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00:00Europe 1 Soir Week-end, 19h21, Pascal Delatorre Dupin.
00:05Il est 19h15, merci d'être avec nous, on est en direct, on est sur Europe 1.
00:10Shauky Benzera, activiste et réfugié algérien en France.
00:13Et mon invité, bonsoir Shauky Benzera.
00:16Bonsoir.
00:17Merci d'être là en direct, évidemment on voulait vous faire réagir et vous entendre.
00:21D'abord sur cette décision de Doilem, finalement la juge des libertés et de la détention
00:26a décidé cet après-midi de le maintenir en rétention pour 26 jours supplémentaires.
00:32D'abord, est-ce que c'est de nature à vous rassurer, puisque vous êtes la cible,
00:36depuis que vous avez dénoncé, vous avez été lanceur d'alerte.
00:39Je vous avais reçu dans cette émission, vous aviez dénoncé et traduit effectivement
00:43ce que certains influenceurs algériens répandaient sur les réseaux sociaux.
00:47Donc est-ce que cette décision, ça vous rassure ?
00:51Déjà je vais vous dire que c'est une maigre consolation suite justement à ce que
00:57la justice administrative ait considéré qu'il ne s'agit pas d'une urgence absolue
01:03d'expulser cet individu.
01:05Il faut savoir, moi je vous demande, je demande à vos auditeurs aussi,
01:11est-ce que vous considérez qu'un antisémite notoire, quelqu'un qui a appelé à des meurtres,
01:17quelqu'un qui fait l'apologie d'acte de torture contre ses concitoyens ?
01:22Donc imaginez ce qu'il pourrait faire justement au sein de la communauté,
01:26au sein de la nation française, dans un pays dans lequel il est étranger.
01:31Est-ce qu'il n'est pas inquiétant de garder ce type d'individu sur le sol français,
01:36même si c'est vrai que là le fait de le maintenir en détention, en rétention,
01:43il s'agit de quelque chose qui réduit un petit peu l'inquiétude,
01:48mais pendant quelques jours.
01:50C'est juste un sursis en attendant qu'il y ait une décision qui,
01:54en l'espérant, sera bien sûr l'expulsion de cet individu.
01:58Bon, j'aimerais qu'on parle un peu de vous, Chokri Benzera. Pourquoi ?
02:03Parce que depuis que vous avez pris la parole,
02:05depuis que vous avez été le lanceur d'alerte que nous connaissons,
02:08vous êtes la cible de certains menaces de mort, les insultes, évidemment.
02:14Certains vous traitent de harkis, de traîtres.
02:17Comment ça va ? J'ai envie de vous dire comment allez-vous ?
02:20Et à quoi ressemble votre vie, votre quotidien ?
02:23Déjà, peut-être expliquer que ces insultes aussi de harkis, de traîtres,
02:29viennent beaucoup de France, c'est-à-dire de personnes qui sont sur le sol français
02:34et qui considèrent que le fait d'avoir lancé l'alerte,
02:37d'avoir dénoncé des gens qui appellent aux attentats, qui appellent aux meurtres,
02:41me valent d'être taxé de tête à la nation algérienne.
02:47Alors que ces gens-là, même ceux d'OLM ou d'autres influenceurs,
02:51ou les gens qui se détiennent, qui ont quand même lancé une grande vague de solidarité avec eux,
02:56sont sur le sol français, profitent du système français, vivent en France.
03:01D'ailleurs, ne veulent pas quitter la France.
03:03Il est étonnant ce que ce d'OLM qui se disait nationaliste,
03:06avec une haine viscérale de la France, ne veut pas quitter la France.
03:11Il se dit même qu'il était sous l'emprise de certains psychotropes,
03:16pour avoir tenu les propos qu'il a tenus.
03:19Donc aujourd'hui, bien sûr, moi je vais vous dire,
03:22j'ai obtenu l'asile en France en décembre 2023,
03:27c'était justement pour demander un petit peu la protection,
03:30oui, sur le plan administratif je suis protégé,
03:32mais aujourd'hui, je ne vais pas vous mentir sur le fait que je ne me retrouve pas du tout en sécurité
03:38sur le sol français en 2025.
03:40Vous n'êtes pas en sécurité ? Vous avez peur quand vous sortez de chez vous ?
03:43Ah oui, d'ailleurs je sors de chez moi quand ça se fait en voiture,
03:49donc je vis un petit peu cloisonné, avec une peur de me retrouver dans les rues
03:57d'une grande ville française quand même, qui est Lyon, ou d'ailleurs ailleurs.
04:01Donc ça, je pense qu'il faut quand même se poser des questions,
04:05comment on est arrivé là en France,
04:08est-ce que les gens ne se sentent plus en sécurité dans un grand pays comme la France ?
