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00:00Bienvenue au Coeur du Crime, un podcast ici des Archives d'Europe 1.
00:08Savez-vous que plus d'un tiers des crimes et délits commis en France sont traités par la gendarmerie nationale ?
00:18Je m'appelle Jan Kermadek, je suis commandant de gendarmerie.
00:27Je dirige une section de recherche dont la mission essentielle est une mission de police judiciaire.
00:42L'histoire que je vais vous raconter est une histoire vraie.
00:46Tous les faits sont réels et se sont déroulés en France.
00:50Seuls les noms des personnes et des lieux ont été changés.
00:57Ils se sont jetés sur Carole Butler quelques minutes avant minuit, à 150 mètres à peine de chez elle.
01:05Ça ne serait jamais arrivé si son père lui avait acheté une voiture.
01:10Carole avait pris l'autobus, elle était descendue à 200 mètres de sa maison,
01:15et elle avait marché 50 mètres environ avant qu'un homme, grand et mince,
01:19avec un chapeau rabattu sur les yeux, surgisse et lui demande l'heure.
01:24Elle était sur le point de lui dire de laisser acheter une montre,
01:27quand un bras l'enlaça par derrière et un mouchoir humide se colla sur sa bouche et sur son nez.
01:32L'odeur était celle d'une salle d'hôpital.
01:35Elle entendit des voix faiblement, comme venant de très très loin.
01:40« Pas trop longtemps, faut pas la tuer ! »
01:43« Quelle différence, maintenant ou après ? C'est comme si elle était déjà morte. »
01:48« Mais si tu la tues maintenant, elle pourra pas donner le coup de fil ! »
01:53Il y eut d'autres paroles, mais elle ne les entendit pas.
01:57Le chloroforme faisait déjà son effet.
02:01Et elle se laissa aller, molle, inconsciente.
02:07Tout d'abord quand elle revient à elle, étourdie, faible et avec la nausée,
02:13elle croit qu'on l'a emmenée dans un hôpital.
02:16Puis elle se rend compte que c'est seulement l'effet du chloroforme.
02:21Sa tête semble baignée dans du liquide.
02:24Elle respire régulièrement, aspirant, expirant, parfaitement immobile, les yeux clos.
02:31Elle entend les deux mêmes voix qu'auparavant.
02:34« Cent mille ! » répète à plusieurs reprises l'une des voix.
02:39« Attends encore une heure, laisse-le transpirer un peu,
02:43et puis téléphone et dis que ça lui coûtera cent mille dollars s'il veut revoir sa fille vivante.
02:50Après, on le laissera encore mijoter deux bonnes heures. »
02:55« Mais pourquoi laisser traîner ? »
02:57« De toute façon, on est obligé d'attendre l'ouverture des banques, demain à neuf heures.
03:02Il ne va pas avoir cent mille dollars comme ça chez lui.
03:05Si on y met le temps, il restera sur le grill jusqu'à demain matin,
03:09et d'ici là, il n'osera pas appeler la police. »
03:13« Oui, on verra ça après, » dit le plus jeune.
03:17On dirait qu'elle se réveille.
03:20Carole joue son rôle, faisant de grands efforts dociles, baillant, s'étirant.
03:27S'étirer est quand même difficile quand on est attaché sur une chaise.
03:32« Oh, où suis-je ? » dit Carole.
03:37En fait, elle pourrait répondre elle-même à sa question.
03:41Elle se trouve, à en juger d'après les apparences,
03:45dans une cabane particulièrement sordide.
03:50La cabane en question semble assez près d'une autoroute,
03:53d'après le ronflement égal qui flotte dans la pièce.
03:57S'il lui fallait deviner, elle situerait l'endroit
04:00quelque part en dessous de l'extrémité sud de la cité,
04:04probablement à quelques cent mètres de l'autoroute 130, près du canal.
04:09« Il y a un tas de baraques de pêche par là, » se rappelle-t-elle,
04:12« et il y a gros à parier qu'il s'agit de l'une d'entre elles. »
04:16« Restez tranquille, Carole, » dit l'homme maigre.
04:21« Si vous êtes bien sage, il vous arrivera rien. »
04:25« Vous m'avez kidnappé ? »
04:28« Restez simplement tranquille. »
04:31Carole hurle de joie. « Mais c'est terrible ! Vous m'avez vraiment kidnappé !
