Mercredi 8 janvier 2025, SMART IMPACT reçoit Jean-Luc Hallé (Vice-Président, agglomération de Douaisis) , Elsa Chai (Cofondatrice, OpenClimat) , Sylvain Trottier (Directeur, Conséquences) et Philippe Camburet (Président, la FNAB)
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00:00Générique
00:08Bonjour à toutes et à tous, bienvenue. C'est Smart Impact, l'émission de la transformation environnementale et sociétale de notre économie.
00:14Et voici le sommaire. Mon invité, c'est Sylvain Trottier, le directeur de Conséquences, l'association de sensibilisation aux enjeux climatiques,
00:22publie une étude sur l'impact du réchauffement sur 8 filières protégées.
00:28Dans notre débat, on va parler de l'engagement des collectivités pour développer et soutenir l'agriculture biologique.
00:34On va prendre l'exemple de l'agglomération du Douaisy dans le Nord. Et puis dans notre rubrique consacrée aux start-up écoresponsables,
00:42vous découvrirez Openclima, plateforme d'information dédiée à l'action climatique des entreprises. Voilà pour les titres, c'est parti, c'est Smart Impact.
00:52Générique
00:58L'invité de ce Smart Impact, c'est Sylvain Trottier. Bonjour.
01:02Bonjour.
01:03Bienvenue. Vous êtes le directeur de Conséquences, l'association de sensibilisation aux enjeux climatiques, qui publie une étude sur l'impact du réchauffement.
01:11Alors c'est très intéressant. Vous vous êtes concentré sur 8 filières protégées, AOP, IGP2. De quelles filières il s'agit ?
01:18Alors il s'agit de 8 filières, principalement agroalimentaires. On a décidé de ne pas s'occuper du vin, des boissons, qui sont souvent traités quand on parle de changement climatique.
01:28On a choisi des filières fromagères. On a choisi quelques agrumes, donc clémentine de Corse, citron de Menton. Il y a la noix du Périgord. Il y a un produit très emblématique, c'est le foie gras.
01:40C'est la période des fêtes.
01:43Et donc 3 fromages, le Minster, le Reblochon et le Roquefort.
01:49D'accord. Avec un objectif. Pourquoi vous faites une étude comme celle-là ? Quel objectif ? Qu'est-ce que vous cherchez à comprendre ? Et éventuellement, quelle leçon à tirer ensuite ?
01:59Alors on sait que les agriculteurs, en général, sont les premiers témoins, les premières victimes du changement climatique.
02:05Mais les produits du terroir, sous appellation, sous indication géographique protégés, sont encore plus vulnérables parce qu'ils sont cantonnés à un territoire.
02:15Ils sont liés aussi à des traditions, des savoir-faire, des règles de production qui, parfois, sont mises à mal par les impacts du changement climatique.
02:25C'est ce qu'on a constaté, par exemple. Alors ça a été un détonateur, l'année 2022, avec sa sécheresse, ses vagues de chaleur.
02:33Il y a eu des dizaines et des dizaines de demandes de dérogation au fameux cahier des charges qui font que ces produits peuvent être labellisés.
02:42Et ça a été vraiment un détonateur, une prise de conscience. On a voulu aller voir, deux ans après, ces différentes filières, où elles en sont.
02:53Est-ce qu'elles ont mis en place des stratégies d'adaptation ou pas ? Est-ce qu'elles considèrent que c'était juste un accident ?
03:00Ou est-ce qu'elles regardent vraiment le changement climatique en face ?
03:04Des filières qui représentent, on a retrouvé ce chiffre qui date de 2022, l'année en question, plus de 4 milliards, 4 milliards 180 millions d'euros de chiffre d'affaires
03:11pour ces produits AOP et IGP, en général, pas les filières dont vous parliez. Comment elles font face, justement ? Quelle stratégie d'adaptation ?
03:20La question est presque trop large, mais quelle stratégie d'adaptation a été mise en place ?
03:24En fait, là, ce qu'on voit, c'est que ces filières sont face à une double contrainte. Il y a les impacts du changement climatique qui se répètent.
03:32Il y a les chaleurs, les sécheresses. Il y a la douceur hivernale, par exemple, avec une recrudescence de ravageurs de parasites.
