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Dans la soirée du 24 juillet 1943 se déroule le premier acte d’une pièce digne d’une tragédie antique où se mêlent trahison et fidélité, qui va conduire à la chute du régime qui préside aux destinées de l’Italie depuis 21 ans et de celui qui l’incarne : Benito Mussolini. Dans un huis clos étouffant, le Duce est destitué par des hommes qui pourtant l’entourent depuis ses débuts, et ont, ou ont eu, pour lui une véritable fascination. Alors qui sont ces hommes, les chefs fascistes, les hommes de Mussolini ? Réponse avec notre invité, Frédéric Le Moal.
Transcription
00:00Générique
00:21Bonjour à tous,
00:23Dans la soirée du 24 juillet 1943 se déroule le premier acte d'une pièce digne d'une tragédie antique
00:31où se mêlent trahison et fidélité qui va conduire à la chute du régime qui préside au destiné de l'Italie depuis 21 ans
00:38et de celui qui l'incarne, Benito Mussolini.
00:41Dans un huis clos étouffant, le Duce est destitué par des hommes qui pourtant l'entourent depuis ses débuts
00:47et ont ou ont eu pour lui une véritable fascination.
00:50Alors, qui sont ces hommes ?
00:52Les chefs fascistes, les hommes de Mussolini ?
00:54Réponse avec notre invité Frédéric Lemoyle.
00:57Frédéric Lemoyle, bonjour.
00:58Bonjour cher monsieur.
00:59Vous êtes docteur en histoire, spécialiste des relations internationales
01:03et vous enseignez au lycée militaire de Saint-Cyr-École ainsi qu'à l'ERCOM d'Angers.
01:08Vous intéressez particulièrement à l'Italie fasciste
01:11et vous avez d'ailleurs publié en 2015 chez Perrin un Victor Emmanuel III, un roi face à Mussolini.
01:19En 2018, toujours chez Perrin, une histoire du fascisme pour laquelle je vous avais reçu.
01:25Et en 2022, les hommes de Mussolini, donc mieux votards que jamais.
01:31Vous allez nous en parler.
01:33Alors, notons aussi la parution, encore chez Perrin, en 2024, d'un P12,
01:38le pape face au mal qui fera l'objet d'une prochaine émission.
01:42Mais revenons aux hommes de Mussolini et pour introduire notre discussion,
01:47je vais reprendre ce que vous écrivez dans votre avant-propos.
01:53Plusieurs d'entre eux vécurent leur première rencontre avec lui, Mussolini,
01:58comme une révélation quasi divine.
02:01Tous, à leur manière, l'ont admiré, adoré, déifié, ont sacrifié au mythe mussolinien
02:07et à son culte de la personnalité, en parfaite connaissance de ses limites et de ses défauts.
02:12Mais cela comptait bien peu face au génie qu'ils pensaient avoir devant eux,
02:17à ce héros des temps modernes qui apportait la rédemption à l'Italie
02:21après des décennies, pour ne pas dire des siècles de décadence.
02:24Ils crurent en lui, avec la force d'une foi religieuse,
02:27comme des disciples du nouveau dieu de l'Italie.
02:31Alors, est-ce qu'on peut vraiment dire que Mussolini exerçait
02:35une fascination quasi divine sur ses adeptes ?
02:39– Je crois qu'on peut le dire, parce que si on part de l'idée
02:42que le fascisme, en fait, est une religion politique
02:47qui s'est voulue religion de substitution au christianisme
02:51et qui est née dans une Italie, en fait, très catholique
02:54où la catholicité imprègne tous les esprits.
02:57Donc l'écriture dit le verbe s'est fait chair,
03:00et en fait le fascisme c'est l'idée qui s'est fait chair.
03:03Le fascisme a préexisté à Mussolini, mais en fait toute l'œuvre de Mussolini,
03:07tout le travail de Mussolini a été d'absorber le fascisme.
03:11– Il a existé de quelle manière ?
03:13– En fait, parce que Mussolini n'a pas été le créateur du fascisme.
03:16En 1919, le fascisme naît de plusieurs mouvements
03:20qui se sont agréés les uns aux autres,
03:22et comme on aura l'occasion de le dire dans notre conversation,
03:26il y a eu des fascismes.
03:28Mais lui, en fait, tout son travail a été d'absorber le fascisme
03:31dans sa personne, il a finalement incarné l'idée.
03:34Et donc s'il y a religion, il y a bien sûr un nouveau dieu,
03:38et il a été en quelque sorte le nouveau dieu de l'Italie,
03:42qui a été au centre d'une adoration populaire.
03:45Les Italiens ont-ils été fascistes ?
03:47En profondeur, on peut se poser la question, et c'est un débat,
03:50mais je crois que l'on peut dire quand même que beaucoup d'entre eux,
03:53une majorité d'entre eux, a été vraiment mussolinienne,
03:56au sens où il y a eu une adoration pour cet homme,
03:59et en fait sa fin tragique, c'est-à-dire la manière dont il a été fusillé
04:03et son corps ensuite piétiné par une foule hystérique,
04:06en fait, là aussi, il révèle à quel point il avait incarné le fascisme,
04:10c'est-à-dire que détruire le corps de Mussolini en 1945,
04:12c'est aussi détruire définitivement le fascisme.
04:16Donc en effet, tous ces hommes ont adoré au sens religieux,
04:21vraiment du terme, cet homme, qu'ils ont servi avec fidélité,
04:26avec servilité pour beaucoup d'entre eux,
04:29jusqu'au moment où ils ont perdu la foi en 1943,
04:32et il y a eu un complot dégrandu du fascisme, nous allons en reparler,
04:37qui a abouti à la chute de Mussolini.
04:39– Donc c'est vraiment une fascination de l'ordre de l'intime,
04:41on est dans l'affectif, on n'est pas dans la terreur,
04:43comme ça pouvait l'être avec Staline.
04:45– Pas du tout, il ne les terrorise pas, effectivement,
04:47d'abord parce que c'est un homme brutal, mais qui n'est pas cruel,
04:50et il savait l'adoration qu'il suscitait, la fascination qu'il suscitait,
04:56mais même avant d'être le grand leader, le grand chef fasciste,
04:59même à l'époque du Parti Socialiste,
05:01il y avait un magnétisme qui sortait de sa personne,
05:05donc il savait qu'il n'avait pas besoin d'être cruel, de leur faire peur,
05:10il savait que ces hommes le servaient avec fidélité,
05:15qu'il exerçait une fascination sur eux,
05:18et puis il les montait les uns contre les autres,
05:24il utilisait beaucoup, on va le voir, la division.
05:28– Vous dites que c'est un homme brutal, c'est pas un séducteur ?
05:32– Bien sûr que c'est un séducteur, autant qu'il est brutal.
05:37– Il peut être en gêneur, il peut être patlin, il peut être…
05:40– Il sait les flatter, il sait faire croire qu'ils sont importants,
05:45alors qu'il les méprise tous, il y en a certains qu'il craignait,
05:49comme Balbot et Grandi, mais il a beaucoup de mépris
05:52pour beaucoup des gens qui l'entourent, il est brutal dans les mots,
05:56il est brutal dans son comportement, notamment avec les femmes,
06:00il est brutal dans sa politique, mais il n'est pas cruel.
06:03Et aucun de ces hommes, d'ailleurs, ne fait preuve de cruauté,
06:07ils sont brutaux, ils ont du sang sur les mains,
06:09ça c'est absolument incontestable, ils utilisent et aiment la violence,
06:13mais on ne trouvera jamais parmi eux l'équivalent d'un Himmler ou d'un Heidrich,
06:17c'est-à-dire des gens qui se réunissent
06:19pour décider de la mort de millions d'êtres humains.
