En France, une femme meurt tous les 2 jours sous les coups de son conjoint ou de son ex-conjoint. Au 6 janvier 2025, on décomptait déjà trois féminicides… 136 au total en 2024… Non seulement le nombre de féminicides en France ne baisse pas sous le coup de lois plus strictes ou de mesures de prévention plus fortes, mais il augmente.Alors que se passe-t-il ? Pourquoi n’arrivons-nous pas à protéger les femmes de cette violence ? Rebecca Fitoussi et ses invités ouvrent le débat. Année de Production :
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00:00Julie, récit d'un féminicide écrit et réalisé par Giulia Montineri.
00:05L'histoire, malheureusement, est tragiquement ordinaire d'un féminicide qui émeut, indigne et surprend à chaque fois ici les habitants d'un village
00:13qui n'imaginaient pas, qui ne savaient pas ou qui ne voyaient pas, mais au-delà de l'indignation, qu'est-ce qui est fait ?
00:19Où est-ce que ça coince ? On va se poser ces questions avec nos invités.
00:22Annick Billon, bienvenue. Vous êtes sénatrice centriste de la Vendée, vice-présidente de la délégation aux droits des femmes
00:27et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.
00:29Vous êtes très engagée sur le sujet des féminicides. Vous avez à plusieurs reprises interpellé les différents gouvernements qui se sont succédés.
00:36Et je rappelle votre tribune publiée dans Libération, juillet 2019, intitulée « Féminicide, où est la grande cause du quinquennat ? »
00:44Lorraine Descartes, bienvenue. Vous êtes journaliste, reportère, autrice de ce livre « Nos absentes, à l'origine des féminicides »
00:50paru chez Seuil, ouvrage dans lequel vous reconstituez le parcours des femmes tuées et pour lequel vous avez rencontré
00:56des survivantes, des proches endeuillés mais aussi des auteurs de violences conjugales.
01:00Bérangère Couillard, bienvenue. Vous êtes présidente du Haut Conseil à l'égalité qui vient de publier son rapport annuel
01:05sur l'état du sexisme en France et les conclusions sont assez inquiétantes.
01:09Retour et propagation des propos masculinistes et retour des inégalités de genre.
01:15Je précise évidemment que vous avez été ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et députée En Marche.
01:20Maître Emmanuel Daoud, bienvenue à vous également. Vous êtes avocat pénaliste auprès de la Cour pénale internationale.
01:26Co-président de L4W, Lawyers for Women, qui plaide pour, je cite,
01:31« l'amélioration de la prise en charge par la justice des violences faites aux femmes ».
01:35Merci beaucoup à tous les quatre d'être ici.
01:37On a dans ce documentaire une réalisatrice qui explore sans tabou le cas de Julie Dweeb,
01:41tuée à l'âge de 34 ans par son ex-conjoint, condamnée, lui, en appel à la réclusion criminelle à perpétuité,
01:47assortie d'une peine de sûreté de 22 ans et à qui l'autorité parentale a été totalement retirée.
01:53L'homme menaçait, traquait, frappait et il a fini par venir chez elle et par la tuer.
01:58Avant de comprendre les failles du système qui sont explorées dans ce documentaire,
02:02s'il vous plaît des chiffres et l'état des lieux peut-être, des informations utiles.
02:06Bérangère Couillard, combien de féminicides en France chaque année ?
02:10Est-ce que la tendance est à la baisse, à la hausse ? Est-ce que ça stagne ? Où est-ce qu'on en est ?
02:15Il y a eu une baisse significative entre 2019 et 2024.
02:20C'est une réalité. Maintenant, ça a tendance à stagner.
02:24C'est-à-dire qu'il y a des années un petit peu moins bonnes et des années un peu meilleures,
02:28même si on ne peut jamais se réjouir.
02:30En tous les cas, en 2023, c'est 93 féminicides qui ont été recensés par le ministère de l'Intérieur.
02:37Donc aujourd'hui, ces chiffres sont connus parce qu'ils sont aujourd'hui recensés,
02:40ce qui n'était pas le cas il y a quelques années.
02:42Donc ça permet de suivre cette tendance.
02:46Le Grenelle des violences conjugales a été lancé l'année où il y a eu 149 féminicides.
02:51C'était une année particulièrement meurtrière qui avait beaucoup marqué.
02:55Et notamment, il y a eu l'assassinat de Julie Dweeb cette année-là.
03:01Lorraine Descartes, qu'est-ce qu'on sait du féminicide et de la tragique mécanique qui se met en place ?
03:05Est-ce que c'est forcément précédé de coups, de violences conjugales ?
03:08Non, le féminicide n'est pas forcément précédé de coups et de violences conjugales.
03:14Les violences conjugales, en fait, tout dépend de ce qu'on entend par violence.
03:16Parce que je pense que dans le discours public,
03:18on a beaucoup tendance à associer la violence conjugale à une forme de violence physique.
03:22Alors qu'en fait, on sait que cette violence,
03:24qui prend plutôt la forme d'un contrôle de l'autre presque totalitaire,
03:28elle peut prendre énormément de facettes différentes.
03:30Que ce soit une violence économique, une violence administrative,
03:33et aussi un isolement social et familial ou géographique.
03:37Par exemple, Julie Dweeb qui est partie habiter en Corse
03:40alors que sa famille vient de banlieues parisiennes.
03:43En revanche, on repère quelques récurrences.
03:46Déjà, le contexte de séparation qui est très fréquent,
03:49avec un pic de danger dans les mois qui suivent la séparation,
03:52en général de trois à six mois.
03:54Après, on ne peut jamais vraiment faire de règles dans le détail.
03:58Mais il y a souvent des plaintes antérieures.
04:01Il y a des signaux d'alerte, par exemple, qui peuvent aggraver le danger.
04:05Notamment, quelque chose qui est assez peu commenté,
04:08c'est la présence d'armes à feu à domicile.
04:10Puisqu'on sait que c'est le second mode opérateur le plus fréquent.
04:13Alors qu'on est supposé être un pays avec un contrôle assez strict.
04:17Des armes.
04:18Normalement.
04:19Il existe un numéro d'appel pour les femmes qui se sentent menacées.
