• il y a 10 heures
David Khalfa, co-directeur de l’Observatoire du Moyen-Orient à la Fondation Jean Jaures, était l'invité d'Apolline de Malherbe dans le Face à Face sur BFMTV et RMC. 

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Transcription
00:00Il est 8h32, vous êtes bien sûr RMC et BFM TV. Bonjour David Kalfa, merci d'être dans ce studio ce matin pour nous aider à bien comprendre.
00:21Vous êtes co-directeur de l'Observatoire de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient à la Fondation Jean Jaurès. Vous avez publié Israël, Palestine, année zéro.
00:31Est-ce enfin la fin de la guerre avec ce cessez-le-feu, cet accord de cessez-le-feu qui vient d'être conclu ?
00:39Probablement, parce que ce qui a tout changé c'est la configuration politique américaine avec l'arrivée de Trump au pouvoir et les pressions très fortes exercées par Trump,
00:51notamment par son émissaire Steve Whitkoff sur Netanyahou et aussi sur le Hamas. Ce n'est pas un accord de paix, c'est un accord de cessez-le-feu, c'est-à-dire une cessation des hostilités,
01:03une suspension des hostilités entre Israël et Hamas.
01:05Mais c'est plus qu'une trêve.
01:06C'est plus qu'une trêve parce que ce cessez-le-feu comprend trois phases. On entre dans la première phase qui va durer 42 jours.
01:13Il y a une difficulté majeure qui est l'enclenchement de la seconde phase avec le retrait total des forces israéliennes de la bande de Gaza.
01:21Mais on peut imaginer qu'entre la première et la seconde, les pressions à la fois encore une fois de Trump, de son administration, mais aussi des pays arabes
01:28et notamment des Saoudiens, des Émiriens, des Qataris, des Égyptiens, à la fois sur Israël et sur le Hamas seront telles que les deux parties auront intérêt à ce que ce cessez-le-feu devienne permanent.
01:39À ce que ce cessez-le-feu devienne permanent et qu'à ce moment-là ça se transforme en véritable fin de la guerre.
01:44Les mots d'ailleurs de Joe Biden hier qui a dit c'est la fin de la guerre mais ce n'est pas encore la paix.
01:50On va y revenir d'abord sur précisément ce qui se joue dans les toutes prochaines heures.
01:56On a vu ces scènes de liesse à Gaza hier et dans tout le territoire palestinien, des scènes plus prudentes du côté d'Israël.
02:08Je voudrais qu'on commence par écouter les mots du ministre des Affaires étrangères français, Jean-Noël Barreau, qui salue bien sûr cet accord mais qui a encore des doutes sur les otages.
02:20C'est un soulagement d'abord, c'est un accord auquel nous appelons depuis près de 15 mois et je souhaite que ce soit le chapitre final de cette guerre dévastatrice qui a trop duré,
02:30que cela permette la libération de nos deux otages, Ofer Calderon et Oadi Halomi, qui sont depuis le 7 octobre 2023 détenus dans les tunnels de Gaza.
02:39Depuis de trop nombreux mois, nous n'avons pas de nouvelles.
02:42Nous sommes en contact depuis le 7 octobre quasiment, sauf les témoignages de ceux qui sont revenus de l'enfer de Gaza.
02:49Nous espérons vivement qu'ils puissent nous revenir en vie et en bonne santé.
02:54On n'a pas de certitude sur le fait qu'ils soient en vie ?
02:56Nous n'avons pas de certitude, nous n'avons pas de nouvelles.
02:58Beaucoup de doutes encore à cette heure. Est-ce que cet accord est 100% ficelé ?
03:05Est-ce que ce qu'il promet, notamment l'arrêt des combats d'un côté, la libération de plusieurs otages dès dimanche soir, est acquis ?
03:14Oui, mais il y a beaucoup d'intox de part et d'autre et c'est très difficile de savoir exactement où est-ce qu'on en est.
