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Ce mardi, le Grand Entretien était consacré à la situation économique bancaire. Stéphane Boujnah, directeur général d'Euronext et l'économiste, et l'essayiste Alain Minc décrivent des États-Unis "méconnaissables", un "pays dominé par la peur". Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-mardi-08-avril-2025-6397830

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00:00Grand entretien aujourd'hui sur ce que certains appellent déjà le « Trump-crac », soit
00:05les secousses brutales sur tous les marchés mondiaux depuis la hausse des droits de douane
00:10décidée par le président américain.
00:12Après trois jours consécutifs de chutes, les bourses asiatiques remontent ce matin.
00:18Mais les places financières peuvent-elles faire du yo-yo au gré des annonces de Trump ?
00:22Qu'y a-t-il péril pour les épargnants ? On va poser, Léa, ces questions à nos invités.
00:27Stéphane Boujna, bonjour à vous, vous êtes président du directoire d'Euronext, qui
00:31est la première plateforme boursière de la zone euro et qui, en gros, vous êtes à
00:35la tête de sept bourses européennes, Amsterdam, Bruxelles, Dublin, Lisbonne, Milan, Oslo et
00:40surtout Paris.
00:41Bonjour à vous et bienvenue.
00:42Et Alain Minc, bonjour, essayiste, conseiller en entreprise, dernier ouvrage paru, somme
00:47toute chez Grasset, bonjour également.
00:49Bon alors, Hong Kong a clôturé hier en baisse de 13,22%, plus forte chute depuis
00:57la crise boursière asiatique de 1997, en Europe, Paris perdait plus de 4%, Londres
01:04plus de 4%.
01:05Quant à Wall Street, le plongeon a fait s'évaporer 6 000 milliards de dollars de capitalisation
01:11boursière en trois séances.
01:13Question simple, Stéphane Boujna, à quoi assiste-t-on depuis le jour de la libération
01:19de Trump, il y a une semaine ? À un effondrement historique ? À un krach mondial ? Ou à une
01:26convulsion transitoire ?
01:28On assiste à un moment où les marchés, c'est-à-dire les gens qui gèrent vos économies,
01:34les miennes, les surplus des différentes entreprises sur la planète, essayent de s'adapter
01:40à des Etats-Unis qui sont méconnaissables.
01:43Et comme toute phase de transition, d'ajustement, les gens prennent des décisions de vendre
01:50certains actifs pour en acheter d'autres, tout simplement parce qu'ils pensent que
01:53la rentabilité de certains actifs va être transformée.
01:57Donc c'est une période de transition qui est massive parce que, fondamentalement, les
02:01marchés ne comprennent pas ce qui est en train de se passer et ont du mal à interpréter
02:05le point d'arrivée.
02:06Tout simplement parce que les décisions du président Trump sont volatiles, ça c'est
02:11très nouveau, c'est que le nombre d'allers-retours dans la journée est très très très inédit,
02:17et cette incertitude, cette volatilité de la décision est amplifiée par la volatilité
02:22de la réaction des marchés.
02:23Il y a quand même des bonnes nouvelles, c'est que le pétrole baisse et que les taux longs
02:27américains baissent, mais à part ces deux classes d'actifs, effectivement, il y a une
02:31rotation généralisée parce qu'on ne sait plus faire des prix sur les actifs qui sont
02:36liés à l'économie américaine.
02:37Mais comment ça s'est passé concrètement sur les sept places boursières que vous dirigez,
02:42la journée d'hier évidemment, la journée du lundi noir, mais aussi les journées qui
02:46ont suivi mercredi dernier, le jour de libération de Trump ? C'était la panique généralisée ?
02:51Comment ça s'est passé ?
02:52La panique, ce n'est pas le cas, nous, on est supposés et on gère les plateformes
02:57et on le fait avec beaucoup de calme et d'efficacité.
02:59Non, ce n'est pas de la panique, ce n'est pas de la panique dont on parle, c'est simplement
03:03une rotation d'actifs, c'est-à-dire que vous avez deux choses, d'abord il faut comprendre
03:07les volumes.
03:08En moyenne, l'année dernière, chaque jour, on échangeait environ 10 milliards d'euros,
03:1410 à 12 milliards d'euros sur les plateformes intégrées de Ronex.
