Mercredi 8 janvier 2025, SMART JOB reçoit Alexandre Lamy (Associé Arsis Avocats, membre de l’Institut Sapiens, créateur du think-tank Néos, Think Tank Neos) , Aurélie Cordier (partner, Julhiet Sterwen) , Céline Hay (directrice adjointe programme Grandes écoles, Kedge Business School) et Xavier Pavie (philosophe et professeur, ESSEC)
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00:00Bonjour à tous, ravi de vous retrouver dans Smart Job, votre rendez-vous emploi RH Management, débat, analyse, expertise et vos rubriques habituelles.
00:16Un grand merci à vous tous et pour votre fidélité et puis évidemment une très belle année à vous, à vous qui nous regardez et qui êtes des fidèles et puis à toute l'équipe
00:24évidemment de Bismarck que vous ne voyez pas mais qui font vivre cette chaîne, belle année à tous, année 2025 évidemment.
00:31On commence notre émission avec bien dans son job pour parler du sexisme avec une étude passionnante, une France du travail toujours sexiste.
00:39On va en parler dans quelques instants avec Céline Hay, elle est la directrice adjointe du programme Grandes Écoles chez Kedge Business School et elle a un livre avec elle.
00:46Le cercle RH, le leadership responsable, qu'est-ce que c'est exactement ? On en parlera avec Aurélie Cordier et Alexandre Lamy, deux spécialistes de ce sujet pour y voir un petit peu plus clair.
00:57Et puis le livre de Smart Job, questions philosophiques, enjeux pour les organisations avec Xavier Pavie, écrit par Xavier Pavie, on fera le point avec lui, il est philosophe et professeur à l'ESSEC.
01:07Voilà le programme, tout de suite c'est bien dans son job.
01:16Bien dans son job pour parler du sexisme, quoi de mieux peut-être que d'éduquer dès les écoles sur cette question de l'égalité femmes-hommes.
01:31Avec moi sur ce plateau Céline Hay et je rectifie tout de suite, vous êtes la directrice du programme Grandes Écoles chez Kedge Business School avec ce livre qui est le fruit d'ailleurs d'un travail pédagogique.
01:41C'est intéressant, 2050, une France du travail toujours sexiste, point d'interrogation, qui est à la fois un travail pédagogique et un travail de chercheur.
01:49Pourquoi avoir choisi dès 2024, puisque ça va peut-être se prolonger, avoir choisi d'éveiller les étudiants à ces sujets d'égalité femmes-hommes ?
01:58Bonjour François Nordouin, ravie.
02:00Si on donne un petit peu de contexte à ce travail de recherche qui a été mené à la fois par 6 chercheurs et près de 500 étudiants du programme Grandes Écoles de Kedge,
02:09Kedge donne la mission de former des managers, des entrepreneurs de demain qui vont agir dans un monde qui est en constante évolution et qui fait face à différentes ruptures qui viennent à se multiplier.
02:24Et on a une pédagogie qui est propre au sein de Kedge qui est d'apprendre en faisant et plus spécifiquement au sein du programme Grandes Écoles, c'est le Grow by Doing,
02:32donc grandir en faisant, qui repose sur deux piliers. Le premier qui est de penser différemment et le deuxième qui est d'agir concrètement, de porter un impact sur la société.
02:40Et donc ce cours répond à cette pédagogie en poussant les étudiants justement à travailler autour de la prospective.
02:46Donc c'est une vraie méthode, ce n'est pas une prophétie, on leur donne une vraie méthode pour anticiper les futurs possibles.
02:52Et donc il a été lancé en printemps dernier. Et la thématique qui a été portée par ces étudiants, par nos étudiants, c'est justement la France au travail en 2050 sera-t-elle toujours sexiste ?
03:04Donc un vrai enjeu social.
03:06Je vous la pose Céline, à travers l'étude qui a été portée à la fois par le cours et par les chercheurs, il faut être optimiste ou pessimiste, elle sera toujours sexiste cette France,
03:16puisque les chiffres doucement, l'égalité femmes-hommes se réduit à salaires égales et à fonctions égales, on est toujours à 24% entre les hommes et les femmes, mais globalement à fonctions égales on est à quoi ? 4,5% ?
03:28C'est ça ?
03:29C'est exactement ça. Oui, tout à fait. Si on reprend, parce que la prospective, on va poser un diagnostic, souvent on va élaborer des scénarii, et enfin en vue de proposer, de faire des recommandations au pouvoir public ou des stratégies d'entreprise.