06:22– Donc là, vous avez expliqué d'où vient cette fascination,
06:26mais ces hommes qui l'entourent ont tous des origines, d'où viennent-ils ?
06:30Ils ont des origines très diverses ?
06:32– En fait, c'est des petits bourgeois, il ne faut jamais oublier
06:36que le fascisme est une révolution qui trouve ses racines
06:39dans la révolution jacobine de 1793, et comme toutes les révolutions,
06:44les hommes qui y participent sont jeunes, car le fascisme s'est voulu jeune,
06:50a voulu incarner la jeunesse et l'action,
06:53et en fait, ils ont tous des origines petits bourgeois,
06:56alors ils ont fait la plupart du temps des études,
06:59il ne faut pas les imaginer comme des brutes épaisses
07:01sortant d'une caverne et allant tabasser leurs adversaires,
07:04ce qu'ils ont fait effectivement, mais à côté de cette violence politique
07:08qu'ils ont exercée incontestablement, en fait, ils ont fait des études,
07:11ils sont avocats, ils sont journalistes, il y a beaucoup de journalistes,
07:14ils aiment l'écrit, comme leur chef d'ailleurs, comme Mussolini,
07:17ils aiment les mots, ils aiment la presse, ils aiment écrire dans les journaux,
07:22et puis ils sont issus de la petite bourgeoisie
07:25dans laquelle souvent on recrute les chefs révolutionnaires
07:29parce qu'ils ont soif d'action, ils ont soif de rupture,
07:32donc c'est un lien aussi avec le jacobinisme de 1793,
07:37et puis bien sûr, comme plus tard, toutes les autres révolutions,
07:40jusqu'à celle de mai 68, recrutent ses adeptes dans la petite bourgeoisie.
07:45– Mais alors finalement, parmi tous ces hommes,
07:48c'est Mussolini qui est le moins… qui ne vient pas, lui, de la petite bourgeoisie.
07:52– Non, alors…
07:53– Est-ce qu'il y avait peut-être un complexe dans la petite bourgeoisie ?
07:56– Alors, il y a beaucoup, contrairement à ce qu'il dit,
07:59il ne sort pas quand même de l'extrême pauvreté,
08:02mais bon, son père était aubergiste, forgeron, puis qui est devenu aubergiste,
08:06voilà, donc effectivement, on n'est pas là dans la bourgeoisie.
08:10– Ils ne sont pas dans la misère non plus.
08:12– Ils ne sont pas dans la misère non plus,
08:14mais il faut prendre ressentiment, si on veut comprendre Mussolini,
08:19il faut prendre en compte ce ressentiment social,
08:21c'est-à-dire que sa mère, Mama Rosa,
08:24l'avait tenue à l'inscrire dans un collège un peu huppé,
08:28où il a fréquenté les fils de la bourgeoisie,
08:30qui se sont beaucoup moqués de lui,
08:32et il en est sorti avec une haine de la bourgeoisie,
08:35qui en fait ne l'a jamais quitté.
08:37À travers toutes les évolutions,
08:39ce qui peut paraître parfois comme des reniements de la part de Mussolini,
08:42il y a quand même certaines cohérences,
08:44et l'une de ces cohérences, c'est son rejet viscéral de la bourgeoisie,
08:48du monde de la bourgeoisie et des valeurs que draine la bourgeoisie.
08:53– Et lui, c'est un autodidacte.
08:54– Alors c'est un autodidacte, effectivement, il n'a pas fait…
08:56– Mais cultivé, qui écrit bien.
08:58– Voilà, cultivé, notamment quand il est en exil en Suisse,
09:02il fréquente beaucoup les bibliothèques, il lit énormément,
09:07c'est d'ailleurs pendant son exil qu'il découvre la philosophie de Nietzsche,
09:11qui l'a beaucoup marqué, beaucoup plus que Marx,
09:14même à l'époque où il se dit marxiste, il est beaucoup plus Nietzschéen que Marx,
09:18mais il a une vraie culture, et sa rencontre avec Margaretha Serfati
09:22contribue à le faire rentrer dans les milieux cultivés, mondains de l'Italie.
09:30Elle a beaucoup compté dans la culture que se forge Mussolini,
09:35notamment toute la culture par rapport à l'Empire romain,
09:39la romanité qui, on le sait, a été une des caractéristiques du fascisme régime.
09:43– Alors vous l'avez dit, Mussolini va incarner le fascisme,
09:47il va effectivement rassembler sur sa personne tous les courants,
09:51mais est-ce qu'il y avait une caution intellectuelle pour créer une pensée homogène ?
09:56C'est-à-dire que parmi tous ces hommes, est-ce qu'il y a des intellectuels,
09:59est-ce qu'il y a des philosophes, est-ce qu'il y a des penseurs ?
10:01– Alors oui, il y a des hommes qui ont voulu intellectualiser le fascisme.
10:08Alors il n'y a pas un livre, il n'y a pas l'équivalent de Mannkampf
10:12de la part de… chez Mussolini, mais il s'est entouré d'un certain nombre d'intellectuels,
10:17on pense à Giuseppe Bottai, à Giovanni Gentile, puis Pavolini,
10:23pour la dernière période de la RSI, qui ont essayé de créer un corps de doctrine du fascisme,
10:30vraiment essayé de le définir, mais ils avaient leur fascisme.
10:35– Qui étaient ces hommes ? C'était des professeurs ?
10:39– Alors Giuseppe Bottai, c'est un intellectuel,
10:43mais qui a quand même participé à l'aventure du squadrisme, des chemises noires,
10:49là où Giovanni Gentile est vraiment l'universitaire classique, l'intellectuel classique.
10:54Et ils ont développé une pensée, une pensée particulière,
10:58par exemple le fascisme de Giovanni Gentile, c'est un fascisme,
11:02mais un peu aussi comme Bottai, qui est héritier du Risorgimento,
11:06qui fait beaucoup référence à la pensée de Giuseppe Mazzini,
11:10dans le sens où il y a une adoration de la nation,
11:14et du coup ce qui entraîne une adoration de l'État,
11:18puisqu'en Italie c'est l'État qui forge la nation,
11:21et Giovanni Gentile parlait de l'État éthique,
11:24c'est-à-dire d'un État qui possède un idéal, qui est offert aux Italiens,
11:29et cet idéal en effet c'est d'achever définitivement le processus du Risorgimento,
11:34puisque le fascisme considérait que la nation italienne n'était pas achevée,
11:37et qu'il allait conclure le cycle de création de la nation italienne.
11:43Mais chacun d'entre eux avait son fascisme,
11:47puisqu'il n'y a jamais eu une doctrine fasciste extrêmement claire,
11:51et par leur pensée ils pouvaient heurter d'autres courants du fascisme.
11:57Mais ce qui est très intéressant c'est que,
12:00notamment avec Bottai, c'est qu'il y avait des discussions,
12:05il y avait des débats au sein du fascisme,
12:08sur la nature du fascisme, sur ce que devait être le fascisme,
12:12on pouvait débattre, les intellectuels pouvaient débattre,
12:15évidemment dans un cadre quand même qui avait ses limites,
12:17qui étaient bien sûr les limites imposées par le fascisme,
12:20mais il ne faut pas imaginer là aussi une pensée complètement sclérosée,
12:23une pensée qui aurait été écrasée par des brutes en chemise noire,
12:28non pas du tout, on a eu une effervescence intellectuelle
12:31qui est particulièrement intéressante.
