A l’occasion des 31e rencontres de l’AMRAE (association pour le management des risques et des assurances de l’entreprise), Camille George s’entretient avec Franck Le Vallois, directeur général de France Assureurs
L’AMRAE réunit près de 3 500 spécialistes du risque en entreprise lors de ses 31e rencontres qui se déroulent les 7, 8 et 9 février à Deauville. Géopolitique, cyber, intelligence artificielle...
Autant de thématiques qui sont abordées durant ces trois jours. Franck le Vallois, directeur général de France Assureurs, fait le point sur l’année 2023 en matière de risques et s’attarde en particulier sur l’impact des catastrophes naturelles sur la gestion du risque.
L’AMRAE réunit près de 3 500 spécialistes du risque en entreprise lors de ses 31e rencontres qui se déroulent les 7, 8 et 9 février à Deauville. Géopolitique, cyber, intelligence artificielle...
Autant de thématiques qui sont abordées durant ces trois jours. Franck le Vallois, directeur général de France Assureurs, fait le point sur l’année 2023 en matière de risques et s’attarde en particulier sur l’impact des catastrophes naturelles sur la gestion du risque.
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00:00 [Musique]
00:14 Bonjour à toutes et à tous, bienvenue sur le plateau L'Opinion, la GFI,
00:18 ici au cœur des 31e rencontres de l'AMRAE à Deauville.
00:21 Je suis en compagnie de Franck Levallois, directeur général de France Assureur.
00:25 Franck, bonjour.
00:26 Bonjour Camille.
00:27 Merci d'être avec nous.
00:28 Si on regarde dans le rétroviseur, quel a été pour vous le fait le plus marquant de 2023 ?
00:34 Ce que je retiens de 2023, c'est avant tout cette montée continue, progressive des risques.
00:42 En 2023, on a eu des marqueurs qui illustrent cette montée des risques,
00:47 des marqueurs visibles par tous nos compatriotes.
00:50 Je pense notamment aux émeutes qui ont frappé la France, certaines communes, à l'été.
00:57 Pour un coût total de 790 millions d'euros tout de même, en termes de dommages indemnisés.
01:04 Mais également montées des risques illustrées par les incidences du réchauffement climatique
01:10 et notamment ce que les tempêtes de fin d'année, Domingos, Siarán,
01:15 pour un milliard et demi d'euros de dommages.
01:17 Mais également les malheureuses inondations dans le nord et dans le Pas-de-Calais
01:23 qui ont conduit à un total de 640 millions d'euros entre la fin d'année 2023 et le début de l'année 2024.
01:30 Vous touchez du doigt un sujet très sensible.
01:33 L'assurabilité de certains risques pose vraiment question.
01:37 Est-ce que ça va jusqu'à interroger le modèle de l'assurance tel qu'il existe aujourd'hui ?
01:42 Le modèle de l'assurance, mais j'allais dire comme tout modèle économique, il s'adapte.
01:47 Il s'adapte à son environnement.
01:49 Il est vrai qu'aujourd'hui, notre environnement est traversé par des transitions,
01:56 des transitions démographiques, digitales, écologiques bien évidemment.
02:02 Et le modèle assurantiel qui intervient dans la vie des personnes au quotidien,
02:09 mais également la vie des entreprises, doit faire face à l'ensemble de ces évolutions.
02:14 C'est notamment ce qui s'est passé avec les différentes réformes du régime des catastrophes naturelles,
02:20 par exemple, pour s'adapter à un environnement nouveau,
02:24 à la fois des besoins nouveaux exprimés par nos concitoyens,
02:28 par les assurés sur le terrain, également par les entreprises,
02:32 et puis également une attente de plus grande protection apportée par les pouvoirs publics,
02:38 mais aussi par les assureurs.
02:40 Alors vous parlez du régime 4NAT.
02:42 On a vu que la surprime 4NAT a été augmentée, elle est passée de 12 à 20%.
02:47 Est-ce que ça, ça suffit ?