03:19Mais a priori, ça va tenir, parce que c'est l'intérêt des deux parties que l'accord tienne.
03:24Le Hamas, parce que la situation humanitaire dans la bande de Gaza est absolument désastreuse.
03:29Les pressions, une partie de la population gazaouise sur le Hamas sont très fortes.
03:34Et puis par ailleurs, le Hamas aussi est isolé sur le plan régional, avec des coups très durs portés par Israël aux alliés stratégiques du Hamas, l'Iran, le Hezbollah au premier chef.
03:44Et côté israélien, vous avez une société aussi qui est épuisée par la guerre et qui attend la libération des otages.
03:50Alors la situation sur les otages est pour le coup particulièrement opaque, parce qu'on sait a priori que la moitié d'entre eux sont morts,
03:57soit des suites de très mauvais traitements de leurs geôliers dans la bande de Gaza,
04:03soit parce qu'ils ont été assassinés tout simplement par le Hamas.
04:08Et puis pour les autres, on peut imaginer que leur état à la fois psychologique, mais aussi physique, s'est fortement dégradé depuis plus de 15 mois.
04:16Depuis plus de 15 mois, je voudrais aussi savoir ce qu'il va se jouer ce matin en Israël.
04:20Cet accord, il doit être soumis au vote du Parlement israélien.
04:25Est-ce qu'il pourrait être rejeté ?
04:28C'est très peu probable. Netanyahou a une majorité confortable.
04:31Depuis septembre 2024, il est à la tête d'une coalition de 68 parlementaires sur les 120 que compte la Knesset.
04:37On sait que l'extrême droite va voter contre l'accord. Ben Gvir et S.Motrich voteront contre l'accord.
04:41Ils sont pourtant ministres dans le gouvernement de Benyamin Netanyahou et qui hier soir ont dit que cet accord était une honte.
04:47Oui, mais en même temps, il ne faut pas être dupe du jeu politique cynique que joue Ben Gvir,
04:52notamment qui fait pression sur son allié et rival S.Motrich de l'extrême droite pour le faire passer pour un faible.
05:02Parce que Ben Gvir, son objectif, c'est vraiment de s'imposer comme le leader incontestable de la droite radicale en Israël.
05:08Mais dans les faits, on voit bien que la probabilité pour que à la fois Ben Gvir et S.Motrich démissionnent est quand même très faible.
05:13A aucun moment, S.Motrich n'a mis sa démission dans la balance.
05:1733 otages contre 1000 prisonniers.
05:21Est-ce que c'est un accord qui a mis tant de temps parce qu'Israël ne voulait pas monter aussi haut dans le nombre de prisonniers à libérer ?
05:31Depuis le départ, en fait, cette guerre, c'est une tragédie pour les Israéliens et pour les Palestiniens, bien entendu.
05:35Pour Israël, il y avait une espèce de dilemme éthique et stratégique.
05:38C'est-à-dire soit aller jusqu'au bout de la guerre pour détruire le Hamas sur le plan politique et militaire et soit libérer les otages.
05:45En fait, ces deux objectifs de guerre qui avaient été annoncés depuis le début de la guerre au lendemain du 7 octobre 2023, en réalité étaient contradictoires.
05:52Et on voit bien que plus les mois ont passé et plus le sort des otages inquiétait la population israélienne,
05:57plus au fond, c'est la priorité à la libération des otages qui a pris le pas sur la destruction du Hamas.
06:05Les Israéliens sont très inquiets sur le sort de ces otages.
06:09Ils manifestent quotidiennement pour leur libération.
06:12Et ce qui est très difficile pour eux, c'est une espèce de guerre des nerfs, c'est qu'on ne sait pas exactement combien d'otages seront libérés.
06:18Probablement, au compte-gouttes, dès dimanche, on parle de cinq otages qui seront libérés, des femmes.
06:23Mais on ne sait pas, par exemple, si le nourrisson qui avait été enlevé de la famille Bibas est vivant ou pas.