03:39Ça, c'est pour l'arboriculture. Il y a aussi les pluies diluviennes qu'on a plutôt depuis un an.
03:45Oui, ce qui était épisode extrême, ça devient habituel d'une certaine façon. Enfin, en tout cas, c'est récurrent.
03:51Voilà. Les épisodes extrêmes se répètent, se rapprochent. Et donc, il y a un peu une course contre la montre.
03:56Ce que toutes les filières nous ont raconté, c'est qu'elles testent, elles expérimentent. Après, elles ont des moyens souvent assez limités.
04:04C'est des filières assez locales. Elles testent, elles expérimentent. Elles mettent en place des choses notamment pour faire face aux futures vagues de chaleur,
04:12aux futures sécheresses. Donc, il y a beaucoup de questions autour de l'eau. C'est-à-dire qu'elles anticipent les futures crises 2022, en fait,
04:19parce que ça risque de revenir assez rapidement. Elles testent des... Pour ce qui est arboriculture, par exemple, pour la noix du Périgord,
04:29elles font des tests de nouvelles variétés, mais qui nécessiteront de changer les règles, de changer les fameux cahiers des charges.
04:37On en revient à l'AOP ou l'IGP. C'est-à-dire qu'elles risquent, ces filières, de sortir de leurs cahiers des charges pour s'adapter au réchauffement.
04:44— Alors c'est là où la tradition... Parce que souvent, ils obéissent à des règles, à des traditions qui ont été créées il y a des décennies,
04:51des fois il y a des siècles, des façons de faire, mais qui ont été décidées dans un climat différent et qui ne sont pas du tout...
05:00Qui ne seront pas adaptées au climat futur. Donc il faut qu'elles anticipent le climat futur. Et donc il faut qu'elles demandent des changements.
05:07— Elles vont sans doute être obligées de changer des règles. Ça veut dire qu'il y a des « traditions » qui pourront sans doute pas se maintenir.
05:14Il y a des produits qui vont sans doute changer, peut-être changer de goût. Ça, c'est une quasi-certitude.
05:21— Est-ce que ça peut aller jusqu'au risque de perdre finalement l'AOP, quoi, à cause du réchauffement ?
05:29— Pour perdre l'AOP, il faut 5 années de suite, où on a une partie importante de la production qui n'a pas pu être labellisée.
05:36Donc pour l'instant, là, en 2024, on n'en est pas encore là. Mais avec les projections climatiques, d'ici 25 ans, il y a certaines cultures.
05:47Notamment, on parle... Je vais parler d'un exemple qu'on ne traite pas dans l'étude, mais c'est les abricots, l'abricot du Roussillon.
05:53En 2050, il se peut que ce soit plus du tout possible de cultiver de toute façon cet abricot dans la région où il est cultivé aujourd'hui.
06:02Parce que de toute façon, l'ère de répartition, elle aura évolué. — Vous avez commencé à l'évoquer, mais je trouve que c'est intéressant
06:09de parler de temporalité, c'est-à-dire qu'il y a l'urgence. Donc là, aujourd'hui, ces filières – et vous nous disiez qu'elles n'ont pas forcément
06:16beaucoup de moyens, parce que ce sont des filières très localisées – elles partent au plus pressé. C'est-à-dire qu'elles cherchent des solutions
06:22face à cette urgence. Ça veut dire qu'elles n'ont pas les moyens d'anticiper sur les solutions d'après-demain. Vous voyez ce que je veux dire ?
06:29— Alors toutes les filières, tous les producteurs qu'on a rencontrés, ils sont très optimistes, ils sont très volontaires. Ils mettent beaucoup d'énergie
06:35dans les tests, en respectant les règles environnementales, etc. Par contre, c'est clair qu'ils se préparent pour les années à venir.
06:43Mais quand on leur demande « Et le climat dans 20 ans, dans 25 ans ? », la vision, là, c'est pas possible pour eux. C'est trop lointain.
06:54Donc en effet, ils partent au plus pressé. Et ils sont pas dans le questionnement du futur de la filière à très long terme. Ça, c'est une certitude.