04:22C'est le 3919, un numéro gratuit et anonyme.
04:25Un numéro accessible 24h sur 24, 7 jours sur 7.
04:28Un numéro accessible aux personnes sourdes et malentendantes.
04:30Joignable par mobile ou téléphone fixe en métropole
04:33et dans les départements d'outre-mer.
04:35Un numéro qui s'adresse également à l'entourage des victimes
04:39et aux professionnels concernés.
04:41Le conseil à donner à toutes les femmes qui, peut-être,
04:43nous regardent, Annick Billon, pendant cette émission,
04:46et aussi à leur entourage, c'est quoi ?
04:48C'est déjà prendre conscience lorsqu'il y a des violences.
04:51Les voir, ne pas se cacher la vue.
04:54Et puis, vous venez de dire à l'instant, le 3919.
04:58La délégation aux droits des femmes, lorsque je la présidais,
05:00on a fait un travail très important sur femmes et ruralité.
05:03On s'est aperçu qu'il y avait 11 millions de femmes
05:06qui vivent dans la ruralité.
05:07Une majorité de femmes qui vivent dans la ruralité
05:10et qui ne connaissaient quasiment pas ce numéro d'urgence.
05:14Donc, on voit aussi qu'il y a des degrés d'information
05:17qui sont très différents en fonction de là où on se trouve,
05:20c'est-à-dire l'accès aux services publics,
05:22l'accès à l'information,
05:24et ça contribue évidemment à l'isolement.
05:27Il est question, dans ce reportage extrêmement bien fait,
05:31sur toute la première partie des écueils,
05:34eh bien, on le voit, les territoires hiliens
05:37ou les territoires ultramarins,
05:3911% en réalité de féminicides sont dans les territoires ultramarins
05:45ou des territoires hiliens,
05:47alors que seulement 4% des femmes vivent dans ces territoires.
05:50Donc, on voit bien qu'il y a un déficit d'information,
05:53un déficit d'accès aux services publics
05:55et que forcément, ces numéros d'urgence, c'est important,
05:58mais il n'y a pas que ça.
05:59C'est tout un écosystème qui doit être mis en place
06:02pour pouvoir recueillir la parole dans de bonnes conditions
06:06et c'est aussi l'objet de ce reportage
06:08où on voit une situation sur cette île de Corse
06:12et ce qui est rassurant, malgré tout,
06:15au visionnage de ce reportage,
06:17c'est que les choses ont changé.
06:19C'est-à-dire qu'il y a eu cette grande cause du quinquennat,
06:21mais on voit que, sur pas mal de sujets,
06:24on a avancé.
06:25C'est le 39-19, vous venez d'y faire référence.
06:28Il faut savoir qu'il y a encore quelques mois,
06:31quelques années, ce 39-19, il n'était pas accessible la nuit,
06:34il n'était pas accessible le week-end,
06:36parce qu'il n'y avait pas suffisamment de budget
06:38pour pouvoir le rendre accessible.
06:40Il n'était pas accessible, donc, au territoire ultramarin.
06:43Donc oui, on a avancé.
06:45Oui, il y a des outils en place,
06:46mais aussi, lorsqu'on parle de comment réagir
06:50au niveau de l'environnement,
06:52c'est aussi un problème culturel.
06:55C'est-à-dire qu'on doit prendre en compte tous les éléments.
06:59Tous les éléments, c'est une information,
07:01c'est une culture qu'on doit avoir sur les violences faites aux femmes,
07:05parce qu'elles ne sont pas seulement physiques,
07:07elles sont aussi psychologiques,
07:09et il y a des signaux, il y a des signaux faibles
07:11auxquels tout le monde doit être formé.
07:13Mais justement, c'est un des sujets forts de ce documentaire,
07:15c'est celui de l'entourage.
07:17Emmanuel Daoud, on voit un entourage qui sentait des choses,
07:19qui avait perçu des choses,
07:21qui avait même assisté à des scènes,
07:22qui pouvaient laisser entendre
07:24que Gilles Douibs était plus que maltraitée,
07:26elle était violentée.
07:28J'ai vu qu'il existait un délit de non-dénonciation.
07:31Est-ce que ça veut dire que l'entourage
07:33a aussi une forte responsabilité,
07:35et qu'il peut même être poursuivi,
07:37s'il ne dénonce pas, s'il n'alerte pas ?
07:39Parce que ça aussi, ça peut être entendu
07:41par les gens qui nous écoutent en ce moment.
07:43Vous avez raison de mettre l'accent
07:45sur ce qui est une infraction dans notre Code pénal.
07:48Je voudrais revenir un instant sur les propos
07:50de Madame la Sénatrice.
07:52C'est que dans les petites agglomérations
07:56parfois, les postes de gendarmerie
07:58sont trop éloignés.
07:59Et dans des petites communes,
08:01au contraire, ils sont trop centraux
08:03et tout le monde se connaît.
08:05Comment, lorsque je suis victime
08:07de violences conjugales,
08:09je peux être en capacité,
08:11dans la confidentialité la plus totale,
08:13déposer plainte ?
08:15Outre le fait que tout le monde se connaît.
08:17Outre le fait que mon mari,
08:19mon compagnon, mon ex-concubin
08:21peut être, comme l'on dit,
08:22pote avec les gendarmes du coin.
08:23Comment puis-je faire ?
08:24Et sur les départements
08:26ou les territoires hyliens,
08:27là aussi, la connaissance de chacun,
08:31la connaissance sociale de chacun et de chacune,
08:33pèse.
08:34Il y a une forme d'omerta,
08:37ça ne s'applique pas forcément
08:38uniquement à la société corse,
08:39mais aussi sur les autres territoires.
08:42Donc ça, c'est très concrètement,
08:44je pense qu'un des axes de progrès,
08:46c'est d'essayer de pouvoir
08:48exfiltrer en quelque sorte ces personnes
08:50pour qu'elles puissent trouver
08:52un lieu où elles pourraient déposer plainte
08:55en toute confidentialité.
08:56Ça peut, par exemple,
08:57c'est un de ce qu'a permis aussi la loi,
09:00dans les hôpitaux,
09:02pouvoir déposer plainte.