04:13Juste pour avoir, se rendre compte aussi, on me dit lanceur d'alerte,
04:18mais normalement c'est tout à fait normal,
04:20quelqu'un qui entend des appels au meurtre, à la violence,
04:24l'apologie des actes de torture, n'importe qui ferait ça techniquement,
04:28mais aujourd'hui en France, faire ça, s'agissant du soutien du régime algérien,
04:33on se retrouve à ne pas être en sécurité.
04:35Donc j'ai envie de vous dire que ce n'est pas du tout normal d'en arriver là en 2025.
04:42Je voudrais vous faire réagir aux mots du président algérien.
04:47C'est nos confrères de l'opinion qui publient cette interview.
04:52Je lis ces mots, ça date d'il y a une heure.
04:56Que dit-il, M. Théboune ?
04:58Il dit qu'il y a par exemple, parmi ses citations,
05:01il y a peu d'entrées illégales, la plupart de mes compatriotes arrivent en France
05:05avec des visas pour étudier ou exercer comme médecin, avocat ou ingénieur,
05:08sans que cela pose de problème aux autorités.
05:11Que dites-vous à cela ?
05:13En fait, vous commencez à comprendre que le régime algérien a créé un monde parallèle,
05:20c'est-à-dire que Théboune et le régime algérien ont vraiment créé un monde parallèle
05:25dans lequel l'Algérie est une grande puissance,
05:29dans lequel les Algériens ne quittent pas justement,
05:33selon se dire maintenant, le pays de manière illégale,
05:37alors qu'il faut juste aller en Espagne,
05:40parce que généralement maintenant la filière se fait en Espagne,
05:44par semaine, c'est des dizaines, voire parfois des centaines d'embarcations de fortune
05:51qui débarquent en Espagne, mais dont la destination n'est pas d'Espagne,
05:54c'est-à-dire qu'ils arrivent là-bas pour venir en France.
05:57Donc on est par milliers de jeunes Algériens chaque mois
06:02qui fuient ce pays qui est vraiment une prison à ciel ouvert.
06:06Mais là, quand vous entendez le président algérien,
06:08bien sûr, il vivrait vraiment dans un monde parallèle,
06:12dans une science-fiction qu'ils ont créée,
06:15par les médias algériens, dans l'agence de presse officielle
06:18et maintenant dans les déclarations de Théboune,
06:20comme si on ne voyait pas les chiffres.
06:22Je vais vous le dire aussi,
06:24il suffit d'aller dans n'importe quelle grande ville française,
06:27il suffit d'aller parfois à Paris,
06:29pour se rendre compte quand même du nombre de jeunes Algériens,
06:32sans papiers, qui sont actuellement en France
06:35et qui ont fui ce pays qui est une prison à ciel ouvert.
06:39Oui, donc voilà ce qu'il raconte,
06:41effectivement on n'a pas de sens à ce que vous dites
06:43et le président Théboune aussi formule cette déclaration.
06:47Je m'interroge sur la manière dont Madame Le Pen
06:49va s'y prendre si elle parvient au pouvoir.
06:51Écoutez bien, va-t-elle vers une nouvelle rafle du Veldiv
06:56et parquer tous les Algériens avant de les déporter ?
06:59Est-ce que ce n'est pas honteux ?
07:02Est-ce que ce n'est pas honteux, Choukhi Benzéra ?
07:06Bien sûr que c'est honteux déjà de reprendre ce type de discours
07:11par rapport à des meneurs historiques qui n'ont rien à voir
07:14avec ce dont il parle, c'est la vie.
07:17En plus de jouer sur le régime algérien,
07:20il joue beaucoup sur la victimisation,
07:23comme si ceux qui tiennent des discours d'appel à la haine,
07:28à la violence, ceux qui posent problème
07:30ne sont pas justement les soutiens du régime algérien.
07:33Cela aurait fallu faire un travail là-dessus,
07:37mais lui, il préfère d'aller dans ce type de discours,
07:41bien sûr honteux d'exploiter aussi,
07:44parce qu'il faut aussi comprendre
07:47que les discours du président algérien,
07:50que ce soit de Thépaune ou de n'importe quel responsable algérien,
07:55ils sont généralement à destination de la diaspora algérienne en France.
07:59C'est-à-dire de jouer sur certaines questions,
08:02de ramener ça au rafle,
08:04au fait de dire que, comme si c'était,
08:07on ne prenait pas en compte votre mal, votre malheur,
08:10par rapport, comparé à autre chose.
08:13Cette autre chose, c'est toujours de jouer aussi
08:16sur les discours complotistes,
08:18par rapport aux complotionnistes,
08:20et tout ça par rapport au fait que l'Algérie est considérée
08:23autrement que la douleur algérienne.