07:04— Qui pourrait endosser ça ? Vous voyez ce que je veux dire ? Parce que là, c'est une question de structuration, finalement. Vous dites que ce sont des filières
07:11plutôt localisées. Donc il faudrait quoi ? Il faudrait qu'elles se... Je sais pas. Je réfléchis tout haut. Mais qu'il y ait une sorte de syndicat
07:18de ces filières, qu'elles puissent mettre une puissance commune sur ces études et sur la recherche de solutions à long terme ?
07:26— Alors sur certains secteurs, par exemple, les filières laitières, elles sont structurées, organisées. Donc il y a une réflexion, il y a des efforts, etc.
07:35En fait, ça dépend vraiment des filières. Mais la question se pose en général pour l'agriculture sur l'adaptation au changement climatique
07:43et le fait d'avoir des politiques vraiment structurées à long terme. Pour l'instant, il faudrait peut-être qu'il y ait un dialogue, un partenariat
07:52renouvelé au niveau des territoires qu'elles desservent. Par exemple, on pense... Le Roquefort, les gens du Roquefort dans la zone concernée,
07:59ils nous ont dit que nous, s'il n'y a plus de Roquefort là où on produit... — Oui, il y a une activité du territoire, oui. Bien sûr.
08:08— Ces filières, AOP-IGP, souvent, elles rendent énormément de services à leur territoire en termes économiques, touristiques, en termes symboliques. Et donc...
08:17— Mais ça, les régions en sont conscientes ou le département. Donc j'imagine qu'ils, quand même, y participent, ils mettent de l'argent.
08:23On va parler de bio et de collectivité locale dans un instant dans cette émission. — Alors les régions et les partenaires locaux, oui, sont investis.
08:30Mais il y a peut-être une sorte de coadaptation... — À inventer. — À inventer pour, justement, que ces filières se maintiennent sur leur territoire.
08:42Il y a aussi la question qui est renvoyée, on va dire, du côté des consommateurs. Alors déjà, ce sont des produits qui sont un peu plus chers.
08:49Mais parce qu'on paye aussi... On paye les services rendus par ces produits. On paye aussi une qualité. Mais la question, c'est au bout d'un moment,
08:59aussi, ça restera quand même qu'est-ce qu'on est prêt à payer pour le maintien de ces filières locales.
09:04— Mais tiens, vous parliez de services rendus. On peut développer ça. Il faudrait quoi ? Valoriser les services rendus par ces filières ?
09:11— Alors on sait que ce sont des filières, en général, d'un point de vue environnemental, qui sont plutôt exemplaires. On pourrait valoriser le fait
09:19qu'elles aident à stocker du carbone, qu'elles aident à mettre en place des circuits plutôt courts, plutôt verteux, à entretenir les paysages,
09:31que ce soit l'élevage ou que ce soit l'arboriculture. Donc tous ces services pourraient être en effet rémunérés. Il y a des chercheurs de l'INRAE, notamment,
09:41qui travaillent là-dessus et qui avancent des pistes de travail, où il y aurait une sorte de partenariat renouvelé entre tous les acteurs locaux,
09:50où les bénéfices de ces filières seraient mis au service de l'investissement pour l'environnement et pour le maintien de ces filières.
10:00— Il y a un dernier thème dont je voudrais qu'on parle. Vous l'avez évoqué tout à l'heure. Et j'ai oublié de vous poser la question.
10:04Mais on parle de cahier des charges et d'évolution du cahier des charges. Alors comment faire évoluer le cahier des charges sans que ça devienne
10:10encore plus administratif, encore plus complexe, encore plus lourd ? Vous voyez ce que je veux dire ?
10:14— Alors les filières en question, toutes, nous disent oui, en effet, on va faire évoluer le cahier des charges. Mais ils ont tendance à se plaindre quand même
10:23de la lourdeur des procédures. — Parfois, juste le titre.
10:26— Ces procédures, quand même, les protègent aussi, parce qu'ils le disent aussi. La Clémentine de Corse, c'est 65 points de contrôle.
10:34Mais ils ne s'en plaignent pas, parce qu'ils disent que c'est ça qui fait que la Clémentine de Corse n'a rien...
