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Dix ans après l’attentat qui a coûté la vie à douze personnes dont huit membres de la rédaction du journal satirique, nous avons réuni autour d’une même table Riss, Coco, Philippe Lançon et Laure Daussy pour nous parler de leurs combats, leurs espoirs et leurs craintes.

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Transcription
00:00Mais quand on voit un dessin et qu'on rit même du désespoir,
00:03là, déjà, il y a une issue, il y a une porte de sortie.
00:05Comment Charlie Hebdo se place face au grand combat des dix années à venir ?
00:09Comme le disait Cavanaugh, l'écologie, ce n'est pas simplement un problème d'environnement.
00:14C'est vraiment révolutionnaire, l'écologie.
00:16Je pense que c'est un peu une méconnaissance aussi de Charlie,
00:18de dire que Charlie ne serait pas féministe.
00:20Accompagnée de dessinateurs chargés de croquer la rencontre,
00:23Libération a réuni autour de sa table quatre membres de sa rédaction,
00:27dix ans après l'attentat du 7 janvier.
00:29Et si on renonce à faire ça, on renonce à faire Charlie,
00:33puisque ça fait partie de ce qu'est le dessin satirique.
00:41Prise dans ce combat pour la liberté d'expression qui date de bien avant l'attentat,
00:49rappelons-le déjà, cette croisade maintenant,
00:53est-ce que Charlie Hebdo n'a pas peut-être raté d'autres combats humanistes ?
00:59Je pense en particulier à la condition féminine qui évolue,
01:04MeToo, les questions de genre.
01:06Est-ce qu'on a pu penser que ça, Charlie l'avait mis de côté,
01:10ou voire avait pris le mauvais côté de la porte ?
01:15Moi, je ne pense pas.
01:17C'est des questions qui ont toujours fait partie des sujets que Charlie a abordés.
01:24Après, on voit aussi que si on parle du féminisme,
01:27et Mélore en parlera peut-être mieux,
01:30le féminisme, un peu comme la gauche, est explosé dans une multitude de courants,
01:37et il faut trouver un peu sa place là-dedans.
01:41Donc, il faut en tenir compte aussi qu'il y a une fracturation
01:45de ce qui semblait uni et homogène,
01:51qui pose question aussi sur la manière avec laquelle ces questions-là sont posées.
01:56Voilà.
01:57Et moi, je ne pense pas que Charlie ait passé à côté de ça.
02:00Je dirais que Charlie, de manière épidermique, se méfie des modes,
02:06se méfie des modes politiques, se méfie des modes militantes,
02:09et on essaye toujours, nous, de voir ce qui va durer,
02:11ce qui sera, dans l'universel ou l'intemporel, dans 20 ou 30 ans,
02:16qui durera, dont on aura toujours besoin.
02:18Et pas, c'est vrai, de l'ère du temps.
02:21Il y a des choses, on en parle, 5 ans après, on n'en parle plus.
02:25Les choses deviennent vite caduques et usées.
02:28Donc, c'est vrai que parfois, on peut nous reprocher de ne pas suivre des tendances,
02:32mais on essaye de voir un peu plus à long terme.
02:34Voilà.
02:35Ça ne veut pas dire qu'on n'est pas attentif à tout ça.
02:37Au contraire, peut-être plus que jamais, je dirais.
02:43Mais, c'est vrai qu'on se méfie des modes.
02:46– Je pense que c'est un peu une méconnaissance aussi de Charlie,
02:48de dire que Charlie ne serait pas féministe.
02:50À mon sens, il a été depuis ses origines.
02:55Et je ne dis pas que tout le monde l'a été au sein de la rédaction.
02:59Il n'appartient pas non plus de dire…
03:01Après, je pense que, comme tous les médias,
03:04à une époque, il a pu y avoir une forme de machisme,
03:07mais aucun média n'y échappait.
03:11– Oui, je confirme.
03:15– Mais dans les engagements, il y a aussi pas mal d'incompréhensions.
03:18Par exemple, à l'époque, la une, suite à la tribune dans l'Obs,
03:27sur les 343 femmes qui disaient avoir avorté,
03:32le mot « salope » qui était sur cette fameuse une de Cabu,
03:40c'est quand même assez incroyable que des gens ne puissent penser
03:43qu'il s'agissait de la manière dont Cabu percevait ses femmes.
