• il y a 5 jours
Cyclone Chido à Mayotte, incendies à Los Angeles… Quand les catastrophes naturelles autrefois exceptionnelles deviennent de plus en plus fréquentes, comment assurer les hommes et les biens ? Ce samedi, Alexandra Bensaid reçoit Adrien Couret, le directeur général du groupe mutualiste engagé sur le climat Aéma, qui regroupe notamment Macif, Abeille Assurances et Aéso.

Category

🗞
News
Transcription
00:00Le directeur général du groupe mutualiste AEMA est notre invité, bonjour et bienvenue Adrien Couret.
00:05Bonjour Alexandra Bensahid.
00:06Massif, Aesio, Abeille, ça ce sont vos marques, parce que le groupe AEMA, peut-être qu'on ne sait pas ce que c'est.
00:1212 millions de sociétaires, dites-moi si j'ai les bons chiffres, 15 milliards 500 millions de chiffres d'affaires, environ 20 000 collaborateurs, c'est exact.
00:19Alors vous avez entendu le reportage avec nous, des mutuelles existent, montées en partenariat avec des communes et elles proposent des tarifs 20 à 40% moins chers.
00:29On a envie de se dire que c'est une solution d'avenir, vous qu'est-ce que vous en pensez ?
00:33Alors ça nous parle déjà, parce qu'on parle de mutuelle et AEMA Group c'est un groupe mutualiste,
00:37et puis on parle de la question de l'accessibilité de la protection des français.
00:41Face à ça il y a des solutions qui sont recherchées, les mutuelles communales en font partie, d'ailleurs on en propose dans notre groupe, ça n'est qu'une petite partie de la solution.
00:50Parce que le sujet il est global, celui de la protection c'est celui en assurance de la mutualisation et du partage du risque.
00:56Donc avoir des solutions locales c'est bien, mais faire en sorte qu'à l'échelle de l'ensemble des 12 millions d'assurés que vous mentionniez,
01:03il y ait une péréquation, que les bons risques et les mauvais risques puissent s'équilibrer, c'est un élément qui est très important pour nous.
01:09Donc nous au sein de notre groupe on propose l'ensemble des solutions, les solutions complètes, bassif à aise ou abeille, des solutions plus spécialisées, et c'est une complémentarité en réalité.
01:18D'accord, pour vous ce n'est pas une solution globale qui peut marcher à l'échelle ?
01:21Non, je ne pense pas que le secteur de l'assurance dans 10 ans ce ne sera que des mutuelles communales, c'est du complément.
01:26Alors pour les mutuelles complémentaires classiques, je parlais d'une augmentation des cotisations de 6% depuis 10 jours, on s'en est un peu tous aperçus.
01:35Mais ça c'est une moyenne, parce que pour certaines catégories de sociétaires, d'assurés, ça va beaucoup plus haut.
01:41Quand on est retraité par exemple, la hausse de cotisation elle peut aller jusqu'à combien ?
01:46Alors ça dépendra vraiment des profils, mais ce qu'il faut que vos auditeurs comprennent bien, c'est que la hausse des tarifs des complémentaires santé,
01:52elle n'est que le reflet de la hausse des dépenses de soins des français, parce que la population vieillit, parce que les solutions médicales de soins sont de plus en plus importantes et technologiques.
02:01Et en fait depuis quelques années, les mutuelles ne se font pas d'argent sur le dos des français.
02:07Elles ne font que suivre les hausses de remboursement, les tarifs augmentent parce que les français sont mieux remboursés.
02:11D'accord, donc pour vous, ce qui justifie la hausse des cotisations, qui dans les années 2010 jusqu'en 2022 c'était moitié moindre, c'est le vieillissement. Mais ça ne s'est pas produit en 10 ans quand même ?
02:20Il y a le vieillissement et il s'accélère. Il y a eu la situation post-Covid avec des rattrapages de soins, une situation de santé du pays qui est moins bonne.
02:27Il y a cet effet technologique qui est important. Donc tout ça vient jouer.