12:34– Et Mussolini, lui, écoutait tout ce monde, lisait ou les laissait faire ?
12:38– Alors il les laissait faire, il instrumentalise tout cela,
12:43alors quand ça va trop loin, ici la fin de la récréation,
12:47par exemple lorsqu'un philosophe fasciste qui est Ugo Spirito,
12:51qui appartient à la gauche du fascisme,
12:55évoquait l'abolition de la propriété privée,
12:59ce que Mussolini n'a jamais envisagé, il a mis fin aux discussions,
13:04là on allait beaucoup trop loin.
13:06– Alors en face de ces hommes comme Gentil ou Botaï,
13:10on a des hommes qui sont un peu plus bruts de décoffrage,
13:14je pense à Achille Estarach.
13:16– Alors Achille Estarach, c'est effectivement celui qui dirige le PNF,
13:19le parti national fasciste dans les années 30,
13:22qui n'était certes pas intellectuellement,
13:25qui n'était quand même pas très élevé,
13:27puisque quand Mussolini l'a nommé,
13:30une personne lui a dit mais enfin c'est un idiot,
13:33et il répond oui il est idiot mais il est fidèle.
13:35Donc en fait il le place pour tenir le parti,
13:39et on a eu là les aspects les plus grotesques,
13:43mais sérieux, les plus grotesques et les plus totalitaires.
13:46Alors les plus grotesques c'est par exemple la marche au pas de loi,
13:48qui a fait rigoler tout le monde à l'époque,
13:51l'interdiction de se serrer la main, le tutoiement obligatoire,
13:56alors tout ça faisait rigoler,
13:58les Italiens utilisaient énormément l'humour,
14:01Estarach s'est retrouvé au centre de ce que les Italiens appellent
14:04les barzellette, c'est-à-dire les plaisanteries,
14:07enfin tout le monde rigolait mais c'était quand même très sérieux
14:10puisque avec Estarach on a vraiment eu…
14:12– Et ça rigolait même au sein du parti ?
14:14– Bien sûr, tout le monde rigole,
14:16Ciano méprisait le gendre de Mussolini,
14:19Ciano méprisait complètement Estarach,
14:21enfin tout le monde le méprisait,
14:23mais c'était quand même très sérieux
14:25puisque c'est quand même la phase la plus totalitaire,
14:28en tout cas dans ses aspirations concrètement,
14:30bon c'est plus compliqué,
14:32mais il y a vraiment là, on franchit une étape,
14:35dans l'emprise, dans l'essai en tout cas d'emprise totalitaire
14:39par le PNF de la société italienne.
14:42Donc derrière cet aspect un peu grotesque et félinien,
14:45si j'ose dire, d'Estarach,
14:47il y a quelque chose de très sérieux,
14:49même si le personnage n'est pas un personnage très moral
14:54sur plusieurs aspects.
14:57– Et vous racontez, je vais vous laisser faire,
14:59mais vous racontez sa fin qui était aussi assez,
15:01pas spectaculaire mais étonnante, grotesque.
15:04– Alors il a été disgracié avant la guerre
15:08et il ne s'en est jamais remis
15:10parce qu'il a perdu l'estime du dieu Mussolini.
15:14Donc il passe la guerre…
15:15– Et celui-là il l'appelait Montmolos.
15:17– Le Molos, et il était fier d'ailleurs,
15:19Estarach était fier, ça veut dire le personnage,
15:21il était fier d'être qualifié du Molos du Duce
15:24et en fait au moment du décroulement du fascisme en 1941,
15:27qu'il est à Milan,
15:28il ne se rend pas bien compte de ce qui se passe
15:30puisqu'au moment vraiment de la mise à mort de Mussolini,
15:35il sort de chez lui et puis quelqu'un le reconnaît
15:37et lui dit Estarach, où vas-tu ?
15:39Il lui dit je vais prendre un café
15:40et il est arrêté par des partisans qui le jugent de manière expéditive
15:44et il est fusillé et son cadavre fait partie
15:48de ceux qui ont été exposés sur la place Loretto
15:52avec Mussolini et Chiaratta Petacci.
15:54Donc il a suivi son doute jusqu'à la mort.
15:56– Je disais grotesque, c'est plutôt tragique,
15:58grotesque parce qu'il est parti faire un footing.
16:00– Un footing, voilà, il partait faire un footing.
16:03– Alors on parle de ces hommes, vous parliez de ces différents courants,
16:07donc Mussolini les laissait s'exprimer ces courants-là ?
16:11– Oui, du moment où il ne sortait pas en effet des limites imposées par lui,
16:16donc on ne sombrait pas dans le grotesque,
16:19c'est-à-dire qu'il ne fallait pas aller trop à gauche
16:22et il ne fallait pas non plus aller trop à droite,
16:25trop à gauche parce qu'on devenait communiste
16:27et il y a une frange qui penche vraiment vers le communisme
16:31qui n'hésitait pas à dire que le fascisme était une sorte de communisme réussi
16:36et puis il y avait d'autres tendances qui étaient plus conservatrices,
16:39plus traditionnelles et là Mussolini aussi l'étonnait
16:43parce qu'il fallait que le fascisme restât une révolution.
16:46– Est-ce qu'il y a une voix du milieu incarnée par Grandi par exemple ?
16:51– Alors on parle souvent de fascisme modéré,
16:54en effet comme pouvait l'être Grandi.
16:56Alors bien sûr, qu'est-ce que fascisme modéré ?
16:59C'est le fascisme qui est institutionnalisé,
17:02qui rentre dans les institutions et qui opère certes une révolution des esprits
17:09mais s'en mettra mal quand même les structures les plus traditionnelles de l'Italie.
17:14– Il ne faut pas oublier qu'on reste dans un royaume, dans une royauté.
17:17– Effectivement, la question de l'église, importante en Italie, on va en parler,
17:23et bien sûr de la monarchie restait quand même centrale
17:26et là le groupe fasciste et les dirigeants fascistes sont divisés en deux groupes.
17:31Vous avez un groupe qui est clairement républicain,
17:35qui considère que la monarchie incarne l'ancien monde
17:38et le fascisme étant une révolution, il doit être républicain
17:41et il faudra à un moment ou à un autre abolir la monarchie.
17:44Et vous avez un autre groupe qui est par exemple porté par Devecqui,
17:49entre autres, ou le maréchal Debono,
17:51qui considère qu'on ne peut pas abolir la monarchie
17:54car la monarchie, notamment la dynastie de Savoie,
17:57incarne la nation puisque cette dynastie, c'est la maison de Savoie
18:01qui a réalisé au moment du Risorgimento l'unité de l'Italie.
18:04Et donc le roi reste l'incarnation de la nation.
18:08Mussolini est entre les deux groupes, c'est-à-dire que de cœur il est républicain,
18:14et il l'a toujours été, mais l'homme extrêmement pragmatique qu'il est
18:18a compris en 1922 qu'il ne pouvait pas accéder au pouvoir,
18:22c'est-à-dire être nommé par le roi président du conseil,
18:26évidemment sans affirmer que la question du régime ne serait pas posée.
18:32Donc il le dit officiellement en 1922 avant la Marche sur Rome
18:35dans un discours à Audinet dans lequel il dit
18:37la question du régime ne se posera pas,
18:39ce qui lui ouvre en fait les portes du pouvoir
18:42avec les fascistes qui sont en liaison avec le palais royal.