03:42Et si on prend le constat, vous avez donné ces chiffres, en 2021 notamment, l'INSEE donnait près de, le salaire moyen des femmes était à peu près 25%, inférieur en effet à celui des hommes.
03:52Et il y a d'autres constats aussi qui ressortent de l'étude, c'est la parentalité, c'est un facteur, un catalyseur essentiel de cette disparité homme-femme au travail.
04:03Et puis des stéréotypes de genre qui ont tendance à persister et qui s'instaurent finalement dès la plus jeune enfance.
04:09Il y a un élément que j'ai trouvé très intéressant dans votre étude, parce qu'on voit que c'est au-delà de la pédagogie, c'est que peut-être pour lutter contre ce sexisme ou l'inégalité femmes-hommes, dans un des scénarios, il y a une égalité par la technologie et l'automatisation.
04:22Ça c'est intéressant parce qu'on nous dit souvent, attention à l'IA, on va perdre des emplois, ça va être terrible. Là vous dites un peu l'inverse, vous dites peut-être que grâce à la technologie, on va rééquilibrer cet écart, ou en tout cas les réduire.
04:34En effet, c'est un des scénarios possibles, des hypothèses qui ont finalement émané de cette recherche. En amont, on a travaillé sur deux variables. Il faut le préciser, il y a deux variables fortes qui ont permis d'élaborer ces quatre hypothèses.
04:47La première variable, ce sont les conditions matérielles d'existence. Et la deuxième variable forte qui justifie ces inégalités hommes-femmes, ce sont les mécanismes de solidarité.
04:57Et le scénario que vous énoncez, en effet, est l'un des quatre probables. Alors peut-être qu'on peut les énumérer, les quatre probables ?
05:06Société de la langue de transformation, égalité par la technologie, un retour en arrière et on y reviendra dû à la crise et à la précarisation parce qu'on est dans une situation économique qui n'est pas simple.
05:14Et l'égalité réelle, cette fois-ci, grâce à des politiques publiques ambitieuses, c'est-à-dire que vous jouez un rôle d'aiguillon.
05:20Concrètement, sur l'égalité par la technologie versus le retour en arrière lié à une précarisation, on en est où ? Parce que c'est vrai que certaines femmes se disent « Bon, l'IA n'est pas encore totalement là ».
05:32Et en même temps, on voit que les premières qui sont en difficulté, ce sont les femmes dans l'emploi.
05:37Oui, parce qu'on peut prendre un autre chiffre, on en a cité un tout à l'heure, mais on peut prendre un deuxième. Quand on parle, en effet, de parentalité, il y en a quand même 80% des postes à temps partiel qui sont aussi portés par les femmes.
05:49Par les femmes.
05:50Exactement. Donc aujourd'hui, quand on parle de ces nouvelles technologies, ce que font ressortir nos étudiants dans cette étude et les chercheurs, c'est en effet que l'IA peut être un modèle, une alternative à l'éducation de l'enfant.
06:01On pourrait aussi faire un autre élément qui ressort, c'est de faire appel à des mères porteuses également. Il y a différentes possibilités qui ressortent de cet ouvrage et de cette étude.
06:12C'est bien le mot. C'est le mot prospective avec des possibilités et des pistes. Alors, elles peuvent nous surprendre, nous choquer, mais en tout cas, elles sont sur la table et portées par Kedge, évidemment.
06:21Merci d'être venu nous rendre visite, Céline Hay. Je voudrais montrer ce livre parce que ce n'est pas un livre, ce n'est pas un cours pédagogique, c'est un concept, c'est la prospective.
06:28Et ce sont des propositions 2050, une France du travail toujours sexiste avec, vous avez pris la peine de mettre un point d'interrogation, écrit par des chercheurs, des acteurs et bien sûr les étudiants que vous éveillez dans votre école.
06:42Merci de nous avoir rendu visite, directrice du programme Grandes écoles chez Kedge Business School. C'est un vrai plaisir de vous accueillir.
06:48On tourne une page et on va s'intéresser au leadership. Mais alors, pas n'importe quel leadership, le leadership responsable. Ben oui, c'est un peu tombé sur la tête des managers.
06:57Comment faire ? C'est souvent des injonctions contradictoires pour les managers. Ben, continuez à créer de la valeur tout en défendant le climat, la biodiversité.
07:06On va en parler avec nos experts. C'est le débat de Smart Jobs, c'est le Cercle RH et c'est tout de suite.