03:47Si on regarde la une, il s'agit de la personne qui est représentée
03:52sur cette une, en l'occurrence, Michel Debré, si je ne me trompe pas,
03:55qui était Premier ministre à l'époque, si je ne me trompe pas,
03:58qui était opposée à l'avortement pour une politique ultranataliste,
04:02et il s'agit de ses propos.
04:04À lui, c'est une mise en abîme, je ne sais pas comment dire,
04:09on imagine ce qu'il pense, Cabu imagine ce qu'il pense.
04:15– Qui a engrossé les 343 salopes.
04:18– Qui a engrossé les 343 salopes, et lui, il répond, je crois,
04:21c'est pour la France, c'était pour la France, voilà.
04:24En plus, lui, il l'avait fait, c'est évidemment une critique de Michel Debré.
04:32Donc, vous savez qu'il faut toujours faire cette pédagogie-là.
04:35Bon, après, le mot salope est resté, d'ailleurs, les gens ne savent pas
04:39que ça vient de là, que c'est devenu le manifeste des 343 salopes.
04:44Voilà, donc, c'est toujours important de se replonger dans l'histoire.
04:48– Ça montrait le débat machiste de l'époque, c'était surtout ça derrière ce mot.
04:52– Complètement, là, je n'ai pas de doute sur le fait que Charlie soutenait le droit à l'IVG.
04:57– Ah, ouf !
04:59– Alors, après, en effet, aujourd'hui, on n'a peut-être pas été moteur,
05:02ou en tout cas, il n'y a pas de, comment dire, sur MeToo,
05:07c'est peut-être un regret, d'ailleurs, mais je ne veux pas dire
05:10qu'on n'accompagne pas MeToo, pour moi, MeToo est un mouvement,
05:13évidemment, majeur de notre époque, extrêmement important.
05:18Voilà, c'est indéniable que ce soit un mouvement majeur de ce moment du féminisme.
05:26Il est vrai qu'à Charlie Hebdo, on va toujours avoir un esprit critique,
05:30et donc, c'est vrai que ça n'empêche pas de pouvoir avoir une réflexion sur les...
05:38y compris pour que MeToo reste un mouvement puissant, réfléchir à ses contours.
05:47– Philippe, pour toi, les unes de Charlie Hebdo sur Mazan
05:52ou sur tout autre phénomène de société de ces dernières années,
05:56a-t-on un risque qu'elles soient mal comprises comme la une des 343 salopes ou autre ?
06:03– Ah oui, il y a ce risque, mais pour les raisons qui viennent d'être expliquées,
06:07c'est-à-dire qu'il y a énormément de gens qui ne sont évidemment, en général,
06:14pas les lecteurs de Charlie, mais ceux qui voient les unes passer sur les réseaux sociaux ou diffuser,
06:21les lecteurs de Charlie, qui ne sont pas si nombreux que ça, vous voyez,
06:25c'est un esprit très particulier, c'est un esprit qui est lié, qui est sensible
06:31à l'esprit des caricatures, les dessinateurs en parlaient mieux que moi,
06:34mais qui, pour moi en tout cas, est un esprit qui fonctionne par l'absurde,
06:40c'est-à-dire faire télescoper dans un dessin des choses qui n'ont rien à voir
06:50pour les éclairer l'une par l'autre par l'absurde, vous voyez, c'est ça,
06:54et le second degré, c'est-à-dire qui est très typique dans l'histoire des 343 salopes.
06:59Donc, évidemment, si on se retrouve face à des gens,
07:02si c'est lu par des gens qui n'ont non seulement aucun second degré par caractère,
07:07par nature, bon, c'est comme ça, ou qui n'ont pas accès à qui cette culture échappe,
07:16ce qui est tout à fait leur droit, enfin, je veux dire, en tout cas, c'est un fait, c'est un état,
07:21évidemment, ça les choque puisqu'ils ne comprennent pas.
07:26Alors donc, à partir de là, mais ça, Harris l'a dit il y a bien longtemps,
07:29c'est-à-dire que si on renonce à faire ça, on renonce à faire Charlie,
07:34puisque ça fait partie de ce qu'est le dessin satirique.
07:39Donc, c'est un éclairage particulier sur l'événement.
07:43Donc, il y a des gens, en gros, qui, par rapport à cet éclairage, nous demandent d'éteindre la lumière,
07:50de couper l'intérieur, donc à ce moment-là, on ferme le journal et puis on arrête.
07:54Moi, c'est un humour auquel je suis sensible, j'aime aussi le mauvais esprit.