03:18Dans les trois derniers jours, on est au-dessus de 25 milliards.
03:21Donc, on est dans quelque chose de très différent.
03:23Mais il y a quelque chose de beaucoup plus important que ça, c'est qu'il y a, en plus
03:27des volumes importants, un mouvement d'investissement qui quitte les États-Unis pour se réinvestir
03:32en Europe.
03:33C'est probablement le point le plus important, c'est que depuis que cette expérience a commencé,
03:38de l'argent quitte les États-Unis pour s'investir en Europe.
03:41Et ça, c'est une bonne chose, on va en parler parce que le mouvement était plutôt à l'inverse.
03:45C'est-à-dire que les épargnants ou les entreprises étaient en train d'investir beaucoup, beaucoup
03:49aux États-Unis depuis l'arrivée de Trump, on va y venir.
03:51Quels parallèles historiques peut-on faire à la main ?
03:53Qu'est-il exagéré de comparer la panique, la chute libre de ces derniers jours au plongeon
03:58boursier qu'on a vécu par exemple au début de la pandémie de Covid ou à ceux de la
04:04crise des subprimes en 2008 ?
04:06Il n'est pas exagéré de décrire les mouvements de marché comme historiques, déclaraient
04:11hier les économistes de la Deutsche Bank, qui évoquaient le plus grand choc pour le
04:16système commercial mondial depuis l'effondrement de Bretton Woods.
04:20Vous reprenez ce type de comparaison ?
04:21C'est une crise un peu particulière, c'est une crise qui est décidée par la politique.
04:26Les autres crises sont liées à des dérèglements à certains moments inattendus mais parfois
04:32prévisibles du système économique.
04:33Là, il y a des actes politiques.
04:35On n'est peut-être d'ailleurs qu'à la phase 1 d'une offensive, car derrière, il y a une
04:40crise qui peut venir de la volonté des Américains de réduire le rôle du dollar, et d'ailleurs
04:47le conseiller économique de Trump est là-dessus très explicite.
04:50Donc on a affaire à des apprentis sorciers, mais qui sont des gens à part Hubert Roy,
04:58c'est-à-dire Trump, qui ont une stratégie, une vision et veulent la mettre en place.
05:04Ceci parallèlement à un événement quand même, qui se passe dans le pays.
05:10Pour toute personne qui est aujourd'hui en rapport avec les Américains, on est saisi
05:14parce que c'est un pays qui est dominé par la peur.
05:16Les gens du monde des affaires ont peur, les académiques ont peur, ils se soumettent.
05:22Les avocats ont fait des compromis avec Trump à rebours de ce qui est leur fonction et
05:28leur devoir moral.
05:30On a au téléphone des gens, Stéphane sans doute comme moi, qui disent « ça maintenant
05:34je préfère ne pas en parler par téléphone ». Aux États-Unis, vous auriez imaginé que
05:38dans ce pays-là… Alors c'est sans doute très exagéré, mais je trouve que pour nous
05:45c'est très intéressant.
05:46C'est-à-dire qu'on comprend beaucoup du passé qu'on a connu quand on voit une
05:51société dévorée par la peur.
05:53Vous confirmez cet état d'esprit très nouveau aux États-Unis ? Que les gens, les
05:57milieux des affaires, les milieux des avocats que vous avez au téléphone, avec qui vous
06:02traitez parce que c'est forcément votre métier, ont peur ? Comme dit Alain Minc,
06:06c'est le mot que vous reprenez ?
06:07Oui, la peur existe partout.
06:08Je vous disais il y a quelques minutes que le pays est méconnaissable et qu'on vit
06:11une période de transition, une certaine forme de deuil de ce que furent les États-Unis
06:15que nous avons connus pour l'essentiel de notre vie professionnelle, qui ressemblait
06:18beaucoup sur les valeurs et les institutions à l'Europe, et qui là ressemble plus à
06:22un pays émergent.
06:23Parce que nous avons des gens qui ne savent pas s'ils sont propriétaires de quelque
06:27chose dans la durée, des gens qui ont du mal à comprendre la proximité entre les
06:31oligarques et le régime, des gens qui ont du mal à comprendre la volatilité des prises
06:35de décisions.
06:36Et donc cette inquiétude, elle est réelle.
