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Une « suppression du reporting-extra financier », c’est ce qu’a évoqué Stéphane Séjourné, vice-président exécutif de la Commission européenne, le lundi 20 janvier 2025. Dans le même temps, des négociations portant sur la simplification de la CSRD s’ouvrent au sein de l’Union européenne. De son côté, le Mouvement Impact France appelle à ce que cela ne mène pas à une baisse des ambitions.

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00:00Générique
00:06L'invité de ce Smart Impact, c'est Caroline Neyron, bonjour.
00:09Bonjour.
00:10La directrice générale du mouvement Impact France.
00:12On va parler bilan extra-financier, CSRD, le match, le combat qu'il faut mener pour qu'elle ne soit pas totalement réduite en termes d'ambition.
00:20En quelques mots, le mouvement Impact France, le principe et puis peut-être le nombre d'entreprises qui vous suivent aujourd'hui ?
00:24Bien sûr. Impact France, c'est une organisation patronale qui réunit aujourd'hui plus de 30 000 entreprises partout en France,
00:32quelle que soit sa taille, quelle que soit sa région, quel que soit son secteur.
00:36Tous ces entrepreneurs, ces dirigeants sont mûs par la volonté d'aligner leur business model avec les enjeux écologiques et sociaux qui vont les frapper.
00:45Certains, bien sûr, sont citoyens militants, mais de plus en plus, ce sont des entrepreneurs qui ont au cœur et dans les chiffres
00:53la conscience qu'il faut qu'ils se préparent à cet avenir avec moins de ressources et en même temps qu'ils assurent aussi une gestion pacifiée de ces bouleversements à venir.
01:05Et des entrepreneurs qui, à juste titre, sont déboussolés en ce moment puisque ça fait des mois pour les plus grosses entreprises,
01:12les très grandes entreprises, les ETI bientôt, qu'ils se préparent à ce bilan extra-financier.
01:16La CSRD, on y consacre plusieurs émissions depuis au moins six mois, quasiment tous les jours.
01:24Et là, en ce moment, on a des messages contradictoires.
01:27C'est-à-dire qu'on a le commissaire européen Stéphane Séjourné qui évoque, voire annonce l'hypothèse d'une suppression du reporting extra-financier.
01:35Le mot suppression a été utilisé. Comment vous avez réagi ?
01:39C'est effectivement pour des dizaines, centaines, milliers d'entreprises qui se préparent une incompréhension.
01:44On est dans une dynamique depuis plusieurs années, on ne se réveille pas aujourd'hui, sur la volonté des Européens
01:52de pouvoir se préparer justement à ces changements écologiques, sociaux, d'intégrer dans les business models de nos entreprises les risques
02:00et en même temps d'accompagner toute une société à se préparer aussi à ces risques.
02:05Donc d'aligner les enjeux publics et privés sur ces sujets.
02:09La CSRD, c'est un mot un peu compliqué, mais en gros l'enjeu c'est de pouvoir accompagner les entreprises à évaluer une performance augmentée.
02:17C'est-à-dire qu'aujourd'hui elles regardent leurs chiffres d'affaires, elles ont un comptable, elles ont toute une armée de normes
02:24pour évaluer leurs performances économiques, performances financières.
02:30Il n'y avait rien finalement, il n'y avait rien qui faisait autorité pour évaluer la performance écologique et sociale.
02:36Du coup ça faisait perdre du temps à tout le monde, de l'argent, il y avait tout un business autour de ça.
02:41Et l'enjeu ça a été un peu de siffler la fin de la récré, de pouvoir professionnaliser ça pour permettre aux entreprises de se projeter dans l'avenir.
02:47Et de se comparer.
02:48De se comparer.
02:49Ce qui est intéressant aussi.
02:50Potentiellement du coup se comparer, donc se valoriser dans un continent qui effectivement quand même pour son modèle social
02:58et pour ses enjeux, ses investissements écologiques qui sort du lot très concrètement.
03:05Et donc peut bénéficier aussi de valoriser cela.
03:08Donc c'est vrai que c'est milliers d'entreprises qui s'y préparent.
03:12Entendre le commissaire européen le lundi matin au mois de janvier dire qu'en fait on va arrêter tout ça, c'est une incompréhension.
03:20C'est aussi le signe qu'il y a un lobby très fort pour le faire.
