences qui sont liées notamment à la puissance économique.
11:59Est-ce qu'on le défendra ?
12:01Bien sûr qu'on le défendra.
12:02Aujourd'hui, la commissaire en charge de ce sujet qui a repris ce qu'on appelle l'implémentation
12:10du DSA, de la loi européenne, qui est la commissaire finlandaise, madame Virkunen,
12:17qui a repris les compétences de Thierry Breton sur cette question.
12:20Parce que vous n'avez pas tout le portefeuille qu'avait Breton, qu'il y avait le numérique,
12:23vous avez d'autres choses.
12:24J'ai d'autres choses, notamment le commerce extérieur, les droits de droit, les services
12:28financiers, mais le numérique n'est pas dans mon portefeuille.
12:31La commissaire en question a élargi l'enquête ce week-end pour justement avoir une base
12:38légale pour aller devant le juge.
12:40On est dans un état de droit, on a des règles.
12:43Et effectivement la commission donne un rapport d'expertise au juge qui décide des sanctions.
12:49Vous avez entendu ce que disent beaucoup de gens en Europe, qui disent « on a déjà
12:54fait l'enquête, pourquoi réactiver cette enquête maintenant ? Il faut prendre des
12:57sanctions, pourquoi la main tremble ? » La commission européenne est-elle tétanisée
13:01par Elon Musk ?
13:02Non, absolument pas.
13:03Il y a des règles, elles seront appliquées.
13:05Le rapport qui va sortir prend également en compte l'ensemble des polémiques qu'il
13:14y a eu ces dernières semaines, notamment sur la question électorale et l'ingérence
13:19politique.
13:20Le rapport sortira, le juge sera saisi et des pénalités peuvent être très très fortes.
13:25Ça peut arriver sur des milliards d'euros et puis à la fin, si cela n'est pas respecté,
13:31il peut y avoir jusqu'à une interdiction ou une suspension.
13:34C'est prévu dans nos textes européens et la loi sera respectée.
13:39Après, ce qui est très important, c'est de gagner cette bataille sur la liberté d'expression.
13:50Je pense que le pluralisme, c'est la condition de la liberté d'expression et ça, il faut
13:54que tout le monde en soit convaincu.
13:56Notre loi européenne n'est pas là pour censurer une expression politique ou une orientation
14:03politique.
14:04Elon Musk a le droit de dire ce qu'il veut, on a le droit d'être en désaccord avec
14:07lui, mais on ne peut pas utiliser de manière différenciée la plateforme pour des orientations
14:12politiques, pour des partis spécifiques.
14:13Est-ce qu'il faut lui répondre comme le fait par exemple Thierry Breton où ils ont
14:17des tweets clash en permanence ? Est-ce que vous, vous pourriez sur son réseau, sur
14:23X, lui répondre à sa manière, avec ses mots, avec ce langage familier ?
14:28Est-ce que c'est ça qu'il faut faire ?
14:30D'abord, Thierry Breton n'est plus en responsabilité sur le sujet, mais je ne suis pas aujourd'hui
14:39en responsabilité non plus sur le sujet, encore une fois, c'est la commissaire.
14:42C'est ça qu'il faut faire, il faut répondre comme ça.
14:44Je suis pour quelque chose qu'on puisse faire à un moment donné quand on prend la parole
14:50en public.
14:51Toutes les annonces que nous devons faire dans cette période qui est particulière de
14:56négociations probablement tendues doivent être crédibles.
14:59C'est très bien l'indignation, c'est mieux l'action.
15:03La commission sera jugée sur l'action.
15:06Et les hommes politiques ?
15:09L'enquête a été élargie aux polémiques des semaines dernières, il y aura un résultat
15:14de l'enquête très rapidement, on va pousser les choses pour que ça sorte très rapidement.
15:18Et il y aura des sanctions, et il faudra une conformité de ces plateformes.
15:24C'est la loi, si on n'aime pas la loi, il faudra la changer, et je n'ai pas l'impression
15:29que ni la commission, ni les états membres, ni le parlement européen ne souhaitent changer
15:33aujourd'hui la loi.