06:30Et ça, ça déterminera si vous voulez, en réalité, la manière dont les Israéliens vont interpréter ce cessez-le-feu.
06:36Avec, évidemment, la question aussi du retrait progressif, non seulement de l'arrêt des combats,
06:41mais du retrait progressif de Tsahal depuis la bande de Gaza.
06:45Est-ce que ça aussi, ça va intervenir dès dimanche ? Est-ce que ça commence même à intervenir au moment où on se parle ?
06:50Oui, c'est déjà le cas. C'était déjà le cas, en fait, hier.
06:52Les forces israéliennes ont commencé à se retirer du centre de la bande de Gaza.
06:56D'ici à la fin de la première phase de la quasi-totalité de la bande de Gaza,
07:00ils resteront sur un périmètre, à peu près un kilomètre à Gaza, entre la première et la deuxième phase.
07:07Mais très probablement, le retrait sera total, parce que ça, c'est une des conditions pour que le cessez-le-feu puisse perdurer.
07:14Un retrait total, avec quel avenir aussi pour l'administration de Gaza ?
07:22On va y revenir, mais est-ce qu'on a un bilan du nombre de morts du côté palestinien à Gaza ?
07:29On a le bilan du ministère de la Santé, qui est à la sole du Hamas,
07:33qui parle de plus de 46 000 morts et qui n'établit aucun distinguo entre les civils et les combattants du Hamas et du djihad islamique.
07:40Israël lit de son côté qu'entre 17 et 20 000 combattants du Hamas et du djihad islamique ont été tués.
07:47Donc, on est dans un ratio de 1 pour 1 civils d'un côté, combattants de l'autre.
07:51Dans les guerres en milieu urbain, en général, on est sur des ratios de 1 à 3, voire de 1 à 9.
07:56Ça dépend du terrain, ça dépend de la configuration sociodémographique.
08:00Est-ce que tout cela aurait pu s'arrêter plus tôt ?
08:03David Kalfa, si je vous pose cette question, c'est que certains qui ont lu l'accord de cesser le feu, et c'est votre cas,
08:08disent que quasiment l'intégralité de ce texte était déjà en discussion il y a 6 mois,
08:14mais que ça n'a pas abouti parce qu'Israël refusait certains des enjeux
08:20pour finalement obtenir à peu près ce qu'ils auraient obtenu il y a 6 mois.
08:246 mois de perdus, 6 mois de morts, 6 mois d'attentes.
08:28Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
08:30Est-ce qu'effectivement, il a fallu attendre la pression d'un Donald Trump
08:33pour enfin mettre la fin ?
08:35Et quelle responsabilité dans ce cas, pour ceux qui ont fait traîner,
08:38côté israélien comme côté Hamas, ces mois qui ont perduré ?
08:43Alors, la réponse est oui.
08:45Ce cesser le feu aurait pu être signé il y a au moins 6 mois.
08:48En réalité, les paramètres du cesser le feu actuel sont assez similaires
08:51à celui qui avait été présenté au parti il y a 6 mois.
08:54Il est évident que côté israélien Netanyahou,
08:57pour des raisons politiques qui ont trait à sa survie politique,
09:00il est tripement inculpé dans les affaires de corruption,
09:03avait intérêt à faire capoter ce cesser le feu
09:05parce qu'il dépend de ses alliés de la droite de la droite,
09:08de Smotrych et Ben Gvir, dont j'ai parlé tout à l'heure,
09:10et qui avaient menacé de quitter la coalition,
09:12de faire vraiment chuter son gouvernement s'il signait un cesser le feu face au Hamas.
09:18Et de l'autre côté aussi, il y a eu des calculs politiques côté Hamas.
09:21On voit bien qu'ils n'acceptaient pas, par exemple,
09:24il y a plusieurs choses, mais très rapidement,
09:26le Hamas avait demandé un retrait total des forces israéliennes lors de la première phase.
