• il y a 6 heures
Dans Destins de Femmes, Judith Beller reçoit Fanny Boucher, Maître d'art, à la tête de l'Atelier Heliog et présidente des Grands ateliers de France.

"Destins de Femmes" nous raconte les parcours des femmes extraordinaires qui tissent le lien de notre République. Nous explorons des thèmes universels tels que la lutte pour l’Egalité des genres, la liberté d’expression, la diversité culturelle, le droit à disposer de son corps. Emission tirée du livre de Valérie Perez-Ennouchi, "Destins de Femmes", sorti chez Ramsay, prix Edgard Faure 2021.

Une émission de Judith Beller.

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##DESTIN_DE_FEMMES-2025-02-22##

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Transcription
00:00La Caisse d'épargne Ile-de-France, fière de soutenir toutes les femmes, vous présente
00:05Sud Radio, Destin de Femmes, Judith Beller.
00:09Bonjour, bonjour, Destin de Femmes sur Sud Radio, c'est tous les samedis à 13h30, vous
00:12le savez, c'est une émission qui est inspirée du livre de Valérie Pérez pour cette nouvelle
00:16édition.
00:17J'ai le plaisir de recevoir la maître d'art, attention, Fanny Boucher, à la tête de Heliog,
00:22ça c'est votre entreprise, Fanny, et puis vous êtes aussi lauréate du prestigieux
00:25prix Bettencourt, pour l'intelligence de l'amant, on va découvrir pourquoi, et vous
00:29êtes aussi présidente des Grands Ateliers de France, alors c'est une référence, vous
00:33êtes une référence incontournable dans l'univers de l'héliogravure au grain, alors qu'est-ce
00:37que c'est que ce procédé ? Vous allez évidemment nous le raconter maintenant, Fanny Boucher,
00:41sans compter vous raconter aussi, bienvenue sur Sud Radio.
00:43Merci beaucoup Judith.
00:44Avec plaisir.
00:45Sud Radio, Destin de Femmes, Judith Beller.
00:47Alors pour débuter avec les questions traditionnelles de cette première partie d'émission, Fanny
00:52Boucher, quelle est votre définition à vous du féminisme ?
00:54Oulah, le féminisme pour moi, je pense, est complètement lié à l'humanisme, à ses
01:01notions du respect de l'être humain, de la lutte contre les discriminations, ça va
01:06au-delà je pense de...
01:08C'est universaliste.
01:09C'est très universel, alors bien évidemment il y a une lutte pour une équité homme-femme,
01:14ça c'est évident, mais je pense que ça va au-delà de ça.
01:17Est-ce que vous pensez que les hommes peuvent être féministes ?
01:20Bah oui.
01:21Vous avez des exemples autour de vous ?
01:23J'ai des exemples autour de moi, j'ai des exemples parmi des confrères, etc.
01:28J'ai ce bel exemple dans le bouquin de Clarissa Pinkola Estes, Femmes qui dansent avec les
01:35loups, elle parle à un moment donné d'un conte où je trouve qu'elle fait une belle
01:40définition de l'homme féministe où elle dit c'est cet homme qui va comprendre la
01:46part de femmes sauvages, qui est en chacune de nous, et lui aussi, tout à fait, et qui
01:53pose à la femme, qui lui dit est-ce que t'es d'accord ? Et est-ce que l'autre elle est d'accord
01:58aussi ? Et ça pour moi c'est un...
02:00La dualité quoi.
02:01Oui.
02:02Inhérente.
02:03Qu'est-ce qui fait que le droit des femmes a du mal à avancer selon vous ? Un obstacle
02:08clair ?
02:09Je pense que, alors il y a toujours une différence entre ce qui se passe en France et ce qui
02:14se passe hélas à l'étranger.
02:15Alors on parle de la France sur le radio.
02:16On parle de la France, mais en France il y a aussi un problème...
02:20Parce qu'on sait ce qui se passe à l'étranger.
02:21Non.
02:22Alors à l'étranger il y a un énorme justice d'obscurantisme, mais en France je pense que
02:27c'est aussi...
02:28C'est très proche.
02:29C'est des idéologies qui prennent le pas et qu'empêchent des avancées.
02:34Des idéologies religieuses ? C'est ça que vous voulez dire ? Ou globalement ?
