Mercredi 15 janvier 2025, SMART BOURSE reçoit Franck Sabbah (Responsable du développement AM en Europe, Berenberg)
Category
🗞
NewsTranscription
00:00Le dernier quart d'heure de Smartboard chaque soir, c'est le quart d'heure thématique.
00:13Le thème ce soir nous emmène en dehors des marchés liquides cotés pour évoquer le
00:17segment de la dette privée, segment qui connaît un essor important depuis deux ans maintenant
00:25au moins et nous en parlons avec Franck Sabat, responsable du développement de l'Asset
00:29Management Europe chez Berenberg.
00:31Bonsoir Franck.
00:32Bonsoir.
00:33Merci beaucoup d'être là, ravi de vous retrouver pour parler de ce segment de la dette privée.
00:37Effectivement, qu'est-ce qu'on peut dire de ce marché ou de ces marchés de dette privée
00:41du point de vue historique ? C'est vrai qu'en tout cas, comme on l'a vu dans le private
00:46equity, il y a un push, il y a une appétence en tout cas à diffuser ce marché de la dette
00:53privée auprès d'une nouvelle clientèle, on peut le dire presque aujourd'hui Franck.
00:57Oui, je dirais que c'est un marché qui se développe.
00:59Il y a eu vraiment ces marchés illiquides, private equity, private debt, tout ça est
01:08lié quand même à la crise financière de 2008, post sale, private equity après de
01:13l'essor et puis dans la logique, la dette privée a pris de plus en plus de place en
01:19fait.
01:20Et ce qu'on voit aujourd'hui, c'est que c'est un marché qui fait 1 500 milliards, on attend
01:25à ce qu'il atteigne les 2 000 milliards d'ici quelques années, donc il y a une grosse croissance.
01:29Et maintenant sur cette partie-là, il y a quelque chose qui est assez évident, c'est
01:37que pour beaucoup d'investisseurs, on cherche à faire le parallèle entre la partie liquide
01:45obligataire qu'ils connaissent très bien depuis des années où ils sont totalement
01:49à l'aise et ils aimeraient bien retrouver un peu ce degré de connaissance, de confort
01:55et aussi de granularité sur ces activités de dette privée.
02:00Donc on a vraiment des investisseurs qui sont hyper avancés, qui maîtrisent leur soutien,
02:04qui ont beaucoup de granularité et d'autres qui sont encore en découverte.
02:08On veut, mais que ce soit dans le monde d'action ou dans le monde de la dette, on voit beaucoup
02:14de sociétés qui ont envie de ces deux jambes, c'est-à-dire je veux être dans les actions
02:17cotées et liquides, c'est mon métier historique, je connais, je ne vais pas lâcher la cote
02:21boursière, mais je vois bien aussi que dans le non-coté, il y a des choses à faire et
02:24mon expertise des marchés cotés peut me servir aussi peut-être dans ces marchés d'actions
02:29non-cotées et même histoire, j'ai l'impression, du côté de la dette.
02:33C'est quoi la différence justement ? Comment le marché de la dette privée est structuré
02:37par rapport au marché obligataire de dette d'entreprise que tout le monde connaît très
02:41bien, qui sont des marchés liquides et qui sont des marchés incontournables et parmi
02:44les plus gros du monde ?
02:46La différence principale, c'est la liquidité.
02:49C'est que l'obligataire, on est sur une liquidité quotidienne, là on est typiquement sur des
02:55fonds qui vont avoir des périodes de lock-up, donc des périodes d'investissement entre
03:017 et 10 ans.
03:02Je dirais qu'on a un changement qui est hyper important, de la même façon qu'il y a les
03:08equity qui sont liquides, et le private equity, on va s'engager sur des périodes plus longues.
03:14C'est un mariage de long terme ?
03:15Exactement, et avec ce mariage de long terme, vient une prime d'illiquidité.
03:21L'idée, c'est que cet engagement plus long apporte un rendement aussi plus stable sur
03:28cette poche de dette privée, donc je pense que vraiment ce qu'on voit, c'est qu'on aura
03:34cette partie liquide qui va rester dominante, ça je n'attends pas de changement pour les
03:385-10 prochaines années.
03:39Par contre sur la partie liquide, on avait ce private equity qui était vraiment le moteur,
03:44et la partie dette privée a un rôle de plus en plus marqué.