10:40— Oui, oui. Ça les protège aussi de ceux qui voudraient faire de la réponse clémentine, quoi.
10:45— De la conférence espagnole, par exemple. Donc ils sont en train de toute façon de réfléchir avec l'INAO, qui est l'organisme un peu
10:53qui chapote toutes ces appellations, sur une façon quand même d'assouplir et de rendre un peu plus rapide ces adaptations de cahier des charges
11:02pour ne pas avoir à demander des dérogations dans un moment de crise, comme ça a été le cas en 2022, parce que c'est très très lourd.
11:10Déjà, c'est très lourd d'un point de vue de la charge de travail, du stress et de la charge administrative, et d'anticiper le plus possible
11:19les changements et les impacts du changement climatique. — Merci beaucoup, Sylvain Trottier.
11:23— Merci, Thomas. — Et à bientôt. On continue de parler de notre agriculture, comment les collectivités, justement, peuvent s'aider,
11:31s'associer, soutenir l'agriculture bio.
11:35— Le débat de ce Smart Impact. On parle de la filière de l'agriculture bio, des moyens de la soutenir avec Jean-Luc Allais.
11:49Bonjour, bienvenue. Vous êtes le maire d'Amel et vice-président de l'agglomération du Douaisy. On est dans le Nord, évidemment.
11:55Philippe Camburet, bonjour. — Bonjour. — Bienvenue à vous aussi, céréalier bio dans Lyon et président de la Fédération nationale
12:01de l'agriculture biologique. Je commence par peut-être quelques mots sur ce territoire. On est évidemment dans l'ancien bassin minier.
12:09Ça pèse quoi, l'agriculture, aujourd'hui, au-delà du bio, l'agriculture en général ? — Alors sur notre territoire de Wési-Aglo,
12:16c'est encore quand même 50% de la surface du territoire. La SAU, c'est la moitié. On a un territoire de 22 000 hectares.
12:25On a encore 11 000 hectares quand même d'agriculture, agriculture de grandes plaines, blé, betterave, céréales classiques.
12:34Très peu, malheureusement, de bio, malgré tous les efforts qu'on mène depuis maintenant une vingtaine d'années.
12:39Même si on a réussi à multiplier par 10 la surface en bio, on est à peine à 5% de surface en bio sur le territoire.
12:47— Philippe Camburet, c'est vrai que la filière de l'agriculture bio, elle souffre. On va pas faire semblant.
12:53Depuis quoi ? 2, 3 ans ? — Voilà. Depuis un petit peu avant le confinement, on a vu une érosion de la demande.
13:03La consommation a commencé à diminuer. Et aujourd'hui, on a beaucoup de fermes qui sont en difficulté parce qu'on n'a plus de débouchés.
13:08Et alors qu'on avait connu un changement d'échelle très intéressant pendant plusieurs années, donc aujourd'hui,
13:15on se pose la question justement d'agir pour relancer cette demande et relancer la consommation. Voilà.
13:20— Ça veut dire qu'il y a des agriculteurs, des agricultrices qui font marche arrière ? — Oui, quelques-unes, quelques-uns, par-ci, par-là.
13:27— C'est pas beaucoup ou ça commence à être un phénomène ? — Alors moi, ce que je regarde, c'est les surfaces au niveau national.
13:34Donc on a perdu des surfaces bio l'année dernière. On va probablement en perdre encore cette année. Alors que l'agriculture biologique,
13:42elle est au rendez-vous de la protection de la biodiversité, la protection de l'eau – on va en parler tout à l'heure – avec toujours une alimentation de qualité.
13:49Et donc aujourd'hui, la question se pose pour les pouvoirs publics de relancer cette filière-là. Enfin, une bonne fois pour toutes et durablement.
13:56Les objectifs sont très hauts. On devrait doubler les surfaces d'ici 2030. Mais je crois que là, on n'y arrivera pas. On n'y arrivera pas, malheureusement.
14:04— Oui. Alors on va rentrer un peu dans le détail, parce que soyons positifs, il y a des leviers à activer. Et c'est ce que vous faites
14:10dans un territoire comme le vôtre, Jean-Luc Allié. D'abord, quel intérêt ? Pourquoi développer la bio au-delà des intérêts environnementaux
14:16qui sont évidents ? Mais qu'est-ce que ça représente pour un territoire ? — Des intérêts environnementaux, et ça a des conséquences sur la santé des habitants.