07:18Le Cercle RH pour parler du leadership responsable. Est-ce que vous en avez déjà entendu parler ? Qu'est-ce que c'est donc qu'être un leader responsable ?
07:33On va en parler avec mes invités. J'ai envie de dire que c'est presque un oxymore parce que quand on est un leader, on doit être normalement responsable.
07:39C'est pas si simple. Il y a beaucoup d'injonctions contradictoires lorsqu'on est un manager. Et on va en parler avec mes invités. Aurélie Cordier, ravie de vous accueillir sur le plateau.
07:47Experte en transformation organisationnelle et en stratégie de développement durable chez Juliette Sterwen. C'est un vrai plaisir.
07:53Spécialiste d'ailleurs de ce sujet. C'est presque un sujet philosophique qu'on va poser sur la table. Et puis un juriste. C'est important de savoir ce que le droit nous dit.
08:00Alexandre Lamy, ravi de vous accueillir. Avocat en droit social, membre de l'Institut Sapiens. Vous publiez beaucoup sur tous les enjeux, le travail, une multitude de sujets.
08:10Lisez les postes d'Alexandre Lamy. Je vous souhaite une très belle année.
08:15Merci. Vous aussi.
08:16Le 30 janvier, on a encore l'opportunité de se le dire. Les plus belles choses pour vous, évidemment.
08:21Commençons par vous, Aurélie, parce qu'on a envie de cadrer ce sujet du leadership responsable. C'est un excément ou pas ?
08:30Est-ce que quand on est un leader, on n'est pas automatiquement responsable ? C'est aussi simple que ça ou c'est plus compliqué ?
08:35Effectivement, la responsabilité, on pourrait dire qu'elle est intrinsèque au rôle du leader.
08:40Tel qu'on l'entend aujourd'hui et que nous, on a envie de le porter, cette dimension responsable, elle fait appel à la dimension RSE, c'est-à-dire la responsabilité sociétale des entreprises.
08:50Donc, il y a quand même un supplément de responsabilité, si je puis dire, pour le leader.
08:54Un supplément d'âme, quoi. Il n'est pas là que pour faire de l'argent, le manager.
08:58C'est là que l'enjeu.
09:00Sur la façon dont on voit la performance, évidemment. La performance aujourd'hui, heureusement, n'est pas que financière.
09:08Quand on va parler de leader responsable, on va se demander comment le leader peut intégrer des dimensions sociales, sociétales, environnementales dans ses critères de choix.
09:18Et donc, ça lui rajoute effectivement, comme vous l'avez très bien dit, une forme de complexité et parfois de contradiction.
09:24Je vais donner la parole au juriste, à l'avocat, parce que tout ça est circonscrit.
09:28Et on reviendra à la CSRD, qui est un mot barbare, mais qui va arriver assez rapidement sur la tête des entreprises, qui sont déjà en train de travailler dessus.
09:34Mais tout ça doit quand même, rassurez-moi, partir du comex.
09:38Parce que moi, j'ai connu plein de managers qui étaient un peu écolos, qui adoraient la biodiversité et le climat, et à qui on disait, écoute, rentre à ta place, fais le job pour lequel on t'a embauché.
09:46Et ne nous bassine pas avec les fleurs. Enfin, je caricature. Il faut que ça parte d'en haut, quand même, ça.
09:52De toute façon, toute transformation d'organisation, à un moment, si on veut que ce soit pérenne, que ça rentre dans le derme de l'organisation, il va falloir que ça parte évidemment du comex.
10:02Donc aujourd'hui, il y a aussi beaucoup d'opportunités dans ce sujet. Il n'y a pas que de la menace.
10:07Non, non, mais c'est important de voir aussi comment on peut tirer profit, je mets des guillemets, à ce changement de paradigme.
10:13Sur le terrain des relations de travail, qui est le terrain qui m'intéresse, cette notion de leadership responsable, elle s'inscrit dans l'air du temps, si je puis dire.
10:22Parce qu'elle s'inscrit dans le cadre de la crise du sens au travail. On sait que pour que le travail ait un sens, il faut qu'il réponde à une extériorité.
10:31Et le leadership responsable donne une extériorité, puisqu'il s'agit d'adjoindre à la recherche de profit qu'on évoquait tout à l'heure, une dimension RSE et un projet d'envergure à l'entreprise.
10:41Donc ça répond à cette crise du travail, mais moi j'y vois une limite, c'est que ça ne répond qu'à une extériorité.
10:49Si je définis le sens du travail sur deux axes, avec la finalité intrinsèque, la finalité extrasèque et le plaisir immanent...