04:35Mais c'est formidable ! Est-ce que vous avez téléphoné à mon vieux ? »
04:38« Non. »
04:40« Est-ce que vous me laisserez écouter quand vous téléphonerez ? »
04:43Carole a un petit rire. « Je donnerai n'importe quoi pour voir la tête qu'il va faire
04:47quand vous lui direz ça va lui faire un de ses coups. Il ne s'en remettra pas. »
04:52Les deux hommes la regardent bouche baie.
04:55Le plus jeune, Ray, intervient.
04:58« Ça a l'air de vous rendre plutôt gai. »
05:01« C'est la chose la plus excitante qui me soit jamais arrivée. »
05:04« Mais votre père ? »
05:06« J'espère que vous allez lui demander une sacrée rançon. »
05:09« Continue, Carole. »
05:10« C'est le vieux le plus radin de la terre.
05:12Il ne donnerait pas dix cents pour voir un homme traverser les chutes du Niagara.
05:16Combien vous allez lui demander ? »
05:18« Ne t'occupe pas, » dit l'homme maigre qui s'appelle Howie.
05:22« J'espère seulement que c'est suffisant, parce qu'il a les moyens. »
05:26L'homme maigre sourit.
05:29« Qu'est-ce que vous diriez de cent mille dollars, Carole ? »
05:33« Cent mille dollars ? »
05:35« Ouf, ce n'est pas assez. Il peut se permettre beaucoup plus que ça.
05:39Il est très, très riche, vous savez, en dépit des apparences.
05:42Il passe son temps à gérer son argent,
05:44et quand il doit dépenser, il marchande pour encore économiser sur la vraie valeur des choses. »
05:49« Non mais, cent mille dollars, c'est quand même une coquette somme, non ? »
05:55Carole secoue la tête.
05:57« Pas pour lui. Il peut donner beaucoup plus. »
06:01« Mais ce n'est pas sa fortune qui est en jeu, mais les liquidités qu'il peut avoir.
06:06On ne veut pas laisser cette affaire traîner. Il faut que demain tout soit réglé. »
06:11Carole réfléchit une minute.
06:14« Alors, vous signez votre arrêt de mort ? »
06:17Lancetait les fonds téments.
06:20Reyn s'approche d'elle.
06:21« Hé, hé, fais attention à ce que tu dis, gamine, hein ! »
06:24« Laisse tomber ! » intervient Howie.
06:27« Non, non, non, moi, je veux savoir, qu'est-ce que tu racontes, hein, sale gamine ? »
06:31Carole lève les yeux vers lui.
06:34« Ah mais, je ne prétends pas vous dicter ce que vous avez à faire, » dit-elle.
06:39« C'est quand même vous, les kidnappeurs.
06:41Et si vous vous faites pincer, ça risque de mal se terminer pour vous. »
06:46« Ouais, plutôt mal. »
06:49« La chaise électrique, » répond cyniquement Rey.
06:53« Dur, en effet, » dit Carole.
06:56« C'est pour ça que j'ai quand même une idée pour vous. »
07:01« T'as une idée ? Eh ben, on t'écoute, ma jolie. »
07:06« Voilà. Tout d'abord, je ne crois pas que vous devez attendre demain que les banques ouvrent.
07:12Papa est médecin, et je sais qu'on le paye très souvent en liquide,
07:16de l'argent qui n'est jamais à la banque,
07:18qui n'est jamais enregistré dans les livres de comptes à cause des impôts.
07:21Vous voyez, depuis des années, il le met directement dans le coffre-fort à la cave.
07:26Il ne pourra jamais avouer aux flics l'origine de son argent disparu,
07:30donc l'affaire ne sera jamais ébrutée. »
07:34Les deux kidnappeurs la regardent,
07:37se regardent,
07:39et la regardent de nouveau.
07:43« On le déteste drôlement, son papa, hein, pour dire des choses pareilles. »
07:48« Il ne veut même pas que j'aie ma voiture. Alors, c'est sous, hein.