08:00Qu'est-ce que c'est pour le mauvais esprit ?
08:04Pour moi, ce n'est pas quelque chose qui nous met au-dessus des autres, du tout.
08:09C'est simplement une manière, justement, de se méfier de ses propres tentations morales et de ses pulsions,
08:18qui, elles, vous mettent, alors là, très clairement au-dessus, puisque vous êtes dans le bien.
08:22Donc, le mauvais esprit, c'est toujours la petite épingle qui dégonfle le ballon qui est en train de monter.
08:28J'ai raison, je suis dans le bien, on se tient chaud, on a tellement raison d'être comme ça.
08:33Il me semble qu'à la fois comme journaliste et comme écrivain,
08:39c'est une tentation contre laquelle il faut perpétuellement lutter.
08:43C'est pour ça qu'à titre personnel, comme journaliste, je me méfie de l'esprit militant.
08:49Je ne dis pas que cet esprit ne doit pas exister, ni même ne pas exister dans les journaux.
08:53Il existe, et les journaux Libération et Charlie ont mené et continuent à mener certains combats.
08:59Mais, toujours faire le pas de côté, à mon avis, quand on est journaliste, c'est-à-dire se dire,
09:10ai-je raison d'être à ce point-là, comment dire, dans le bien ?
09:16Et donc, cette question auxquelles il n'y aura pas de réponse, la seule réponse possible,
09:24pour moi, elle est formelle, c'est-à-dire à travers le dessin ou à travers l'écrit.
09:28C'est-à-dire, la manière dont on va présenter la chose montre qu'on a quand même un petit clin d'œil,
09:34quelque chose qui dit, oui, mais il faut peut-être en rire un petit peu aussi.
09:41Il ne faut pas trop se prendre au sérieux non plus.
09:46– Iris, pour rebondir sur ton expression, dans l'ère du temps, par exemple,
09:51Me Too, pour toi, ce n'est pas un phénomène dans l'ère du temps, c'est un mouvement de fond ?
09:57– Je dirais que c'était un révélateur de choses qui n'étaient pas suffisamment visibles et lisibles.
10:07Et donc, tout ce qui permet de révéler ce qui se passe, c'est capital.
10:12On a appris des choses, on a découvert des choses, en ce qui me concerne.
10:15Et donc, de ce point de vue-là, comme le dit l'heure,
10:19effectivement, il y a quelque chose de fondamental dans ce mouvement-là.
10:24Après, qu'est-ce qu'on apprend ? On apprend des injustices, on apprend de la violence,
10:29on découvre, et dès que vous êtes confronté à la violence et l'injustice,
10:33vous voulez que la justice passe.
10:37Et là, on se tourne vers l'institution judiciaire.
10:39Et là, il y a une transposition vers l'institution judiciaire
10:44qui, d'un seul coup, se trouve avec la mission de résoudre toutes ces injustices,
10:51de dissuader qu'elles se reproduisent.
10:54Et là, je dirais que les associations, les militants découvrent la justice,
10:59découvrent le problème de la justice, découvrent les limites de la justice.
11:03Et à quel point c'est compliqué aussi de punir sévèrement,
11:06mais de manière pertinente, de respecter les règles, voilà.
11:11C'est vrai que parfois, le militantisme voudrait passer un peu outre.
11:15Donc, comment transposer ce besoin de justice qu'on a tous,
11:18face à des actes de violence qui sont inacceptables,
11:23dans des formes démocratiques et acceptables avec les règles de droit ?
11:28Et c'est là que ça devient aussi compliqué.
11:29Donc, MeToo, c'est un révélateur, mais ça ne suffit pas.
11:32Après, comment transposer ça ?
11:34Comment faire en sorte que la justice soit rétablie, en fait ?
11:37C'est ça dont on a besoin.
11:38On veut vivre dans une société la plus juste possible.
11:41Ce qui est frappant dans MeToo aussi, et qui nous interroge tous,
11:48c'est qu'en fait, ce n'est pas le fait qu'on ne savait pas à un certain moment
11:53que c'est parti du cinéma.
11:54Et quand on connaît un peu l'histoire du cinéma,
11:59les témoignages, les biographies de grandes stars américaines ou autres,
12:03en fait, tout ça a été écrit.
12:05C'est ça qui est frappant, et depuis longtemps.