10:59Vous voyez que c'est philosophique ?
11:01C'est forcément philosophique. Et le plaisir transcendant, ça répond à une seule de ces extériorités, mais il y en a beaucoup d'autres des extériorités.
11:08Et je pense que moi, un des enjeux de ce leadership responsable, c'est pas tant d'apporter une réponse, je pense que tout l'enjeu il est là pour le leader responsable,
11:19c'est pas tant d'apporter une réponse que de poser la question et de faire en sorte que la question puisse se poser pour que toutes les questions de sens puissent émerger.
11:29Qu'on pose ce sujet, qu'on le pose.
11:31Que les conditions de la question du sens soient posées, c'est la création d'espaces de langage qui est important. Et je pense que c'est là tout l'enjeu du leader responsable.
11:41Quand même des sujets concrets, parce que je pense que vous les adressez, vous accompagnez les entreprises, vous les éclairez, vous les éveillez.
11:47Il y a aussi un travail d'éveil, de compréhension de ces sujets. Dans des choix d'achat, par exemple, de produits, on est, excusez-moi, et on le voit même au niveau de l'Etat,
11:56on est dans le moins 10 ans, on sait que le produit français il est très bien et il répond à toutes les normes. Mais on sait aussi qu'il y a des produits hors Europe moins chers.
12:06Et on a vu des Etats ou même des ministères s'engouffrer dans de l'achat chinois pas cher. Comment on fait ? Comment le manager défend cela en disant ça nous coûtera plus cher mais c'est porteur de valeur ?
12:20C'est là où c'est intéressant quand vous parlez du dirigeant, c'est-à-dire qu'à un moment c'est aussi un choix d'entreprise. On pourrait vous évoquer de la philosophie, une forme d'éthique des affaires.
12:31C'est-à-dire qu'à un moment, est-ce que je décide d'acheter moins cher mais à quelles conditions sociétales, sociales et environnementales ? Ou est-ce que je fais le choix, cet arbitrage sur des coûts plus élevés mais une production plus vertueuse ?
12:51Donc ce sont ces contradictions qui sont en permanence face au leader responsable.
12:57La question du produit que vous évoquiez est pour moi extrêmement importante. La matière. C'est-à-dire que le produit revient dans le champ de la relation de travail.
13:07Ce que l'on fabrique et la façon dont on va le fabriquer avec quel produit revient dans la relation de travail, ce qui n'était pas le cas depuis le taylorisme où on divisait pour produire.
13:16Là, avec les exigences de contrôle qualité, pour ne parler que de produits matériels ou même en matière de service où l'innovation se fait par l'expérience, le produit, ce que l'on fait et la manière dont on le fait revient dans le champ de la relation de travail, ce qui est essentiel.
13:30Et notamment pour l'action collective parce que le leader responsable seul ne peut pas tout à lui tout seul. Il a besoin de s'appuyer sur l'action collective, dont la négociation collective.
13:39Et je vois là un moyen pour le dialogue social de se rénover, parce qu'on sait qu'il est en perte de vitesse, en s'appropriant le contenu du travail.
13:54Souvent, pendant trop longtemps, les organisations syndicales se sont concentrées sur le cadre et les qualités de l'échange entre le temps et l'argent.
14:04Là, et d'ailleurs c'est ce qu'Alain Suppiau dit comme étant une des conditions, une véritable condition de la démocratie économique, c'est que l'action collective et la négociation collective s'emparent du contenu du travail et donc du produit.
14:18Je pense que c'est là l'essentiel.
14:20C'est un sujet fondamental que vous soulevez effectivement et peut-être un besoin de se former côté partenaires sociaux pour aller chercher de la compétence.
14:27Il y a quand même un autre sujet. On a parlé de la RSE. C'est presque un vieux sujet, la RSE, parce qu'elle est progressivement rentrée dans le vocabulaire, dans les mœurs. Progressivement, non ?
14:36Sur le discours, oui. Sur la réalité, on a encore un peu de chemin.
14:42Arrive ce sigle barbare de la CSRD, qui arrive de l'Europe, qui va être mis en application quand ? Parce que les entreprises commencent à s'y préparer.
14:50Est-ce qu'en une minute, vous pouvez nous faire un pitch simple de ce qu'est la CSRD ? Parce que ça va avoir un impact sur les managers.