09:04Alors je réponds à votre question.
09:06Parce que ça pèse aussi sur l'entourage,
09:07évidemment, c'est mieux, tout ça.
09:08Bien sûr.
09:09Ce qui est incroyable,
09:10j'ai fait la recherche
09:12avant de venir ce matin,
09:14à ma connaissance,
09:15il n'y a qu'une seule décision
09:17rendue par une juridiction pénale,
09:20le tribunal correctionnel de Toulouse,
09:22en 2023,
09:25qui a condamné
09:27pour non-assistance à personne en danger
09:30le frère présent sur les lieux
09:35au moment où le concubin
09:37avait frappé à ce point violemment
09:39sa concubine,
09:40que celle-ci était décédée
09:42des suites de ces coups.
09:43C'est le seul cas, à ma connaissance,
09:45où une juridiction pénale
09:47a condamné pour non-assistance
09:48à personne en danger
09:49le frère.
09:50Alors même que ce délit existe
09:51depuis la nuit des temps.
09:53Donc je pense que les parquets,
09:55c'est-à-dire les procureurs de la République,
09:57seraient bien avisés d'essayer,
09:59lorsque les enquêtes pénales le permettent,
10:01par exemple, dans un immeuble,
10:03combien de fois on entend dans les dossiers
10:05les voisins sont courants,
10:07on a entendu des cris,
10:08c'est récurrent,
10:09ça dure sur des mois et des mois,
10:10ces violences,
10:11et ces personnes-là,
10:12on les interroge,
10:13parfois, elles sont convoquées comme témoins,
10:15monsieur, madame,
10:16pourquoi n'avez-vous rien fait ?
10:18Y compris pour les membres de la famille.
10:20Mais il n'y a aucune poursuite pénale.
10:21Alors je ne suis pas, pour le tout, répressif,
10:23mais puisque ça ne marche pas,
10:25et qu'on peut encore accentuer la prévention,
10:28peut-être que si on médiatisait
10:30certaines poursuites pénales
10:31contre le proche entourage
10:33qui n'a rien fait alors qu'il le savait,
10:35peut-être que nous aurions, peut-être,
10:37des résultats meilleurs.
10:38Bérangère, après, la difficulté,
10:40et ce qui ressort souvent dans les dossiers,
10:42c'est qu'en fait, à quel moment
10:44celui qui peut dire,
10:46parce qu'il est au courant de ce qui se passe,
10:48peut le faire sans mettre en danger la victime ?
10:52C'est-à-dire que la question s'est posée,
10:54notamment, aussi, lorsqu'il y a eu,
10:56dans la loi de 2020,
10:57l'introduction du fait de la levée
10:59du secret médical pour les médecins.
11:01Et ça a été beaucoup de discussion
11:03avec l'Ordre des médecins
11:04sur cet article de loi,
11:07et notamment aussi pour les proches,
11:09c'est-à-dire à quel moment
11:11les proches se sentent légitimes
11:13pour aller dénoncer les faits
11:15et les actes violents
11:17réalisés par le conjoint sur la victime.
11:20D'accord, mais à force de se dire ça,
11:22finalement, on ne fait plus rien,
11:23alors qu'il existe, ce délit de non-dénonciation.
11:25Il y a de plus en plus de dénonciations,
11:27compte tenu qu'il y a une sensibilisation
11:29extrêmement forte de la société
11:30depuis quelques années,
11:32et du coup, c'est aussi grâce à cela.
11:34Mais c'est là où il faut le mesurer,
11:37et on le voit, d'ailleurs, dans le reportage.
11:39Ils le disent très justement,
11:41qu'ils le savaient.
11:42Il y a une amie qui dit qu'elle a essayé de lui parler,
11:44qu'elle s'est refermée.
11:46Il savait qu'il avait été violent avec la précédente conjointe.
11:49Il y a une stratégie aussi.
11:51À partir du moment où vous êtes agresseur,
11:53il y a une stratégie d'isolement, d'enfermement.
11:56La victime de ces violences,
12:00en réalité, elle n'est pas disposée
12:02à partager aussi,
12:04parce qu'elle est isolée.
12:06Et donc, c'est une grande difficulté
12:08pour l'entourage,
12:09parce que ses parents le disent bien,
12:11pour elle, il fallait préserver les enfants.
12:13Elle faisait le maximum.
12:14Elle était utilisée, finalement,
12:16pour pouvoir maintenir cette emprise
12:19que l'agresseur a sur sa femme.
12:21Donc, c'est très difficile.
12:23Mais on parle aussi de culture.
12:27Aujourd'hui, on a une information
12:29sur les violences faites aux femmes,
12:31les violences sexistes ou physiques ou sexuelles,
12:34qui n'est plus pas la même qu'il y a quelques années.
12:37Donc, forcément, à partir du moment
12:39où on entend ce témoignage d'une jeune femme qui dit
12:42que je l'ai vu donner une claque à sa femme sur un stade,
12:45forcément, j'imagine, quand même,
12:48de manière positive,
12:50que les réactions seraient différentes aujourd'hui.
12:52Les réactions seraient différentes aujourd'hui.
12:54Je pense qu'il faut quand même rappeler
12:56que dans l'affaire Julie Douib,
12:57c'est une victime de féminicide
12:58qui était allée dénoncer à la gendarmerie
13:01à plusieurs reprises,
13:02et qu'en fait, quelques jours,
13:04je crois que c'était la veille ou l'avant-veille,
13:06avant l'assassinat,
13:08elle a découvert que toutes ses plaintes
13:10avaient été classées sans suite,
13:11elle a eu cette phrase qui a été rapportée
13:12par l'une de ses amies sur les réseaux sociaux,
13:14qu'est-ce qu'il faut ?
13:16Est-ce qu'il faut que je sois assassinée ou tuée
13:18pour que vous me croyez ?
13:20Par contre, en revanche,
13:21ce qui est important de savoir sur les féminicides,
13:23et là, on va plutôt s'intéresser aux féminicidaires, aux hommes,
13:26c'est qu'en fait, très souvent,
13:27le féminicide, c'est un crime annoncé,
13:29c'est-à-dire qu'en fait,
13:30sur les différentes affaires sur lesquelles j'ai travaillé,
13:33très souvent, en fait,
13:35il ressort dans les témoignages,
13:36plutôt du côté de l'entourage de l'homme,
13:38que le féminicide avait été annoncé,
13:41c'est-à-dire que l'homme avait proféré des menaces de mort
13:43qui avaient été banalisées.