18:46C'était le cas de Grandi pendant la Marche sur Rome,
18:48de Devecky et du Marshal des Bonneaux
18:51qui sont en liaison avec le palais royal et le roi Victor Emmanuel III,
18:54ce qui facilite, c'est un des éléments qui permet à Mussolini
18:58d'être nommé Premier ministre le 30 octobre 1922.
19:02Et j'insiste bien sur le terme de Premier ministre
19:04parce qu'il n'a été que Premier ministre pendant toute la dictature.
19:07Il a toujours eu le roi au-dessus de lui qui l'a nommé
19:10et qui finalement le destitue en complicité avec les grands du régime.
19:14– Et alors comment Mussolini gouverne-t-il avec ces hommes ?
19:17Est-ce que c'est quelqu'un qui écoute les avis et qui tranche ensuite
19:21ou il n'en fait qu'à sa tête ?
19:22– Non, il gouverne seul.
19:23Il n'a pas d'amis et d'ailleurs il le dit,
19:26je suis dans des entretiens avec un journaliste allemand,
19:30Émile Ludwig, il lui dit je n'ai pas d'amis, je suis seul.
19:33Et c'est un problème d'ailleurs parce qu'il a été de plus en plus seul
19:36et de plus en plus isolé en fait et il a perdu le contact avec le pays,
19:39le pays réel si j'ose dire, et puis il ne les écoute pas.
19:43Il attend beaucoup, quelques années avant d'en faire des ministres,
19:46c'est-à-dire que vraiment tous ceux qui ont participé,
19:49même ceux qui ont participé à la marche sur Rome,
19:51qui l'ont donc aidé quand même à accéder au pouvoir,
19:54ne deviennent ministre qu'en 1929.
19:57Et puis il n'hésite pas à les destituer d'un coup en une journée
20:00ou alors il envoie un mot en disant, tu démissionnes de ta charge.
20:07Il les change de portefeuille ou quand il commence à être un peu trop important,
20:12il les envoie en pseudo-exil, c'est-à-dire qu'il leur confie
20:16des tâches dans les colonies, que ce soit en Libye,
20:19dans le Dodecanèse ou en Éthiopie.
20:21Comme ça il éloigne ceux qui pourraient constituer une menace
20:25parce qu'il connaît très bien l'histoire, l'histoire de la Rome antique,
20:29l'histoire de la Révolution française, l'histoire du Premier Empire
20:32et il sait que certains de ces hommes peuvent constituer des menaces.
20:38Donc il gouverne seul, il ne les écoute pas, il les associe au pouvoir
20:42mais d'une manière quand même suffisamment éloignée
20:45pour qu'ils ne s'imaginent pas être de véritables potentats
20:48qui pourraient menacer leur pouvoir.
20:50– Mais ils ne règnent pas, encore une fois, par la terreur
20:53comme pouvait le faire Staline ?
20:54– Absolument pas, il ne les terrorise pas.
20:57Et c'est ce qui contribue d'ailleurs en 1943 à la révolte des hiérarques
21:03qui le destitue et on a du mal à imaginer une révolte à Moscou
21:10ou même à Berlin des principaux chefs du régime
21:16soit communiste ou national-socialiste.
21:18– Mais en revanche, s'il ne les écoute pas,
21:20est-ce qu'il sait utiliser les compétences de ces hommes ?
21:23– Oui, d'une certaine manière.
21:24– Je pense à Devecky, effectivement, à l'occasion des négociations
21:27des accords de Latran.
21:29– Alors il utilise ces hommes quand il en a besoin.
21:32Alors quand il faut nommer le premier ambassadeur auprès du Vatican,
21:37il choisit Devecky qui était dans le courant catho-fasciste,
21:43tel qu'on le disait même à l'époque, catholique et fasciste.
21:47Ou alors il a utilisé Dino Grandi comme ministre des Affaires étrangères
21:53puis comme ambassadeur à Londres,
21:55parce que c'est un homme qui s'est placé très facilement
22:00dans le monde diplomatique et dans le monde de l'establishment anglais
22:05où il a d'ailleurs beaucoup plus, il a beaucoup plus à l'élite britannique.
22:11– Avant je vous dis, s'il n'avait pas d'amis,
22:15et sa famille, ses proches, est-ce qu'il les place ?
22:19– Alors il avait un lien très fort avec son frère
22:22à qui il a confié la direction de son journal,
22:25qui était peut-être l'enfant qu'il préférait,
22:28l'Hippopolo d'Italie.
22:31Et il était en communication pratiquement chaque soir avec son frère
22:35puisque le journal continuait à être publié,
22:37d'ailleurs Benito écrivait régulièrement dans son ancien journal.
22:43Alors pour ses fils, il n'a pas fait preuve de népotisme,
22:47par contre il a un lien particulier avec sa fille,
22:50en fait qui avait hérité de son caractère volcanique
22:53et donc c'est avec elle qu'il s'entendait le mieux.
22:57Et là où il a fait preuve de népotisme,
23:00c'est quand il favorise la carrière de son gendre,
23:04lui-même fils d'un hiérarque, Galeazzo Ciano,
23:08qui épouse la volcanique EDA, et il était diplomate à l'origine,
23:12et il a connu une accélération de sa carrière
23:15en étant le ministre des Affaires étrangères de son beau-père,
23:18de 1936 à 1943.
23:20– Donc lui, Ciano, quel homme était-ce ?
23:23Parce qu'il finit d'une manière, lui, assez odieuse.
23:26– Assez tragique, puisque Mussolini le fera fusiller,
23:29il va fusiller son propre genre.
23:31– On est dans la tragédie d'Hitler.
23:33– Voilà, tout à fait, c'est shakespearien.
23:35Alors en fait, Ciano avait un projet de politique étrangère,
23:41c'est-à-dire il est l'homme de l'alliance avec l'Allemagne,
23:46incontestablement, mais sans perdre quand même le fil avec Londres.
23:51C'est-à-dire que l'alliance avec l'Allemagne devait faire comprendre
23:56aux Anglais qu'ils ne devaient pas perdre le lien avec l'Italie,
24:00puisque les relations entre l'Angleterre et l'Italie
24:02s'étaient considérablement dégradées du fait de la guerre d'Ethiopie.
24:05Et Ciano est nommé après la fin de la guerre d'Ethiopie.
24:09Donc il avait un vrai projet qui était quand même assez traditionnel,
24:12c'est-à-dire l'équidistance, l'équilibre de la maison de Savoie
24:16et de l'Italie entre les grandes puissances.
24:19Là où Mussolini, lui, année après année,
24:22se rapproche considérablement de l'Allemagne,
24:25il est fasciné de plus en plus par les réalisations de l'Allemagne nazie,
24:29il est fasciné de plus en plus par Hitler,
24:32il a une fascination pour la force qu'incarne le nazisme.
24:37Quand il fait son voyage en 1937 en Allemagne,
24:40il revient complètement fasciné par ce qu'est devenu l'Allemagne
24:43sous la firule des nazis.
24:45Et en fait, la politique étrangère, c'est lui qui la décide.
24:48Et son gendre n'a pas suffisamment d'influence,
24:51il n'a pas de poids politique,
24:53ni la personnalité pour s'opposer à son beau-père.
24:57Et en fait, il l'accompagne sans pouvoir l'enrayer,
25:01cette avancée vers l'alliance avec l'Allemagne
25:04et vers la guerre sur laquelle Muzziano avait une vision très nette,
25:09il ne voulait pas cette entrée en guerre,
25:12pas plus que le palais royal ne le voulait,
25:15pas plus que le pape Pidouze ne voulait cette entrée en guerre de l'Italie,
25:19mais c'est Mussolini qui impose cette entrée en guerre en juin 1940.