14:24Moi, je suis élu pour que mes habitants vivent mieux. Et vivre mieux, c'est d'abord vivre en bonne santé. Et là, on en a besoin pour notre alimentation.
14:31Puis c'est aussi des conséquences sociales, puisque le nombre d'emplois créés par la culture biologique, c'est 3 fois plus que l'agriculture traditionnelle.
14:39Dans les Hauts-de-France, on crée un emploi tous les 8 hectares en bio et un emploi tous les 22 hectares en traditionnel, en conventionnel.
14:48On va pas dire en traditionnel, on va dire en conventionnel. — Et c'est de l'emploi, par définition, non délocalisable.
14:53— Exactement. C'est tout bon pour un élu. Et il a tout intérêt à le faire, en dehors de la qualité de l'eau, la qualité de l'air et tout ce qu'on veut, quoi,
15:02et la qualité des sols, aussi. Ça, les sols, on va les transmettre aux futures générations. Donc il y a des moyens. Il y a des moyens, effectivement.
15:10On a des... Pour avoir public, on peut intervenir. On peut intervenir en sachant que lorsque l'agriculteur se lance dans une conversion,
15:19c'est une aventure pour lui quand même, parce qu'il n'a pas sa boîte à pharmacie pour aller résoudre le problème.
15:26— Et donc ça veut dire quoi ? C'est de l'argent, tout simplement ? C'est des subventions ? C'est de l'incitation en termes de consommation ?
15:32— C'est tout ça. C'est un accompagnement technique, parce qu'il faut qu'ils apprennent, qu'ils se remettent dans des nouvelles techniques.
15:39Ils échangent entre eux. Donc c'est notre rôle à nous de servir de les mettre en contact. C'est assurer des débouchés.
15:46Donc le travail avec les consommateurs, le travail dans la restauration collective. Il y a un champ énorme à faire qu'on a pénétré
15:54depuis maintenant encore une fois une quinzaine d'années. Mais c'est aussi effectivement des incitations financières.
16:00Lorsqu'un agriculteur se lance dans la conversion, pendant 2 ans, il va être en conversion. Il va pas pouvoir vendre au prix du bio.
16:09Il va vendre au prix du traditionnel. Donc il perd de l'argent. Donc à ce moment-là, il faut que la collectivité compense.
16:16Et nous, on a mis en place une aide à la conversion qui s'ajoute aux autres aides à la conversion, qui est quand même substantielle,
16:23puisqu'on va de 3 000 euros le premier hectare jusqu'à 1 000 euros par hectare, jusqu'à 15 hectares.
16:28— Oui. Ça veut dire, Philippe Camburet, vous avez cette semaine-là publié un communiqué de presse. Vous demandez une stratégie nationale
16:36pour la viticulture bio. Alors ce qui est fait là à la dimension d'un territoire, vous voulez quoi ? Que cette logique soit la plus vaste possible ?
16:46Qu'est-ce que vous réclamez, en fait ?
16:48— Ce qu'on constate dans des années au climat plus qu'atypique... On n'a jamais connu une année comme on en a eue en 2024,
16:56avec des difficultés dans toutes les cultures, que l'on soit en bio ou que l'on soit en conventionnel. Aujourd'hui, ce qu'on demande
17:04pour les viticultrices et les viticulteurs bio, justement, c'est... Parce qu'ils sont plus respectueux de la nature,
17:10ils n'utilisent pas tout un tas de produits qui vont polluer l'eau, l'air, le sol. Eh bien ils vont récolter moins.
17:16Ils ont récolté moins cette année. Par endroits, ils n'ont même rien récolté. — La viticulture bio, c'est peut-être celle qu'elle plus souffère
17:23pendant les interrompes. Mais en 2024, c'est vraiment la filière sinistrée de l'année, quoi. C'est ça ? — Absolument. Absolument.
17:28Parce que les conditions d'humidité ont favorisé le mildiou, que ce soit pour les pommes de terre ou les tomates aussi.