03:48Qu'est-ce qu'on entrevoit comme espérance de rendement sur ces marchés de dette privée
03:57au terme de la détention nécessaire de ces actifs de dette privée ?
04:02En fait, on revient sur les bases de la finance.
04:09Plus on va prendre de risques, plus on aura de rendement, donc là il n'y a pas de changement
04:13là-dessus.
04:14Souvent, on entend que les marchés liquides peuvent payer énormément et ainsi de suite,
04:18oui, mais il y a un risque sous-jacent.
04:20Donc dans la dette privée, on va avoir différents degrés, on va avoir la dette super senior,
04:25senior, unitranche, mezzanine, où là on a beaucoup plus de risques.
04:30Donc ça c'est la même hiérarchie de créance qu'on connaît dans la structure du capital
04:34des entreprises.
04:35Exactement, là on est vraiment dans cette même logique, la différence ça va être
04:38les acteurs sous-jacents, et après les rendements, si on regarde la partie européenne, je dirais
04:43on va être à EURIBOR sur la partie la plus défensive entre 3 et 5 %, 3, 5, 6, et puis
04:52après on peut monter jusqu'à du plus 10, plus 12, avec, comme je le disais, un risque
04:59lié.
05:00En fait, il n'y a pas de secret, si on va chercher du 10 à 15 %, c'est qu'il y a un
05:04risque sous-jacent qui est plus important.
05:05Le risque, il va se faire où ? Il va se faire en gros dans le risque qu'on prend sur l'entreprise,
05:10que le gérant va financer.
05:12Nous, de notre côté, on a plutôt opté pour quelque chose d'hyper défensif, donc
05:17on est plutôt sur la partie super senior et senior.
05:20Donc les créanciers qui sont remboursés en premier, c'est ça en cas d'accident ?
05:25Exactement, ça va être ça la logique, c'est qu'en gros on va avoir des garanties plus
05:30élevées et en cas de problème, être les premiers à être remboursés, en sachant
05:36que l'idée, nous notre idée, c'est ce qu'on fait aujourd'hui depuis quasiment
05:39dix ans, c'est de se dire plutôt on a eu zéro défaut jusqu'à maintenant, on va
05:44essayer de garder ce rythme-là, parce qu'au final si on cherche plus 4 %, ça va nous
05:53amener à du 8 % par an, avec les taux actuels, l'idée c'est d'apporter quelque chose
05:59de très très stable.
06:01Et un autre point qui est intéressant sur la dette privée, en 2022 on a eu ce crash
06:07des marchés, à la fois obligataires et options, et là cette poche illiquide au final a donné,
06:14du fait qu'elle soit valorisée à une haute fréquence et du fait qu'il n'y ait pas
06:18cette liquidité, donc qu'il n'y ait pas de phénomène d'urgence, elle a donné
06:22une certaine stabilité aux détenteurs de ces marchés.
06:26Et est-ce que le risque est simplement reporté ? C'est-à-dire qu'on entend beaucoup aussi,
06:29il y a plein de marchés dans le private equity, il y en a qui s'en sortent bien, il y en a
06:33qui sont sous pression effectivement, mais beaucoup attendent que dans une partie de
06:38ces marchés non cotés, on voit la douleur qu'on a vue sur les marchés liquides en 2022,
06:44mais qu'on ne voit que cette douleur que dans quelques temps, pour dire les choses,
06:48au moment des refinancements clés, au moment où les LPs, les partenaires demandent de
06:52récupérer une partie de leur argent, qu'en est-il pour ces marchés de dette privée ?
06:56Je pense qu'on est dans la même logique, c'est-à-dire qu'au départ, il faut qu'il y ait un travail
07:01de sélection, de choix des sociétés, de choix de financement et de structure de financement
07:07qui soit bien fait pour qu'on puisse absorber ce type de période.
07:10Ce n'est pas immunisé, si tout se tend, ça se tend également.
07:16Ce n'est pas complètement un autre monde non plus.
07:18Non, du tout.
07:19Là, on a vu un phénomène un peu particulier sur la dette privée, c'est que comme les
07:22marchés liquides avaient décroché massivement, y compris la partie obligataire, les investisseurs
07:30se sont retrouvés surpondérés par rapport à ce qu'ils voulaient ou ce qu'ils pensaient
07:38avoir.
07:39Il y a eu des phénomènes de réallocation liés aux mouvements de marché, ça apporte
07:45une autre mécanique.