14:58Bien sûr. Cette directive européenne qui, effectivement, vise à... Le problème, c'est la façon dont il est amené aujourd'hui sur la dimension reporting, qui est quand même le R,
15:10et qui, pour les organisations aujourd'hui, crée davantage d'inquiétudes, de recueils d'informations, de milliers de points d'informations à donner.
15:22Et c'est là où on travestit un peu le sens premier, qui est quand même de s'interroger sur ces business models, de voir avec la CSRD toutes les opportunités, de re-questionner sa façon de produire.
15:36La philosophie, pour ceux qui seraient partis sur Mars et qui auraient raté ce cycle, c'est quand même d'aller jusqu'au bout de la chaîne de valeur, en allant jusqu'au prestataire, pour vérifier globalement que tout le monde est aligné.
15:46Ce que ça dit, fondamentalement, c'est que... Et je pense que c'est un très bon exemple de la dilution de l'entreprise comme institution. Aujourd'hui, l'entreprise ne vaut plus comme institution,
15:57mais renvoyée à l'acte d'entreprendre, tellement l'entreprise, aujourd'hui, s'est diluée en réseau. L'entreprise ne se résume plus à la relation binaire employeur-salarié.
16:07On a les actionnaires, bien évidemment, mais on a les fournisseurs, on a les sous-traitants et on a les clients, évidemment. Donc cette approche-là renvoie à cette dilution et à l'impérative nécessité de...
16:17— Ça englobe l'écosystème, en fait. — Ça englobe l'écosystème. Et ça rejoint la question du leadership responsable qui, et corrigez-moi si je me trompe, a comme un des objectifs de faire parler entre elles l'ensemble des parties prenantes de l'entreprise.
16:33Et c'est là une action essentielle du leadership responsable. Et on parlait de l'action collective. Et c'est aussi une action essentielle de l'action collective de demain avec un nouveau champ de négociation.
16:43Pourquoi pas une négociation collective de réseau, par exemple, pour pouvoir s'approprier l'ensemble de ces enjeux ?
16:49— Mais la CSRD... On a démarré l'émission... J'étais un peu noir en disant globalement « Bon, tout ça, c'est quand même compliqué pour l'entreprise ».
16:55On arrive à la CSRD. Quel levier on a pour dire à l'entreprise « Attention, c'est une opportunité incroyable de vous mettre en ligne, d'être persuadée et certain que vos fournisseurs
17:05respectent des règles environnementales, éthiques ou de bons traitements des collaborateurs quand on est avec des entreprises hors Europe ». Est-ce que c'est une opportunité ou est-ce que c'est une contrainte ?
17:15Comment vous le portez, ce sujet ? — Bien sûr. Alors on aimerait évidemment que ce soit vu comme une opportunité plutôt qu'une contrainte.
17:22Et surtout, ce qui peut être intéressant, c'est de plus se dire qu'on fait une stratégie RSE, mais qu'on fait une stratégie tout court.
17:30C'est-à-dire qu'à partir du moment où on dit qu'on fait une stratégie RSE sur le côté qui est hors finalement de ma stratégie...
17:36— C'est comme l'écologie. C'est pas la fin du gouvernement. C'est au milieu du gouvernement.
17:40— Voilà. C'est complètement intégré. Et cette CSRD, elle peut permettre vraiment d'intégrer toutes ces dimensions sociales, sociétales et environnementales
17:48dans les choix quotidiens, d'harmoniser des initiatives qui ont eu lieu dans certaines entités de l'entreprise – le marketing, les achats, vous en parliez tout à l'heure –
18:00et voilà, pour avoir une vision globale. Donc ça, là, il y a beaucoup d'opportunités.
18:07— Des contraintes de reporting, parce qu'il va falloir remplir beaucoup, beaucoup de documents et qui vont être – il faut quand même le préciser – assez lourds
18:13pour les fournisseurs petits et petites entreprises qui vont être des fournisseurs de très grosses qui vont devoir, elles aussi, se plier à ces règles, qui sont pas simples.
18:21Levier de croissance ou pas ? Parce qu'il y a quand même d'autres pays qui ne respectent pas la CSRD et qui sont des concurrents directs aux pays européens et à la France.
18:30Enfin je veux dire on est d'accord avec ça. — C'est à mon sens un levier. Et c'est d'autant plus un levier qu'on revient sur la question du produit qu'on évoquait tout à l'heure
18:39et des faiblesses de l'action collective, l'action collective entendue comme grève ou négociation collective dans l'entreprise.
18:44— Ou conflit. — Et un des moyens de renauder du souffle à cette action collective, c'est d'agir sur ces leviers.