06:39Et il y a une forme d'intimidation qui s'est diffusée dans le système, qui est très
06:43difficile à gérer, à métaboliser.
06:45C'est nouveau pour tout le monde, ce fonctionnement.
06:47Et pour tout le monde, c'est-à-dire quelle que soit la classe sociale, puisque les Américains
06:51ont ça de particulier qu'ils investissent énormément en bourse pour payer leurs retraites,
06:54etc.
06:55Donc ça les touche directement ce qui est en train de se passer.
06:58Ça c'est le point le plus important que vous avez dit.
06:59S'il devait y avoir un jour une corde de rappel sur la situation actuelle, elle viendra probablement
07:04de ce qu'on appelle le corporate américain et des gens qui investissent dans les fonds
07:09de pension.
07:10Vous savez qu'aux États-Unis, si vous voulez avoir un peu d'argent quand vous êtes vieux,
07:13il faut acheter des actions quand vous êtes jeune.
07:14En Europe, si vous voulez avoir un peu d'argent quand vous êtes vieux, il suffit d'attendre
07:17que les gens, le moment venu, payent des taxes et des impôts encore.
07:19Donc cette pression, ce lien très direct politique entre ce qui se passe sur les marchés
07:25d'actions et puis aussi sur les marchés de taux, mais là c'est différent parce que
07:29vous empruntez à taux variable et donc quand les taux montent, vos échéances de mensualité
07:33pour rembourser votre maison augmentent.
07:34Le lien entre les marchés et le sentiment politique est beaucoup plus profond aux États-Unis
07:39qu'en Europe.
07:40En réalité, il faut peut-être que ça baisse encore, c'est-à-dire que c'est très rare
07:46de dire cela parce que la seule corde de rappel, ça ne peut être qu'un sentiment profond
07:52de la population et ce sentiment profond de la population, ce sera d'abord celui des
07:56retraités.
07:57Parce que nous qui sommes si sensibles aux questions de retraite, il faut penser que
08:01la retraite américaine, ce sont des actions et donc les gens peuvent voir leur retraite
08:06leur filer entre les doigts.
08:08Bon, donc, c'est un drôle de pays.
08:11Ça n'a pas baissé assez, c'est ça que vous dites, pour qu'il y ait une vraie réaction ?
08:14D'une certaine façon, et c'est paradoxal de le dire, le degré d'inquiétude n'a pas
08:17encore atteint le niveau de saisir toute la population.
08:21C'est un drôle de pays.
08:22Il y a une opinion publique, mais il n'y a pas d'acteurs sociaux.
08:26C'est-à-dire qu'en France, on vivrait la même chose, vous auriez, alors quel effet ça aurait,
08:30500 000 personnes quand même à l'initiative des syndicats entre la République et la nation.
08:35Aux États-Unis, vous n'avez pas ça.
08:37Les syndicats, une fois qu'ils ont négocié les hausses de salaire, ils rentrent à la maison.
08:41Alors, comme citoyens, ils disent en effet dans les sondages « je suis pour, je suis contre ».
08:45Donc, ce qu'on voit à l'échelle des États-Unis, c'est quelque chose qu'on n'aurait jamais imaginé.
08:50Moi, pour les gens de ma génération, la vraie surprise, c'est qu'on a toujours cru que
08:55la démocratie américaine s'était inscrite dans le marbre, que les « check and balance »
08:59c'était du solide.
09:01La vérité, c'est que c'est une convention de papier et que ceci a été dit en réalité
09:06par le premier président de la Cour suprême en 1803, je crois, il a dit « la Cour suprême n'a pas d'armée ».
09:12Évidemment, je veux dire, Trump suivra ou ne suivra pas les décisions d'une Cour suprême
09:18qui lui est théoriquement acquise.
09:20Donc, les États-Unis d'aujourd'hui, c'est ça.
09:22Alors, évidemment, on le vit mal parce que ça met à bas, comme l'a dit Stéphane,
09:28tous nos schémas, toute notre histoire, toute notre identité.
09:31Toute la mondialisation heureuse.
09:33En ce moment, ma mondialisation heureuse, je ne sais pas dire, elle n'est pas heureuse.
09:36La mondialisation heureuse, elle est moyenne heureuse.