02:36Pas que je pense.
02:37Je pense qu'il n'y a pas que ça.
02:38Et c'est un obstacle majeur et je pense en plus qu'on ne peut pas répondre aux problématiques
02:47par une guerre des sexes.
02:48Je ne pense pas que répondre par un matriarcat sauvage, un patriarcat sauvage, va arranger
02:54les choses.
02:55Ça creuse même l'éclivage.
02:57J'en ai peur.
02:59Donc c'est vrai que c'est des choses qui m'interrogent beaucoup dans les tournures que peuvent prendre
03:05des choses par rapport justement à cette question d'humanisme, du féminisme.
03:12Je pense qu'il y a des strates de compréhension différentes.
03:16Un respect, le mot collaboration me vient aussi, mais parce que ça, ça empêche d'avancer.
03:27Mais il y a de plus en plus d'hommes à nos côtés quand même.
03:30C'est vrai.
03:31Qu'est-ce qui fait que tout d'un coup, parce que la condition des femmes s'est quand même
03:35grandement améliorée aussi, notamment en France, évidemment on parle de ça, qu'est-ce
03:41qui a déclenché cette amélioration à votre avis ? C'est la libération de la parole ?
03:45Je pense qu'il y a une libération de la parole où les choses, on le voit avec les derniers
03:52procès, avec les féminicides, sont beaucoup plus pointés du doigt, même si je crois
03:59que c'est 1185 le nombre de féminicides, compris les tentatives de féminicides en 2023.
04:08C'est dramatique à notre époque.
04:10Il y a une femme tous les trois jours qui meurt sous les coups de son conjoint ou de son ex-mari.
04:14Donc bon, il y a encore du travail à faire, mais on en parle et on voit les hommes qui
04:21arrivent à nos côtés dans les manifestations.
04:24Alors on ne parle pas de l'étranger, mais en Iran quand même, quand on voit ce qui se
04:28passe avec la présence des hommes aux côtés des femmes, je pense que c'est quelque chose
04:33qui est en train de changer, qui prend énormément de temps, parce qu'il faut mettre les moyens
04:38tout simplement.
04:40Bien sûr, bien sûr.
04:42Simone de Beauvoir, elle nous disait « On ne n'est pas femme, on le devient ». Alors
04:46parlons vrai sur Sud Radio, parlons de vous.
04:48Vous êtes devenue femme quand, vous ?
04:51Je suis devenue femme, je pense qu'il y a tout un parcours.
04:55C'était pas il y a pas longtemps.
05:00J'étais petite fille, j'étais fille, j'étais jeune femme, j'étais maman et je suis devenue
05:07femme quand je suis devenue pleinement indépendante et consciente de mon indépendance.
05:11Quand je suis partie au fin fond d'une forêt seule pour me retrouver, c'était un rendez-vous
05:23avec la femme que j'étais.
05:24Et ça vous a apaisé ?
05:25Ça m'a permis d'être beaucoup plus recentrée.
05:31Vous voyez, j'ai l'impression qu'on est tellement sollicité dans nos vies.
05:35Ça part un peu dans tous les sens et puis petit à petit, j'ai cette impression que
05:39plus j'avance dans l'âge, plus les choses deviennent simples et linéaires.
05:43Finalement, c'est important de le souligner, vous trouvez ça agréable de vieillir ?
05:46Tout à fait, oui.
05:48Pour rien au monde, je retournerai à mes 20 ans, voire même à mes 30 ans.
05:52Je trouve que plus j'avance et plus je suis en paix.
05:58C'est beau, c'est parce que c'est le privilège de l'âge ça, la paix aussi.
06:03J'espère.
06:04C'est vrai, il faut le dire, parce que c'est vrai que dans nos sociétés, on a
06:07tendance à dire que vieillir, c'est la fin des haricots.
06:10Surtout pour les femmes, effectivement.
06:12Dès qu'on a commencé à avoir des rides et qu'on a la ménopause,
06:15on peut le dire, ce n'est pas des gros mots.
06:18Finalement, la vie, elle continue quand même et surtout, elle continue mieux.
06:21Elle continue beaucoup mieux, beaucoup mieux.
06:23Faut dire aux jeunes femmes qui nous écoutent ça.
06:26Je leur dis souvent quand j'en croise, je leur dis mais c'est magnifique.
