Antoine Armand, ex-ministre de l'Économie du gouvernement de Michel Barnier, était l'invité de "C'est pas tous les jours dimanche" sur BFMTV.
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00:00L'hypothèse de la suspension, puisqu'Olivier Faure, invité ce midi de BFMTV, disait qu'il souhaitait que ce mot soit dans la déclaration de politique générale de François Bayrou.
00:09Vous avez les deux casquettes, ancien ministre de l'économie, bientôt de nouveau sur les bancs de l'Assemblée.
00:15Est-ce qu'en tant que député, vous voteriez un budget conditionné à une suspension de la réforme ?
00:21Et en tant qu'ancien ministre, quels effets le mot suspension des mardis pourrait avoir sur les marchés ?
00:26D'abord, je pense que vous avez raison, et je commence par la deuxième question, vous avez raison de parler de ce sujet-là.
00:31Parce que quand on sort un tout petit peu du cadre franco-français, quand on s'extrait, quand on dézoome, qu'est-ce qu'on voit ?
00:37En Allemagne, l'âge légal de départ à la retraite, c'est 67 ans. En Italie, ça va être prolongé jusqu'à 69 ans.
00:44En Espagne, pas, je crois, un État ultralibéral, c'est autour de 65 ans.
00:49Avoir aujourd'hui en France un débat pour savoir si on peut revenir à un âge légal à 62 ans, et même pour certains 60 ans,
00:58c'est anachronique, c'est déconnecté, c'est dangereux pour l'économie.
01:02Et donc, pour répondre à votre question, ce serait perçu, évidemment, comme un signal que la France décroche définitivement
01:09par les analyses, par les marchés, mais avant les marchés, par nos homologues européens, par la Commission européenne.
01:16Vous êtes contre la suspension de la réforme avec un départ à 64 ans. Vous souhaitez que ça ne bouge pas dès 64 ans.
01:23Non, je pense qu'il faut être ouvert au dialogue. Je pense simplement qu'on ne peut pas faire du dialogue et des discussions
01:29dans le déni économique et dans le déni financier qui est celui de la France.
01:32Abroger la réforme des retraites ou la suspendre s'y nédier, c'est 3,5 milliards d'euros aujourd'hui, c'est 15 milliards dans quelques années.
01:41Donc ça ne peut pas se faire en dehors du cadre financier.
01:43Mais alors, sous quelles conditions est-ce que cela peut se faire ?
01:45Ça peut se faire dans le respect des équilibres financiers qui ont été prévus, et je le dis aussi ici de manière très simple,
01:53qui ne seront pas suffisants pour les années à venir. Oui, il faudra mettre sur la table la retraite des agents publics,
01:58parce qu'aujourd'hui, elle est extraordinairement déficitaire. Oui, il faudra mettre sur la table un certain nombre d'avantages qui existent encore.
02:04Vous dites que tout le monde ne sera pas gagnant, en fait ?
02:07Il n'y aura pas de réforme Père Noël, si j'ose dire, où tout le monde aurait son cadeau au pied du sapin.
02:12Mais en matière financière, et je peux vous le dire, je l'ai vécu, on est très très loin de la balle encore en France.
02:18Je vais vous raconter un épisode...
02:19Non, mais c'est un peu important, parce qu'aujourd'hui, quand on entend le débat tel qu'il se pose,
02:23la suspension posée par le parti socialiste laisserait entendre qu'il y aurait une issue où tout le monde est gagnant.
02:28Mais qu'on ait des discussions et des progrès sur l'emploi des seniors, oui, aujourd'hui, quand vous avez 55-60 ans,
02:34c'est très difficile de retrouver un emploi. Et c'est aussi notre responsabilité sur la retraite progressive,
02:39qu'il y ait des évolutions très bien, qu'on réfléchisse avec un nouveau modèle.
02:43Il y a eu à un moment la question de la retraite à points, qui a été d'ailleurs, je le dis en passant, rejetée
02:48par ceux qui aujourd'hui parfois disent peut-être que ce serait bien d'y revenir. Pourquoi pas ?
02:52Mais qu'on sorte complètement du cadre financier, qu'on s'en abstrait, c'est un déni de réalité.
02:56Donc juste pour que vous répondiez à Néla, si jamais la réforme à 64 ans est suspendue, est-ce que vous votez ou non le budget ?
03:02Non mais je vous l'ai dit tout à l'heure, je ne suis pas dans le camp des maîtres chanteurs.
03:08Et vous mettez en garde le Premier ministre quand même ? Vous dites les macronistes, les marcheurs.
03:13Je ne suis pas le énième dessinateur de lignes rouges. Je suis celui qui dit qu'Élisabeth Borne, aujourd'hui au gouvernement,
03:19a porté une réforme nécessaire face à la confiance financière. Ce que je dis, c'est que ça ne peut pas se faire déconnecter
03:25des réalités financières. Et que ceux qui croient qu'on peut acheter la censure ou la non-censure en faisant sauter
03:33toutes les digues budgétaires, le retrouveront demain et après sur les marchés.
03:36Pas de François Bayrou ?
03:37Pas du tout. Je crois que le Premier ministre a été clair sur la responsabilité morale que nous avons face à la dette,
03:42sur le fait qu'il a lui-même beaucoup parlé de la réforme des retraites. Et ensuite, je comprends qu'il y ait une négociation,
03:47elle est en cours, très bien, il y a un dialogue. S'il faut avancer, si c'est des mots qui peuvent contenter certains, très bien.
03:54Mais de grâce qu'y compris le Parti socialiste sorte de posture démagogique qui consisterait à dire qu'on peut tous revenir
04:00à la retraite à 62 ans, alors que c'est le contraire, il faudra travailler plus longtemps.