12:06Il y a eu des livres, d'ailleurs extraordinaires,
12:08qui racontaient de quoi les producteurs étaient capables,
12:12bien avant Weinstein.
12:14Et ils faisaient la même chose que Weinstein,
12:17selon le cas, à des échelles différentes.
12:20Et en fait, c'est toujours quelque chose qui est frappant,
12:23c'est-à-dire comment quelque chose qui a été écrit, acté,
12:27pas qu'une fois, beaucoup,
12:30ne passe pas dans la conscience de la société.
12:34Et puis, à un moment donné, ça se diffuse.
12:37Et qu'est-ce qui fait que ça se diffuse ?
12:39Qu'est-ce qui fait qu'à un moment donné,
12:41comme dans un...
12:42En fait, c'est on dirait une bonbonne de gaz,
12:44dans lequel, à un moment donné,
12:46il y a vraiment quelqu'un qui allume l'allumette,
12:49qui va faire exploser la chose.
12:51Alors que le gaz était là et que finalement, tout le monde le sentait.
12:54Enfin, en tout cas, beaucoup de gens le sentaient
12:57parce que c'était décrit.
12:59C'était là, c'était écrit, c'était dans les films.
13:02Tout ça était là, sous nos yeux.
13:05Et nous le savions.
13:06– C'est tout le problème de ce qu'on a tendance à dire,
13:07c'est la libération de la parole.
13:09En réalité, les femmes ont toujours parlé,
13:11mais on ne les écoutait pas.
13:12Et je crois que c'est vraiment la révolution majeure de Me Too.
13:16Et là, effectivement, c'est presque mystérieux.
13:18Pourquoi aujourd'hui, enfin, on les écoute ?
13:21Peut-être que les réseaux sociaux ont joué aussi,
13:23parce que là, c'est l'aspect positif des réseaux sociaux,
13:25c'est de montrer l'ampleur, l'ampleur.
13:27Même moi, en tant que militante féministe,
13:30au moment de Me Too, je voyais toutes ces hashtags fleurir.
13:32C'était, voilà, ou d'amis qui disaient moi aussi, moi aussi, moi aussi.
13:35C'était très, très, très, très marquant.
13:40Voilà, et en effet, la société commence à entendre ça.
13:44– Est-ce que pour toi, le reproche qui est fait à Charlie
13:47de ne pas être assez aux côtés de ce mouvement et de ses plaintes
13:53et de ses tragédies, en fin de compte ?
13:55Est-ce un reproche justifié ou c'est un malentendu ?
13:58– Mais qui fait ce reproche ?
13:59– C'est tout ce qu'on se disait.
14:01Ce sont des associations féministes qu'on peut appeler polarisées,
14:05qu'on peut appeler multitude de causes qui se mélangent à d'autres causes.
14:09– Mais les grands reprocheurs sont souvent des gens
14:14ou des institutions qui se servent des reproches qu'ils font
14:18pour installer un pouvoir, le leur.
14:21– Je pense que ça dépend de ce dont on parle.
14:25Je pense que beaucoup ne comprennent pas certains dessins, effectivement.
14:31Je pense là récemment, comme j'ai suivi Mazan aussi,
14:34des dessins qui, toujours, peuvent être très mal interprétés.
14:38Je pense au dessin de Félix sur l'amour ouf,
14:40où souvent les dessinateurs font une espèce de juxtaposition
14:43entre deux actualités.
14:44Il y avait la sortie du film L'amour ouf et le procès Pellicot.
14:47Et donc, il écrit, je crois, L'amour ouf en parlant de Pellicot.
14:52Mais à mon sens, c'est évidemment de montrer l'absurdité de ce type,
14:56l'abjection de ce type, Dominique Pellicot,
14:59qui dit qu'il aime sa femme, que sa femme est une sainte,
15:03et qui lui fait subir ça.
15:04Et donc, L'amour ouf avait cette polysémie-là de ouf,
15:09au sens strict de folie, en fait,
15:11même s'il n'a pas été considéré comme fou,
15:12mais de folie de ses agissements,
15:15et de ouf parce que c'est le titre du film.
15:19C'est vrai qu'il faut décoder un peu, je reconnais,
15:23et je comprends aussi, je ne veux pas attaquer des groupes féministes,
15:27parce que je vois bien que certaines ont vécu dans leur chair
15:31de telle violence, une telle réification,
15:37enfin un tel mépris, des viols qu'elles ont subis, etc.
15:41Donc, c'est vrai qu'elles peuvent être à fleurs de peau quand elles voient ça.