17:34Mais en tout cas, la viticulture a été très touchée. Donc on veut simplement des mécanismes qui permettent de durer dans le temps.
17:40C'est-à-dire que quand on a des bonnes récoltes, eh bien qu'on puisse justement faire de la précaution, du stockage de précautions,
17:49peut-être des aides fiscales aussi, mais en tout cas qu'on puisse durer dans le temps. Et si on n'apporte pas ça ? Eh bien les viticultrices
17:56et les viticulteurs vont se détourner progressivement de l'agriculture biologique. Et on va se retrouver avec des territoires
18:02où on va encore baisser de surface. Moi, ce que je voudrais souligner aujourd'hui, c'est qu'on est devant des élus qui veulent rentrer
18:08dans le gagnant-gagnant. Développer de l'agriculture biologique, mettre un euro dans l'agriculture biologique, c'est dépenser beaucoup d'euros
18:16en moins sur l'eau potable. Aujourd'hui, il y a un tiers de l'eau potable du robinet qui a encore des résidus de pesticides.
18:27Donc ça nécessite des sommes colossales pour dépolluer. Donc c'est du gagnant-gagnant que ces élus-là mettent en place sur leur territoire.
18:34Nous, dans notre fédération, on en accompagne plus de 400 sur le pays en entier pour justement les aider sur la restauration collective,
18:42à mettre plus de bio dans leur cantine, mais aussi pour protéger leur zone de captage. Et on a justement un réseau d'une trentaine de territoires
18:49biopilotes qui forment une équipe. Chacun partage son expérience sur un sujet ou sur un autre. Et enfin, on voit arriver des solutions.
18:58Il y a beaucoup de territoires aujourd'hui qui sont bien plus loin que ces 10% de surface au niveau national ou que ces 10% de bio à la cantine.
19:07Ils vont beaucoup plus loin parce qu'ils travaillent en équipe. — Vous parlez de l'eau. Alors on est dans ce qu'on appelle le bien commun, Jean-Luc Allais, finalement.
19:14C'est un bien commun qu'on doit protéger. Est-ce que ça veut dire qu'il faut valoriser d'une certaine façon les services rendus par l'agriculture bio ?
19:26Vous voyez ce que je veux dire. C'est-à-dire que quand on a un agriculteur bio, une agricultrice, l'eau, elle va être de meilleure qualité.
19:35Donc il faut aussi lui dire merci, mais merci d'une façon sonante et trébuchante. — Je suis tout à fait d'accord avec vous. C'est pour ça que je disais tout à l'heure
19:43qu'on va pas encore assez loin, même si on a des incitations financières variées et diverses que j'ai pas le temps d'expliquer. Là, on travaille pour...
19:51Il va falloir 2 ans. Il y a 2 ans de boulot derrière. Ça coûte une fortune sur ce qu'on appelle un PSE, paiement pour services environnementaux.
19:58Et nous, on va aller plus loin. Ça s'appelle paiement pour services environnementaux et de santé publique, parce qu'il s'agit bien de ça.
20:04Il s'agit bien de santé publique de nos habitants. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'on met de l'argent pour payer le travail qui est fait par les agriculteurs
20:12pour protéger la qualité de l'eau, la qualité de l'air et la qualité de l'alimentation. On estime qu'un agriculteur bio, il a besoin des services rendus autour de 450 € l'hectare.
20:24Donc on est partis là-dessus. Ça coûte cher. C'est 1 million d'euros par an. Et on s'est engagés pour 5 ans sur 2 agglos. Le président Christian Poiret
20:33nous a donné son accord là-dessus pour trouver 5 millions d'euros sur 5 ans. — Ça représente quoi, sur le budget d'une agglo comme la vôtre ?
20:41— C'est pas énorme. On a un budget à 130 millions d'euros. Mais c'est quand même une somme. C'est 1 million par an. Mais ça veut pas dire qu'on va mettre le million d'euros, nous.
20:48On va les chercher ailleurs. Alors on va les chercher où ? L'Agence de l'eau, qui protège les nappes phreatiques. On va les chercher à l'État, à l'Europe.
20:58On va les chercher partout où il y a des soucis environ... Pas des soucis, mais des envies de protéger la nature. Et puis il y a aussi les entreprises.