02:31En réalité, on parle des hausses de cotisation des complémentaires, on parle aussi du déficit de la Sécu, c'est les deux faces d'une même pièce.
02:38C'est comment on maîtrise mieux l'évolution de la dépense de soins des français.
02:42Ça pose la question de la prévention. On est un pays qui n'est pas bon en France en matière de prévention. On préfère guérir que prévenir.
02:48Ça pose la question de l'évaluation de la dépense médicale, par exemple. C'est quelque chose sur lequel aussi on n'est pas très bon en France.
02:55Et nous, assureurs, nous demandons à avancer sur ces sujets-là.
02:58Ça pose aussi la question de la lutte anti-fraude. Et je ne pense pas forcément aux assurés sur le sujet. Je pense parfois aux professionnels de santé.
03:05On a des caractéristiques parfois un peu spectaculaires sur le sujet. Et ce sont des sujets sur lesquels assureurs et sécurité sociale, nous pourrions travailler ensemble.
03:12Alors ça pose aussi la question, on vous en fait souvent la remarque, des frais de gestion de la mutuelle.
03:16L'assurance maladie ne se prive pas de dire que ses frais de gestion, c'est moins de 3% et que pour les mutuelles, en général, c'est 20%.
03:23Alors là, on compare des choux et des carottes. Si on prend vraiment ce dont parle la sécurité sociale sur les 3%, nous les mutuelles, en vérité, on a 4-5%.
03:32Il faut bien voir aussi qu'on investit sur une qualité de service. La disponibilité de nos services au téléphone ou en agence, ce n'est pas la même que celle de la sécurité sociale.
03:40Je ne veux pas être polémique, mais c'est une réalité. On est présent partout, dans les territoires, on propose des services de prévention.
03:47Donc pour vous, c'est un mauvais argument.
03:49Oui, c'est un très mauvais argument.
03:50Mais alors attendez, dans la hausse de cotisations, et vous ne m'avez pas répondu sur les retraités, moi j'ai lu que ça pouvait être jusqu'à plus de 25% si on était retraités, pour certains.
03:57Ça peut arriver, effectivement.
03:59Vous avez intégré, j'imagine, les mesures du budget de la Sécu, le PLFSS version Barnier, qui prévoyait qu'il y avait une baisse du taux de remboursement de 5% par la Sécu pour les médicaments et les consultations médicales.
04:12Sauf que depuis, ces mesures, elles sont dans les limbes. Qu'est-ce qui se passe si ce n'est pas retenu par le PLFSS version Bayrou, où vous remboursez ?
04:20Oui, il faut être extrêmement lucide.
04:22Alexandre Rabensay, le nouveau gouvernement, il aura besoin de chercher des économies.
04:26Alors que ce soit sur la consultation médicale, les médicaments, il y aura quelque chose.
04:30Le deuxième point qu'il faut avoir en tête, c'est que ça fait plusieurs années que les complémentaires santé, et en particulier les mutuelles, les entreprises à forme mutualiste, ne gagnent pas d'argent sur les complémentaires santé.
04:40C'est vraiment un message très fort que je veux passer.
04:42Ces augmentations, ce n'est pas une augmentation de nos marges.
04:45On suit la dépense et le besoin des Français.
04:48Est-ce qu'à J-3 de la déclaration politique générale de François Bayrou, vous attendez quelque chose de spécifique, Adrien Couret ?
04:54On attend de la visibilité. Mais là, je pense que notre secteur n'est pas différent des autres.
04:58On est aujourd'hui dans une difficulté à savoir comment on fait évoluer nos garanties pour nos sociétaires.
05:05Comment est-ce qu'on va investir l'argent qu'il nous confie ?
05:07On est un peu en attente de visibilité de la part du gouvernement.
05:11Celui-là n'y est pour rien. C'est le fruit de l'année très instable politiquement qu'on a connue en 2024.
05:17Alors, instabilité politique, je vous emmène sur l'insécurité climatique.