25:24– Parce que la première année, on est dans une non-belligérance,
25:27il n'y a pas de neutralité, mais…
25:29– Alors voilà, c'est une neutralité si vous voulez,
25:31mais le mot lui était insupportable,
25:33parce que c'est ce qu'avait fait l'Italie en 1914,
25:35donc il ne pouvait pas faire la même chose.
25:37Donc c'est une non-belligérance, les mots ont un sens,
25:39et en fait, il veut rentrer en guerre,
25:41il ne pouvait pas entrer en guerre en 1939,
25:43l'Italie n'était pas prête à entrer en guerre,
25:46mais cette non-belligérance était une torture pour lui,
25:50et l'écroulement de la France en 1940, rapide et soudain,
25:55le conduit à entrer en guerre pour être à la table des négociations
25:59et avoir quelques dépouilles de la malheureuse France
26:01à genoux face à l'Allemagne.
26:03– On peut dire que c'est la guerre, on va arriver au 24 juillet 1943,
26:06c'est la guerre qui va avoir la peau de Mussolini, si je puis dire.
26:09– Oui, et les défaites surtout.
26:11– Les défaites, oui.
26:13Donc on va arriver au 24, cette nuit funeste,
26:17enfin funeste pour le régime, du 24 au 25 juillet 1943,
26:21donc ça c'est la réunion du grand conseil fasciste,
26:24alors comme on disait, c'est une véritable pièce de théâtre,
26:27là on est dans la tragédie grecque, c'est du Shakespeare,
26:30donc comment ça s'est passé,
26:32qui sont ces hommes qui sont arrivés le 24 juillet,
26:37et puis qu'est-ce qui va les pousser ?
26:40– Alors je ne sais pas si on peut dire qu'ils trahissent Mussolini ou qu'ils le renient,
26:43on est dans quel… déjà est-ce que tout le monde est d'accord ?
26:47– Alors majoritairement, il ne faut pas faire du commencement,
26:50le grand conseil fasciste c'est la dernière instance,
26:54c'est la grande instance du parti national fasciste,
26:57c'est la dernière instance qui subsiste de nature collégiale,
27:01c'est-à-dire où les dirigeants peuvent discuter avec Mussolini,
27:05c'est la raison pour laquelle ils ne l'avaient pas réuni depuis 1939,
27:08et ils ne l'avaient pas réuni pour la déclaration de guerre de 1940,
27:11parce qu'ils savaient très bien qu'une grande partie des hiérarques
27:14était opposée à l'entrée en guerre et à l'alliance avec l'Allemagne,
27:19donc c'est le seul endroit où ils peuvent contester Mussolini,
27:23et en fait pour beaucoup d'entre eux, l'accumulation des défaites
27:27et en quelque sorte la vassalisation de l'Italie vis-à-vis de l'Allemagne,
27:31leur sont absolument insupportables,
27:34ils perdent la foi dont nous parlions au début de notre entretien,
27:37pour eux, ils s'aperçoivent que Mussolini les conduit au désastre,
27:40conduit l'Italie au désastre, qu'il est fatigué,
27:45il est de plus en plus malade,
27:47ce n'est plus le dieu qui assurait la grandeur de l'Italie,
27:51et là le voile pour eux s'est complètement déchiré.
27:53– Il n'y a pas de trahison, il n'y a plus…
27:55– Eux, en tout cas, ils n'ont pas le sentiment de trahir,
27:58parce que pour eux, ils ont le choix désormais
28:00entre sauver Mussolini et sauver l'Italie,
28:02et ils choisissent de sauver l'Italie,
28:05ils considèrent que le maintien de Mussolini,
28:07en tout cas la direction des opérations militaires,
28:10parce qu'il avait pris au roi une partie de son commandement,
28:13conduisait l'Italie au désastre,
28:15et pour sauver l'Italie, en fait, ils se sont dressés contre Mussolini.
28:19– Mais est-ce qu'il y a une majorité qui… ?
28:21– Alors, clairement, il y a une majorité.
28:23– Comment ça se passe concrètement ? On vote ?
28:25– Alors, il y a un ordre du jour qui a été rédigé par Dino Grandi,
28:29qui était quand même un des grands parmi les grands,
28:32avec Giuseppe Bottai, mais c'est l'ordre du jour Grandi
28:35qui enlève le commandement militaire à Mussolini
28:38et le remet entre les mains du roi.
28:41Donc, ils arrachent à Mussolini une convocation du Grand Conseil,
28:46qui se déroule dans la nuit du 24 au 25 juillet.
28:49– Et Mussolini sent ce qui va arriver, ou il est comme César ?
28:53– Alors, il arrive avec beaucoup de sérénité,
28:56parce que d'abord, il les méprise,
28:58et ensuite, il est persuadé de convaincre tout le monde
29:01de ne pas voter contre lui,
29:02et il est persuadé d'avoir le soutien du roi.
29:04– Mais il sait quand même déjà qu'il y a quelque chose qui se passe ?
29:07– Oui, bien sûr, parce qu'il a connaissance de l'ordre du jour d'Dino Grandi.
29:11Donc, il arrive en pleine connaissance de cause,
29:13mais il pense qu'il va bien s'en sortir.
29:15Alors, la nuit est très longue, il y a beaucoup de discussions.
29:18– C'est violent ?
29:19– Non, pas spécialement, ce n'est pas violence sur la forme.
29:21Chacun lit son discours, attaque Mussolini, il se défend,
29:25y compris son propre gendre participe à la curée.
29:31Il a droit à un regard assassin, bien sûr, de son beau-père.
29:34Là, on ne peut pas quand même parler de trahison,
29:36en tout cas de trahison familiale.
29:38Et à la fin de la nuit, on vote,
29:40et une majorité se dégage contre Mussolini.
29:43Et là, il se lève en disant, en me renversant, vous renversez tout.
29:47En fait, ils ne se sont pas vraiment aperçus
29:49que, comme un peu les termidoriens en 1194,
29:52qu'en renversant Mussolini, ils renversaient le régime,
29:55parce que parallèlement, le roi sur lequel Mussolini comptait tant
29:59a mené, lui, son propre complot.
30:01Il s'est appuyé sur le vote des hiérarques
30:04pour avoir le prétexte institutionnel de destituer Mussolini.
30:09Donc, le lendemain, le 25, dans l'après-midi,
30:11Mussolini se rend à la Villa Savoia, qui est la résidence privée du roi.
30:15Certain d'avoir le soutien du roi pour reprendre tout en main.
30:19Et là, d'une manière, il est stupéfait.
30:21Il entend le roi, en fait, le destituer.
30:24Ça dure 20 minutes.
30:25En 20 minutes, Victor Emmanuel III met fin à 20 ans de fascisme.
30:29Complètement abasourdi, parce que Mussolini est un homme
30:31qui a des crises d'abattement, toujours, dans sa vie.
30:34Et là, il a une crise d'abattement.
30:35Il sort de la Villa Savoia.
30:37Et là, il est arrêté sur ordre du roi,
30:40mis dans une ambulance et emmené dans une prison.
30:43Donc, en fait, on a eu le complot, en quelque sorte,
30:45des grands du fascisme et le complot royal.
30:49Les grands du fascisme s'attendaient à hériter du poste,
30:52en tout cas, beaucoup d'entre eux.
30:53Et puis, Victor Emmanuel III, en fait, fait une journée des dupes.