13:44Il faut savoir aussi que les menaces de suicide
13:46font aussi partie des signaux d'alerte
13:48qui, aujourd'hui, il me semble,
13:49qui sont présents dans la grille d'évaluation du danger,
13:51qui sont diffusées en gendarmerie, en commissariat.
13:53Donc, il y avait des barrières, en fait,
13:55qui ont été franchies,
13:56et parfois, et c'est le plus terrible,
13:58le féminicide était aussi dit de quelle façon,
14:01c'est-à-dire, par exemple,
14:02je reviens à la situation des armes à feu,
14:04puisque le féminicide de Gilles Dube
14:06a été perpétré par une arme à feu
14:08qui, il me semble, était non enregistrée, illégale.
14:11Très souvent, en fait, le féminicideur va dire
14:14avec comment il va s'y prendre aussi.
14:16Et c'est ça qui est terrible, en fait.
14:17C'est qu'en fait, leur parole...
14:18C'est une stratégie.
14:19...est banalisée aussi, en fait.
14:20Alors, puisqu'on en est à pointer les dysfonctionnements,
14:22et je vais vous donner la parole dans un instant,
14:24je voudrais qu'on le fasse au travers d'un extrait,
14:25parce qu'évidemment, ce sont des chiffres pas acceptables,
14:27et il y a des dysfonctionnements
14:28qui sont pointés dans ce documentaire,
14:29notamment par cet élu de l'Île-Rousse
14:31et l'Île-Rousse qui connaissait Julie Douille.
14:33Écoutez.
14:34J'avais constaté une chose qui, moi, me perturbait,
14:37c'est que sur le territoire, on avait tous les services.
14:40Tous les services étaient à disposition.
14:42Les services sociaux,
14:44beaucoup de services venaient régulièrement en balagne.
14:48Mais je m'étais rendue compte
14:50qu'aucun de ces services, entre eux, ne communiquait,
14:52ne partageait les informations.
14:54Et donc, il y avait un manque de coordination
14:57sur le traitement des informations, des dossiers,
15:00qui était peut-être moins grave que celui-là,
15:02mais il y avait quand même des dossiers un peu lourds.
15:04Et je me disais quand même, c'est une faille de notre système.
15:07Je parlais des gendarmes.
15:08Moi, je vois plus toute la responsabilité chez le procureur.
15:10Absolument.
15:11Les gendarmes, il faut savoir que les informations,
15:14on le sait tous, remontent chez le procureur.
15:16C'est le procureur.
15:17Et je suis d'autant plus choquée, Lionel,
15:19juste un coup de 30 secondes,
15:21que c'était une procureure.
15:23C'était une femme.
15:25Manuel Daoud, dysfonctionnement du côté des gendarmes
15:28et encore davantage du côté du procureur,
15:30de la procureure, nous dit-elle.
15:32Si on s'en tient à des données statistiques,
15:35quand on voit encore le pourcentage des classements sans suite,
15:39s'agissant des plaintes pour violences faites aux femmes
15:41de façon générale,
15:42qui sont aussi ce qui démarre,
15:45ce qui va entraîner peut-être un féminicide,
15:48oui, en tout cas, je ne sais pas si c'est un manque de moyens,
15:52un manque de sensibilité,
15:54mais il y a eu de nombreux dossiers où l'on a pu retenir,
15:57peut-être parce que les signaux faibles, comme vous le disiez,
15:59n'ont pas été perçus par les magistrats,
16:02un défaut de suivi.
16:04Donc, ces dossiers sont des dossiers abominables.
16:08Une vie humaine a été ôtée.
16:10Et donc, évidemment, à chaque fois, de façon clinique,
16:12on va se pencher sur ce qui a,
16:14je ne vais pas dire le terme, il est trivial,
16:16ce qui n'a pas fonctionné.
16:18Mais vous l'avez constaté, vous,
16:20en tant qu'avocat, dans votre expérience,
16:22dans votre contact avec la justice.
16:24Je vais vous donner un exemple concret.
16:26Quand l'on accompagne,
16:28quand on n'accompagne pas, pardon,
16:31une victime, une femme,
16:33qui va déposer plainte,
16:34et on lui a dit, allez déposer plainte,
16:36et que cette plainte n'est pas reçue,
16:38elle n'est pas recueillie au commissariat, au gendarme,
16:40on dit, non, madame, on ne recueille pas votre plainte.
16:42Mais quelle raison on invoque ?
16:44Trop de travail, ou pas assez de preuves,
16:48ou d'ailleurs, on sait bien,
16:50vous êtes déjà venu et vous vous êtes remis,
16:52j'emploie le terme à dessein,
16:54ça a été dit à une de mes clientes,
16:56vous vous êtes remis à la colle avec votre compagnon,
16:58c'est pas la peine de venir nous emmerder
17:00pour venir déposer une plainte.
17:02Tout ça se passant dans une commune rurale.
17:07Et puis ensuite, comment ça se passe ?
17:10Il faut aussi que nous sommes responsables
17:12collectivement des moyens
17:14qui sont donnés à la justice.
17:16Notre budget pour la justice,
17:18même s'il y a eu une augmentation ces dernières années,
17:20n'est pas suffisant.
17:22Les magistrats du parquet
17:24qui sont avec leurs oreillettes pour traiter
17:26les urgences au fil de l'eau,
17:28un peu comme des contrôleurs aériens,
17:30parfois, il y a des trous dans la raquette
17:32et c'est le surcroît de travail
17:34ou le défaut d'attention.
17:36Moi, je pense qu'une des solutions,
17:38je ne dis pas que j'ai forcément raison,
17:40ce sont des parquets
17:42et des magistrats dédiés.
17:44Comme en Espagne.
17:46L'Espagne comprend toujours en exemple.
17:48Parce que là, ça permettrait peut-être
17:50d'avoir une attention soutenue.