07:46On le voit quand on parle avec les investisseurs, ils ont besoin d'intégrer cette partie parce
07:51qu'elle apporte ce côté moins volatil, ça c'est sûr, ce côté très visible si
07:57on sélectionne les bonnes sociétés et si on identifie bien les stratégies et en même
08:04temps cette diversification dans les comportements.
08:06Qu'est-ce qu'on finance avec de la dette privée aujourd'hui par rapport au monde
08:13obligataire ou de crédit traditionnel ?
08:15On peut financer beaucoup de choses, mais en gros ce qu'on voit c'est que c'est très
08:22lié à ce milieu du private equity.
08:24En Europe, je dirais que ça se concentre quand même pas mal sur l'industrie tech et un peu
08:31de santé.
08:32C'est là où il y a quand même pas mal de choses.
08:34Mettons de côté la partie infra qui est encore spécialisée, parce qu'on pourra en
08:38parler.
08:39C'est un segment de marché à part entière ?
08:40Oui, ça reste dans de la dette privée mais c'est un marché en particulier.
08:43Pour un émetteur, c'est quoi ? C'est une option supplémentaire de financement ? Ça
08:48s'adresse à des émetteurs qui n'ont pas accès à d'autres sources de financement ?
08:52Le point de départ il est où ? Au départ, une société avait besoin de financement,
08:57ils allaient voir la banque, la banque finançait.
08:59S'il y avait besoin de plusieurs banques, ils se poulaient et il y avait un financement.
09:02On a vu que les banques, ça devenait de plus en plus compliqué et aussi plus de process,
09:08donc peut-être moins rapide.
09:09La dette privée vient de là en fait, l'ouverture est là.
09:13Ces sociétés, c'est celles qu'on connaît, il n'y a pas un nouveau type de société
09:20émergeant, c'est des sociétés établies qui sont là.
09:24La différence, c'est qu'ils vont plutôt se tourner sur des providers de dette privée
09:29pour avoir plus de flexibilité et peut-être plus de rapidité dans l'implémentation.
09:35Ça, ça va être les gros facteurs déclencheurs.
09:37Versus un processus de décision bancaire, ça peut aller beaucoup plus vite quand on
09:42a un émetteur avec des spécialistes de la dette privée.
09:46Ça peut aller beaucoup plus vite.
09:48Après, je dirais qu'en France, on est encore bien lotis.
09:50Les banques sont bien actives et sont plutôt bonnes dans cette activité-là.
09:57Si on s'écarte, c'est de moins en moins le cas.
10:00En fait, il n'y a pas de solution parfaite.
10:02Là, c'est vraiment une solution de financement supplémentaire.
10:05Peut-être qu'on peut prendre un exemple.
10:09Oui, bien sûr.
10:10La majeure partie de ces deals, ils viennent des deals de private equity.
10:13On va rentrer dans un deal.
10:15Je prends un exemple concret.
10:18Récemment, on a financé une entreprise basée en Suisse.
10:21Ils font du logiciel pour les systèmes bancaires.
10:25Ils avaient été rachetés par une société de private equity il y a cinq ans.
10:29Exit de l'investissement, un schéma très standard.
10:33Ce qui se passe, à ce moment-là, pour le vendeur, il fait un système d'enchaire.
10:39C'est une belle société, croissance, stable, profitable.
10:43Tout va bien.
10:45Celui qui veut racheter cette société, il va amener une poche en cash, en equity.
10:50Et puis, il va aller chercher de la dette.
10:52C'est là où la dette privée intervient pour optimiser les chances de remporter ce deal.
11:02Il y a beaucoup de volume, il y a beaucoup de dynamique.
11:06Mais sur le fond, on parle de sociétés qui ont besoin de financement.
11:10En tout cas, nous, on se concentre plutôt sur les sociétés en développement.
11:14Et qui ont cette capacité à déployer l'argent levé.
11:22Merci beaucoup pour cet éclairage sur ce segment.
11:25Ce n'est pas un segment nouveau, on l'a compris.
11:26Mais c'est un segment qui monte.
11:29Et en tout cas, un des segments en croissance dans l'industrie de la gestion d'actifs.
11:33Aujourd'hui, la dette privée.
11:35Merci beaucoup Franck.
11:36Franck Saba, responsable du développement de l'Asset Management Europe chez Berenberg.