30:56Il les trompe tous et il choisit un militaire,
30:59le maréchal Badoglio, ce qui a été d'ailleurs une catastrophe,
31:01pour lui et pour l'Italie, comme successeur de Mussolini.
31:05Et il abat ainsi le régime fasciste.
31:07Ce que ne voulait pas, évidemment, les hiérarques.
31:09– Alors, ces hiérarques, que deviennent-ils ?
31:11Ceux qui ont soutenu Mussolini sont arrêtés également ?
31:15– Alors, il y a eu une dispersion du troupeau, en fait.
31:19Certains se sont enfuis, d'autres ont été arrêtés.
31:25Ils sont libérés par les Allemands en septembre 1943.
31:29Certains se sont échappés pour aller se réfugier en Allemagne.
31:33C'était le cas, par exemple, de Roberto Farinacci.
31:36Et ils sont récupérés par les Allemands.
31:39Mais Hitler ne veut entendre parler que d'un seul, c'est Mussolini.
31:43C'est-à-dire qu'il méprise, lui aussi, tous ces hiérarques.
31:47Et ce qu'il veut, c'est récupérer Mussolini.
31:49D'où la fameuse opération de…
31:53– D'Otto Skorzeny, qui va donc libérer Mussolini.
31:55– Voilà, libérer Mussolini dans les Abruzzes.
31:57– Et donc, Mussolini, lui, va créer, dans le nord de l'Italie,
32:00la République sociale italienne.
32:02Est-ce qu'à ce moment-là, on peut parler d'un retour aux sources du fascisme ?
32:05Et si oui, quels sont les hommes qui sont restés ?
32:09– Pour moi, c'est clair, c'est un retour aux sources.
32:12Le fascisme redevient ce qu'il a été.
32:16C'est-à-dire un mouvement…
32:18– Redevient ce qu'il a été ou ce qu'il aurait pu être ?
32:20– Ce qu'il a été, ce qu'il aurait dû être pour certains,
32:24ce qu'il n'a plus été, c'est-à-dire un mouvement républicain,
32:28la République, socialiste, la République sociale italienne, et nationaliste.
32:34Et là, il n'a plus les entraves que représentait l'Église à la papauté,
32:40que représentait le grand capital, que représentait la monarchie.
32:45Il se libère de toutes entraves,
32:47et c'est là où il devient le mouvement extrêmement violent et totalitaire,
32:52qu'il n'a pas été du moment où il a accédé au pouvoir,
32:56et il s'est institutionnalisé.
32:58Et en fait, parmi les grands du fascisme, il y en a très peu qui sont dans la RSI,
33:04soit parce qu'ils ont voté contre Mussolini,
33:07et ils sont en exil loin de l'Italie, ou ils se cachent en Italie.
33:13Et donc, vous avez un homme qui est Pavolini, Alessandro Pavolini,
33:17qui incarne ce fascisme vraiment jacobin,
33:21on le compare souvent à une sorte de Saint-Just de la RSI,
33:25Saint-Just de la République de Salo,
33:27et qui incarne vraiment ce fascisme vraiment jacobin,
33:30dans le sens où on se croirait à Paris en 1793-94,
33:35c'est-à-dire qu'il y a des appels au meurtre,
33:37il y a des appels à l'épuration, il y a des grands procès,
33:40dont sont victimes deux des hommes dont je parle,
33:43le maréchal Debono, qui était une personnalité quand même de poids relatif,
33:49et puis le gendre Ciano.
33:51– Comment ça se fait, il suit son beau-père ?
33:54– Non, pas du tout, parce qu'en fait…
33:56– Il serait pour se retrouver là, il aurait pu s'enfuir également.
33:59– Ciano, en fait, a été victime d'un coup tordu des Allemands,
34:05qui lui ont fait croire qu'il pouvait aller se réfugier en Espagne,
34:11et en fait, il l'arrête.
34:14Il se retrouve en Allemagne avec sa belle famille,
34:18donc l'ambiance était quand même un peu tendue.
34:22Et puis au moment de la RSI, en fait, il est arrêté,
34:24et les nazis volent sa tête.
34:27Hitler, en fait, testait Mussolini, la détermination de Mussolini,
34:32le dur du régime aussi, voulait la tête de Ciano comme un test.
34:36Et c'est pour ça que Mussolini, en fait, abandonne son gendre
34:41lors d'un procès digne des procès de Paris de 1794,
34:45où ceux qui ont trahi le 25 juillet, le 24, 25 juillet 1943,
34:51sont jugés, en fait, et des seconds couteaux à part Debono et Ciano,
34:55et ils sont condamnés à mort.
34:56– Les deux sont exécutés ?
34:57– Les deux sont exécutés d'une manière assez infamante,
35:01puisqu'ils sont fusillés dans le dos.
35:03– Mais Ciano se retourne au dernier moment, je crois.
35:05– Oui, là, au dernier moment, il a voulu faire face à la mort.
35:07– J'imagine, je ne mets pas sa place, mais si je me mets à la place du père,
35:11j'imagine que la fille Eda Mussolini, ça a dû quand même un peu…
35:14– Oui, il y a eu rupture, évidemment, entre Eda et son père,
35:18puisqu'elle, elle a tout fait, évidemment, pour sauver son mari.
35:21Et elle a notamment, elle a pu aller se réfugier en Suisse,
35:26et elle a conservé le journal de son époux,
35:29le journal intime de son époux, que tout le monde voulait absolument récupérer,
35:32notamment les Allemands, pour savoir ce qu'il y avait à l'intérieur.
35:36Donc là, bien sûr, il y a eu rupture.
35:38Mais chez les Mussolini, la politique imprègne tout.
35:42Et donc, c'est une famille qui s'est vouée à la politique,
35:45et qui a été brisée par la politique.
35:48– Les repas de famille devaient être animés.
35:50D'ailleurs, vous parliez du journal de Ciano.
35:52Quelles ont été vos sources pour connaître la pensée de ces hommes ?
35:56Il y a beaucoup d'écritures ?
35:58– Alors, en fait, pour certains, il y a peu d'écrits,
36:01peu de biographies qui ont été réalisées.
36:04Donc il a fallu un peu chercher un peu partout.
36:07Ceux qui ont survécu ont écrit leur mémoire.
36:09Alors évidemment, c'est des mémoires pro domo,
36:11mais évidemment, parce qu'ils se défendent, et puis ils chargent les autres.
36:13On ne sait pas moi, c'est les autres.
36:14C'est assez classique.
36:15Donc il y a tout un travail critique à faire.
36:20Et puis on a des sources de première main,
36:22comme par exemple le journal, évidemment, de Federtoni,
36:24le journal de Ciano, les mémoires de Grandi,
36:28et puis les écrits, les archives qui ont survécu au fascisme.
36:34– Alors, tous ces hommes, c'est bien beau.
36:36Mais est-ce qu'autour de Mussolini, il y a des femmes également ?
36:39Est-ce qu'elles ont compté ?
36:41Vous avez parlé tout à l'heure de Margherita Sarfati.
36:44Est-ce que les femmes ont compté pour Mussolini ?
36:46Est-ce qu'elles ont été influentes ?
36:48Il y a la première d'en telle, Raquel Ley.
36:50– Alors, il y a des femmes.
36:53Bien sûr, c'est un homme à femme, si vous permettez l'expression,
36:59qui a une sexualité très libre et très débridée,
37:04avant son mariage et après son mariage.
37:07Il ne sort pas d'un univers qui cultive les valeurs traditionnelles
37:12et conservatrices.