09:38En ce moment, elle n'est pas heureuse, ça, il n'y a pas de doute.
09:40Et quelle place pour les oligarques, les milliardaires dont vous parliez, qui entourent
09:45Trump, qui voient leurs affaires et peut-être même leurs fortunes personnelles impactées
09:51par l'aventurisme économique ?
09:53Est-ce que c'est une autre corde de rappel, là ?
09:56C'est ce que je vous disais il y a quelques instants quand je vous indiquais qu'à mon
09:59avis, le vrai contre-pouvoir, c'est ce que les Américains appellent « Corporate America ».
10:04C'est que dans un contexte où le Congrès est silencieux, parce que les démocrates
10:08sont partagés entre ceux qui pensent que M. Biden était trop à droite et ceux qui
10:14pensent que Kamala Harris était trop woke et qu'ils n'arrivent pas à trouver une
10:17alternative.
10:18Les Républicains qui sont intimidés, on leur dit très clairement, on vous mettra
10:21un candidat alternatif aux primaires si vous ne suivez pas les choses.
10:24Donc quand le Congrès est stérilisé, le seul groupe de pression qui peut avoir une
10:29influence, qui peut aller à maille à l'argot pour dire « il faut que les choses changent »,
10:32c'est effectivement les gens qui sont impactés directement.
10:34Ils avaient fait un pari différent, c'est pour ça qu'il faut attendre quelques semaines
10:37pour qu'ils métabolisent la transformation.
10:40Le pari entre le mois de novembre et le mois de janvier, c'était que Trump, ça allait
10:44être bien pour les affaires.
10:45Ils s'aperçoivent que la volatilité des décisions fait que c'est mauvais pour les
10:51affaires.
10:52Et donc ils vont s'exprimer.
10:53Quand ? Comment ? Sous quelle forme ? Je ne sais pas.
10:54Trump, ça devait être bien pour les affaires.
10:57Et pardonnez-moi de vous poser la question à l'un et à l'autre, on a vu les milieux
11:00d'affaires européens, français, les grands patrons du CAC 40 faire les yeux doux à
11:05Donald Trump ces dernières semaines.
11:07Est-ce que vous qui les conseillez, Alain Minc, est-ce qu'il se morde un peu les doigts
11:11de… On les a vus les voyages aux Etats-Unis.
11:14Il y a eu de tout.
11:16Il n'y a pas eu une animité, mais bien sûr qu'une partie des patrons français…
11:20La réalité d'abord, c'est que les patrons dits français, quand ils vendent aux quatre
11:25coins du monde, réagissent comme tous les patrons du monde entier.
11:27La deuxième réalité aussi, que l'histoire nous a apprise, c'est que le monde patronal
11:34n'est pas le monde qui a le plus de sens politique.
11:37C'est le profit qui guide, vous voulez dire.
11:41Ça c'est normal, c'est le profit qui guide.
11:44Mais aujourd'hui, par exemple, j'ai entendu un très grand banquier américain me dire,
11:49en parlant de ce qui se passe à Washington, il employait une expression anglaise, il a
11:52dit « We face a wrong state ». On est en face d'un état voyou.
11:57Pourquoi le mot m'a frappé ? Parce que c'est le mot que George W. Bush utilisait
12:02à propos de la Corée du Nord.
12:04Donc vous avez aujourd'hui des gens… Mais les mêmes, qui pensent ça au fond d'eux-mêmes,
12:10ils ne bougent pour l'instant pas.
12:11Il faut que le désastre aille beaucoup plus loin.
12:13Après, il y a une autre question qui est la nôtre.
12:16Qu'est-ce que nous faisons, nous ? Parce qu'à la fin des fins, le commerce américain,
12:21ça n'est que 15% du commerce mondial.
12:23Stéphane Bouchenor, sur les grands patrons qui ont fait les yeux d'oie à Donald Trump,
12:28sur les grands patrons qui sont allés investir, et on l'a vu, beaucoup d'entreprises françaises
12:31sont allées investir ces derniers mois, ces dernières semaines, depuis l'arrivée de
12:34Trump, aux Etats-Unis, ouvrir des usines, quand Emmanuel Macron dit « restez patriotes,
12:39mettez votre argent en Europe, ne partez pas aux Etats-Unis », qu'est-ce que vous en
12:42pensez ? Vous évoquez des choses très différentes.