21:07Les entreprises, elles ont un outil qui s'appelle le RSE. La RSE. — Oui, on en parle toujours ici. — Resseurce d'habités. Ben voilà. Et donc nous, on dit sur notre territoire,
21:15on dit aux entreprises « Rejoignez-nous ». On a ce qu'on appelle un PAT, projet alimentaire territorial, qui a tout simplement l'ambition d'avoir un nouveau système
21:24alimentaire sur le territoire et où on agrège tous ceux qui veulent travailler. On a des fondations qui nous financent, par exemple. Et on a les entreprises.
21:33Et encore une fois, ça, c'est un levier énorme. On a des gros groupes comme Renault, les usines de batterie, qui pourraient nous rejoindre pour financer ce travail-là.
21:42— Mais si on parle d'entreprise, il y a quand même la loi EGalim. Il y a un pourcentage imposé de bio en restauration collective. Vous en voyez les effets de cette loi ou pas encore ?
21:53— Aujourd'hui, malheureusement, c'est un fiasco. — C'est vrai ? — C'est un fiasco. On n'est pas encore à 10%. On devrait être à 20% depuis 2022.
22:00— La loi, c'est 20%. Donc personne ne le respecte. — Oui, 20% minimum de produits bio. Très, très peu. On a quelques territoires qui sont très en avance. Mais c'est un fiasco aujourd'hui.
22:09Donc c'est pour ça que... — Pourquoi ? Parce qu'il n'y a pas de sanctions ? — Ben non. Non, non, non. — Pas de sanctions et pas de contrôles ?
22:13— C'est un vœu pieux. Il n'y a pas de sanctions. Et les collectivités font ce qu'elles peuvent et ce qu'elles veulent. Donc par moments, on va prioriser sur d'autres actions.
22:24Mais aujourd'hui, c'est ça, le sujet. On a à notre portée, là, quasiment 10% à 20% du marché global bio qu'on n'actionne pas, quoi, alors que moi, je suis agriculteur
22:35et j'ai des collègues en difficulté sur toute leur filière. Donc aujourd'hui, on a ce problème-là. Et puis voyez qu'on a des collectivités qui viennent finalement suppléer
22:47ce que la politique agricole commune ne fait pas. Aujourd'hui, on devrait avoir une PAC qui est là au rendez-vous, justement, pour rémunérer les services environnementaux.
22:55Et malheureusement, à budget constant, ça veut dire que peut-être qu'il faut donner un petit peu moins d'argent à une agriculture qui coûte cher par ailleurs.
23:02Le vrai prix de l'alimentation, ça devrait prendre aussi le prix de la dépollution, le prix de la santé publique. Et tout ça, c'est pas encore le bon calcul qui est fait.
23:09– Merci beaucoup à tous les deux et à bientôt sur Bsmart. For Change, on passe à notre rubrique Startup tout de suite.
23:16Smart Ideas avec Elsa Chaï. Bonjour. – Bonjour.
23:25– Bienvenue. Vous êtes la cofondatrice d'Open Climat, créée en 2021 avec Vincent Papola. Et avec quelle idée ? Dites-moi tout.
23:32– Déjà, merci de m'accueillir. Effectivement, on travaillait avec Vincent en conseil, notamment sur les sujets climat.
23:39Et c'est là qu'on s'est aperçus que c'était impossible d'avoir accès à de l'information sur ce que faisaient les entreprises.
23:45De l'information qui soit comparable, qui soit fiable et qui soit lisible, pas seulement par des experts, mais par le commun des mortels.
23:53Et on s'est aperçus qu'en fait, ce constat, il a nourri notre conviction qui est de se dire, on n'arrivera pas à mener à bien cette transition.
24:02Si le sujet reste un sujet d'experts. On a besoin de faire en sorte de mettre ça dans la main de tous les décideurs qui ne sont pas forcément des experts.
24:09Et qui ont besoin d'intégrer les sujets climat dans leurs décisions. – D'accord. Et donc c'est quoi, Open Climat ? C'est une plateforme ?