37:13Là aussi, c'est intéressant.
37:15Alors, les femmes ont compté dans sa vie.
37:19Certaines femmes ont compté.
37:21Alors, il y a eu son épouse Raquel,
37:26dont les parents ne voulaient pas le mariage avec Benito.
37:30Mais il avait tenu quand même à l'épouser.
37:33Alors, c'est une femme à la fois discrète, mais quand même très présente.
37:37Très présente dans le foyer Mussolini.
37:41– La maman.
37:42– C'est la maman, effectivement.
37:44Et qui, quand même, n'hésite pas à dire ses vérités à Benito,
37:47dans le secret du foyer.
37:50Et qui peut parfois donner son avis.
37:53Mais elle n'a pas d'influence politique.
37:55Elle n'a pas eu d'influence politique non plus sa dernière maîtresse,
37:58Claretta Petacci, avec laquelle il meurt en 1945,
38:03qui est fusillée avec lui,
38:05exposée d'une manière ignominieuse avec lui sur la place Loreto à Milan.
38:10Qui n'a pas d'influence politique.
38:13Le clan Petacci, lui, profite de la situation
38:19en termes d'enrichissement,
38:21ce qui générait beaucoup d'impopularité autour des Petacci.
38:27Ce qui est très intéressant, c'est que c'est un amant très doux,
38:32très mièvre même, avec Clara Petacci.
38:36Il s'envoie des petits mots doux,
38:39tout en ayant avec elle, quand même,
38:41parfois une certaine brutalité dans leurs rapports.
38:45C'est ce qu'elle même écrit dans ses écrits intimes.
38:49Et puis la femme qui a beaucoup compté, c'est Margherita Serfati,
38:53la maîtresse issue de la bourgeoisie juive de Venise.
38:59Alors là qu'il y a eu une vraie influence politique auprès de lui,
39:05c'est elle qui contribue à le faire rentrer dans les milieux cultivés
39:09de la bourgeoisie italienne,
39:12qui aide à sa structuration intellectuelle,
39:16parce que c'est une femme très cultivée, une vraie intellectuelle.
39:20Donc elle a eu une incontestable influence,
39:23jusqu'au moment où leur relation s'est délitée d'elle-même.
39:28Et puis, bien sûr, avec la radicalisation du fascisme dans les années 30
39:32et puis l'instauration des lois antisémites,
39:35elle a rompu avec le régime et même avec l'Italie.
39:39Elle a quitté l'Italie au bon moment.
39:42– Il a eu une première femme aussi avant son mariage, dont il a eu un fils.
39:46– Voilà, tout à fait, Ida Holzer,
39:49alors qu'il n'a pas eu d'influence dans sa carrière et sa vie politique,
39:56mais qui a fait partie de ce moment
39:59où en fait il cultive un peu l'amour libre avec Raquel
40:03et il ne se marie pas à l'église.
40:06Donc c'est après qu'il a officialisé sa position,
40:13fait communier ses enfants, quand il est en position de négocier,
40:17au moment où il faut négocier avec le Saint-Siège les accords du latran.
40:21Mais on est là dans des gens qui politiquement se situent quand même à gauche,
40:27qui ne sont pas du tout dans une optique traditionnelle,
40:30de défense des valeurs traditionnelles,
40:32même si la famille a quand même compté pour lui.
40:36– Pour conclure, tous ces hommes qui l'ont entouré,
40:40après la chute du régime, puis après, à la fin,
40:44que sont-ils devenus face auxquels ils n'ont pas été tués par les partisans ?
40:48Est-ce qu'il y en a qui ont été emprisonnés après la guerre ?
40:50Ou bien est-ce qu'ils ont disparu de la scène politique ?
40:53– Alors ils ont tous disparu de la scène politique,
40:56comme l'avait dit Mussolini en 1943, ils se sont suicidés politiquement,
41:00ils ont accédé au pouvoir grâce à lui, et lui tombé, ils sont tombés avec.
41:05Donc certains, ceux qui l'ont suivi jusqu'en 1945,
41:08ont été exécutés, comme Farinacci, Pavolini, par les partisans.
41:13D'autres sont partis en exil dès 1943 et ont été ainsi sauvés,
41:18ou se sont cachés pendant la période de 1943 à 1945.
41:21Il y a eu quelques procès après, mais rapidement,
41:24il y a une amnistie qui est votée par la République italienne,
41:28et rapidement, on tourne la page, et donc, ils meurent tous tranquillement dans leur lit.
41:33– En suivant des carrières à ce moment-là, dans le privé ?
41:36– Oui, tout à fait, pour certains, ou pas de carrière du tout,
41:40enfin voilà, il n'y a plus eu de carrière politique pour eux.
41:44– Même pas dans les mouvements comme le MSI ?
41:47– Pas pour les grands, pas pour les grands.
41:49– Ni pour les intellectuels ?
41:51– Alors Botaï a continué à écrire, par exemple, il est resté intellectuel,
41:55mais bon, il s'est converti, il a connu une sorte de conversion au catholicisme,
42:01d'ailleurs très belle, mais ça a été fini, ils n'ont plus eu d'influence.
42:08– Fanny Declemal, merci, pour en savoir un peu plus sur tous ces hommes,
42:12il y en a combien qui sont… il y en a une quinzaine ?
42:17– Oui, une quinzaine, tout à fait.
42:18– Il y en a 15, donc le choix n'a pas dû être facile, j'imagine ?
42:21– Non, il a fallu faire les plus connus.
42:23– Les plus connus, les plus représentatifs des différents courants, etc.
42:27Donc, Fanny Declemal, Les Hommes de Mussolini, aux éditions Perrin,
42:30c'est un livre de 2022, mais bon, toujours parfait à lire.
42:34Merci infiniment.
42:35– Merci beaucoup.
42:36– C'était Passer présent, l'émission historique de TVL,
42:38réalisée en partenariat avec la Revue d'Histoire Européenne.
42:41Vous allez maintenant retrouver Christopher Lanne et La Petite Histoire,
42:44mais n'oubliez pas de cliquer sur le pouce levé sous la vidéo
42:47et de vous abonner à notre chaîne YouTube.
42:49Merci et à bientôt.
43:21Vous vous souvenez, dans mon épisode sur le Normandie-Yémen,
43:30cette escadre française qui était allée combattre pendant la Seconde Guerre mondiale
43:34aux côtés de l'URSS ?
43:36J'avais dit qu'on parlerait un jour des Malgré-Nous.
43:38Eh bien aujourd'hui, on va parler de ces Malgré-Nous.
43:40Vous savez, ces citoyens alsaciens et lorrains
43:43qui étaient considérés comme des citoyens allemands
43:45et qui ont été incorporés dans la Wehrmacht dès l'été 1942.
43:50Et là, on va parler particulièrement des Malgré-Nous prisonniers en URSS.
43:54Pourquoi ? Eh bien tout simplement parce que 90% d'entre eux
43:58ont été envoyés sur le front de l'Est
44:00parce qu'il n'était pas question de les faire combattre
44:03sur les théâtres occidentaux, particulièrement en France.
44:06Ils ont donc été incorporés tardivement à l'été 1942,
44:10je l'ai dit, avec le service obligatoire,
44:12et on ne leur faisait pas beaucoup confiance.
44:14On les envoyait, je vous l'ai dit, sur le front de l'Est,
44:16mais aussi leur nombre au sein de chaque unité ne dépassait jamais 5%.