03:23Un lobby politique, peut-être aussi un lobby économique de ceux qui sont moins avancés que les autres.
03:28Alors qu'est-ce qui se passe ?
03:29Et un lobby international, ne parlons pas de Donald Trump et de la pression qu'il est en train de mettre sur l'Europe.
03:34C'est ça, c'est-à-dire qu'en fait on a un double phénomène.
03:37On a un phénomène que ces directives, elles allaient être ouvertes à des plus petites entreprises, à partir de 250 salariés.
03:44Et aujourd'hui, ces entreprises petites ETI sont nombreuses en France, mais surtout très nombreuses en Allemagne.
03:51Et donc on a des élections en ce moment.
03:54Et il se trouve qu'hier, elles étaient dans la rue.
03:57Les ETI allemande industrielle sont dans la rue.
04:00Donc il y a une pression politique extrêmement forte en Allemagne.
04:04Et donc qui concourt à demander des symboles, des totems de choc de simplification.
04:12Donc ça, c'est la situation européenne qui fait qu'il y a un recul en interne.
04:17Évidemment, il y a le choc Trump qui annonce, lui, une dérégulation vraiment à tout crin.
04:24Un réinvestissement massif dans les énergies fossiles.
04:28Et qui ne supporte pas, lui et ses soutiens les plus connus, la régulation à l'européenne.
04:35Qui le demande très concrètement et qui demande à ne pas être soumis à ces régulations.
04:39Et donc qui tape très dur.
04:40Donc la question, c'est dans ce contexte-là, comment on soutient la vision économique, la compétitivité européenne ?
04:51Est-ce qu'on recule ? Est-ce qu'on tient ?
04:54Et comment on arrive à construire une solution de sortie vers le haut pour nos entreprises ?
04:58Alors, vous faites des propositions.
05:00Parce que la CSRD, ce n'est pas non plus l'alpha et l'oméga.
05:04Il y a pas mal à dire sur sa complexité.
05:07C'est 800 pages, c'est sans doute trop complexe.
05:09Donc qu'est-ce que vous proposez pour finalement trouver une voie médiane ?
05:12Pas abandonner l'ambition et peut-être simplifier, répondre à la demande de ceux qui disent simplifiant.
05:17C'est sûr qu'au bout d'un an, on peut quand même avoir un recul aussi sur la manière dont c'est fait.
05:22Et effectivement, il y a vraiment des voies d'amélioration extrêmement fortes.
05:26Et on ne peut pas dire que quand on demande un choc de simplification ou une baisse de la bureaucratie de la part des entreprises,
05:32ça soit non plus complètement folklorique.
05:35Effectivement, il y a un enjeu que ça soit beaucoup plus simple.
05:38Et on peut allier ambition et simplicité.
05:41Ce dont on peur les entreprises, c'est de faire un rapport de 1400 pages qui bloque les portes.
05:44Et ça, c'est quand même bien normal.
05:46Donc nous, ce qu'on dit, c'est que les entreprises, ce qu'elles demandent, c'est une stabilité réglementaire du cadre.
05:54Que le cadre qui a été posé et qui a été travaillé, il ne soit pas disloqué.
05:57Qu'on n'arrête pas toutes les autres indicateurs qui sortent des enjeux de décarbonation par exemple.
06:02Ce qui est une voie possible.
06:05Qu'on n'arrête pas de demander aux entreprises de s'aligner sur les objectifs des accords de Paris.
06:10Qu'on ne dise pas à toutes les entreprises de moins de 1500 salariés qu'elles vont être laissées tranquilles.
06:17Et qu'on ne leur demande même pas de les regarder.
06:19Par contre, là, il y a des vraies voies de simplification.
06:21Aujourd'hui, tout ce qu'on demande aux entreprises, c'est aussi beaucoup de narratifs.
06:25Qui est incomparable.
06:26Des pages pour expliquer ce qu'ils font et comment ils le font.
06:29Nous, ce qu'on propose, c'est de se centrer sur les objectifs beaucoup plus mesurables.
06:34Donc ce qu'on appelle le semi-narratif et le quantitatif.
06:37Qui permet d'aller beaucoup plus vite pour les entreprises.
06:40Les entreprises, elles savent produire des chiffres.
06:44Elles savent le faire.