24:15C'est Open, donc l'idée de data, de données, d'informations disponibles pour tout le monde ? – Exactement. Donc concrètement, Open Climat,
24:24c'est une plateforme de transparence qui centralise toute l'information sur l'action climatique des entreprises.
24:29On a d'un côté les entreprises qui partagent leurs informations à un unique endroit, de façon exhaustive, de façon comparable, de façon fiable.
24:37Nous, on a un rôle au milieu de fiabiliser cette information, de l'harmoniser. Et de l'autre côté, on a toutes les parties prenantes
24:44qui peuvent consulter cette information, l'utiliser et intégrer ça dans leurs choix. L'idée, c'est vraiment de se dire,
24:49comment je facilite ce partage d'informations pour permettre davantage de collaboration et d'action.
24:55– C'est quoi le modèle économique d'Open Climat ? Ce sont les entreprises qui payent pour vous fournir les informations ?
25:00Ça peut sembler un peu contre-intuitif, c'est quoi l'idée ? – Exactement, c'est les entreprises qui adhèrent à Open Climat
25:05pour mettre leurs informations, faire en sorte que nous, on a ce rôle de fiabilisation. Et derrière nous, on crée tous les ponts
25:12pour que cette information arrive dans les mains de ceux qui la consultent vraiment. En fait, aujourd'hui, les entreprises agissent beaucoup.
25:21Elles mettent beaucoup de choses en place, mais en fait, ce dernier kilomètre qu'est de le faire savoir, il ne fonctionne pas.
25:26– Et ça répond à une demande de transparence qui est généralisée, donc c'est aussi ce qu'elles recherchent.
25:31– Exactement, en fait, aujourd'hui, toutes les parties prenantes leur demandent des informations.
25:34Et si on s'arrête, enfin, si on ne mobilise pas son écosystème, on n'arrive pas à avoir un impact systémique.
25:41Je prends un exemple concret, je suis une entreprise qui produit des biscuits. J'ai beau créer le meilleur produit bas carbone,
25:48j'ai investi énormément là-dedans. Si derrière, mes distributeurs ne le savent pas, ils ne le poussent pas en magasin, mon impact va être très, très limité.
25:55– Vous avez dévoilé au mois de septembre votre premier rapport sur les engagements climatiques des entreprises en matière d'émissions
26:01liées aux forêts, terres et agriculture. Qu'est-ce qui en ressort, l'idée principale de cette étude ?
26:08– En fait, on a sorti une étude justement sur ces engagements qui vont plus loin maintenant que seulement les émissions,
26:14mais qui vont devoir détourer tout ce qui est lié aux forêts, sols, agriculture.
26:20Pour l'instant, ça se met en place. Il y a encore peu d'entreprises qui sont engagées dans cette démarche, mais ça accélère.
26:25Et ce que je disais, c'est que l'ensemble de leurs parties prenantes commencent à leur demander des comptes là-dessus,
26:29ce qui fait que ça accélère aussi ce mouvement.
26:33– Le bilan extra-financier, la directive européenne CSRD, vous sentez l'effet de cette directive dans votre activité ?
26:42– C'est sûr que là, la réglementation s'en mêle et accélère les choses.
26:48Ça cadre le discours, ça fait qu'on a accès à davantage de données.
26:52Les entreprises de structure sont en train de mettre ça en place et ça fait grandir aussi le périmètre de jeu.
26:57Ça concerne de plus en plus des entreprises plus petites que ce qu'on a aujourd'hui.
27:02– Oui, effectivement, puisque étape par étape, ça va aller jusqu'à concerner les PME de nos comtés,
27:08et puis même par capilarité, les sous-traitants et toutes les entreprises de la chaîne de valeur d'un produit.
27:13Merci beaucoup Elsa Chaï et bon vent à Open Climat.
27:16Voilà, c'est la fin de ce numéro de Smart Impact.
27:19Je voudrais vous remercier de votre fidélité à la chaîne des audacieuses et des audacieux.
27:25Et puis remercier Marie Billa et Alexis Mathieu, producteurs et programmateurs de Smart Impact.
27:30Le réalisateur aujourd'hui, Manu Pesech et Saïd Mahmoud, au son.
27:34Belle journée sur notre chaîne, à très vite.
27:37– Sous-titrage Société Radio-Canada