07:51Ce n'est pas la peine qu'il dorme dans le coffre, autant que ça fasse plaisir à quelqu'un. »
07:56« 150 000 $, hein ? »
08:00« Oui, ça me semble un bon prix. »
08:03« Je crois que je vais appeler maintenant. »
08:06« Dis-le, maigre. »
08:08« Je serai de retour dans une demi-heure. »
08:11« Rêve à prendre soin de vous, Mlle Carole. »
08:16Howie fait signe de la main et quitte la pièce.
08:24En même temps que Howie, quittons Ray et Carole
08:28pour reprendre leur conversation dans quelques instants.
08:40Howie et Ray ont kidnappé Carole Butler.
08:44Mais celle-ci intervient dans les tractations pour enchérir le prix de la rançon,
08:48puisqu'elle sait que son père a les moyens de payer non pas 100 000 $, mais 150 000 $.
08:55Et si Carole parle de cette manière,
08:58c'est qu'elle en veut terriblement à son père, qui refuse de lui offrir une voiture.
09:06« Quand mon père vous donnera les 150 000 $, vous me laisserez partir ? »
09:10« Vous n'allez pas me tuer, hein ? »
09:12« Je suis encore jeune, j'ai encore envie de m'amuser. »
09:15« Tiens, vous voulez que je vous montre les tours de prestidigitation que je fais ? »
09:19« Sauf qu'il faut que vous me détachiez, sinon je ne pourrai pas vous les montrer. »
09:24« Hé, mignonne, faudrait pas que tu me fasses compagnie, hein ? »
09:29« Bon, allez, je te détache, mais n'oublie pas que je t'ai à l'œil, hein ? »
09:32dit Ray en faisant tourner son revolver autour de son pouce droit.
09:37Quelqu'un frappe à la porte.
09:39« C'est moi, Ahoui ! »
09:41« T'inquiète pas, Ahoui, je ne la lâche pas des yeux, »
09:44dit Ray en allant lui ouvrir pour expliquer que Carole n'est plus attachée à sa chaise.
09:50Ahoui ferme la porte, tourne la clé et allume une cigarette.
09:57« Ça va bien, Ray, tu prends tes responsabilités. »
10:01« Bon, ça a marché comme sur des roulettes, » lance-t-il au milieu d'un nuage de fumée.
10:09« Qu'est-ce qu'il a dit, mon père ? »
10:11« D'abord, il a failli avoir une crise. »
10:14« Il arrêtait pas de dire qu'il fallait pas vous faire du mal, qu'il paierait si seulement on vous relâchait. »
10:19« Il pleurait en disant qu'il vous aimait, et tout, et tout. Un peu mélo, la scène. »
10:24« Oh, magnifique ! » éclate de rire Carole.
10:27« Quand je lui ai dit que je voulais cent cinquante mille dollars en petites coupures
10:31et pas en séries de billets neufs qui suivent, il a commencé à me parler de la banque.
10:35Mais je lui ai dit, « Hé là, hé là, papy, ce que t'as à la cave, tu crois pas que ça pourrait servir ? »
10:41Alors là, il a plus pipé un mot.
10:44« On est d'accord, papy, » que je lui ai dit.
10:46« Pas de problème. »
10:48« Pour nous, c'est impec, ça veut dire qu'on n'est pas obligé de revendre en bloc le fric du kidnapping
10:52au type de l'Est à quatre-vingt cents le dollar.
10:55On liquidera les cent cinquante mille dollars et sans bavure. »
10:59Achève, oh oui, visiblement content de lui.
11:05« Vous vous êtes arrangé pour la remise de la rançon, monsieur ? »
11:08« Ah, j'ai dit que je le rappellerai dans une heure.
11:12Tout marche si bien que ça finit par m'inquiéter.
11:16J'ai envie d'en finir le plus vite possible. »
11:21Carole reste silencieuse pendant un long moment.
11:25« Ah oui, veut en finir et, sans aucun doute, ne rien laisser au hasard.
11:32Inévitablement, il va s'occuper d'elle pour faire les choses proprement.
11:38Ce qui signifie qu'en guise de conclusion,
11:41il a probablement l'intention de se servir de l'automatique noire qu'il porte à la ceinture.
11:49Carole demande négligemment « Et pour l'argent, monsieur, vous allez le prendre comment ? »
11:57« C'est pas encore fait, » dit Howie d'une voix qui laisse percer l'inquiétude.