09:29Là, ils ont accepté que l'armée israélienne ne se retire pas dans la totalité de la bande de Gaza
09:33lors de la première phase.
09:34Que ça se fasse de manière plus progressive.
09:35De manière graduelle.
09:36Et par ailleurs, ils ne fournissaient absolument aucune liste d'otages libérés de ces conditions.
09:41Ils ont fourni une liste aux Israéliens.
09:45Et puis, par ailleurs aussi, ce qu'il faut avoir à l'esprit,
09:47c'est qu'encore une fois, la situation sur le terrain a changé.
09:49Sur le plan régional, Israël, au lendemain du 7 octobre,
09:53est extrêmement vulnérable dans une situation géostratégique absolument catastrophique.
09:57Il vient de subir le pire massacre de juifs depuis la Shoah.
10:01Et par ailleurs, il est engagé dans une guerre multifront, multiarène,
10:05au nord, au sud, à l'est, à l'ouest, face à un réseau milicien très dense pro-Iran.
10:10Et il y a eu un renversement des rapports de force.
10:12Avec l'élimination de Nasrallah, le chef du Hezbollah, au Liban,
10:16d'Aniyeh, le chef du Hamas, à Téhéran,
10:18de Yirki Essinoua, le chef du Hamas, aussi, à Gaza.
10:22Et donc, ce rapport de force militaire, il a aussi eu un impact sur le Hamas lui-même.
10:28Est-ce que l'arrivée de Donald Trump, de son émissaire,
10:32qu'il a envoyé la semaine dernière sur place pour, semble-t-il,
10:35mettre la pression les Israéliens,
10:38et notamment le journal Haaretz raconte que c'était une discussion extrêmement brutale
10:42face à Benjamin Netanyahou, en lui disant
10:45il faut désormais accepter cet accord, point barre.
10:49Est-ce que, effectivement, ce dernier coup de pression,
10:52à quelques jours de l'arrivée officielle de Donald Trump, a été décisif ?
10:56Oui, il a été décisif. Il y a eu un effet Trump, c'est absolument incontestable.
10:59En fait, Steve Whitkoff, qui est l'émissaire de Trump au Moyen-Orient,
11:02c'est un businessman, ce n'est pas un diplomate.
11:04Et on sait que, vous savez, en Israël, traditionnellement,
11:06les premiers ministres, surtout lorsqu'ils sont de droite,
11:08et a fortiori lorsqu'ils sont à la tête d'une coalition droite-extrême-droite,
11:11ne rencontrent pas d'officiel pendant le Shabbat,
11:13qui est le jour chômé pour les Juifs pratiquant le traditionnalisme.
11:16Or, là, il a imposé ce rendez-vous en plein Shabbat à Netanyahou,
11:20et il lui a fait bien comprendre que c'était à prendre ou à laisser.
11:23Les pressions de Trump étaient extrêmement fortes.
11:25Il avait fait savoir pendant la campagne qu'il voulait que cette guerre soit derrière lui,
11:29avant son investiture, et c'est précisément ce qui est en train de se passer.
11:33Qui pourra administrer Gaza ?
11:35C'est la grande question.
11:37Alors, Blinken, dans son dernier discours à l'Atlantique Council...
11:42Blinken, c'est donc le ministre des Affaires étrangères de Joe Biden ?
11:45... américain, a parlé d'une coalition internationale,
11:48c'est-à-dire d'une période de transition pendant laquelle la bande de Gaza serait administrée,
11:53notamment par un certain nombre de membres de l'autorité palestinienne à Gaza.
11:58Vous avez des milliers de fonctionnaires qui ont continué à être payés
12:01depuis le coup de force du Hamas, donc l'arrivée du Hamas au pouvoir en 2007 à Gaza.
12:05Et vous avez aussi un certain nombre de puissances arabes
12:08qui vont jouer un rôle direct dans la reconstruction matérielle financière
12:11de la bande de Gaza, le Qatar, l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis,
12:15et bien sûr tout ça chapeauté par les Américains.