15:45Voilà, je peux comprendre leur réaction,
15:49mais c'est vrai qu'après, c'est assez dommageable
15:50que ça prenne tant d'ampleur et que tout le monde dise
15:53« Charlie, la culture du viol, etc. »
15:55Et puis, Charlie, c'est un journal satirique aussi.
15:58Satirique, dans le terme employé, par exemple, de 343 salopes,
16:02c'est un terme impactant pour pouvoir, voilà, faire une forme et le choix.
16:06C'est-à-dire qu'il faut s'accorder sur les messages envoyés.
16:08Et satirique, ce n'est pas « tiens, on va se moquer de Gisèle Pénicaud
16:12parce que ce serait drôle. »
16:13Enfin, en tout cas, moi, après, il y a peut-être eu,
16:16je ne sais pas, peut-être tous les dessins.
16:18Non, mais c'est vrai que bien souvent, les dessins,
16:19ils se placent aussi pour défendre les femmes face à ces agresseurs.
16:26Il y a eu le dessin, enfin, moi, j'avais fait ce dessin de pendule
16:30sur Gérard Miller et maintenant, un « Me Too » hypnose
16:34sans forcément le dessiner.
16:36On voit ça tout de suite.
16:38Là, il y a eu les dessins de Félix, par exemple, qui croisaient aussi
16:41des violences, que ce soit Macron, la République.
16:45Il y a eu des dessins quand même très forts.
16:47Et puis, le fait même que le journal suive le procès Mazan, par exemple,
16:52pour montrer, comme la justice traite ça, pour prendre soin de décrire aussi,
16:59de parfois dessiner les vidéos.
17:02Bon, on rend compte, il faut rendre compte de cette réalité
17:05qui est difficile, mais c'est ça aussi le journalisme.
17:09Il y a un combat qui n'est pas la liberté d'expression et sur lequel,
17:14enfin, il y en a plusieurs sur lesquelles Charlie se sont positionnés,
17:17mais il y en a un où on peut dire précurseur.
17:19Je pense que l'IBE l'était aussi, c'est l'écologie.
17:23Ce combat a évolué beaucoup et est devenu,
17:27je ne dirais pas central comme la liberté d'expression,
17:29mais enfin, il est très visible dans vos pages.
17:31Est-ce que c'est venu de la base des journalistes, des dessinateurs ?
17:35Est-ce que c'est la rédaction qui a décidé de prendre ce sujet plus en avant ?
17:41À une époque où les autres journaux, peut-être, ne le considéraient pas comme important ?
17:45Je crois qu'historiquement, Charlie Hebdo,
17:48quand on lit le Charlie Hebdo des années 70,
17:51dès le départ, il s'est engagé sur cette voie-là.
17:56Je crois qu'une des premières manifestations contre une centrale nucléaire
17:59a été organisée par Pierre Fournier, qui écrivait dans Charlie Hebdo.
18:03Et puis, pendant des années et des années,
18:04Réserve faisait des dessins sur les éoliennes, sur les panneaux solaires,
18:09qu'aujourd'hui, les gens découvrent,
18:11mais enfin, ça fait plus de 50 ans que Charlie en parle.
18:14Je dirais malheureusement que l'écologie,
18:18c'est, comment dire ?
18:19L'écologie oblige à repenser notre rapport à la consommation,
18:24à la société de consommation.
18:25Donc, ça touche des choses très profondes
18:27et c'est très difficile d'être audible en matière d'écologie.
18:32D'abord, parce que l'écologie, je crois que c'est Cabu qui disait ça
18:35à propos du journal La Gueule Ouverte, qui s'avait créé dans les années 70,
18:38l'écologie n'annonce que des mauvaises nouvelles.
18:40Et donc, on fuit, les gens fuient l'écologie
18:42parce que ça va obliger à penser autrement
18:46sa vie, son mode de consommation, la bagnole, etc., les produits de consommation.
18:51Donc, c'est lié à l'histoire de Charlie
18:53parce que c'est lié aussi à la contestation de la société de consommation, en fait.
18:56C'est structurant.
18:59Et je crois que, comme le disait Cavana,
19:00l'écologie, ce n'est pas simplement un problème d'environnement.
19:04C'est vraiment révolutionnaire, l'écologie.
19:06Si on voulait vraiment être dans une logique écolo,
19:09il faudrait entièrement repenser l'organisation de la société.