12:04Carole réfléchit un moment.
12:08« Vous savez, monsieur, si on n'est pas loin de l'extrémité sud de la ville,
12:14je connais un endroit parfait. »
12:17« Ah oui ? Quel endroit ? » demande Howie.
12:23Carole le lui dit.
12:25« La passerelle au-dessus de la route 130, aux abords de l'autoroute.
12:29Il pourrait faire venir son père jusqu'à la route,
12:31lui faire jeter l'argent par-dessus la passerelle quand il serait arrivé
12:34et filer tranquillement à son nez et à sa barbe. »
12:38« C'est pas mal, ça ? » dirait Howie.
12:41« Ouais. »
12:42« T'as trouvé ça toute seule, ma toute belle ? »
12:45« Eh ben, en fait, j'ai pris l'idée dans un film que j'ai trouvé sensationnel. »
12:50« Eh, Howie, on devrait l'embaucher ! » lancerait, enthousiaste.
12:56« C'est vrai qu'elle pourrait avoir sa place dans un gang. »
13:00« Dommage. »
13:03Quand Howie annonce qu'il va donner le second coup de fil,
13:07elle lui demande de l'accompagner.
13:09« Laissez-moi lui parler, supplie Carole.
13:12Je veux entendre sa voix, je veux entendre comment il est en pleine panique.
13:15Il est toujours si froid pour tout, si content de soi et supérieur.
13:19Je veux voir ce que ça donne quand il est en trance.
13:22Je le convaincrai que vous êtes acharné et dangereux.
13:25Je lui dirai que je sais que vous me tuerez s'il ne veut pas nous aider.
13:29Mais je suis sûr que vous me laisserez revenir directement chez moi
13:32dès que la rançon sera payée pour ne pas mettre la police sur le coup. »
13:36« Ouais, ça a l'air correct, tout ça, mais... »
13:38« C'est une idée, Howie ! » dirait.
13:40« Comme ça, il saura qu'elle est toujours vivante, non ? »
13:43« Je crois que la gosse a une bonne idée, là. »
13:46Ils discutent encore un moment, puis Howie accepte.
13:49Il monte tous les trois devant dans la voiture de Howie pour aller téléphoner.
13:53Howie se charge du coup de fil et parle pendant quelques minutes
13:56expliquant où et comment la rançon doit être livrée.
14:00Puis il tend l'appareil à Carole.
14:02« Oh, papa ! » sanglote-t-elle.
14:05« J'ai peur. Papa, fais tout ce qu'ils te disent.
14:08Ils ne reculeront devant rien, ils me font peur.
14:10Je t'en supplie, donne-leur l'argent. »
14:13Il est 3h30 du matin quand Howie s'apprête à aller chercher la rançon.
14:18« Ouais, je devrais être de retour dans une heure à peu près.
14:22Si tu ne me vois pas revenir, t'inquiète pas,
14:24ils ne peuvent m'avoir que mort, et si je suis mort,
14:28t'as pas besoin d'avoir peur qu'ils te découvrent.
14:31Faut juste que tu t'occupes correctement de la gamine.
14:35Tu vois ce que je veux dire ? »
14:37Et après, tu files.
14:39« Ok, Howie, mais il n'y aura pas de pépins.
14:41On ne sait jamais, petit.
14:43T'as pas un revolver ?
14:45Ouais, ouais, sur la table, tu devrais le garder sur toi.
14:48Je suis là dans une heure. »
14:50Il se serre la main à hauteur de visage pour se donner du courage.
14:54« Bonne chance ! » lance Carole derrière lui.
14:58Howie s'arrête et la regarde.
15:01Son visage a une expression étrange.
15:06« Ouais, dit-il finalement.
15:10Bonne chance, bien sûr.
15:13Merci. »
15:16Quand Howie a refermé la porte, Ray se tourne vers Carole.
15:21« Vous n'auriez jamais dû parler au téléphone.
15:24Je veux dire, je crois que c'était une bonne idée,
15:27mais vous avez vu comment Howie vous a attaché maintenant ?
15:30Moi, j'aurais serré moins fort,
15:32mais on ne voit pas les choses de la même façon, lui et moi.
15:36En un sens,
15:38Howie est ce qu'on pourrait appeler un drôle de type.