18:50Donc c'est non seulement pour les organisations syndicales notamment ou les salariés un moyen de faire pression sur la direction en agissant sur ces leviers.
19:00Et puis c'est aussi une opportunité parce qu'il va falloir les décliner dans l'entreprise et engager les salariés notamment au travers de ces espaces de langage que j'évoquais tout à l'heure.
19:11Et tout l'enjeu va être à mon sens d'échapper à cette tendance de novlangue ou de bien-pensance pour que les salariés se l'approprient dans l'entreprise.
19:20— Faut pas que ce soit l'effet RSE, quoi. Tout le monde en parle. Personne ne le fait, quoi.
19:23— Et voilà. Faut pas que ce soit l'effet RSE de RSE-washing. — Tout le monde fait du RSE, ouais.
19:27— Voilà. C'est ça. Il faut vraiment... Je pense que c'est indispensable que l'ensemble des parties prenantes dans l'entreprise puissent s'en saisir,
19:33comprendre les tenants et aboutissants de ces indicateurs nouveaux. Et je pense que là encore... Et c'est à mon sens un des éléments clés
19:42qui était soulevé par les assises du travail dans le cadre du Conseil national de la refondation sur ces aspects de création d'espaces d'écoute et de dialogue
19:49pour que les salariés aient conscience de leur action au quotidien sur le contenu du travail, notamment via ces indicateurs.
19:55— Mais vous, vous êtes – enfin, j'allais dire – directement impacté, parce que j'imagine que vous devez réfléchir, Aurélie Cordier,
20:00à la manière dont on infuse tous ces sujets. C'est quoi ? C'est de la formation ? C'est des webinaires ? Parce que globalement,
20:06la CSRD, même pour les dirigeants, tout le monde n'a pas bien compris encore ce que c'était. Comment vous faites, vous qui accompagnez justement les organisations ?
20:13— Alors compte tenu de l'ampleur du sujet, on touche plutôt à des aspects de transformation. C'est-à-dire qu'on voit bien comment
20:23on peut parfois réduire à des aspects de formation quand on pense à la fresque du climat. Voilà, toutes les entreprises ont fait la fresque du climat,
20:30ce qui est très bien, mais ce qui est un tout petit début par rapport à l'ampleur de la tâche.
20:36Et donc ça veut dire que là, il faut vraiment accompagner au niveau direction pour élaborer une stratégie, et non pas une stratégie RSE, mais une stratégie globale,
20:46où on va intégrer ces dimensions-là. Donc il y a un travail d'accompagnement, de travail de raison d'être, de déclinaison de cette raison d'être.
20:54— Et de le faire descendre jusqu'en bas ? — Bien sûr, bien sûr. Et donc à un moment, la formation...
20:57— En passant par les partenaires sociaux. — La formation intervient, mais c'est une brique parmi bien d'autres.
21:02L'avenir, comment vous le regardez, là, sur ces questions-là ? Parce qu'on avait dans l'émission la rubrique d'avant, l'espèce de ligne de crête.
21:09On va traverser une année un peu compliquée sur le plan économique. C'est pas les meilleures années pour faire des transfos quand les entreprises
21:16n'investissent plus, quand elles sont de pied sur le frein. C'est compliqué. Et par ailleurs arrive la CSRD. Donc c'est très complexe, quand même.
21:23— C'est un élément de complexité supplémentaire, mais c'est peut-être le moment d'en faire une opportunité.
21:29Je crois que dans le leadership responsable, un des critères, c'est de penser la complexité. Cher à Edgar Morin, on en revient à la philosophie
21:36que vous évoquiez tout à l'heure. Et donc je pense que dans ces conditions-là et dans le contexte dans lequel on est aujourd'hui, je pense que
21:44c'est un des moyens d'en tirer un élément d'opportunité et de croissance.
21:50— Merci à vous. Vous avez fait un lancement mais absolument incroyable de notre dernière rubrique, puisqu'on traitera des questions philosophiques,
21:56les enjeux pour les organisations à travers un livre. Donc je suis persuadé que vous allez rester en coulisses pour écouter, parce que c'est exactement
22:01dans le prolongement de ce qu'on vient de se dire. Merci à vous, Aurélie Cordier, d'être venue nous rendre visite, experte en transformation
22:07organisationnelle et stratégie de développement durable chez Juliette Sterwen. Et puis merci, Alexandre Lamy, côté juriste, avocat en droit social,
22:13membre de l'Institut Sapien. C'était un vrai plaisir. J'ai l'impression que vous allez revenir un peu nous parler de la CSRD. On n'a pas fini d'en parler.