02:49 Est-ce que c'est une mesure qui est suffisante pour garantir l'assurabilité des entreprises,
02:54 notamment, puisque là on parle au manager du risque ?
02:56 Ou est-ce qu'il faut aller plus loin, vers d'autres mesures encore ?
03:01 Le régime des catastrophes naturelles, c'est d'abord, et je pense qu'il faut le souligner,
03:05 c'est un dispositif qui nous est envié à l'étranger,
03:10 puisqu'il est très protecteur, à la fois des personnes, mais également des entreprises.
03:17 Je prends toujours cet exemple qui montre que c'est un niveau de protection très élevé,
03:22 mais aussi pour un coût relativement modique, relativement limité.
03:27 La garantie des catastrophes naturelles, elle coûte à un ménage français,
03:32 donc pour sa multi-risques habitation, en moyenne par an, 25 euros.
03:37 Voyez-vous, pour le niveau de protection contre les inondations,
03:40 contre des mouvements de terrain ou autres catastrophes naturelles,
03:46 vagues de submersion par exemple, c'est tout de même une très belle protection pour un coût limité.
03:52 Sauf que ce régime n'avait pas été transformé,
03:57 n'avait pas vécu de réforme structurelle depuis 40 ans, en fait depuis son lancement.
04:02 Depuis maintenant quelques années, les assureurs demandaient à ce que l'on fasse évoluer ce régime,
04:07 pour le moderniser, notamment pour répondre aux attentes de nos concitoyens.
04:11 Je pense notamment à cet exemple marquant qui est l'intégration des frais de relogement
04:15 dans le régime des catastrophes naturelles, puisque rappelons-le,
04:18 jusqu'à présent les frais de relogement après une catastrophe naturelle
04:22 n'étaient pas pris en charge par le régime des catastrophes naturelles.
04:25 Aujourd'hui, ce partenariat public-privé le prend en charge.
04:28 Il y a un autre point qui est l'équilibre économique du régime des catastrophes naturelles.
04:32 Depuis 2015, ce régime est déficitaire, c'est-à-dire que les cotisations appelées au titre de la garantie
04:38 des catastrophes naturelles ne suffisent plus pour régler les sinistres.
04:43 Tant et si bien que les assureurs mutualisent ce régime avec d'autres branches d'activité,
04:50 et au fond ce sont les cotisations d'autres branches d'activité qui viennent compenser
04:55 pour régler à la fin les sinistres.
04:59 Sauf qu'on sait qu'un régime, une branche d'activité qui n'est pas structurellement bénéficiaire,
05:07 pas structurellement équilibrée, c'est sa pérennité qui est en jeu.
05:13 Et donc il fallait absolument faire quelque chose.
05:17 Depuis 2015, ce régime est déficitaire.
05:19 Et la décision a été prise, après plusieurs années je devrais dire, de discussions,
05:27 de négociations, d'argumentations, mais la décision a été prise le 28 décembre 2023
05:33 pour porter ce taux pour toutes les garanties, pour tous les contrats de dommages aux biens,
05:38 ayant une garantie de dommages aux biens de 12% à 20%.
05:42 C'est une bonne chose, ce taux s'appliquera à partir du 1er janvier 2025,
05:46 mais c'est une manière de rééquilibrer le régime.
05:49 Alors ça c'est un point important, parce que ça rééquilibre le régime aujourd'hui.
05:52 Mais on sait qu'il y a une tendance qui est le dérèglement lié au dérèglement climatique,
05:56 une tendance haussière de la sinistralité.
05:59 Ce qui signifie qu'il ne faut pas s'arrêter là, il faut continuer à travailler les autres leviers.
06:04 Et les autres leviers pour améliorer l'équilibre dans le temps du régime des catastrophes naturelles,
06:10 c'est la prévention.
06:11 Et donc il faut absolument, en même temps que ce taux de surprimes catastrophes naturelles a augmenté,
06:18 ou va augmenter au 1er janvier 2025,
06:20 il faut agir sur les leviers de la prévention.