15:41Tout doit marcher parfaitement, vous voyez ce que je veux dire.
15:44Il n'aime pas laisser les choses au hasard.
15:47Dites, Ray, vous pourriez me détacher ?
15:50Ça fait mal.
15:52Je ne sais pas si je dois.
15:55Mais au moins desserrez les cordes.
15:57J'ai déjà les doigts engourdis, ça fait très mal.
16:00Ça fait très mal. Ray, s'il vous plaît. »
16:04Il la détache.
16:07Dès qu'elle est libre, il va vers la table,
16:10rafle le revolver,
16:12le glisse sous la ceinture de son pantalon.
16:15« Je lui plais, » se dit Carole.
16:18« Je suis sûr que je lui plais.
16:20Lui, il n'a pas l'air d'avoir l'intention de me tuer,
16:23mais il n'a pas l'air non plus d'avoir confiance en moi.
16:26Il est bien trop émotif pour avoir confiance en qui que ce soit.
16:31« Est-ce que je pourrais avoir une cigarette, s'il vous plaît ? »
16:34demande Carole.
16:35« Hein ? Une cigarette ? Oui, bien sûr. »
16:40Ils fument tous les deux en silence.
16:44« Ça ne va pas marcher, » pense-t-elle,
16:47« au train où vont les choses. »
16:50Elle l'a amenée à la croire, mais ça ne semble pas être suffisant.
16:54Aoui est le cerveau et le patron,
16:57et Aoui dira de la tuer.
17:02« Écoutez, Ray, laissez-moi vous dire quelque chose.
17:07Je vous aime beaucoup, mais, pour vous dire la vérité,
17:11Aoui me fait peur. »
17:13« Ah ouais ? C'est vrai ? »
17:15« Oui. »
17:16« J'ai joué franc-jeu avec vous,
17:18et je crois que vous avez fait pareil avec moi.
17:21Ray, vous avez assez de jugeottes pour vous rendre compte
17:24que vous auriez intérêt à me laisser partir. »
17:27« Il n'a pas de jugeottes du tout, » pense Carole,
17:29« et si je le flatte, il en aura encore moins. »
17:32« Mais Aoui est différent de vous et de moi.
17:35Je sais qu'il veut me tuer, j'en suis sûre, Ray. »
17:38Elle lui prend le bras.
17:40« Si je suis vivante, papa ne parlera de rien.
17:43Il peut se permettre de perdre cent cinquante mille dollars,
17:46mais si vous me tuez... »
17:48« Ray, je sais. »
17:50« Supposez, Ray, supposez que vous me laissiez partir. »
17:54« Quoi ? Après la remise de la rançon ? »
17:57« Non. Maintenant. Avant qu'Aoui ne revienne.
18:01Ça lui sera égal à ce moment-là. Il aura l'argent.
18:05Vous me laissez partir, et alors tous les deux,
18:08vous emportez l'argent et vous quittez la ville.
18:10Personne ne saura jamais rien.
18:11Je dirai à papa que vous m'avez relâché,
18:13et il sera si heureux de me retrouver,
18:15et si effrayé par le fisc, qu'il n'en dira jamais rien.
18:19Allez, Ray, laissez-moi partir avant qu'Aoui ne revienne. »
18:24Il réfléchit pendant un long moment,
18:27et Carole devine qu'il veut bien,
18:30mais il lui dit...
18:32« Ah, je ne sais pas. Aoui ne serait pas content.
18:36Mais vous n'avez qu'à lui dire que j'ai réussi à m'emparer
18:39de ce gros cendrier, là, et que je vous ai assommé par derrière,
18:42que c'est lui qui m'avait mal attaché et que je me suis libéré.
18:45Bon, bien sûr, il sera en colère, mais qu'est-ce que ça peut faire ?
18:48Du moment que vous aurez l'argent... »
18:51« Enfin, Carole, il ne croira jamais que vous m'avez frappé.
18:55Vous avez été gentil.
18:57C'est vrai, la première fois qu'Aoui a été téléphoné,
19:00vous avez vraiment été gentil.
19:02Je vais vous dire quelque chose, Carole.
19:05L'idée de vous tuer me chiffonnait.
19:07Et vous avez raison au sujet d'Aoui.