06:30Et puis c'est magnifique d'être de plus en plus en phase avec soi-même.
06:36Il y a aussi ce travail que je fais parfois de me dire mais
06:42est-ce que je serais fière de moi quand j'étais jeune ?
06:45Est-ce que je me suis trahie ? Est-ce que je ne me suis pas trahie ?
06:49Je me pose souvent ces questions-là et de tout le temps essayer de se
06:51reconnecter aussi avec ses origines.
06:55Et du coup, vous êtes en harmonie avec vous-même.
06:58Pour le moment, oui, tout à fait.
07:00Et puis j'espère bien que, je ne pense pas que ça change.
07:03Le secret de l'harmonie, c'est de s'aimer, de s'embrasser, de s'écouter.
07:06Il faut accepter les choses, je pense.
07:08Il faut s'accepter et il faut accepter que la vie, elle est semée d'embûches.
07:13Et puis c'est ce message aux jeunes femmes de dire,
07:17on tombe, on se relève et puis de s'appuyer sur les autres et de ne pas avoir peur.
07:22Surtout ne pas avoir peur.
07:24Alors, je l'ai dit en début d'émission, vous êtes présidente des Grands Ateliers de France.
07:27Pour les auditrices, les auditeurs, les Ateliers de France,
07:30les Grands Ateliers de France, c'est quand même l'excellence artisanale française.
07:33Beaucoup de maîtres d'art, 49 ateliers, plus de 100 métiers, c'est énorme.
07:37C'est une association qui a été créée en 1993 avec des métiers d'art.
07:42Alors les métiers d'art, c'est des artisans qui font de l'excellence, c'est ça.
07:46Les métiers d'art sont des artisans qui sont créateurs ou restaurateurs
07:51qui vont sublimer des matières, en fait.
07:54C'est ça.
07:55Et alors, ça a été fondé pour un peu d'histoire, parce que j'aime bien cette histoire.
07:58Fondé par cinq artisans qui avaient participé à la restauration de la Chambre de la Reine
08:01au château de Fontainebleau.
08:03Et aujourd'hui, vous avez sélectionné, en fait.
08:06Ce sont des maîtres d'art sélectionnés, c'est ça ?
08:09Donc, il faut quand même montrer pas de blanche.
08:12Il faut avoir une excellence en termes de savoir-faire et de savoir-être également.
08:17Ça, c'est très important aux Grands Ateliers.
08:20Et on va se coopter entre nous et se re-coopter tous les ans.
08:24Oui, donc c'est jamais définitif.
08:25Non, on est toujours remis en question.
08:27Toujours. Et c'est ça, c'est important.
08:29C'est ça, l'excellence.
08:31Je pense qu'on peut vite se laisser aller parfois, ou répondre.
08:37Ou faire à peu près, quoi.
08:38Voilà, mais on est toujours, toujours en train de se remettre en question.
08:42Et c'est ça qui permet l'excellence, justement.
08:45Alors, il y a un truc qui se dit sur le savoir, c'est qu'il ne se perd pas
08:48quand il se transmet.
08:49Et ça, c'est un mot à la transmission qui est un maître mot chez les maîtres d'art.
08:53L'idée, c'est qu'en fait, c'est la perpétuation du patrimoine vivant de la France.
09:01C'est ça que vous protégez.
09:02On protège ça.
09:03Le maître d'art, c'est un titre qui a été créé par le ministère de la Culture
09:07il y a 30 ans.
09:10Je crois qu'on est 143 maîtres d'art en France.
09:13C'est pas beaucoup.
09:14Non, c'est pas beaucoup.
09:15Mais en fait, ce sont des artisans.
09:16C'était inspiré des trésors vivants japonais.
09:18En fait, ce sont des artisans qui vont avoir un savoir-faire rare,
09:22qui n'est plus enseigné.
09:24Et en France, contrairement au Japon, on a une mission de transmission.
09:29C'est ceux qui ont fait Notre-Dame, on peut le dire.
09:30Tout à fait, il y a eu énormément d'artisans à Notre-Dame.
09:35Et ça, c'était un des fondateurs des grands ateliers qui avait dit une fois
09:39celui qui meurt sans transmettre meurt comme un voleur.
09:43Et c'est très fort et c'est très vrai.
09:46Et c'est très vrai.