17:52Je ne sais pas si c'est la solution idéale.
17:54Il y a eu des pôles spécialisés
17:56qui ont été créés en début d'année.
17:58Je vous le confirme.
18:00C'est tout récent.
18:02Il faut voir maintenant la mise en œuvre
18:04et leur efficacité.
18:06En Espagne, en 16 ans,
18:08le pays a fait diminuer de plus d'un tiers
18:10le nombre annuel de féminicides conjugaux
18:12passant de 72 en 2004
18:14à 30 en 2020.
18:16Que font-ils que nous ne faisons pas ?
18:18Ils mettent beaucoup d'argent.
18:20Il y a la formation.
18:22Vous le disiez tout à l'heure,
18:24qu'est-ce qui n'a pas fonctionné ?
18:26Il y a quelque chose qui n'a absolument pas fonctionné,
18:28c'est le partage d'informations.
18:30On le voit, il y a déjà eu
18:32une potentielle victime auparavant.
18:34Aucune information n'a été,
18:36semble-t-il, au niveau de la gendarmerie
18:38ressortie.
18:40Il y a également
18:42l'ordonnance de protection qui peut être délivrée
18:44beaucoup plus rapidement désormais.
18:46Il y a le protocole féminicide
18:48pour les enfants. On s'aperçoit dans ce reportage
18:50que le féminicide,
18:52il est même dit, ça a eu lieu un week-end.
18:54Donc le week-end, il n'y a pas de procédure.
18:56Enfin, donc,
18:58on manque d'argent, on manque
19:00cruellement, on manquait à ce moment-là
19:02de cohésion, de partage d'informations.
19:04Mais ce que je veux dire aussi,
19:06c'est qu'on a progressé. Il y a eu le Grenelle.
19:08Alors justement, oui.
19:10Grenelle de 2019 consacrée aux violences faites aux femmes.
19:1230 mesures avaient été annoncées.
19:14Ça allait de l'éducation à la non-violence
19:16dans les écoles, à la prise en charge renforcée des victimes,
19:18financement de structures dédiées,
19:20création de 80 postes d'intervenants sociaux
19:22dans les commissariats et gendarmeries,
19:24déploiement des bracelets anti-rapprochement.
19:26Et je passe sur d'autres mesures.
19:28On en est où ?
19:30C'est quand même bien avancé.
19:32C'est-à-dire ? C'est en place que ça ?
19:34Je le soulignais. Alors, il y a eu beaucoup de choses
19:36qui ont été mises en place depuis 2019
19:38et même des choses ont été ajoutées.
19:40On parlait de l'extension de la ligne 39-19.
19:42C'était fictif et c'est 7 jours sur 7,
19:4424 heures sur 24.
19:46Les bracelets anti-rapprochement ?
19:48La formation des policiers et gendarmes,
19:50même si c'est encore insuffisant,
19:52mais 150 000 policiers et gendarmes
19:54et tous les élèves qui sortent
19:56des écoles de police et gendarmerie
19:58sont formés à l'accueil des victimes de violences.
20:00Bien sûr, les outils pour protéger les victimes,
20:02les bracelets anti-rapprochement,
20:04les téléphones grave danger.
20:06Les téléphones grave danger, ils sont quand même
20:08au nombre de plus de 5000 qui sont déployés
20:10et aussi délivrés.
20:12Après, vous avez aussi, bien sûr,
20:14les lieux d'hébergement.
20:16Il faut absolument qu'il y ait des places d'hébergement.
20:18On en est où, de ça ?
20:2011 000, donc deux fois plus qu'avant
20:22le Grenelle des violences conjugales.
20:24Donc oui, beaucoup de choses ont été faites.
20:26Les ordonnances de protection, absolument indispensables aussi,
20:28avec une réduction drastique
20:30des délais.
20:3240 jours avant 2019, 6 jours
20:34ensuite avec la nouvelle loi
20:362020-2021.
20:38Et ensuite, maintenant, on est passé à 24 heures
20:40pour les plus urgentes.
20:42Donc voilà, vous avez un certain nombre de choses.
20:44Et puis, on a parlé notamment, aussi,
20:46dans le reportage, des difficultés financières.
20:48Parce que c'est souvent ça.
20:50Et d'ailleurs, vous l'avez dit...
20:52Des femmes, vous voulez dire, qui n'arrivent pas à partir parce qu'elles ne peuvent pas ?
20:54Je pense que les allers-retours, c'est ça.
20:56Bien sûr, il y a l'emprise affective,
20:58psychologique, mais vous avez
21:00bien sûr des soucis financiers.
21:02Après, vous avez le test du Pacte Nouveau Départ
21:04avec l'aide universelle d'urgence,
21:06qui a été une initiative du Sénat,
21:08qui est mise en oeuvre
21:10aujourd'hui et qui fonctionne.
21:1226 000 femmes
21:14ont eu l'occasion
21:16d'avoir
21:18l'aide universelle d'urgence l'année dernière.
21:20C'est une aide qui va jusqu'à
21:221300 euros, donc ça peut être
21:24une aide très précieuse
21:26pour le départ, pour les premières dépenses.
21:28Ce n'est pas suffisant pour, évidemment,
21:30entamer une nouvelle vie.
21:32Mais ça aide sur les premières dépenses
21:34parce qu'il faut partir vite
21:36lorsqu'il faut échapper aux griffes
21:38de son conjoint violent.
21:40Le Grenelle a fait du bien.
21:42Vous sentez que ça bouge, que ça évolue dans le bon sens ?
21:44Plutôt, ce qu'il faut, c'est une prise de conscience
21:46qui est continue.
21:48Ça passe aussi, comme ça a été le cas en Espagne,
21:50par une attention médiatique, un intérêt médiatique
21:52qui ne réduit pas ces crimes à la rubrique
21:54des faits divers. En Espagne,
21:56on ouvre les journaux et ça fait des années
21:58qu'on parle de crimes machistes.
22:00Les journalistes écrivent ça sur les journaux.
22:02La sémantique est importante.
22:04C'est par exemple aussi dans les pages société,
22:06ça peut faire la une, etc.
22:08Il y a une évolution médiatique et une sensibilisation.