19:11Bon, allez, d'accord, donnez-moi un coup derrière l'oreille,
19:14un bon coup, mais pas trop fort quand même. »
19:17Et il lui tend son revolver.
19:19Elle retourne l'arme dans sa main,
19:21arrondit son index sur la détente
19:24et pointe l'arme droit vers le cœur de Ray.
19:27Ses yeux sortent de ses orbites et sa bouche s'ouvre démesurément.
19:30Il la regarde, ébêté, sans dire un mot.
19:33Elle tire deux fois en pleine poitrine
19:36et le regarde tomber lentement sur le sol.
19:39Mort.
19:42Quand la voiture de Aoui s'arrête,
19:44Carole est prête, tapis près de la porte, l'arme à la main.
19:48Il ouvre la porte, criant joyeusement,
19:51« Tout a marché comme sur des roulettes, Ray, comme sur... »
19:56La vue du cadavre de Ray l'interrompt.
19:58Il fait volte-face et n'a que le temps
20:00de voir le doigt de Carole appuyé sur la détente.
20:02Elle lui vide le chargeur dans le corps.
20:04Quatre balles, l'une après l'autre,
20:06et toutes l'atteignent et accomplissent leurs besognes.
20:10Il finit par tomber et meurt dans un râle convulsif.
20:16Elle lui enlève le sac de la main avant que le sang ne le tâche.
20:19Ce qu'il lui reste à faire n'est pas trop difficile.
20:21Elle prend la corde qui a servi à l'attacher
20:24et la frotte d'avant en arrière sur le pied de la chaise
20:27jusqu'à ce qu'elle s'use.
20:30Derrière la cabane, elle trouve une remise à outils.
20:33Elle prend une pelle, creuse un trou, pas trop profond,
20:37laisse tomber l'argent dedans et comble le trou.
20:42Ensuite, elle va avec le revolver au bord de la rivière,
20:46l'essuie soigneusement pour enlever toutes les empreintes
20:50et le jette dans l'eau.
20:54Quand elle pense que son père a eu le temps de rentrer à la maison,
20:57elle longe l'autoroute jusqu'au premier téléphone
21:00et compose leur numéro.
21:03Papa, tu viens me chercher ?
21:05Je me suis enfui, viens vite, j'ai eu très très peur.
21:08Je suis sur l'autoroute 130, près du canal.
21:13Quand elle monte dans la voiture de son père,
21:16elle lui demande de but en blanc.
21:18Il t'en demandait beaucoup, papa ?
21:21Oui, mais je leur ai donné dix mille dollars seulement.
21:25Je leur ai dit que je n'avais pas plus.
21:28Tu vas téléphoner à la police pour les récupérer ?
21:31Demande-t-elle perfide.
21:33Oh, ma chérie, maintenant que tu es là,
21:36pourquoi aller voir la police pour si peu ?
21:39Dis, papa, est-ce que j'aurai une voiture ?
21:43Oh, tu sais, ma chérie, ça coûte cher.
21:48Oui, je sais, papa, mais avec l'argent que tu as économisé sur ma rançon,
21:52tu peux peut-être faire un petit effort,
21:54parce que je ne voudrais pas risquer d'être kidnappé une nouvelle fois.
21:58Tu comprends ?
22:01Est-ce que les parents sont bien conscients
22:03que leurs enfants sont prêts à tout pour arriver à leur fin ?
22:07Et qu'à l'âge où ils sont sur le point de quitter le nid familial,
22:10contrarier leur désir est beaucoup plus dangereux
22:13que les colères qu'ils piquaient lorsqu'ils étaient petits.
22:17C'est un lieu commun que de dire que les enfants ressemblent à leurs parents,
22:21mais je peux vous dire que certains en sont une réplique nettement améliorée,
22:25car les connaissances qu'ils ont acquises tout au long de leur enfance,
22:29alliées à leur innocence,
22:31les font défier avec aplomb n'importe qui, dans n'importe quelle situation.
22:36Et soyez certains que les fins stratèges qu'ils sont devenus
22:39ne renonceront à employer aucune arme pour que les choses soient comme ils l'ont décidé.
22:59Patrimoine sonore
23:07Au cœur du crime est disponible sur le site et l'appli Europe 1.
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