09:47Et moi, j'ai eu la chance, du coup, de transmettre à Marie
09:52jeune femme qui a monté son propre atelier, qui a monté son atelier,
09:57l'atelier Marie Levoyer, au Jade, qui est merveilleuse
10:02et qui transforme, en fait, tout ce que j'ai pu lui enseigner,
10:06qui se le réapproprie.
10:07Et c'est ça qui est magnifique.
10:09On va y venir sur la technique juste après,
10:11parce que c'est assez dingue ce que vous faites.
10:13Vous avez dit des grands ateliers de France, Ma Famille de Coeur,
10:15avec qui nous faisons des co-créations.
10:17C'est une étape primordiale dans votre vie, en fait,
10:20d'être arrivée aux Grands Ateliers de France.
10:22C'est très important.
10:23Et dans votre création aussi.
10:24C'est très important parce qu'ils sont arrivés à un moment de vie
10:27qui n'était pas très facile pour moi.
10:29Donc, il y a eu un énorme soutien.
10:31Et en fait, quand vous vous retrouvez toute jeune,
10:35j'étais jeune, moi, quand j'ai monté l'atelier, les Grands Ateliers.
10:38C'était en 2000 votre atelier à vous ?
10:402000, moi. Et 2008, j'ai été co-optée
10:44dans ce regroupement d'excellence.
10:47Je me suis retrouvée avec Lison de Cône, par exemple,
10:50qui est maître d'art en marqueterie de paille.
10:53Incroyable, Lison de Cône, ce qu'elle fait.
10:56Et on fait une collab en ce moment,
10:57justement, sur notre histoire, sur une écritoire, une écritoire.
11:01Et on reféminise les choses qui ont été masculinisées.
11:06Oui, c'est ça, c'est fou, c'est féminin, une écritoire.
11:10Et voilà, Lison a redonné ses lettres de noblesse à la paille, moi, à Lélio.
11:15Mais c'est, voilà, de me retrouver avec des personnes comme ça.
11:19Ils m'ont, enfin, vraiment, ils m'ont tirée vers le haut.
11:22J'ai découvert d'autres techniques.
11:23Ça m'a ouvert l'esprit.
11:25Ça a été très important dans mon parcours.
11:27C'est passionnant ce que vous racontez.
11:28Vous restez avec nous.
11:29Et puis, vous aussi, chers auditeurs et chers auditeurs,
11:31vous restez avec nous sur Sud Radio.
11:33C'est Le Destin de Femmes, avec la maître d'art Fanny Boucher,
11:35qui est à la tête de Heliog, présidente des Grands Ateliers de France.
11:39A tout de suite.
11:45Sud Radio, Destin de Femmes, Judith Beller.
11:48Destin de Femmes sur Sud Radio, c'est l'émission du féminisme autrement,
11:51c'est-à-dire ensemble, tout simplement, femmes et hommes pour le droit des femmes.
11:55Vous êtes en compagnie aujourd'hui de la maître d'art Fanny Boucher,
11:57à la tête de Heliog, spécialiste de l'héliogravure
11:59et présidente des Grands Ateliers de France.
12:01Alors, Fanny, moi, je le dis pour les auditeurs qui ne vous voient pas,
12:04vous avez les mains toutes noires.
12:06Parce que je n'ai pas trop le temps.
12:09Après, je suis rarement manucurée.
12:12En même temps, votre métier, j'imagine que ce n'est pas si simple que ça.
12:15Donc, l'héliogravure, moi, ce que j'en ai appris,
12:18je le dis en quelques mots, c'est que c'est un procédé
12:20qui nous convient, qui nous vient directement du 19e siècle.
12:23Tout à fait.
12:23Voilà, qui a été inventé par un monsieur qui s'appelle Karl Klitsch en 1875.
12:29Et donc, c'est une forme d'impression en creux d'images et de textes.
12:34Donc, c'est un procédé photomécanique, c'est ça,
12:37qui vous avoue être enseigné par d'autres mentors.
12:40Parce que vous aussi, on vous l'a transmis, ce procédé.
12:42On me l'a transmis.
12:43Il s'appelle Jean-Daniel Lemoyne.
12:45Tout à fait, Jean-Daniel, qui était à la retraite
12:49lorsque je l'ai rencontré, ingénieur, scientifique.