22:19— Non, c'est que le début. — J'en suis sûr. On tourne une page. Et je l'annonce. C'est Fenêtre sur l'emploi avec Xavier Pavit, que vous connaissez,
22:24qui chronique régulièrement chez nous, qui vient nous parler de son dernier livre. Justement, on est au cœur du sujet.
22:29« Les philosophes dans l'entreprise ». On en parle avec lui.
22:32— Le livre de Smart Job pour commencer cette année et pour parler philosophie. On va être assez raccords avec notre débat précédent.
22:52Et j'accueille Xavier Pavit. Bonjour, Xavier. — Bonjour à vous. — Ravi de vous accueillir. Philosophe, professeur à l'ESSEC notamment,
22:58auteur de plusieurs ouvrages, dont ce dernier, pour démarrer l'année 2025, « Questions philosophiques avec un S »,
23:04« Les enjeux pour l'organisation, édition et rôle ». Et on a eu un débat avec les invités précédents sur la place des managers responsables.
23:12Il faut de plus en plus de quoi ? De philosophes ou de philosophie dans l'entreprise ?
23:17— Ah bah plutôt des philosophes que de la philosophie. Et le manager responsable est avant tout, on peut le supposer, un manager philosophe.
23:24Qu'il s'agit pas d'apporter de la philosophie ou une couche de philosophie dans les organisations, mais s'assurer que nous soyons tous philosophes.
23:31Ce qui n'a rien de nouveau. C'est la date déjà de la Grèce antique.
23:34— Mais on a beaucoup parlé des juristes en entreprise, d'experts en climat. On parle jamais de philosophes en entreprise.
23:40Il y en a eu quelques-uns, il y a eu quelques tentatives, mais ça n'a jamais pris. Comment vous l'expliquez ?
23:45— Non mais d'ailleurs, je pense pas qu'il faille avoir des philosophes ou dix philosophes en entreprise. C'est pas une fonction, la philosophie en tant que telle.
23:53— On n'est pas directeur de la philosophie dans une boîte ?
23:55— Absolument pas. Ce serait probablement une erreur de le faire. Et puis vous savez, mais également dans la Grèce antique, on pouvait appeler ça même les sophistes.
24:00C'est-à-dire les gens qui se faisaient payer pour faire de la philosophie. Ça ne fonctionne pas.
24:03— Sophistes, ceux qui parlaient, qui maîtrisaient parfaitement le langage ?
24:05— Oui, la rhétorique. — La rhétorique.
24:07— Et qui pouvaient former. Qui n'est pas totalement inintéressant, mais c'est pas l'enjeu de la philosophie.
24:11C'est-à-dire que la philosophie comme fonction n'a pas de sens. La philosophie comme métier n'a pas de sens.
24:15L'idée est d'avoir des philosophes et que l'on se forme à la philosophie. C'est-à-dire que les juristes aujourd'hui, qui sont-ils sans philosophie ?
24:22Mais c'est également la même chose pour quelqu'un en marketing. C'est également la même chose pour quelqu'un dans les ressources humaines.
24:27C'est-à-dire que la philosophie doit être quelque chose qui doit être inculqué, compris, organisé pour justement devenir responsable.
24:35— Mais ça passe par quoi ? Des cours de philosophie ? Des petites phrases écrites dans les couloirs qui permettraient d'éveiller ?
24:41Citant Platon, Aristote et quelques autres. Comment on fait ? Parce que tous ceux qui sont dans l'entreprise n'ont pas, à part une année de philo en terminale, n'ont pas eu accès à la philo.
24:50— Oui. Alors la réponse est dans la question, Arnaud, si je peux me permettre. Parce qu'effectivement, vous vous doutez que je suis à l'encontre des petites phrases ou des chartes que l'on pourrait...
24:58— Je les fais exprès. — ...afficher sur les murs d'une entreprise. Donc en effet, la question de... Alors la formation, oui, mais on va parler plutôt d'éducation.
25:05Éducation, vous savez, dans le latin, c'est éducere, qui signifie nourrir. Et on nourrit pourquoi ? La deuxième partie du terme, c'est élever. On nourrit pour élever.
25:15C'est-à-dire que si on éduque par la philosophie, on va nourrir et élever les individus. Et à l'évidence, tout le monde est concerné. Et n'importe quel individu dans l'organisation doit effectivement...