15:34Vous ne quittez pas X ?
15:36Ah non, je pense que c'est une défaite, en tout cas, si je quittais Y, on considérerait
15:41qu'on a loupé cette régulation, et je considère qu'il faut rester sur X, et que la loi s'appliquera,
15:49la loi européenne.
15:50Il faudra que l'ensemble des plateformes se conforment, c'est également vrai pour TikTok.
15:54Stéphane Séjourné, les droits de douane, le mot préféré de Donald Trump, s'ils augmentent
16:01les droits de douane, des voitures allemandes, italiennes, du champagne français, de nos
16:07fromages, de nos produits de luxe, on fait quoi ? On tend l'autre joue, ou on entre
16:13dans la guerre commerciale ?
16:14Il y a deux stratégies possibles, je pense que la réalité est un peu entre les deux,
16:20comme souvent, mais on a instruit tous nos services, et donc l'administration européenne
16:26depuis maintenant plusieurs semaines, pour avoir des éléments offensifs et défensifs.
16:30Offensifs, puisqu'on peut avoir une réplique sur les droits de douane également, mais
16:36attention, c'est comme, c'est exactement le même débat que nous avons eu sur les
16:40sanctions russes, c'est-à-dire que tous les droits de douane que nous mettrons aux
16:43Américains, une partie, les Européens le paieront.
16:47Si nous mettons 25% sur l'aéronautique, si c'est le cas de l'autre côté, les
16:54pièces détachées des Boeing, des compagnies européennes, seront plus chères, c'est
17:01l'inflation sur les prix des billets, etc., et c'est partout dans tous les secteurs.
17:05Donc on vous sent réticents à augmenter les droits de douane s'ils le font ?
17:11Je pense qu'il faudra une approche stratégique, on l'a fait sur les Harley Davidson pendant
17:16un temps qui ont eu beaucoup d'effets, par exemple, à la fois symboliques, il faudra
17:22de manière stratégique regarder ce qui fait mal en réalité économiquement plutôt
17:26que ce qui est du domaine du symbole ou de l'homothésie et de la réciprocité avec
17:32les Etats-Unis.
17:33En tout cas, il faut protéger le pouvoir d'achat des Européens, c'est notre mission,
17:38tout en évitant la guerre commerciale.
17:39Et puis, il y a une approche défensive qui consiste à réaiguiller un certain nombre
17:45d'achats dans le monde.
17:46Faut-il diversifier l'achat de GNL ? Plutôt suspendre les approvisionnements de l'Azerbaïdjan
17:55pour acheter plus aux Américains dans cette période de transition écologique où on
18:01essaye de réduire notre empreinte carbone ? On a encore un certain nombre de pays européens
18:06qui utilisent le gaz pour créer de l'énergie et qui sont en transition.
18:10Bon, ça c'est une autre approche.
18:13Je pense que la vérité se situe à peu près au milieu.
18:17Mais vous pensez qu'il va comprendre ?
18:19Pardonnez-moi, parce qu'on sent votre langage qui est un langage, depuis le début de l'entretien,
18:23assez diplomatique vis-à-vis de Donald Trump.
18:24Vous dites, on va lui dire s'il ouvre vraiment une guerre commerciale avec nous, on va lui
18:29dire, dans ces cas-là, on va jouer sur la défense européenne.
18:31Ou alors on vous entend dire, dans ces cas-là, peut-être vous ne nous augmentez pas les
18:35droits de douane sur le vin, le champagne ou les produits du luxe et nous on vous achète
18:38du gaz.
18:39Vous faites ça ou ça va être à un moment une réponse de la force ? C'est-à-dire
18:43vous augmentez les droits de douane, nous on les augmente ?
18:44Je ne sais pas vous répondre.
18:46Et je pense que le monde entier est dépendant aujourd'hui de ce que fera ce soir, a priori,
18:56puisque un certain nombre de décrets sont pris.
18:58Et je pense que ni les Canadiens, ni les Mexicains, ni nous, ni le reste du monde ne sait exactement
19:05ce qu'il y a dans ces décrets.