12:52Il me parlait logarithme, je ne comprenais rien.
12:56Et en fait, je l'ai rencontré à l'école estienne.
12:58Moi, j'ai fait l'école estienne.
13:00Et à l'école estienne, il est venu me parler de ça.
13:03Je me suis spécialisée.
13:05C'est en l'écoutant que vous êtes spécialisée ?
13:06Oui, en fait, quand il est venu présenter ça, mais en mode une heure rapide.
13:11Je me suis dit, c'est ça.
13:13J'ai envoyé une longue lettre pour lui demander de me recevoir chez lui
13:16parce qu'il n'avait pas d'atelier professionnel.
13:18Il a accepté. Je suis restée deux ans à venir chez lui.
13:21Et il m'a transmis tout ce qu'il avait appris à partir d'Emmanuel du XIXème.
13:26Alors, ça fait rêver parce qu'on reste dans la tradition du maître à l'élève
13:29et de sa transmission, qui est inhérente à tous les grands savoir-faire, en fait.
13:34Alors, les lieux gravure, ça donne des images absolument sublimes.
13:38Est-ce que vous pouvez nous en dire un petit peu plus sur ce procédé ?
13:40Parce que moi, ça reste un peu énigmatique.
13:42En fait, pour faire très, très simple, les lieux gravure,
13:44c'est de la photographie argentique gravée dans du cuivre.
13:48D'accord.
13:49Et en fait, on va graver la matrice en cuivre pour avoir des creux différents
13:54dans lesquels on va mettre de l'encre qui va être reportée sur du papier.
13:57D'accord.
13:57Et donc, moi, ma clientèle, ce sont des photographes,
14:03des artistes, des architectes, des galeries, des éditeurs
14:07et des architectes par la suite.
14:10Et alors, vous avez fondé cet atelier, l'atelier Heliog.
14:14C'est un lieu où, justement, vous créez les rencontres aussi avec vous,
14:19entre artistes aussi, avec les designers.
14:22Le but, c'est de chercher l'excellence toujours et puis aussi de l'innovation
14:25parce qu'on n'est pas que dans la tradition.
14:27On n'est pas que dans la tradition.
14:28C'est quelque chose qui est très important dans nos métiers.
14:30On imagine les maîtres d'art un peu poussiéreux, pas du tout.
14:36On est maître d'art si on transmet, mais si on innove également,
14:39si on est en perpétuelle recherche.
14:41Je ne suis pas là, je pense, pour recréer le passé, mais pour l'enrichir.
14:44Ça, c'est très important.
14:45Par exemple, qu'est-ce que vous ajoutez d'aujourd'hui dans ce processus ?
14:49Moi, pour vous le faire bref,
14:51l'héliogravure, c'était que destiné à de la reproduction sur papier.
14:55D'accord.
14:55On reproduisait des images de très haute qualité sur des papiers chiffons, etc.
15:01Et moi, j'ai fait un pas de côté en disant ces matrices,
15:05c'est pas rien le mot matrice, qu'on grave
15:08une fois qu'on a fini de les imprimer, on les raye traditionnellement,
15:12parce qu'on ne veut pas qu'elles continuent à reproduire.
15:14Ça fait un peu mal au cœur.
15:16Alors, en tant que femme, rayer une matrice,
15:18une fois qu'elle a fini de reproduire, c'est pas possible.
15:21Donc, du coup, j'ai commencé à dire aux artistes, mais regardez, c'est magnifique.
15:25Ça a une force plastique complètement incroyable, les matrices gravées, vernies.
15:31Donc, elles sont estampillées pour pas qu'il y ait de possibilité de reproduction,
15:34mais elles sont montrées, elles sont présentées.
15:36Et puis, moi, j'ai fait un pas de côté, comme des œuvres d'art.
15:39Et mon pas de côté, ça a été de dire ces matrices, c'est la finalité.
15:42Et je crée des œuvres qui ne servent pas à reproduire,
15:45mais ce sont les matrices qui sont les œuvres.
15:48Et là, je fais le pas de créatrice dans ces cas-là.
15:55Alors, en 2020, c'est une grosse consécration quand même,
15:57je le dis pour les auditeresses, les auditeurs,
15:59vous avez reçu le prix Bettencourt pour l'intelligence de la main,
16:01qui est un des prix les plus respectueux et respectables.