12:44Sur le comportement des grands patrons, c'est difficile de dire des choses concrètes, précises,
12:48sans être vraiment rentré dans le détail, mais par contre, vous parlez d'autre chose
12:52de plus important, c'est que le mouvement d'investissement vers les Etats-Unis était
12:55engagé depuis longtemps.
12:56« Make America Great Again », ça a commencé bien avant Donald Trump, et probablement que
13:01le plus efficace de « Make America Great Again », c'était le « Inflation Reduction
13:04Act » de Biden, qui a pompé de la substance industrielle, de l'Europe, et notamment
13:09un peu de l'Asie, vers les Etats-Unis, parce que l'énergie est beaucoup moins chère,
13:12et parce qu'on subventionnait les investissements industriels.
13:15Donc ça, c'est réel, et ça n'a rien à voir avec faire les yeux doux à Donald Trump.
13:20Maintenant, ce qui est vrai, c'est que la situation actuelle est méconnaissable, qu'on
13:26est dans une période de transition, que je pense que les marchés vont probablement rester
13:29encore très volatiles, et que la question la plus importante sur laquelle je voudrais
13:32qu'on passe quelques minutes, c'est que vont faire les Européens, comment les Européens
13:36sont organisés, parce que je crois que les Européens doivent être les adultes dans
13:40la pièce, c'est-à-dire ceux qui absorbent le stress des autres, et pas qui injectent
13:44leur propre stress.
13:45Pour le moment, l'engagement, la détermination des Européens semblent être réelles.
13:49Moi, j'ai confiance dans ce système, on sait faire des compromis, mais il ne faut
13:53pas mésinterpréter, malinterpréter cette propension à faire des compromis.
13:58En Europe, nous sommes habitués à faire des compromis tous les jours entre Européens,
14:03parce que nous nous respectons.
14:04Là, on a affaire à un interlocuteur qui ne nous respecte pas, et donc il faut injecter
14:09une dimension de rapport de force, quand vous ne pouvez pas faire des compromis avec
14:13quelqu'un qui a décidé de vous éliminer.
14:14Vous nous trouvez trop timides ?
14:16Pas du tout ! Je suis en train de dire que la stratégie européenne doit naviguer entre
14:20deux obstacles, soit entrer dans un rapport de force brutal qui crée de l'imprévisibilité
14:26et qui n'est pas le mandat que les opinions ont donné aux leaders qu'ils ont élus,
14:30soit se coucher, se résigner, et là, c'est aussi l'autre obstacle.
14:34Et c'est ce travail-là que font les responsables européens, je trouve, avec beaucoup de finesse
14:38pour le moment.
14:39Voix étroite, Alain Marac !
14:40Oui, mais il s'est passé une révolution en Europe.
14:42On a eu quand même le retour des Anglais en Europe, au moins sur le plan stratégique,
14:47le président de la République a élargi la zone de protection nucléaire française,
14:53et enfin, révolution copernicienne, le gouvernement allemand a mis fin aux freins à la dette.
14:59C'est-à-dire qu'on a vu l'Europe bouger plus sur ses enjeux en trois semaines qu'elle
15:04n'avait bougé en quinze ans.
15:06Une fois qu'on a dit cela, il faut aussi tirer les conséquences dans notre propre
15:11réflexion.
15:12Par exemple, nous, Français, qui avons lutté de manière très Trumpienne contre le Mercosur,
15:18si le reste du monde doit progresser dans son commerce, et moins avec les États-Unis,
15:24il faudrait peut-être que nous changions de position, et qu'on assume politiquement
15:28de dire « ben oui, il faut libéraliser les échanges avec l'Amérique du Sud, comme
15:32il faut les libéraliser avec l'Asie, comme il va falloir jouer différemment avec la
15:37Chine ». Il y a des conséquences à tirer, et ces conséquences, parfois, vont à rebours
15:43de nos réflexes.
15:44Et on s'assoit sur le Mercosur, mais à la main qu'on s'assoit sur les intérêts
15:48de nos agriculteurs, on s'assoit sur les considérations écologiques, du libre-échange
15:53avec l'Amérique latine, on encourage l'achat du bœuf argentin.