19:07Donc ce que je peux vous dire ce matin, c'est que nous avons préparé toutes les options.
19:12Défensive, très défensive, très offensive et que nous mettons en place avec pragmatisme
19:24et aussi unité.
19:25Et donc tout ce que nous dirons à la Commission, tout ce que nous faisons à la Commission
19:29doit être soutenu par les États membres puisque c'est aussi notre crédibilité.
19:34Encore une fois, le langage de la force, c'est d'abord l'unité européenne.
19:37Et c'est à un marché de 450 millions de consommateurs, c'est ça notre vraie force.
19:42Oui mais où tout le monde ne parle pas pareil, vous l'avez dit vous-même.
19:45C'est-à-dire que là où, par exemple, la France pourrait être tentée de dire on est
19:49offensif, on augmente les droits de douane, qu'est-ce qu'ils vont vous dire les constructeurs
19:53allemands de voitures ? Surtout pas.
19:55C'est pour ça que le langage commun et le langage A27 est essentiel pour les Européens.
20:02Donc on aura besoin d'unité européenne et c'est ça notre force.
20:05Et ça explique aussi, Léa Salamé, notre prudence à ce stade et surtout notre capacité
20:15à ne pas dire des choses que nous ne pourrons pas tenir.
20:17Et je pense que dans cette discussion, c'est très important si on veut protéger l'ensemble
20:22du pouvoir d'achat des Européens et des emplois.
20:24Parce que derrière, on parle là théoriquement, mais ça a des conséquences énormes sur notre
20:30industrie.
20:31Enormes en termes d'emplois.
20:32Ça peut nous créer une crise économique majeure.
20:35C'est pour ça que vous ne voulez pas ouvrir en tout cas ce matin une guerre.
20:37On ne joue pas avec l'emploi des gens, la précarité des gens.
20:41Éventuellement, dans le cas d'une crise importante avec la nouvelle administration
20:45et une guerre commerciale qui serait déclenchée, on ne sera pas responsable, nous en tout cas,
20:51de cette guerre commerciale.
20:52Il faut pouvoir parler à A27, avoir des choses à dire, préparer de manière très pragmatique,
20:58être offensif et être peut-être même radical s'il le faut.
21:03Vous dites vous montrer le son à un moment, mais ce n'est pas le moment, c'est ça ?
21:06Mais il faudra le faire au bon moment.
21:07Et c'est une stratégie diplomatique, vous l'avez dit, avant d'être une stratégie politique.
21:13Stéphane, ces journées sur l'industrie automobile, la grogne continue à monter contre
21:20l'interdiction européenne de la vente de véhicules thermiques neufs à l'horizon
21:242035.
21:26Est-ce qu'il faut revenir sur cet objectif ? C'est ce que demandent les eurodéputés
21:32du PPE de la droite européenne.
21:34Quelle est votre position ?
21:36D'abord, on a un problème qui est lié à l'ensemble des industries européennes.
21:40C'est-à-dire qu'on a des surcapacités chinoises, des véhicules chinois qui sont
21:44sursubventionnés et qui arrivent sur le marché européen.
21:46Il y a eu une réponse européenne, on a mis là des droits de douane pour éviter que
21:53ces véhicules arrivent sursubventionnés sur le marché en concurrence avec nos véhicules.
21:56Et puis, on a un problème de prix de l'énergie qui est aussi le problème de beaucoup d'industries
22:01un peu partout en Europe.
22:03Moi, je ne peux pas garantir à toutes ces industries les mêmes conditions de pouvoir
22:11d'achat, en tout cas de subvention chinoise.
22:13Il y a un tas de subventions chinoises, de la main d'œuvre jusqu'au foncier, jusqu'au
22:19prix de l'énergie.
22:20Et je ne peux pas garantir non plus à ces industries le même prix de l'électricité
22:24que les Américains qui produisent sur leur territoire le gaz et le pétrole.
22:28Donc, on va travailler avec des plans sectoriels.