16:06Dans la catégorie talent d'exception, pour votre œuvre Arbori,
16:11pour ceux qui ont YouTube, ils vont pouvoir la voir.
16:14C'est donc un arbre.
16:16C'est ça ?
16:17C'est un grand arbre.
16:18Alors Arboris, ça vient du, c'est arbre, c'est latin.
16:23Le latin arbor, c'était féminin.
16:27C'est devenu masculin avec le passage au vieux français où les arbres
16:30sont devenus masculins et les petites fleurs féminins.
16:34Et je voulais rendre hommage à toute cette,
16:37c'est une œuvre de sororité Arboris.
16:40C'est toutes ces plates.
16:41C'est aussi une œuvre sur notre incrustation dans la terre, j'ai envie de dire.
16:46Tout à fait, sur nos racines, sur ce qu'on se transmet,
16:50sur cette part invisible de nous, parce qu'il y a cet arbre
16:54qui est visible sur la moitié supérieure,
16:57mais qui est le même dans ses racines qui sont profondément,
17:00qui vont profondément dans la terre.
17:02Donc après, chacun y voit ce qu'il veut.
17:04C'est ça qui est chouette en art.
17:06Mais moi, c'est vrai que c'était un gros travail que j'avais fait sur les racines.
17:11Et alors, c'est vrai qu'il y a un côté un peu abstrait parfois dans vos œuvres.
17:14Donc l'idée, c'est aussi de pouvoir laisser la place
17:15complètement au fantasme, à l'imaginaire de la personne qui regarde.
17:18Tout à fait, je pense qu'on n'est pas là pour dicter aussi.
17:21Chacun répond à son histoire aussi.
17:25Alors si j'avais trois mots pour vous définir,
17:27Fanny Mboucher, j'aurais envie de dire conserver, transmettre, réinventer.
17:31Oui, oui, oui, c'est ça, ça peut, oui.
17:34C'est-à-dire que vous réinventez, c'est-à-dire que vous partez de choses qui existent
17:37et que vous les réinventez pour les adapter aussi à notre époque.
17:42En fait, je pense que
17:44on se nourrit, on se nourrit de tout ce qui nous entoure.
17:49Donc, on ne peut pas être continuellement dans une réplique parfaite
17:53de ce qu'on nous a transmis.
17:55Il faut qu'on y apporte aussi.
17:57Et alors sur la persévérance, c'est intéressant aussi
17:59parce que vous avez quand même mis dix ans pour émerger avec l'héliogravure.
18:02Ce n'est pas facile, c'est très, très lent.
18:06Et ensuite, vous êtes parvenu à faire
18:09reconnaître ce procédé comme patrimoine immatériel.
18:12Donc, ça, c'est un gros boulot aussi de dossier, de réseau.
18:18Mais l'hélios, ça n'existait plus.
18:19Il a fallu que ça réapparaisse dans la liste de l'inventaire des métiers d'art en France.
18:24Et puis, ça s'est fait vraiment étape par étape.
18:27Ça a été long, ça a été long.
18:28Les dix premières années, c'était vraiment compliqué.
18:30Donc, en fait, aujourd'hui, si on utilise ce mot, vous le doit, quoi ?
18:33Je ne sais pas si...
18:36Si vous dites que ce n'était plus dans la liste.
18:37Non, ce n'était plus dans la liste.
18:39Après, c'était un mot qui existait, mais c'est-à-dire qu'il est réutilisé.
18:42Oui, c'est vrai que j'ai réussi à le réintroduire à nouveau
18:48et à le faire à nouveau rentrer, reconnaître par le ministère, par ça.
18:53Attendez, on a quand même doublé le nombre d'héliograveurs en France.
18:57On est passés de 1 à 2.
19:00C'est mignon.
19:02Oui, mais on a doublé.
19:04C'est mathématique, c'est purement mathématique.
19:05Non, mais c'est grâce à vous, en plus.
19:06C'est votre apprenti, c'est ça ?
19:08Oui, c'était mon élève, c'était mon élève.
19:10Et alors, pousser les frontières de la création,
19:17faire en sorte qu'un patrimoine devienne immatériel,
19:20aller chercher une technique à l'ancienne comme ça,
19:22que vous vous remettez au goût du jour et tout.