19:12Donc, c'est peut-être ça, quand aujourd'hui, on parle de radicalisme
19:18à gauche, à droite, à tort et à travers.
19:21L'écologie nous obligerait, si on voulait vraiment être écolo,
19:24à être radicaux dans les changements de notre mode de vie.
19:28Et ça, ça fait peur à tout le monde.
19:29Et c'est vrai que Charlie Hebdo a toujours été très attentif à ça
19:33parce que je crois que c'est presque une réaction épidermique
19:36que tous, au journal, ont toujours eue par rapport à cette folie consumériste,
19:43cette laideur consumériste qui détruit tout pour tout un tas de raisons,
19:50créer des emplois, etc.
19:52Mais c'est suicidaire, en fait.
19:53Au bout d'un moment, c'est le suicide de l'humanité, les problèmes écologiques.
19:57Vous dites que c'est un des problèmes majeurs,
19:59mais c'est peut-être le problème prioritaire
20:01parce que c'est vraiment la survie de l'espèce,
20:03en tout cas, la survie d'un certain mode de vie
20:06ou de survie de notre espèce et des autres espèces.
20:08Donc, normalement, ça devrait être prioritaire.
20:10Et c'est pour ça qu'on est quand même assez attentif à ça, à Charlie Hebdo.
20:14Mais c'est très difficile de transmettre ça
20:17parce que c'est vrai que c'est un discours un peu pessimiste.
20:22Les gens fuient le pessimisme.
20:23Comme l'a dit Iris, moi, j'en suis adolescent, je le lisais.
20:26Il y avait les papiers de fourniers.
20:28Charlie, alors ça, c'est un combat qu'ils ont mené avant tous les autres.
20:31C'est bien celui-là.
20:32Donc, là dessus, et maintenant, il y a Fabrice Nicolino
20:35qui continue à beaucoup écrire et à chaque article, c'est intéressant
20:39parce que l'on voit aussi, il bout, il est dans un état de...
20:45Parce que quand on mène comme lui ou d'autres,
20:49ces combats d'information depuis 20, 30, 40 ans
20:54et qu'on voit que finalement, ça ne change pas.
20:58Ça se déplace un petit peu.
21:00Puis, alors, au-dessus, il y a une couche, comme dans les lasagnes de vernis,
21:03d'une couche morale.
21:05Mais une morale, moi, je suis désolé.
21:07Je pense maintenant, je l'ai dit au débat et je finis par là,
21:10que les gens qui tiennent des discours très écologiques, etc.
21:14J'en connais plein, même, autour de moi et qui prennent l'avion à tout bout de champ.
21:18Pas pour des raisons professionnelles.
21:21Je leur dis, tais-toi, quoi.
21:25Mais il ne me fait pas la morale, en tout cas.
21:27Vous vous engueulez encore beaucoup, Charlie ?
21:29Ça se voit, là, une fois qu'on s'engueule, ça fait une heure.
21:32Non, mais c'est vrai que parfois,
21:35engueuler, ce n'est pas le terme.
21:36Mais oui, des fois, ça peut être un peu vif aussi.
21:40Parce qu'en fait, je crois que les uns et les autres,
21:42on est tous un peu révoltés par quelque chose.
21:44Donc, quand cette révolte s'exprime, voilà, ça peut être, comment dire ?
21:48Et vous n'avez pas forcément les mêmes révoltes ?
21:51Si, mais chacun a sa sensibilité.
21:55Il y en a qui vont être plus sensibles à ça ou à d'autres choses.
21:58Mais globalement, on est à peu près,
21:59je pense qu'on peut dire qu'on a à peu près le même socle
22:03d'indignation commun, voilà.
22:06Sinon, on ne serait pas ensemble, voilà.
22:09Et il y a trois, je dirais, il faut voir qu'à Charlie, ce n'est pas un bloc.
22:13Il y a quand même techniquement trois, j'allais dire trois étages,
22:17mais ils ne sont pas, c'est plutôt des plans parallèles.
22:21Il y a les dessins qui sont
22:25l'identité fondamentale de Charlie quand même,
22:28qui est les reportages et les chroniques.
22:31Moi, j'y suis chroniqueur.
22:32Donc, c'est trois champs
22:37qui s'entrecroisent, mais qui sont quand même bien spécifiques, vous voyez ?