08:26Il avait parlé aussi de génocide,
08:29s'agissant de ce qui s'est passé en Algérie,
08:31chose qu'on n'a pas entendue avant,
08:33par rapport à la colonisation,
08:35mots qui n'ont jamais été dits,
08:36qui ne collent pas à une réalité historique.
08:38Donc, ce qui est dangereux, encore une fois,
08:41c'est que le régime algérien s'adresse
08:44à la communauté algérienne en France,
08:47qu'il essaie d'utiliser comme une arme
08:49à braquer contre la France.
08:51Oui, c'est ça, ils veulent braquer les ressortissants algériens
08:55qui vivent en France, les franco-algériens,
08:57contre le gouvernement français.
08:59Donc, c'est une volonté, c'est une arme,
09:02mais pourquoi ? Dans quel but ?
09:04Le but premier, je vais vous le dire,
09:08bien sûr, ça vient de ce qui s'est passé ces derniers mois,
09:10avec la reconnaissance par la France
09:12de la marocanité du Sahara,
09:14ça a été vécu...
09:15Oui, mais les tensions étaient là avant Chokhi Ben Zerra.
09:18Quand la France reconnaît cette partie du Sahara,
09:22il y avait déjà des tensions majeures avec l'Algérie.
09:26Oui, mais je vais vous dire que des tensions,
09:28ça allait, ça revenait,
09:30après on avait des appels téléphoniques
09:32entre Théboun et le président français Emmanuel Macron,
09:35mais là, on est sur quelque chose
09:37qui est de l'ordre pour le régime algérien.
09:39C'est comme si c'était la grande trahison
09:41par la France sur cette question-là,
09:43qui est une question existentielle
09:45pour le régime algérien.
09:46Il faut s'en rendre compte.
09:48Bien sûr, il y a eu aussi l'affaire Boilem-Chancel...
09:50Alors, est-ce que vous avez des nouvelles ?
09:52Parce qu'on n'arrive pas à avoir de nouvelles de Boilem-Chancel.
09:56On sait qu'il est sorti de l'hôpital,
09:58qu'il est incarcéré, c'est terrible,
10:00et on a l'impression que rien ne bouge.
10:02Bien sûr, et c'est géré comme une affaire d'Etat.
10:06On n'a jamais eu autant de secrets sur une affaire
10:09que sur l'affaire Boilem-Chancel,
10:11mais là, les dernières nouvelles qu'on a,
10:14c'est qu'il est, de toute façon,
10:16parce qu'il doit subir une chimiothérapie,
10:18il est malade du cancer à Boilem-Chancel.
10:20Il faut s'en rendre compte.
10:22On est sur quelqu'un de très âgé
10:24qui doit faire des allers-retours.
10:26On lui fait des allers-retours
10:28entre la prison de Kolea,
10:30qui est dans la Beaulieu d'Alger,
10:32jusqu'à l'hôpital Mostafa Baja,
10:34dans une unité de soins,
10:36et on lui fait des allers-retours.
10:38Donc, le régime algérien,
10:40en fait, il faut se rendre compte
10:42qu'on est sur un régime, sur un Etat
10:44qui retient en otage un écrivain franco-algérien.
10:46Parce que c'est une prison-otage.
10:48Boilem-Chancel,
10:50il s'est retrouvé, voilà,
10:52otage du régime algérien,
10:54dans cette discorde
10:56franco-algérienne qui date
10:58maintenant, depuis notamment ces derniers mois,
11:00où ça s'est intensifié.
11:02Mais il faut peut-être, c'est le moment aussi,
11:04de se dire qu'il faut arrêter avec cet
11:06aveuglement face au régime algérien,
11:08qu'il faut se comporter aussi que la France
11:10a les moyens d'agir,
11:12que ce régime ne fera pas marche arrière,
11:14qu'il reconnaît que le rapport de force...
11:16Je vous dis juste une dernière chose,
11:18sur ce point-là,
11:20c'est que les discours, par exemple, du ministre
11:22des Affaires étrangères français,
11:24vous savez qu'ils sont très utilisés
11:26dans les médias algériens pour dire, regardez,
11:28il demande
11:30une visite à Alger,
11:32on lui refuse.
11:34Il essaie
11:36d'avoir un discours d'apaisement
11:38parce que l'Algérie, c'est un grand...
11:40C'est ça qu'on entend quand
11:42on s'attaque au ministre de l'Intérieur,
11:44Bruno Rotaillon, en disant que c'est un raciste,
11:46qu'il est à la tête d'une compagnie de haine,
11:48donc c'est pour dire que le régime
11:50algérien ne reconnaît que le rapport
11:52de force, encore une fois.