12:17Donc il faut s'attendre à une période de transition.
12:20Le problème, il est politique, c'est que côté israélien,
12:22Netanyahou ne veut pas entendre parler du retour de l'autorité palestinienne à Gaza,
12:27mais en même temps il n'y a pas d'autre alternative que celle de l'autorité palestinienne,
12:30parce qu'en face il y a le Hamas.
12:31La question aussi de l'objectif qui était affiché, en tout cas par Benjamin Netanyahou,
12:37qui était l'éradication du Hamas.
12:39Avec la libération de mille prisonniers, notamment des prisonniers politiques,
12:44depuis Israël, est-ce qu'il ne prend pas le risque aussi d'une forme de résurrection du Hamas ?
12:49Évidemment, on se souvient que pour la libération de Ghislaine Chalit,
12:55il y avait eu la libération d'un grand nombre de prisonniers palestiniens en Israël,
13:00parmi lesquels Yahya Signoir, qui est ensuite devenu l'un des premiers chefs du Hamas,
13:06et cerveau même du 7 octobre.
13:08Oui, ça c'est pour le coup la dimension totalement tragique de cette affaire,
13:11c'est que, en effet, le prix à payer pour Israël est très très élevé.
13:15Alors, en 2011, lors de la libération du soldat franco-israélien Ghislaine Chalit,
13:19on était sur du 1 pour 1000, donc libération du soldat pour 1000 prisonniers palestiniens.
13:24Là, on est sur du 1 pour 30, 1 pour 50.
13:27Mais le prix est très élevé, d'autant qu'un certain nombre de ces profils sont...
13:32Qui sont ces prisonniers qui vont être libérés ?
13:34On n'a pas de détails, mais on sait qu'un certain nombre d'entre eux ont été condamnés
13:39à la perpétuité pour des attentats terroristes commis contre des civils israéliens,
13:46de masse, à la fois des dirigeants du Hamas, du djihad islamique, du FPLP,
13:52donc un certain nombre d'organisations palestiniennes à la fois islamistes et nationalistes armées.
13:57Et donc ça, évidemment, c'est compliqué pour un Premier ministre de droite
14:00qui a fait campagne pendant cette guerre sur cette fameuse victoire décisive,
14:05cette victoire totale contre le Hamas.
14:07Évidemment, c'est un slogan, c'est une rhétorique qui lui servait,
14:10si vous voulez, à rassurer une partie de son électorat
14:13de la même manière que l'ensemble des Israéliens traumatisés par le 7 octobre
14:16et quand même choqués par cet étrange effet du 7 octobre,
14:20cet espèce d'effondrement de l'État d'Israël lors du 7 octobre.
14:24Il n'y a toujours pas eu d'ailleurs, sur ce point-là, d'enquête.
14:27C'est-à-dire que c'est quand même un échec personnel absolu de Benjamin Netanyahou,
14:34cette intrusion, ce drame du 7 octobre.
14:37Il n'y a toujours pas d'enquête là-dessus, il n'y a toujours pas dû rendre de compte.
14:40Ce qu'il faut dire, c'est qu'évidemment, le Hamas n'a pas attendu Netanyahou
14:43pour avoir une idéologie ultra-nationaliste, millénariste de détruction de l'État d'Israël.
14:48Avec un autre Premier ministre, probablement que cette invasion terrestre
14:51et les massacres auraient été identiques.
14:54Mais il est vrai que Netanyahou a fracturé la société israélienne,
14:56il a affaibli cette société et que jusqu'à présent,
14:59il se refuse à ce qu'une enquête nationale soit menée.
15:04D'ailleurs, c'est ce qui explique aussi que le mouvement de protestation
15:07anti-gouvernemental, anti-Netanyahou, a continué à manifester ces derniers mois.