25:26Alors je vais même aller jusqu'à une forme de militantisme en disant qu'à l'évidence, nous devons être formés à... C'est quoi la philosophie ? Par exemple, vous le preniez de la responsabilité.
25:36C'est quoi la philosophie ? De l'éthique. Vous l'avez partout. C'est écrit partout « éthique ». C'est écrit partout « être responsable ». Qui sait le définir ?
25:43Ça demande en effet un peu de lecture, un peu de discussion, un peu d'enseignement, un peu de débat pour pouvoir le faire. Mais c'est indispensable.
25:50Mais vous prophétisez, vous faites aussi des conférences que je suis, en tout cas que j'observe. Ça sert à ça, ce que vous faites ? C'est-à-dire transmettre à l'oral l'importance de la philosophie ?
26:01Est-ce que vous avez vu des changements après ces conférences, après ces moments de partage, de dirigeants qui vous disent « oui, effectivement, il faut que je modifie ma manière de faire, il faut que je transforme mon entreprise ».
26:12Est-ce que ça va jusqu'à la transformation ?
26:15Oui, je l'ai vraiment eu, d'autant plus que ça n'était pas du tout dans une démarche commerciale. C'est-à-dire qu'il y a eu des personnalités, des personnes, des entreprises qui sont venues à mes séminaires,
26:26en l'occurrence qui sont d'ailleurs souvent gratuits, je pense à ceux du Collège international de philosophie, où je fais une philosophie critique de l'innovation,
26:32où j'ai pu voir des dirigeants ou des cadres d'entreprises qui sont venus en me disant « mais comment on fait maintenant ? ». J'ai compris comment est-ce qu'on fait maintenant,
26:38est-ce qu'on peut mettre ça en œuvre et comment je fais pour pouvoir faire en sorte que ce soit diffusé dans mon entreprise ? ».
26:43À ce titre-là, j'ai l'impression, si vous voulez, qu'on a une certaine manière un peu gagné dès qu'il y a une première partie.
26:48Oui, bien sûr.
26:49Et cette dimension-là est d'autant plus vraie pour dire aujourd'hui « eh bien, prenons deux jours, on ne va pas parler de marché, de business, de marketing, de plan,
26:56mais on va prendre deux jours pour réussir à parler de ça ». Et concrètement, on l'a fait, ça s'est extrêmement bien passé, ça fonctionne de manière très bien et à l'évidence, ils en redemandent, ce qui fonctionne bien.
27:07J'ai commencé un peu par un trait d'humour, évidemment, on n'est pas directeur de la philosophie, mais vous êtes un militant, comment on fait pour en mettre dans l'organisation, très concrètement, avant de nous quitter ?
27:17Il faut des séminaires, il faut prendre sur les temps de formation un moment de réflexion en choisissant une thématique, comment on peut faire ?
27:23Oui, alors très concrètement, encore une fois, il ne s'agit pas d'avoir de la philosophie, et cette superficialité de l'entreprise n'est pas le cas, de manière très concrète, c'est de la formation.
27:32C'est-à-dire qu'il faut mettre en place, si l'on veut véritablement avoir des personnes qui sont éduquées, au sens où je l'ai dit dans l'entreprise, il faut mettre en place des formations à la philosophie.
27:41Et il est très important d'avoir ça en tête, on forme des citoyens, on forme des individus, on ne forme pas des managers.
27:47Ça ne fait pas peur, ça, aux dirigeants, quand un philosophe parle comme ça, il se dit « je vais avoir des gens trop éclairés, finalement ».
27:51C'est exactement le prix de la liberté, mais c'est également le prix du savoir et le prix probablement de fidéliser également ses salariés parce qu'on les considère comme des individus et non pas comme des sujets.
28:01– Merci Xavier de nous avoir éclairés, c'est important la philosophie dans la vie d'ailleurs, ou de la même de la vie en entreprise.
28:08– Absolument.
28:09– « Questions philosophiques », regardez le titre, c'est son dernier livre, « Enjeux pour les organisations », édition Erol.
28:14Merci beaucoup de nous avoir rendu visite et j'ai envie de vous dire à très bientôt sur notre chaîne.
28:19Merci à vous, merci de votre fidélité, merci de nous suivre évidemment, soyez plus nombreux encore qu'en 2024, merci à toute l'équipe, Nicolas Juchat évidemment,
28:28je remercie Romain à la réalisation et merci Thibault au son, une belle année à vous cher équipe technique, je vous dis à très bientôt, bye bye.
28:34– Sous-titrage ST' 501