22:40Et donc, pour ce qui concerne les chroniques, par exemple,
22:47là, on voit vraiment aussi
22:50des individualités très, très particulières
22:53qui ne véhiculent pas forcément à fond l'esprit Charlie, vous voyez ?
22:58Par rapport aux dessins qui sont moins dans la satire,
23:03plus dans l'ironie.
23:04Vous voyez, il y a Yann Diener, il y a Yannick Henel.
23:09Donc, c'est un journal aussi où cohabitent
23:12des formes d'écriture tout à fait différentes.
23:16Et c'est tout à fait vrai, parce que même quand on est reporter ou
23:20on fait une enquête, qu'on appelle des personnes, il faut expliquer
23:23qu'on ne va pas se moquer d'eux, parfois.
23:25Et c'est étonnant, parfois ils ont l'impression
23:28qu'ils identifient Charlie Hebdo avant tout comme si on allait à tout moment
23:31faire de la satire.
23:32Voilà. Alors, il s'agit juste de reculer leurs paroles,
23:34de faire un reportage qui va peut-être être un peu différent de d'autres médias
23:37parce qu'on va être un peu plus engagé dans l'écriture.
23:40On va s'autoriser peut-être plus à donner notre point de vue,
23:42mais pas toujours.
23:43C'est vrai qu'il n'y a pas forcément
23:47toujours de la satire dans tous les sujets.
23:50Mais c'est vrai que le chien de traîneau
23:51qui sont devant, qui tirent le traîneau, c'est les dessins.
23:54Donc, ils sont...
23:56Coco, tu te sens coupable de tout ce qu'ils disent ?
23:58Là, il paraît que tu les mets dans des situations pas possibles, il paraît.
24:04Moi, les dessins, les dessins sur l'écologie,
24:07on adore ça, en fait.
24:09Depuis, depuis des années, c'est vrai.
24:13C'est très frappant à lire les archives.
24:16Et jusqu'à Charlie, aujourd'hui, c'est frappant.
24:19Cabu est très engagé.
24:21En fait, tous, ils étaient tous écolos à leur manière,
24:24avec des sensibilités différentes.
24:26Mais tous, ils étaient, c'était un journal où ils étaient tous
24:27sensibles aux questions écologiques.
24:29Brice, j'ai juste une question à te poser à toi.
24:32Et ce n'est pas une question à tout le monde.
24:33Ce n'est qu'à toi.
24:35Mais tu sais que je suis curieux comme je suis journaliste.
24:37Comment va Charlie financièrement, son indépendance ?
24:42Comment tu définirais ces dix années ?
24:45Alors, c'est un souci qu'on a eu depuis dix ans aussi.
24:48Il ne suffit pas de dire on refait Charlie.
24:50Il faut le refaire avec les critères de Charlie,
24:52c'est-à-dire comme depuis toujours, d'être indépendant
24:57d'aucun groupe financier et donc l'économie du journal et les capitales.
25:03Enfin, c'est comme tous les journaux.
25:03Je ne vais pas vous apprendre ça.
25:04Donc, comment faire pour faire un journal totalement indépendant
25:06qui ne doit rien à personne et qui n'a pas au-dessus de lui
25:09une espèce d'épée de Damoclès d'un financier
25:12qui pourrait un jour vous tomber sur la tête
25:14si vous faites quelque chose qui ne vous plaît pas ?
25:16Je crois qu'aujourd'hui, au bout de dix ans,
25:16on peut dire qu'on est toujours indépendant financièrement.
25:20On est à l'équilibre, on est parfois bénéficiaire.
25:25Enfin, on gère, je dirais, sérieusement ça
25:29parce que c'est l'indépendance du journal qui est en jeu et donc l'avenir.
25:32On ne peut pas imaginer Charlie Hebdo qui ne soit pas indépendant financièrement.
25:36La concomitance de ce 7 janvier à venir
25:40et avec le procès Samuel Paty, avec l'arrestation de Boilem Sansal,
25:46ça vous inspire quoi ?
25:53Boilem Sansal, ce qui est assez glaçant,
25:55c'est qu'on a l'impression d'entendre une musique
25:58qu'on avait déjà entendue à notre époque, c'est le Ouimet.
26:01Ça devrait être tellement évident de le soutenir.
26:05En fait, on l'entend, c'est toujours pareil.
26:07La première semaine, tout le monde est indigné,
26:10un peu comme après le 7 janvier.
26:11Puis au bout de quinze jours, on commence à entendre des voix discordantes.