15:11David Kalfa, est-ce que les Israéliens veulent vraiment la paix
15:14ou est-ce qu'ils redoutent la paix parce que ce ne serait pas forcément synonyme de sécurité ?
15:20Est-ce que, vous parliez tout à l'heure d'une forme de cynisme,
15:23est-ce que là, on peut parler d'une forme presque de réalisme ?
15:26Je pense qu'il y a un très grand désarroi côté israélien,
15:29parce qu'au fond, ce qui explique l'effondrement de la gauche,
15:33son affaiblissement structurel, c'est assez largement la seconde Ifada
15:36et les attentats terroristes à Tel Aviv, à Jérusalem.
15:39Ça, ça a cassé dans l'esprit des Israéliens l'idée qu'au fond,
15:42cette paix était presque inéluctable.
15:44Ce qu'on appelle le bilatéralisme, c'est vraiment les négociations
15:47entre Autorité palestinienne et Israël, mènerait à la paix et à la sécurité.
15:50Donc, si vous voulez, ce schéma s'est un peu effondré
15:53avec cette campagne d'attentats suicides, d'ailleurs,
15:56en grande partie lancée par le Hamas, pour faire capoter le processus de paix.
16:00Bien sûr, l'extrême droite israélienne a aussi son rôle dans cette affaire.
16:05Mais quel gâchis, quoi !
16:07Oui, c'est un énorme gâchis.
16:09Et là, le 7 octobre, ce qui a cassé davantage, c'est qu'il faut se souvenir
16:12qu'avant le 7 octobre, il y a le retrait de la bande de Gaza par Israël en 2005.
16:16Donc, on est passé du bilatéralisme, période Oslo,
16:19à l'unilatéralisme avec Ariel Sharon.
16:21Donc, retrait des forces israéliennes de la bande de Gaza.
16:23Là, les Israéliens s'imaginent que peut-être qu'un avenir pacifique
16:26pourrait s'enclencher entre Israéliens et Palestiniens.
16:29Or, ça s'est traduit par des guerres avec le Hezbollah,
16:32des guerres avec le Hamas, dont la dernière.
16:34Et donc, si vous voulez, les deux grands paradigmes,
16:37bilatéralisme d'un côté, négociation israélo-palestinienne,
16:40unilatéralisme de l'autre, se sont effondrés.
16:42Et face à ça, il y a comme une espèce de vide aujourd'hui dans le débat.
16:46Plus personne ne se projette, en Israël, dans une solution à deux États ?
16:50Est-ce que, malgré tout, il y a des combattants de cette question-là ?
16:53Est-ce qu'il y a ceux qui se disent
16:55on va tout faire pour qu'il y ait deux États à long terme ?
16:57Alors, j'en parle dans mon livre.
17:00Ce livre, justement, rassemble des Israéliens et des Palestiniens
17:02qui luttent pour la solution à deux États,
17:04des intellectuels, des experts, des activistes.
17:06Ce qu'on ne voit pas, et souvent, c'est que,
17:08non, on est focalisé sur la guerre, et c'est tout à fait logique
17:10parce que c'est spectaculaire, parce que c'est tragique,
17:12mais en fait, dans les tréfonds de la société à la fois israélienne et palestinienne,
17:15vous avez non seulement des activistes, des militants,
17:17mais une grande partie des deux populations
17:19qui souhaitent cet accord de paix.
17:20En fait, quand vous leur posez la question de la solution à deux États,
17:23ils vous répondent qu'ils n'y croient pas, qu'ils n'y croient plus.
17:26Mais quand vous leur demandez quelle est l'alternative,
17:28il n'y en a pas.
17:29Donc, en fait, si vous voulez, le soutien qui s'est effondré
17:31de part et d'autre à la solution à deux États,
17:33si les conditions politiques changent,
17:36cet espoir peut renaître.
17:38Aujourd'hui, on est clairement dans une année zéro
17:40parce qu'il n'y a pas d'espoir dans l'immédiat.