05:21Au moment où nous parlons, les incendies ravagent toujours Los Angeles.
05:24L'année 2024, elle a été la troisième plus coûteuse pour les assurances depuis 1980.
05:29Évidemment, en France, on s'en souvient, ça a démarré en janvier dans le Pas-de-Calais avec les inondations.
05:35Et ça s'est terminé en décembre avec le cyclone Chido sur Mayotte.
05:38Je vous parle encore de cotisations.
05:40La première conséquence, c'est que les cotisations pour l'assurance habitation vont augmenter.
05:45Nous n'avons jamais autant remboursé, redistribué, indemnisé nos assurés.
05:50Et donc, pour ça, effectivement, il faut collecter davantage.
05:53C'est 12% en moyenne, c'est ça ?
05:55Oui, mais il faut prendre la tendance longue.
05:57Ayez en tête que sur les 15 dernières années, la charge climatique en France, pour les assureurs, mais donc pour les assurés, elle a doublé.
06:04Et on prévoit qu'elle double encore dans ces prochaines années.
06:07Donc, pour avoir plus de protection, il faut plus de cotisations.
06:10Là encore, en assurance d'hommage, c'est notre terme à nous, c'est l'assurance auto-habitation, les marges sont nulles.
06:16On ne se fait pas d'argent sur le...
06:18Alors là, je me demande avec quoi vous gagnez de l'argent avec vos investissements, c'est ça ?
06:21Eh bien, la réalité, c'est que le secteur de l'assurance gagne beaucoup moins d'argent.
06:24Effectivement, il peut y avoir des sujets sur l'investissement, mais sur le fond du sujet de l'assurance,
06:29notre difficulté, c'est de suivre ces questions de climat, ces questions de santé qu'on évoquait tout à l'heure.
06:35Les gens demandent d'être plus protégés, ça a un coût, c'est un investissement.
06:38Bon, et donc, les cotisations vont continuer d'augmenter, c'est ce que j'entends, vu que le risque climatique n'est pas prêt de disparaître.
06:44Je pense qu'il y a deux choses. C'est bien de parler des cotisations, mais évidemment, le risque climatique, il va au-delà de la question de l'assurance.
06:49Vous avez parlé de sécurité climatique, ça amène à un moment à se poser la question d'où vient ce coût.
06:56C'est pas seulement parce qu'il y a plus d'événements, c'est aussi parce qu'on se rend compte que nos territoires sont vulnérables.
07:00Pourquoi ? Eh bien, à Valence, c'était la bétonisation, à Mayotte, c'est évidemment la question des bidonvilles,
07:06à Los Angeles, on découvre qu'il n'y a plus d'eau pour éteindre les incendies.
07:11En fait, ça pose la question de l'adaptation. La moitié du coût des sinistres climatiques, elle vient du fait qu'on a mal construit,
07:18que les étalements urbains sont trop importants, qu'on a artificialisé les sols.
07:22Mais alors pourquoi ? Oui, ça, c'est le constat.
07:24Donc, on arrive en haut, c'est plus que la question de l'assureur.
07:26Et nous, nous interpellons les pouvoirs publics en leur disant, vous devez aider à l'adaptation du territoire français.
07:32Et c'est des propositions, d'ailleurs, qu'on a faites dans un document que vos auditeurs n'ont sans doute pas lu,
07:36mais qui est le plan national d'adaptation au climat que Michel Barnier avait initié et là qui a été posé.
07:41Alors, très bien de rien courir, mais qui doit, par exemple, on doit adapter, on doit adapter sa maison,
07:46on doit mettre des bâtards d'eau, là, quand il y a des inondations en bas des portes pour bloquer l'eau.
07:51Tout ça, ça a un coût, l'adaptation. Qui doit payer ?
07:55L'ensemble de la chaîne, en fait. Les assurés, les assureurs et les pouvoirs publics.
08:00Mais typiquement, prenons un exemple, les Hauts-de-France que vous avez rappelé.
08:05On s'est rendu compte qu'en fait, le sinistre avait été très important. Pourquoi ?