16:00Non mais, tout ceci que vous auriez pu dire il y a trois mois, de manière si justifiée
16:05que l'Assemblée presque unanime vous a suivi, l'Assemblée aujourd'hui vous suivrait
16:10si vous le répétez, il n'empêche que le contexte a changé.
16:13Il faut tirer les conséquences d'un système où il reste 85% du commerce mondial qui pourrait
16:20demeurer libéral.
16:21Quels sont les secteurs, Stéphane Bouchna, les entreprises européennes qui peuvent prendre
16:27la crise de plein fouet ? Et deuxième question qu'on voit beaucoup au standard d'Inter,
16:33dois-je m'inquiéter pour mon épargne ? Dois-je vendre les actions que je possède ou la situation
16:40est-elle en voie de stabilisation ? Alors les entreprises pour commencer.
16:45Je ne vais pas vous indiquer ici la liste des entreprises qu'il faut acheter et celles
16:48qu'il faut vendre.
16:49Non, non, ce n'était pas le sens de ma question.
16:53Plus sérieusement, on vit dans un moment où il y a un repli sur les taux, tout simplement
16:59parce que quand vous achetez des taux d'intérêt, vous avez à priori dans la durée moins de
17:03rendement que sur les actions, mais vous avez plus de visibilité puisque vous prenez un
17:07risque uniquement sur l'émetteur et pas sur l'environnement dans une très large mesure.
17:10Donc je pense que la volatilité des marchés actions va continuer parce que tout simplement
17:15l'anticipation que nous faisons tous c'est que la volatilité des décisions politiques
17:19va continuer et que l'incertitude sur l'environnement des réactions des uns et des autres va continuer.
17:25Donc il va y avoir forcément un repli sur ce qu'on appelle les valeurs défensives,
17:29ce qui semble les plus protégées, les plus insulaires par rapport à ces bouleversements.
17:33Lesquelles ? Non, moi je ne suis pas là pour faire la liste des secteurs et donner des
17:36conseils d'investissement.
17:37Alors définition d'une valeur défensive ? Une valeur défensive, c'est une valeur
17:41qui parfois peut paraître comme ayant moins de perspectives de croissance que d'autres,
17:45mais qui est plus immunisée contre les développements de l'environnement politique notamment.
17:52La raison pour laquelle il y a autant d'argent qui quitte les Etats-Unis pour venir en Europe,
17:56c'est cela, c'est que beaucoup d'investisseurs américains nous disent que l'Europe d'aujourd'hui
18:02ressemble à ce qu'étaient les Etats-Unis il y a un an, c'est-à-dire un endroit où
18:05quand on investit quelque chose, peut-être que le rendement va être un peu moins faible
18:08parce qu'on pense que les perspectives de croissance sont plus faibles, encore qu'il
18:11y a maintenant un débat qui émerge aux Etats-Unis sur la perspective d'une récession, mais
18:15au moins il y a une certitude des droits de propriété, il y a une certitude de stabilité
18:21de l'environnement.
18:22Il y a d'autres choses beaucoup plus innovantes qui sont en train de se passer, c'est des
18:25acteurs européens qui bougent des actifs physiques de l'or ou des titres qui étaient
18:31conservés aux Etats-Unis vers l'Europe, c'est-à-dire que la méfiance sur l'état
18:36de droit aux Etats-Unis est passée dans une dimension très nouvelle qui est une inquiétude
18:41sur la sécurité juridique, des discussions sur y aura-t-il un jour un risque de contrôle
18:46d'échange ou y aura-t-il un risque sur une évolution des droits applicables à la dette
18:50souveraine américaine.
18:51Ça c'est très inquiétant.
18:52On va vous faire réagir Alain Minc sur les Allemands qui ramènent l'or, ça a été
18:56une décision assez étonnante aussi sur le gouvernement allemand qui a décidé de rapatrier
19:00l'or depuis les Etats-Unis, ça c'est assez fou, mais juste, pardon, parce qu'on a beaucoup
19:05beaucoup cette question sur l'API de France Inter, dois-je m'inquiéter pour mon épargne ?
19:10Non, l'investissement en actions dans la durée est le plus rentable, mais à condition
19:16d'être capable d'absorber ces chocs.