17:43Ce que veulent les Israéliens comme les Palestiniens,
17:45d'abord, c'est reprendre le chemin d'une vie à peu près normale.
17:47David Kalfa, avant le 7 octobre,
17:50il y avait eu les accords d'Abraham,
17:52il y avait eu une logique, justement, d'apaisement dans la région.
17:55Est-ce qu'on peut imaginer que ce qui est en train de se jouer
17:58et qui est historique depuis hier soir et encore aujourd'hui
18:01puisse avoir, pour conséquence,
18:04une reprise de ces accords dans la région ?
18:08Et notamment, est-ce que vous pouvez nous parler du rôle de l'Égypte ?
18:10Oui, alors, je parlais tout à l'heure
18:12de ce que j'ai appelé le bilatéralisme.
18:14L'objectif stratégique prioritaire de l'administration Trump,
18:17c'est l'élargissement des accords d'Abraham à l'Arabie saoudite.
18:19Donc, normalisation israélo-saoudienne
18:23dont l'impact géostratégique et géopolitique serait absolument gigantesque.
18:27Et donc, moi, c'est ce que j'appelle le régionalisme,
18:29c'est-à-dire, en fait, les Américains appellent ça le « outside in »,
18:32c'est-à-dire pour éviter l'enquistement face à face israélo-palestinien
18:36qui souvent débouche sur des échecs,
18:38dans des processus de paix successifs qui ont été des échecs.
18:41La stratégie, désormais, des Américains,
18:43c'est de contourner cet obstacle israélo-palestinien
18:46en passant par la puissance arabe majeure du Golfe,
18:49qui est l'Arabie saoudite et qui permettrait, en fait,
18:52ensuite, dans un second temps, d'arriver à un accord.
18:54Est-ce que tout cela est gelé, est-ce que tout cela est reparti en arrière
18:56ou est-ce que ça n'était que sur pause et ça peut repartir ?
18:59C'était que sur pause, ça peut repartir et ça va repartir
19:02parce que c'est l'intérêt stratégique d'Israël,
19:04de l'Arabie saoudite et de l'ensemble du monde arabe,
19:06y compris des Palestiniens.
19:07Et, David Kalfa, sur cette question de l'ouverture éventuelle
19:11entre Gaza et l'Égypte,
19:13puisqu'on le sait, c'est aussi fermé de ce côté-là,
19:16est-ce que l'Égypte est prête, dans le cadre de ce cessez-le-feu
19:19qui est en train de se nouer,
19:21à rouvrir un passage entre Gaza et l'Égypte ?
19:25Oui. Alors, l'Égypte, il faut le rappeler,
19:26a imposé un blocus conjointement avec les Israéliens
19:29depuis le coup de force du Hamas en 2007.
19:30Depuis l'arrivée du Hamas au pouvoir à Gaza,
19:32blocus d'ailleurs plus rigide, j'ai envie de dire,
19:36que côté israélien.
19:37Et oui, ils vont ouvrir le point de passage de Rafah
19:39parce que, notamment, un certain nombre de Palestiniens
19:42qui ont été blessés pourront être soignés en Égypte
19:44et, par ailleurs, un certain nombre d'otages aussi
19:46probablement passeront par le passage de Rafah.
19:48Merci beaucoup, David Kalfa, de nous avoir éclairé ce matin
19:52sur ce qui se joue en ce moment même
19:55avec cet accord de cessez-le-feu,
19:57cette libération des 5 premiers otages, disiez-vous, dimanche,
20:01avec un retrait progressif de l'armée israélienne
20:05depuis la bande de Gaza.
20:06Je rappelle le titre de votre livre,
20:07Israël-Palestine, année 0,
20:10et c'est publié avec la Fondation Jean Jaurès,
20:12dont vous êtes l'un des experts.
20:14Merci à vous.
20:15Il est 8h52 et vous êtes bien sûr RMC et BFM TV.

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