11:54Le régime algérien ne reconnaît que le
11:56rapport de force. J'ai l'impression d'entendre
11:58ces mots depuis le
12:00début de l'histoire, et j'ai l'impression,
12:02alors c'est peut-être un sentiment, peut-être à tort,
12:04que rien ne bouge. Non ?
12:06Oui, vous avez raison, la diplomatie française,
12:08en tout cas,
12:10ne la voit pas très active. Les leviers
12:12qui pourraient être appliqués, ou au moins
12:14utiliser les mesures de rétorsion qui pourraient
12:16être activées pour créer
12:18justement un rapport de force,
12:20eh bien, à part Bruno Rotaillon, personne ne
12:22semble vouloir
12:24les mettre sur
12:26le jeu. Il y a la question des visas,
12:28qu'on a déjà beaucoup évoqué, il y a la question
12:30de l'aide au développement, il y a la question
12:32des passeports. Vous savez qu'il y a
12:34de nombreux hiérarches
12:36algériens qui bénéficient
12:38de passeports diplomatiques, et qui peuvent
12:40venir et aller
12:42entre Alger et Paris,
12:44alors que, pour le coup, on pourrait
12:46activer cela. Donc il y a aussi
12:48les tarifs de douane, on voit bien ce qui se passe aux Etats-Unis.
12:50Donald Trump, pour faire plier tous les pays
12:52d'Amérique latine, il utilise les tarifs de douane. Pourquoi
12:54on ne fait pas ça avec l'Algérie ? Est-ce qu'on
12:56en est capable ? Le problème, c'est que
12:58pour renverser cette diplomatie
13:00et le rapport qu'on a avec l'Algérie, il faudrait
13:02renverser carrément la table, et je ne suis
13:04pas sûr qu'aujourd'hui, le gouvernement,
13:06je mets Bruno Rotaillot à part,
13:08souhaite cela. Le Président de la République
13:10ne le souhaite pas, le Premier ministre ne le souhaite
13:12pas non plus, et Jean-Noël Barraud, le ministre des Affaires étrangères,
13:14non plus. Donc on est un petit peu dans un casse-tête diplomatique.
13:16Un casse-tête diplomatique, Chokhi Ben Zahra,
13:18vous validez
13:20ce que dit Jules Torres ?
13:22Les choses ne bougent pas, d'après ce que vous voyez ?
13:24Ah oui, je valide,
13:26et moi, dès le début, de toute façon,
13:28sur cette affaire, j'ai dit qu'il y avait un homme,
13:30effectivement, le ministre de l'Intérieur,
13:32de toute façon, un homme ne peut pas changer
13:34les choses à lui tout seul, il faut lui donner
13:36les moyens, et la France aussi,
13:38pour moi, la France, c'est une diplomatie,
13:40c'est historiquement un pays
13:42qui a justement les moyens d'agir,
13:44mais qu'aujourd'hui, on a l'impression
13:46qu'il n'y a rien face
13:48à ce régime, et je vous dis juste une chose,
13:50c'est qu'il faut
13:52réfléchir à ce qui va se passer dans les
13:54prochaines années. On est entré sur un régime
13:56qui a commencé depuis
13:582-3 années, le régime algérien,
14:00à essayer de s'infiltrer
14:02au sein de la communauté algérienne,
14:04à utiliser des institutions qu'il a en France,
14:06avec une légitimité religieuse,
14:08quand il s'agit de la Grande Mosquée de Paris,
14:10avec des agents d'influence
14:12sur le sol français, essayer d'imaginer
14:14à force aussi
14:16de jouer sur les discours complotis
14:18sur la guerre d'Algérie, sur la question
14:20israélo-palestinienne, de jouer sur ces questions-là,
14:22quelle sera la France
14:24de demain ? Quelle sera la France
14:26de demain avec une communauté franco-algérienne ?
14:28On est en train de leur apprendre
14:30à détester le pays dans lequel
14:32ils sont, souvent
14:34dont ils ont la nationalité,
14:36et c'est le régime algérien qui fait ça.
14:38Donc, sans agir contre ce régime,
14:40la France, dans quelques
14:42années, elle va
14:44vraiment souffrir des conséquences de ce
14:46discours-là.
14:47Merci beaucoup. Merci beaucoup
14:49Chokhi Benzera, activiste et réfugié algérien en France,
14:51c'est vous qui avez signalé, donc, et vous avez été
14:53lanceur d'alerte sur ces
14:55influenceurs algériens qui faisaient
14:57des appels à la haine en France. Merci
14:59et bon courage, puisque vous le dites,
15:01aux auditeurs d'Europe 1, vous ne pouvez pas sortir
15:03de chez vous à cause des menaces
15:05de mort et des insultes que vous recevez.
15:07Merci d'avoir été en direct sur Europe 1.