22:10C'est hyper important de parler aussi
22:12de la sensibilité citoyenne face à ces violences
22:14parce que c'est aussi un outil de lutte
22:16contre la banalisation.
22:18Ce que je voudrais dire par rapport à l'efficacité
22:20des promesses du Grenelle, je pense que c'est quelque chose
22:22qu'on ne dit pas assez, mais ça repose beaucoup
22:24sur le travail des travailleurs sociaux
22:26qui ont aussi souvent des conditions de travail
22:28qui sont très précaires, avec des contrats
22:30qui ne sont pas forcément renouvelés, etc.
22:32Il faut aussi, du coup, prendre en compte
22:34quand on parle des budgets qui sont alloués
22:36ou des dispositifs, que ça repose encore
22:38trop souvent aujourd'hui sur des engagements
22:40et des volontés individuelles,
22:42notamment des travailleurs et des travailleuses
22:44sociaux sociales.
22:46Ça veut dire que ce n'est plus forcément une question
22:48de loi, une question de texte. On a tout.
22:50Il y a un sujet, c'est quand même
22:52le contrôle coercitif intégré dans le Code pénal.
22:54Vous avez, d'ailleurs,
22:56ça a été discuté la semaine dernière,
22:58il y aura de nouveau un travail dans l'hémicycle
23:00à l'Assemblée nationale, notamment sur
23:02une proposition de loi qui avait été déposée
23:04par la députée Aurore Bergé,
23:06qui est devenue ministre, sur, justement,
23:08l'intégration du contrôle
23:10coercitif dans le Code pénal.
23:12Ça ne fera pas tout, mais ça permet
23:14donc de... – Qu'est-ce que c'est
23:16le contrôle coercitif ? – C'est de tout contrôler,
23:18comme disait Mme la Sénatrice.
23:20Ça ne commence pas par les coûts.
23:22Ça passe par la tenue vestimentaire,
23:24la façon de s'exprimer, la façon de regarder,
23:26la façon, simplement, d'être à l'extérieur
23:28ou à l'intérieur du domicile.
23:30Tout est contrôlé, et donc,
23:32vous avez, comme ça, un contrôle
23:34qui s'exerce et qui fait qu'en fait,
23:36ça affaiblit, et ça ne donne plus
23:38les bons réflexes quand les violences
23:40arrivent, et c'est
23:42ce qui entraîne
23:44souvent cette
23:46incapacité, en fait.
23:48– À parler, à partir, et à partir.
23:50– En fait, le contrôle coercitif,
23:52c'est un terme qui vient de la sociologie
23:54développée par un sociologue qui s'appelle
23:56Yvonne Stark, qui vient des États-Unis,
23:58et qui s'est diffusé ces dernières années en France,
24:00notamment grâce au travail de chercheurs
24:02comme Pierre-Guillaume Prigent,
24:04et qui permet, en fait, de compléter une approche
24:06qui est plus psychologique, quand on appréhende
24:08les violences, notamment avec ce concept
24:10d'emprise, et qui permet, en fait, de voir
24:12concrètement, dans la journée d'une victime,
24:14qu'est-ce qui est mis en place pour contrôler
24:16et pour, en fait, lui faire perdre son
24:18libre arbitre. Il y a cette image qui est utilisée
24:20par ce sociologue, Yvonne Stark,
24:22de la cage dans laquelle, en fait, la victime,
24:24elle est enfermée. Parfois, ça peut aller très vite,
24:26en l'espace de quelques semaines. Parfois,
24:28ça prend des années, en fait, avant que
24:30la cage soit complètement bouclée,
24:32et qu'en fait, ça peut être, par exemple,
24:34c'est ce que j'ai dit, quand j'ai dit que la violence,
24:36elle est protéiforme, ça peut être des violences économiques,
24:38mais ça peut être aussi un contrôle alimentaire.
24:40Ça, c'est quelque chose qui m'a beaucoup étonnée
24:42quand je l'ai découvert sur le terrain,
24:44mais voilà, c'est aussi les exemples que vous avez donnés.
24:46– Emmanuel Daoud ?
24:48– Sur le contrôle coercitif, un exemple,
24:50parce que quand on est avocat,
24:52on peut aussi défendre les auteurs
24:54de violences conjugales.
24:56J'ai reçu un homme
24:58qui était poursuivi
25:00pour violences conjugales,
25:02et sa femme parlait de contrôle coercitif,
25:04d'emprise totale, et je lui dis,
25:06monsieur, qu'en est-il ? Et il me répond,
25:08les yeux dans les yeux, mais il raconte n'importe quoi,
25:10elle fait ce qu'elle veut, c'est pas parce que,
25:12sur notre appli partagée, je sais qu'elle prend
25:14un café au Starbucks à telle heure,
25:16qu'elle déjeune à tel endroit,
25:18et il me donnait l'emploi du temps
25:20de sa femme,
25:22minute par minute. – Mais lui, il ne voyait pas de contrôle ?
25:24– Mais lui, il ne voyait aucun contrôle.
25:26Donc, il y a aussi,
25:28évidemment,
25:30c'est pas parce que je suis entouré
25:32de femmes que je le dis, il y a aussi
25:34un travail culturel
25:36et socio-culturel
25:38qui doit être fait d'abord par les hommes,
25:40mais aussi d'introspection.
25:42On a parlé d'introspection collective
25:44pour l'affaire dite des viols de Mazan,
25:46mais au-delà de ça, s'agissant
25:48de l'emprise, on doit
25:50commencer aussi par
25:52un travail d'introspection. – Alors, c'est très intéressant que vous disiez ça,
25:54parce que, effectivement, c'est le dernier extrait que je voudrais
25:56revoir avec vous et avec nos téléspectateurs.
25:58Dans le film, la réalisatrice tente une approche
26:00locale et culturelle des violences conjugales
26:02et des rapports hommes-femmes en général.
26:04En l'occurrence, elle est en Corse, donc c'est la culture
26:06corse qu'elle interroge, et des hommes corses,
26:08ce qui pose la question d'une approche différenciée
26:10selon les territoires que vous avez déjà un petit peu
26:12abordé, Annick Billon, et on va y revenir.