06:23 Au niveau de la Fédération, quel sujet allez-vous porter particulièrement en 2024, au niveau européen j'entends ?
06:31 Oui, notamment au niveau européen, parce que 2024 va être une année européenne évidemment,
06:36 d'élections au niveau européen, mais c'est aussi une année où les sujets,
06:43 parce qu'ils ont été travaillés dans la présente mandature de la Commission et du Parlement,
06:50 commencent à émerger.
06:52 Et il y a trois grandes thématiques finalement qui vont rythmer notre année 2024.
06:58 Je pense notamment à la durabilité, qui est un sujet majeur,
07:03 avec un foisonnement de réglementations,
07:06 et notamment avec une taxonomie qui franchit une étape en 2024.
07:11 Je pense notamment à la CSRD qui entre en vigueur cette année.
07:18 Bref, c'est une année où nous allons encore travailler pour accompagner nos membres, les assureurs,
07:24 à y voir beaucoup plus clair dans cet environnement qui foisonne deux normes,
07:30 deux règlements, deux directives autour de la durabilité.
07:34 Il y a une deuxième thématique qui est importante, c'est celle de la donnée.
07:38 Il y a aujourd'hui en discussion au niveau de la Commission et du Parlement,
07:44 un projet de règlement qui s'appelle FIDA.
07:47 FIDA c'est pour l'accès aux données financières, et qui pour le faire simple et court,
07:53 consisterait à ouvrir les données des assurés et des assureurs à l'extérieur.
08:01 Nous y voyons là une menace, si les choses se font comme elles nous ont été dans un premier temps dites ou écrites.
08:10 Nous voyons la menace, c'est que ces données puissent être captées,
08:15 utilisées, exploitées par notamment de grandes plateformes technologiques,
08:20 dans une logique de marchandisation des données.
08:23 Le risque, la menace pour le consommateur, c'est que ces données lui échappent,
08:30 et qu'elles se retournent contre lui.
08:33 Je m'explique, le risque c'est la démutualisation.
08:36 La marchandisation de ces données pourrait conduire à l'exploitation des données
08:42 pour identifier ce que peuvent être de meilleurs risques que d'autres,
08:47 et une concentration finalement d'acteurs plutôt sur des très bons risques,
08:53 au détriment d'autres risques, là où aujourd'hui il s'opère une mutualisation globale.
08:59 On peut penser notamment, et c'est un exemple assez simple à comprendre,
09:03 c'est comment demain, par exemple, les rez-de-chaussée d'immeubles
09:07 pourraient être moins souscrits, moins garantis, moins assurés,
09:11 que le premier étage ou le deuxième étage,
09:13 contre des événements de type inondation, par exemple.
09:16 La troisième thématique que nous suivons au niveau européen,
09:22 c'est le financement des transitions.
09:25 C'est en lien avec l'union des marchés de capitaux,
09:28 sur lequel plusieurs missions ont été lancées au niveau français,
09:32 par Bruno Le Maire, c'est Christian Noyer qui mène cette mission
09:38 pour le financement des transitions.
09:40 Et puis au niveau européen, c'est Enrico Letta qui a été chargé
09:43 de réfléchir et de travailler à l'union des marchés de capitaux.
09:48 Ce qu'il nous faut rappeler, et ce qu'on nous rappelleront
09:50 au cours de l'année 2024 pour cette thématique,
09:53 c'est le fait que les assureurs sont des acteurs clés
09:55 de l'investissement et du financement des transitions.
09:58 Et en France, peut-être encore plus qu'ailleurs en Europe,
10:02 où les assureurs français investissent à hauteur de 64%
10:07 des actifs qu'ils détiennent dans les entreprises.
10:11 Là aussi, ça me semble être un point important.
10:14 Un vaste chantier pour 2024.
10:16 Absolument.
10:17 Merci beaucoup, Franck Levallois, d'avoir été avec nous.
10:19 Merci Camille.
10:20 [Musique]