19:18Si vous avez investi de l'argent il y a dix ans, vous êtes passé par l'effondrement
19:22de 20% du marché au début du Covid, vous êtes passé aussi par l'effondrement de
19:29la guerre en Ukraine en février 2022, et pourtant avant le Covid, le CAC 40 était
19:33autour de 6000 points, aujourd'hui il est entre 7000 et 8000 selon les moments Trump,
19:38donc dans la durée, l'investissement en actions reste la bonne classe d'actifs pour
19:44votre épargne.
19:45Mais par contre il faut supporter les moments de montagne russe.
19:47Qui vont continuer, on l'a compris, pas la main qui...
19:51Mais imaginez que vous ayez reçu ici quelqu'un il y a six mois qui vous aurait dit les Allemands
19:56vont rapatrier de l'or, les savants vont faire le mouvement inverse de 1938, les savants
20:03américains vont venir se réfugier en Europe, ce type vous auriez dit je le réinvite plus
20:08jamais, il est ma boule ! Bon, la vérité c'est qu'on est le nez sur les mouvements
20:13boursiers de l'instant, mais si on prend du recul, on voit quelque chose de totalement
20:20hallucinant, c'est-à-dire que quand vous pensez quand même que l'alma mater universitaire,
20:26les grandes universités américaines se couchent devant Trump, changent leur régulation, renoncent
20:35à toute forme d'autonomie, vous auriez pensé ça ? Quand vous voyez un des plus
20:39grands intellectuels américains qui s'appelle Timothy Snyder, où est-ce qu'il enseigne
20:43maintenant Snyder ? Il enseigne à Toronto.
20:46Donc il y a encore une liberté aux États-Unis individuelle, c'est pour ça qu'il n'y a
20:53pas les hordes de SA et de SS dans les rues évidemment, mais dans l'esprit des gens,
20:57il se passe quelque chose que moi je n'aurais jamais de ma vie imaginé.
21:03On passe au standard où nous attend Agnès, bonjour et bienvenue.
21:07Bonjour, je voulais questionner vos invités, ne croyez-vous pas que M. Trump dans ce bras
21:19de fer qu'il oppose à la Chine sur le plan commercial, est pris à son propre jeu ? À
21:25savoir qu'il est le premier à s'asseoir complètement sur les mesures internationales
21:31de préservation de la planète ou de respect des minorités et on s'aperçoit que sa population
21:39achète énormément de produits chinois qui eux aussi sont produits dans cette même
21:47optique, c'est-à-dire pas de planète, pas de minorité, pas de tout ça.
21:52Et je pense que M. Trump a bouclé la boucle, à savoir que ses compatriotes sont suffisamment
21:59crédules pour le croire à propos de toutes ces grandes notions éthiques que je pense
22:06le vieux continent essaye de préserver, même si le Mercosur est quand même pas une très
22:13bonne chose, mais l'Europe essaye de préserver ça et M. Trump non, et donc du coup les produits
22:21chinois passent allègrement de Chine aux Etats-Unis.
22:25Bien compris Agnès, merci beaucoup pour votre intervention.
22:29Chine, USA, Stéphane Bougenat, que pouvez-vous répondre à notre auditrice ?
22:36Non, ce que dit votre auditrice est pertinent, c'est une des dimensions du sujet, mais fondamentalement
22:46la pensée de M. Trump se situe dans un cadre idéologique complètement différent.
22:49Je veux dire, la priorité sur les questions liées à l'environnement et les minorités a complètement disparu,
22:56c'est une des bascules fondamentales liées aux dernières élections, et je crois que le vrai sujet
23:01c'est le rapport de force, et il ne voit les choses que comme cela, engagées avec les Chinois,
23:06et la gestion de la surcharge de ce point de vue, je pense que le news flow, les informations
23:10qu'il faudra surveiller le plus dans les quelques journées de marché qui viennent, c'est cela.
23:14Le marché va se concentrer sur l'intensité et les débordements de la gestion de la tension entre la Chine et les Etats-Unis.
23:23C'est cela qu'il faudra regarder dans les prochains jours, ça va se concentrer entre la Chine et les Etats-Unis.
23:27Merci à tous les deux.
23:28Merci Alain Minc, merci Stéphane Bougenat d'avoir été à notre micro ce matin.

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