26:14Je voudrais juste qu'on en parle après cet extrait
26:16qui peut faire sourire, mais pas tant que ça.
26:18– La chose que je veux dire,
26:20c'est qu'en Corse, la femme, elle a été déjà beaucoup
26:22plus respectée que sur le continent.
26:24– Peut-être, est-ce que ce n'est pas aussi les dires
26:26qu'on a eus, les meurs, c'est la culture qu'on a eus ?
26:28– Non, mais il n'a pas compris
26:30du tout ce que je dis. Je ne dis pas
26:32d'un brin que la femme n'a été pas respectée en Corse,
26:34et je pense comme toi que la femme n'a été plus respectée
26:36en Corse que sur le continent, mais par contre,
26:38je pense qu'une femme qui se faisait battre en Corse,
26:40le mari était
26:42beaucoup plus protégée en Corse que sur le continent.
26:44– Alors là,
26:46on est sur un terrain peut-être un peu sensible,
26:48une approche territoriale, une approche culturelle,
26:50une approche, qu'est-ce que vous en pensez ?
26:52Est-ce qu'effectivement, on doit avoir
26:54une approche territoriale de ces questions ?
26:56– Alors, lorsqu'on regarde par exemple
26:58les territoires ultramarins, on sait qu'il y a
27:00un degré de violence qui est beaucoup plus
27:02important, il y a une précarité
27:04aussi qui est beaucoup plus importante.
27:06Après, là, il s'agit
27:08d'une vision assez macho
27:10quand même du territoire.
27:12– Oui, mais elles existent ces cultures machistes.
27:14– Mais ce sont des hommes qui parlent aussi.
27:16Moi, ce que je voudrais aussi peut-être dire,
27:18c'est qu'il est question de moyens.
27:20À un moment, on a besoin de moyens.
27:22Cette année, au niveau du budget, au Sénat,
27:24on a voté un budget pour 2025
27:26en hausse de 10%. C'est pour notamment
27:28l'aide universelle d'urgence,
27:30parce qu'il y en a besoin. Mais au-delà
27:32des moyens financiers,
27:34de l'argent,
27:36on a aussi un problème de culture.
27:38Et lorsque l'on parle de...
27:40La présidente évoquait tout à l'heure ses travaux
27:42sur le sexisme
27:44dans la société.
27:46Pour avoir mené, en tant que présidente,
27:48des travaux sur l'industrie
27:50de la pornographie et
27:52le visionnage de plus en plus tôt
27:54des enfants, c'est-à-dire qu'on parle
27:56de 9 ans, où des enfants sont exposés
27:58à des images
28:00pornographiques, où l'image de la femme
28:02est extrêmement dégradée,
28:04on a forcément raté quelque chose
28:06dans l'éducation, puisque l'éducation
28:08à la sexualité, à la vie affective,
28:10au rapport entre les hommes et les femmes
28:12n'existe quasiment pas,
28:14puisqu'on est toujours en train de discuter
28:16du programme, est-ce qu'il est bien,
28:18est-ce qu'il n'est pas bien, alors que c'est
28:20une obligation dans la loi. Tant qu'on n'arrivera
28:22pas à éduquer les enfants
28:24et qu'on laissera l'industrie de la
28:26pornographie, depuis les années 2000,
28:28biberonner des générations,
28:30on n'arrivera absolument pas à
28:32enrayer ces violences faites aux femmes.
28:34Bérengère Couillard ?
28:36Le sexisme, c'est l'antichambre des violences,
28:38et là, on voit qu'il y a un déni
28:40de ces hommes,
28:42ils pensent que la question
28:44n'est pas discutable, c'est-à-dire que
28:46la Corse, par principe, elle est matriarcale,
28:48les sujets
28:50d'égalité
28:52femmes-hommes sont
28:54indiscutables, donc en fait,
28:56par principe, il y a une égalité
28:58entre les femmes et les hommes.
29:00Le sexisme, il y a une forme
29:02de déni, il faut bien sûr travailler
29:04avec la jeune génération, avec la
29:06mise en place des cours à la vie affective,
29:08relationnelle et sexuelle, c'est indispensable
29:10et je crois que ça doit être défendu par
29:12tous les groupes politiques, sans
29:14exception, parce que c'est vraiment
29:16indispensable pour qu'il y ait une égalité
29:18entre les filles et les garçons, pour que plus
29:20tard, il y ait une égalité entre les femmes et les hommes
29:22dans leur foyer, parce que les inégalités
29:24elles sont très présentes dans les foyers. Et puis,
29:26quand je disais qu'il y a un déni des hommes,
29:28il y a un refus
29:30de faire une introspection. Cette introspection
29:32elle est indispensable. Vous savez, moi, j'ai
29:34fait beaucoup d'interventions
29:36depuis ces dernières années sur
29:38le sujet de l'égalité entre les femmes et les hommes.
29:40Le public, il est essentiellement
29:42féminin. C'est le problème.
29:44Il faut que des hommes s'engagent.
29:46Il y en a qui s'engagent, mais ils sont
29:48trop peu nombreux. Il faut qu'il y ait des hommes qui
29:50s'engagent, qu'ils s'interrogent sur leur propre
29:52attitude. Bien sûr que tous les hommes
29:54ne frappent pas leur compagne, ne sont pas violents,
29:56n'ont pas des attitudes qui puissent être
29:58délictuelles, mais il faut absolument
30:00qu'ils puissent simplement s'interroger
30:02comment je me comporte.
30:04Est-ce que quand je suis en groupe,
30:06en boy's club, est-ce que
30:08moi aussi, je tente
30:10de faire quelques blagues un peu lourdes,
30:12le sexisme, ça part de petites choses
30:14qui, après, font que
30:16on a comme ça une ambiance
30:18qui continue d'être
30:20sexiste et qui, après, amène
30:22à des faits plus graves et
30:24parfois des actes violents.
30:26Oui, je suis d'accord avec
30:28ce que vous venez de dire. Il y a un réflexe
30:30assez universel de
30:32vouloir dire la violence pas chez moi, pas dans ma
30:34famille, pas dans ma commune, pas dans
30:36mon département. Or, en fait, ce
30:38réflexe, c'est un réflexe presque
30:40machiste, parce qu'en fait, on sait très bien que
30:42l'introspection,
30:44en fait, se poser la question de...