06:45Et ça leur permet d'avoir une beaucoup plus grande efficacité dans la manière de remettre ces rapports.
06:51Et puis, in fine, de se comparer sur leur trajectoire et de se comparer par rapport aux autres.
06:57Alors, il y a un autre principe.
06:58Et ça rejoint le bras de fer avec les Etats-Unis.
07:00C'est le principe d'extra-territorialité de ce bilan extra-financier.
07:05C'est aussi ce qui le rend intéressant.
07:07Parce que l'Europe, par capilarité, peut faire en sorte que ses critères, espérons qu'ils resteront ambitieux, se diffusent.
07:17Il faut le maintenir, d'après vous, ce principe ?
07:19L'extra-territorialité, c'est la base.
07:22C'est-à-dire, si on commence à demander à nos entreprises ce qu'on ne demande pas à des entreprises américaines,
07:26alors là, on se met carrément en déficit de concurrence accru.
07:30Ce qui est intéressant, c'est justement d'accompagner des entreprises qui travaillent en Europe.
07:34Ça reste quand même un marché clé.
07:37Et c'est un levier de négociation à les 450 ou 70 millions de consommateurs.
07:44Et qu'il ne faut pas oublier.
07:45Il faut quand même savoir qu'on a une force économique qui est quand même majeure.
07:48On n'est pas quand même une petite poussière.
07:53Et donc, utiliser cette force pour, évidemment, imposer aux entreprises qui viennent travailler chez nous
07:57et qui produisent chez nous de respecter ces règles.
08:02C'est un enjeu pour la compétitivité. C'est aussi un enjeu pour la qualité de vie des Européens.
08:06Parce que finalement, ça veut dire quoi ?
08:08Ça veut dire que les entreprises sont obligées de rendre des comptes sur la pollution,
08:12sur leur utilisation de ressources, sur leur modèle social.
08:16Ça concerne la vie des Européens de manière très directe.
08:20Je voyais dans les recommandations que vous faites,
08:23que ça peut être pertinent au regard de la taille d'entreprise
08:26de proposer des dérogations transitoires de deux ans.
08:29Moi, je lis ça, je me dis attention.
08:31Parce que quand on commence à employer le terme dérogation,
08:33tout le monde va essayer de s'engouffrer dans la brèche.
08:35Le fait de se dire que des entreprises, entre 250 et 750 salariés,
08:40peuvent avoir un peu plus de temps pour s'y mettre,
08:42ça ne remet pas en cause la directive, ça ne remet pas en cause la dynamique,
08:47ça ne remet pas en cause le cadre.
08:49Ce qui est important pour nous, c'est ça.
08:52Il peut y avoir complètement une possibilité pour nous
08:56d'être sur une dérogation de court terme.
08:58Mais vous avez raison, l'enjeu, c'est de clarifier l'objectif.
09:01C'est ça que demandent les entreprises.
09:03Parce qu'en fait, elles peuvent s'adapter à tous les entreprises.
09:05Mais si on leur fait faire quelque chose une année, défaire le lendemain,
09:10en fait, on les fait perdre sur tous les tableaux.
09:12Et là, quand je vous dis ça, c'est un pacte France,
09:14mais c'est aussi Nestlé, Primark, Unilever, L'Occitane,
09:18qui ont fait des lettres en demandant une vision stabilisée,
09:23qu'on ne revienne pas en cause sur les orientations,
09:27parce que c'est des milliers, millions d'euros
09:30qu'elles ont investis pour s'y mettre.
09:31Elles ont payé le coût d'entrée et elles vont se retrouver,
09:34en fait, celles qui s'y sont mises,
09:35celles qui ont respecté aussi la loi,
09:38celles qui se sont intégrées dans la vision collective,
09:41elles vont perdre le temps d'avance qu'elles ont pris.
09:44Et c'est vrai que, du coup, la capacité des entrepreneurs
09:48à avoir confiance aussi dans la parole publique,
09:52là, elle est quand même mise vraiment en doute
09:55et très probablement très durablement.
09:57Et c'est d'autant plus vrai qu'on est toujours
09:59dans cette incertitude budgétaire dans notre pays.
10:01Merci beaucoup Caroline Leron et à bientôt sur BeSmart for Change.
10:05On passe tout de suite à notre débat,
10:07on va parler du rôle de la communication
10:10et du marketing dans cette transition.

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