19:23C'est aussi pour ça qu'ils ont eu envie de vous mettre présidente
19:25des grands ateliers de France, non ?
19:27Vous vous êtes présenté comment ? Comment ça s'est passé ?
19:29Je pense qu'ils avaient besoin de quelqu'un d'engagé.
19:36Mais c'est un plaisir de pouvoir côtoyer.
19:41On est passé à 55.
19:43Donc, c'est un plaisir de pouvoir côtoyer tous ces savoir-faire exceptionnels.
19:48Moi, on se nourrit les uns des autres.
19:51En fait, ce travail de collaboration perpétuelle,
19:54de remise en question de nos gestes,
19:57d'essayer d'aller graver, imprimer de la marqueterie de paille,
20:05essayer d'aller graver un cylindre pour créer un stylo,
20:09tout ça, c'est des choses que je ne sais pas faire.
20:12C'est passionnant.
20:12Donc, c'est génial parce que vous êtes continuellement
20:15en train de vous remettre en question, tout le temps.
20:18Alors, vous dites ça avec plaisir, alors que la majorité des gens
20:20auraient envie de vous dire
20:21« mais moi, je n'ai pas du tout envie de me remettre en question ».
20:24Ça dépend de ce qu'on recherche.
20:26Nous, c'est vrai qu'on est, je ne sais pas si on n'est pas un peu maso, quand même.
20:29Non, non, on se met toujours sur...
20:31Mais est-ce que ce n'est pas ça, finalement, être un créateur, c'est être un cherchant ?
20:35Je pense, mais vous savez, au 19e siècle, quand vous regardez bien,
20:38mais c'était incroyable.
20:39C'est-à-dire qu'ils ont réussi à trouver tout un tas de procédés.
20:43Quand je vois la liste de quelles gélatines,
20:45quels produits photosensibles ils ont utilisés,
20:48je me dis « mais comment ça leur arrivait à l'esprit, en fait ? »
20:51Il y avait un truc génial.
20:52Non, mais il y avait un truc, il y avait une émulation.
20:54C'était complètement dingue.
20:55Et c'est quelque chose que je regarde.
20:57Aussi, c'est-à-dire qu'on a besoin de gens comme vous
20:59pour ne pas oublier que, justement, en fait, c'est possible.
21:02Je pense que les artisans d'art, on n'en a pas.
21:04Il y a des choses qui ne peuvent pas être désuètes à certains même.
21:06Oui, mais pas du tout.
21:07On est tout le temps dans la recherche.
21:09Quand je vois des ateliers, Steven Leprisé, qui est rentré aux grands ateliers,
21:12les Bénisterie Arca, mais il est dans une recherche permanente.
21:16Il arrive à créer des bois qui sont souples, des plaquages souples.
21:19Il y a vraiment une recherche permanente de dépasser, d'aller chercher,
21:24d'aller questionner la matière, de tout le temps se mettre en danger.
21:28Fanny Boucher, je vous aurais bien gardé une heure de plus.
21:30C'est passionnant.
21:31Je vous remercie beaucoup d'être venue par ici.
21:33Alors, je rappelle que votre atelier, c'est Heliog,
21:36et c'est sur heliog.com avec un H.
21:40On peut venir voir vos créations ou pas ?
21:42Alors, je fais des portes ouvertes de temps en temps.
21:45Je suis au potager du Dauphin à Meudon.
21:46Je crois que j'en fais au mois de juin.
21:48Et pour les journées européennes du patrimoine,
21:50ce sera en septembre où j'animerai un petit stand pour les enfants.
21:55Notez bien cela, chers auditeurs et chers auditeurs.
21:56Merci beaucoup.
21:57Et puis, les grands ateliers de France, c'est les grands ateliers de France au pluriel.
22:00Tout simplement, .com.
22:01Merci, Fanny Boucher.
22:02Merci à vous.
22:03Merci à toutes et à tous.
22:05On se retrouve demain à 19h pour cet excellent.
22:06Merci à Julien qui réalise pour vous aujourd'hui.
22:08Et puis, vous pouvez nous retrouver sur sudradio.fr et tout le toutime
22:11pour les podcasts, etc.
22:12Je vous embrasse. Bye bye.
22:18Île-de-France, fière de soutenir toutes les femmes.

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