30:46On appartient tous, en fait, à cette
30:48société, donc il faut aussi se poser la question de
30:50comment est-ce qu'on,
30:52même inconsciemment, on
30:54inscrit aussi dans cette mécanique de violence,
30:56dans ce continuum féminicidaire.
30:58Maintenant, il faut savoir
31:00que le féminicide
31:02au niveau territorial, et je me base encore
31:04en fait sur les données du gouvernement,
31:06il touche en fait tous les départements.
31:08Au même degré ?
31:10Pas au même degré, ça dépend des années, mais par exemple,
31:12en 2023, parmi les départements les plus
31:14touchés, il y avait le Nord et il y avait Paris.
31:16D'accord. Voilà. Il y avait aussi
31:18des départements d'outre-mer, mais c'est-à-dire
31:20en fait qu'il peut être dans des grandes villes,
31:22il peut être dans des zones rurales,
31:24tout comme, en fait, ça se passe en France,
31:26mais la France est à la moyenne internationale aussi,
31:28en fait. C'est juste qu'en fait,
31:30en fonction des territoires où la violence,
31:32ces violences patriarcales s'exercent,
31:34ça peut prendre des formes
31:36ou des spécificités en fonction
31:38du fonctionnement territorial,
31:40mais le patriarcat, on le retrouve partout.
31:42Emmanuel Daoud ?
31:44Je vais vous raconter une anecdote.
31:46On intervient régulièrement
31:48dans des établissements scolaires
31:50et on m'a demandé de juger
31:52une classe de troisième qui faisait un procès
31:54fictif à propos
31:56d'un vrai procès qui a été raconté par Cicéron.
31:58C'était quoi l'histoire ?
32:00C'est un citoyen romain qui rentre
32:02chez lui, qui voit sa femme avec son amant.
32:04Il les tue tous les deux.
32:06À Rome, dans la Rome antique,
32:08on ne pouvait pas être poursuivi pénalement si on surprenait
32:10sa femme au lit avec un autre homme.
32:12Évidemment, l'inverse,
32:14ce n'était pas possible.
32:16Et je dis, on est en 2024,
32:18qu'est-ce que vous feriez ?
32:20Je vais vous dire, sur 15 garçons,
32:22il y en a 14 qui ont levé la main
32:24en disant, bah ouais, il avait raison.
32:26Enfin, je dis vraiment, il avait raison.
32:28Et du côté des filles,
32:30il y en a deux qui ont levé la main en disant,
32:32oui, c'est vrai, on peut tuer quelqu'un
32:34parce qu'il vous est infidèle.
32:36Et ça, c'est en 2024. Je ne vais pas en tirer
32:38une généralité.
32:40Oui à l'éducation,
32:42oui à l'éducation nationale,
32:44oui à l'éducation dans nos foyers.
32:46Et évidemment, vous avez raison,
32:48Madame la Présidente,
32:50il faut qu'on fasse
32:52beaucoup d'introspection parce que,
32:54exemple, sorti pour aller voir
32:56un match de foot, on se retrouve après
32:58pour commenter le match de façon plus ou moins intelligente
33:00et il y a des blagues
33:02qui peuvent fuser
33:04et je ne vais pas m'ériger en censeur
33:06de mes amis.
33:08Ce n'est pas simple, mais vous avez raison, il faut le faire.
33:10L'éducation, oui. Pardon, M. Daoud
33:12souligne notamment la jeunesse
33:14et en fait, on pourrait croire que la jeunesse
33:16prône davantage d'égalité
33:18et en fait, ce n'est pas le cas. C'est l'inverse.
33:20Parce qu'il n'y a pas la jeunesse, il y a les jeunesses.
33:22Non, mais le rapport sur l'état du sexisme
33:24en France qui a été justement réalisé par le
33:26Haut Conseil de l'égalité qui est sorti la semaine dernière
33:28est très clair, c'est-à-dire qu'il y a
33:30un clivage homme-femme qui est de plus en plus
33:32important avec une polarisation
33:34forte, mais particulièrement
33:36chez les jeunes, c'est-à-dire que
33:38les femmes, les filles sont plus
33:40féministes et les hommes, les garçons
33:42sont davantage masculinistes,
33:44embrassent davantage les thèses
33:46ou les propos masculinistes. En réaction
33:48à ce féminisme qui se...
33:50J'augmente. C'est
33:52ce qu'on se dit aussi, c'est-à-dire
33:54que les chiffres sont étus
33:56et c'est important parce qu'on se base sur un baromètre
33:58qui est réalisé chaque année depuis maintenant
34:00trois ans. Il y a une augmentation
34:02de la prise en considération
34:04de la difficulté d'être une femme. 94%
34:06des femmes considèrent
34:08qu'il est plus difficile d'être une femme qu'un homme,
34:1067%
34:12des jeunes hommes le pensent aussi.
34:14C'est plutôt encourageant même s'il y a
34:16un gap qui est très important entre les deux.
34:18C'est plus 8% par rapport à l'année dernière.
34:20On voit qu'il y a plus de jeunes garçons qui se rendent
34:22compte que c'est difficile d'être une femme dans notre
34:24pays. Par contre, il y a 13%
34:26des jeunes hommes
34:28qui pensent qu'il est plus difficile d'être
34:30un homme qu'une femme. C'est des chiffres qu'on ne connaissait pas.
34:32Je pense que oui, il y a
34:34un accompagnement du changement
34:36qui est en train de s'opérer par une partie de la jeune
34:38génération, mais par contre, il y a
34:40une forme de déni
34:42des jeunes qui sont réfractaires à ce changement.
34:44Éducation, éducation, éducation.
34:46On va peut-être clore ce débat sur ces mots-là.
34:48Merci, merci beaucoup à tous les quatre
34:50d'avoir participé à cet échange. Merci à vous
34:52de nous avoir suivis comme chaque semaine,
34:54émissions et documentaires à retrouver
34:56sur notre plateforme publicsena.fr
34:58en replay, bien sûr. À très vite sur Public Sénat, merci.
35:08Sous-titrage Société Radio-Canada