08:09Parce que finalement, on avait construit un endroit qui était sous le niveau de la mer,
08:13que les canaux n'avaient pas été entretenus, qu'on avait détourné le cours d'une rivière.
08:17Ça veut dire que localement, et on sait où sont les zones qui, demain, seront touchées par le climat,
08:21il faut des plans d'adaptation locaux et autour de ces sujets-là, investir.
08:24D'ailleurs, ce qui créera l'activité économique et des technologies.
08:29Le fond Barnier, par exemple, qui est un outil qui doit servir à ça, nous pensons qu'il doit être renforcé.
08:35Le régime catastrophe naturelle vient d'être augmenté.
08:40C'est un régime de solidarité.
08:42Donc, quelque part, ça devient une gestion du risque global et commune.
08:46Sachant que tout cet argent qu'on met dans la prévention, ça coûtera moins cher demain en cas de sinistre.
08:51Et c'est de la sécurité climatique pour les Français.
08:54Vous avez vu que le maire de Breil-sur-Roya a pris, il y a huit jours, un arrêté symbolique.
08:58Il a interdit les catastrophes naturelles sur sa commune parce qu'il ne trouve pas d'assureurs pour les bâtiments.
09:04Sa commune, elle a été très touchée par la tempête, Alex, en 2020.
09:07Est-ce que ça va se passer de plus en plus fréquemment chez nous ?
09:10Est-ce que c'est déjà en train de se passer pour les communes, pour les ménages ?
09:13Comme en Californie, les assureurs disent « Ah non, je ne vous prends pas ».
09:16Alors, il ne faut pas faire le parallèle entre la France et la Californie.
09:19On est sur des cas extrêmes aux Etats-Unis.
09:21La France demeure un pays où la très grande majorité des gens trouve de l'assurance.
09:26Il commence à y avoir des cas, effectivement, vous en avez cité quelques-uns.
09:29Ce qu'il faut mettre en place à ce moment-là, c'est en complément des dispositifs privés, des dispositifs de soutien.
09:35C'est-à-dire les assureurs, les ménages mutuels ? C'est ça que vous appelez « dispositifs privés », non ?
09:39Oui, les assureurs, mais des dispositifs, par exemple, le régime catastrophe naturelle.
09:43Mais il faut aussi travailler l'amont du risque.
09:45C'est la question de l'adaptation.
09:47Vraiment, vous avez un message pour les maires, là ? C'est ça que j'entends ce matin.
09:51Il se trouve, puisque vous évoquiez la vallée de la Roya, qu'il y a eu à l'époque des destructions de maisons,
09:56on s'est rendu compte que des maisons avaient été construites quasiment dans le lit de la rivière.
10:00Ça pose une question qui n'est pas celle de l'assureur, mais nous, sur laquelle nous interpellons.
10:04Il faut contrôler, c'est ça que vous dites ?
10:06Il faut contrôler, il faut diagnostiquer et il faut anticiper, peut-être sur certains cas,
10:09et le fonds Barnier doit servir à ça, à repositionner certains logements, repositionner certaines entreprises.
10:14Sinon, ce n'est pas seulement une question financière.
10:16On aura des drames humains un jour, comme ceux qu'on a malheureusement connus à Valence.
10:20Est-ce qu'entre les refus d'assurance et les augmentations de cotisations,
10:25chez les assureurs, on se dit « attention à la colère sociale » ?
10:28Bien évidemment.
10:30La France est un pays en Europe où les gens s'assurent beaucoup et sont très bien assurés.
10:40Ça pourrait changer.
10:42Nous, en tant que groupe mutualiste, on a des dispositifs internes de solidarité,
10:45on fait l'extra-contractuel et on est soucieux de ça.
10:48Mais ça suppose une régulation au global.
10:50Adrien Couret, le directeur général du groupe mutualiste à EMA.
10:54Merci d'avoir été l'invité de N'arrête pas l'écho.
10:56Merci.

Recommandations