22:31Il y aura des annonces le 26 février sur tous les plans sectoriels avec une proposition
22:39de loi de simplification et notamment une réponse sur le domaine de l'automobile où
22:44on va booster la demande avec les flottes professionnelles puisque 58% des véhicules
22:49neufs sont achetés par des flottes professionnelles, donc des entreprises, des pouvoirs publics,
22:55des mairies, des états.
22:56Tout ça, on va mettre des incitations pour pouvoir verdir les flottes le plus rapidement
23:00possible et créer un choc de demande pour nos constructeurs.
23:03Mais pas de fétichisme sur la date ?
23:05Sur 35, on gardera cette ligne, on gardera cet objectif.
23:0935, c'est court mais c'est aussi loin.
23:11Tous les constructeurs se sont préparés.
23:13Il faut maintenant qu'on puisse leur donner les capacités de remplir le carnet de commandes
23:19et donc on remplira le carnet de commandes avec d'abord les flottes professionnelles
23:23et puis ça créera un marché du secondaire qui n'existe pas sur la voiture, marché
23:28de l'occasion, qui n'existe pas sur la voiture électrique, qui permettra aussi d'avoir
23:34accès à des véhicules écribes moins chers aujourd'hui.
23:36Il reste deux minutes, question courte, réponse courte s'il vous plaît.
23:39Qu'est-ce que vous dites à un chef d'entreprise ou à un industriel européen qui dit « moi
23:43je pars aux Etats-Unis, je délocalise aux Etats-Unis avec l'énergie qui sera moins
23:47chère, je bénéficierai de l'IRA de Biden et maintenant de la dérégulation de Trump.
23:51J'y vais, je pars ». Vous lui dites quoi ?
23:53Je dis que l'Europe est un pays d'état de droit où on a des règles qui sont jugées
23:59par des juges, qui sont stables mine de rien depuis maintenant des années.
24:04On a un environnement avec des qualifications importantes, un mode de vie qui est un mode
24:09de vie européen qu'il faut construire.
24:11Ça pose la question du modèle européen qu'on veut défendre.
24:14Si vous dites « j'en ai marre des normes européennes ».
24:16J'en ai marre, ça m'empêche d'investir.
24:19Sur la question de la bureaucratie, on a des annonces à partir du 26 février sur
24:25un choc de simplification qui sera massif.
24:27Muscliens.
24:28Non, pas muscliens, parce qu'on garde les objectifs, climat notamment, mais on change
24:34le parcours pour les entreprises pour y arriver avec une suppression du reporting, on va changer
24:40énormément de choses dans la bureaucratie.
24:42Donc on prend en compte…
24:43Un patient du 26 février dis donc, il y a beaucoup d'annonces.
24:46On prépare cela également et ça fera partie des annonces qu'on fera avec les plans stratégiques
24:52industriels.
24:53En tout cas, le modèle européen est un modèle qui est particulier, qui a ses plus-values
24:58et qu'il faut pouvoir défendre sur la scène internationale.
25:00Facebook, Instagram, X sont américains, TikTok est chinois.
25:05Pourquoi il n'y a pas un réseau social européen ? Pourquoi on n'a pas été capable
25:08d'en faire un ? Ce n'est pas une de nos grandes défaites.
25:09Je pense qu'on a loupé le coche il y a quelques années, clairement.
25:14On aurait pu avoir un réseau social européen.
25:17On peut toujours encore, puisque c'est encore des secteurs d'activité qui bougent, où
25:23on peut faire une place.
25:25Encore faut-il avoir des investissements, des fonds qui nous permettent de rentrer dans
25:29le marché.
25:30Ça, ça va être aussi la question probable de notre implication dans le numérique.
25:37Et quel est le rôle de la Commission européenne pour aider des entreprises à créer des nouvelles
25:41plateformes ? Moi, j'y suis très favorable.
25:43C'est le débat qu'on aura avec mes collègues européens.
25:45Merci beaucoup Stéphane de cette journée.
25:47Je vous attends le 27 après les annonces.
25:49Je reviendrai le 26 ou le 27 pour vous faire toutes les annonces.
25:53Avec plaisir.
25:54Merci infiniment d'avoir été là ce matin, 8h49.