44:21Les actes d'insoumission de ces Malgré-Nous dans l'armée allemande
44:24sont très nombreux, et si on se fie aux renseignements militaires soviétiques,
44:28eh bien les désertions sont nombreuses également.
44:31Au total, de 42 à 45, ce sont 130 000 Alsaciens lorrains
44:36qui seront incorporés dans l'armée allemande.
44:38Sur le front de l'Est, pour 90% d'entre eux,
44:41eh bien il y a des désertions, des actes d'insoumission,
44:44ils combattent, ils ont l'uniforme allemand,
44:46et ils sont aussi faits prisonniers, comme tout le monde.
44:48Sur l'impulsion du communiste André Marti,
44:51il considère que même s'ils ont l'uniforme allemand,
44:54ils restent dans l'âme des citoyens français,
44:56et donc ils doivent être traités comme tels en tant que prisonniers.
44:59C'est ainsi qu'ils sont tous regroupés dans un seul et même camp,
45:03le camp numéro 188 de Tambov.
45:06Ce camp a été ouvert en 1942.
45:08Au départ, on ne compte pas beaucoup de Français.
45:10Par exemple, en juin 1943,
45:12il n'y en a que 3.
45:14Il y en a 42 en août,
45:16394 en octobre,
45:18412 en novembre,
45:20et en janvier 1944,
45:22le camp de Tambov compte
45:241039 Français sur ses 2751 prisonniers.
45:28Et en septembre 1945,
45:30alors là, les effectifs culminent
45:32à la hauteur de 11 000 Français
45:34dans ce camp de prisonniers.
45:36Quand je dis 11 000 Français, on parle évidemment
45:38malgré nous qui sont dans la Wehrmacht, certes,
45:40mais qui sont considérés comme des citoyens français
45:43originaires d'Alsace et de Lorraine.
46:08La vie dans ce camp est rythmée par les heures de travail,
46:17on leur fait couper le bois alentour,
46:19on leur fait construire une écluse,
46:21on leur fait extraire la tourbe.
46:23Elle est aussi rythmée par de maigres repas,
46:25on va en parler, et aussi par une éducation politique au communisme.
46:29Comme dans beaucoup de camps de prisonniers,
46:31la situation sanitaire est accablante.
46:33Un quart des détenus ont le typhus,
46:3515% la tuberculose,
46:37et sans parler des autres joyeusetés
46:39telles que la dysenterie infectieuse
46:41ou encore la pneumonie.
46:43Les rations journalières des repas
46:45sont 13 ans de ça des conventions
46:47et 13 ans de ça de ce qu'a besoin un homme,
46:49on leur donne l'équivalent de
46:511340 calories par jour.
46:53C'est autre chose qu'un régime du camp
46:55ou je ne sais quoi.
46:57Ainsi, à leur retour, on a calculé leur poids
46:59à leur retour en France,
47:01le poids moyen des prisonniers est de 42 kg.
47:03Je ne l'ai pas dit, mais beaucoup de ces
47:05malgré-nous engagés de force dans l'armée
47:07allemande se sont rendus
47:09volontairement aux soviétiques en croyant ainsi
47:11servir la France. Et bien là, dans ces
47:13camps, avec ces conditions dramatiques,
47:15ils se sentent un peu abandonnés.
47:17Ils ont le sentiment d'avoir été
47:19oubliés par la France, mais c'est un peu
47:21plus compliqué que ça. Par exemple, dès la fin
47:231943, ils sont devenus
47:25littéralement un pion dans l'échiquier
47:27de la diplomatie. Les dirigeants
47:29soviétiques eux-mêmes hésitent du sort
47:31à réserver aux malgré-nous, et
47:33deux solutions s'offrent à eux. La première,
47:35c'est de former une unité soviétique
47:37composée de malgré-nous,
47:39donc une brigade Alsace-Lorraine,
47:41et la seconde, c'est de les remettre aux autorités
47:43gaullistes pour qu'ils soient engagés
47:45sur le front de l'Italie. Et lorsque
47:47le 6 juin 1944, les Américains
47:49débarquent en Normandie, et bien, les
47:51soviétiques choisissent la seconde option
47:53et envoient déjà un contingent de
47:551500 malgré-nous à destination
47:57de l'Afrique du Nord un mois plus tard.
47:59En septembre 1945,
48:01sur les 15139
48:03prisonniers de guerre français recensés,
48:0512146
48:07ont déjà quitté l'Union soviétique
48:09en direction de la France.
48:11En décembre 1945, le gouvernement
48:13soviétique libère la grande
48:15majorité des prisonniers, dont
48:17les malgré-nous, à l'exception des
48:19prisonniers des pays vaincus, l'Allemagne,
48:21le Japon et l'Italie. Les malgré-nous
48:23sont peu à peu libérés, ils sont tous
48:25envoyés progressivement vers le camp
48:27186, situé près d'Odessa,
48:29actuellement en Ukraine, dans le but
48:31d'être rapatriés vers la France le plus
48:33vite possible. Selon les documents
48:35disponibles aux archives spéciales de
48:37Moscou, 23136
48:39prisonniers de guerre français ont été
48:41comptabilisés.
48:431325 sont morts en captivité
48:45et 21811
48:47ont été remis aux autorités
48:49de leur pays d'origine. Là, on parle
48:51des prisonniers qui ont été amenés vivants
48:53dans les camps et qui ont été recensés
48:55dans les camps soviétiques, on ne parle pas des prisonniers
48:57faits sur le front ou qui seraient morts,
48:59exécutés sur le front, disparus
49:01pendant les interminables
49:03convois qui devaient les ramener jusqu'à
49:05leur camp.
49:27...
49:35Les Malgrenoux avaient évidemment
49:37des raisons de se plaindre et de se sentir
49:39abandonnés, mais si on regarde les chiffres,
49:41les prisonniers français ont été
49:43parmi les moins maltraités pendant
49:45la guerre par les soviétiques, avec un
49:47taux de perte dans les camps de seulement
49:495,7%. Je dis
49:51seulement parce que comparé aux prisonniers
49:53allemands, roumains et italiens,
49:55c'est quand même autre chose, le taux de perte
49:57pour les allemands dans les camps est de 15%,
49:59pour les romains de 29%,
50:01et pour les italiens
50:03de 56%.
50:05En plus, les Malgrenoux ont été libérés
50:07plus vite que les autres prisonniers, ce qui
50:09fait qu'ils ont aussi échappé
50:11à la très grave crise alimentaire de
50:131946-1947, qui a contraint les
50:15autorités soviétiques à réduire encore
50:17les rations journalières aux prisonniers.
50:19Là, on a parlé de 23 000
50:21prisonniers recensés, et on n'en compte
50:23que 12 000 qui sont rentrés en France.
50:25Il en manque 11 000, où sont-ils ?
50:27Eh bien, on ne sait pas, leur sort demeure
50:29totalement un mystère, soit ils ont été
50:31tués au front, soit ils ont été exécutés
50:33au front alors qu'ils se rendaient,
50:35ou soit ils sont morts lors des interminables
50:37convois qui devaient les ramener vers les
50:39camps et transvaser de camp
50:41en camp. En juillet 1955,
50:43officiellement, le dernier
50:45Malgrenoux français rentre
50:47en France, et cet épisode était
50:49quelque part un moyen de rendre
50:51hommage à ces oubliés de la Seconde
50:53Guerre mondiale. Merci à tous
50:55d'avoir suivi ce nouvel épisode de La Petite
50:57Histoire. Je vous retrouve très bientôt
50:59pour de nouvelles aventures, tous les mardis
51:01sur TV Liberté.

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