26:14Il n'aurait peut-être pas dû donner une telle interview à tel journal.
26:17C'est avomiant.
26:19Voilà, si vous voulez savoir l'état d'esprit de Charlie Hebdo,
26:22c'est vraiment à gerber.
26:24On a entendu ce Ouimet pour Samuel Paty aussi.
26:26Est-ce qu'il a eu raison de montrer ses dessins ?
26:29Est-ce qu'il n'est pas allé trop loin en montrant certaines caricatures ?
26:32Ce Ouimet, il colle à la peau depuis un moment.
26:36C'est les mêmes mécanismes qui ressurgissent.
26:39Ce n'est pas un peu désespérant de voir que ce Ouimet existe toujours ?
26:42Après, ce Ouimet, il existe chez qui ?
26:46Il existe dans certains petits milieux.
26:48C'est ce que je voulais dire.
26:49Je ne suis pas sûr que quand on voit les réactions d'électeurs de Charlie,
26:53il n'y a pas de Ouimet.
26:54Donc, il ne faut pas non plus être trop pessimiste
26:56et se laisser un peu aveugler par, on va dire,
26:59des voix qu'on nous présente comme des voix d'autorité.
27:04Je ne sais pas si c'est des voix d'autorité.
27:05Moi, il ne faut pas toujours écouter ces gens-là, en fait.
27:08Il y a d'autres voix ailleurs.
27:10Est-ce qu'ils ne l'ont pas un peu cherché ?
27:12On a entendu ça.
27:14Nous, on a eu l'habitude à Charlie.
27:18Je suis assez d'accord avec Ryss.
27:20On accorde trop d'importance à ceux qui véhiculent ce genre de fausses questions.
27:28C'est vrai que ça nous rend...
27:30Déjà, on a le cuireux épais, nous,
27:32parce qu'on a encaissé pas mal ce Ouimet.
27:34On a encaissé, je reparle de l'incendie.
27:36C'est vrai qu'on a eu pas mal de Ouimets à ce moment-là.
27:40Il y a eu des positionnements politiques qui ont vraiment posé des questions.
27:47Jean-Marc Ayrault, son premier truc qu'il a dit après l'incendie,
27:50c'était « Est-ce que Charlie ne met pas de l'huile sur le feu ? ».
27:53Alors que le dessin en question de l'use charia hebdo,
27:58qui venait parler un peu d'un contexte où l'islamisme montait en puissance
28:05avec la montée des nadas en Tunisie et l'astauration de la charia en Libye,
28:09c'est des sujets dont on en parlait dans ce journal,
28:13avec d'autres sujets sur l'écologie, sur Bernard Arnault, sur le gaz de schiste.
28:18Il y avait des tas de sujets dans ce journal.
28:20C'était un journal comme un autre,
28:21mais juste avec cette couverture qui était plutôt marrante.
28:24Et c'est vrai que là où on espère s'attendre avec un soutien unanime,
28:31quand même, un journal brûle, ça devrait indigner tout le monde.
28:34Rapidement, il y a quand même pas mal ce petit truc un peu lancinant,
28:38cette musique qui revient, qui est revenue après l'incendie,
28:44qui est revenue après d'autres dessins, qui est venue après le 7 janvier
28:50et qui est venue encore après sur d'autres sujets,
28:52comme l'assassinat de Samuel Paty.
28:57En fait, ça agace vachement, ça fait chier ce truc-là.
29:01On a envie de s'en décoller et d'essayer de dire mais arrêtez tout ça.
29:08Et on met cette combativité dans nos dessins, heureusement.
29:12– On a entamé ce débat en vous faisant réagir sur les dix ans écoulés.
29:17On peut peut-être le conclure par votre vision de ce que sera Charlie dans dix ans,
29:24en 2035, tu le rises, tu vois, comment tu te vois, comment tu vois Charlie ?
29:32– Moi, je ne sais pas, je ne me vois pas, je ne préfère pas.
29:35Mais non, je pense que dans dix ans, Charlie sera toujours là.
29:39J'espère que Charlie Hebdo ne se reniera pas, en fait.
29:42Et je pense que ce qu'on essaie aussi de transmettre,
29:46on est attaché à des choses presque intemporelles, en fait.
29:52Donc, le bon dessin, c'est celui qu'on comprend 30 ans après,
29:57indépendamment du contexte politique.
29:59Et finalement, on s'aperçoit qu'il y a des dessins qui,
30:0220 ou 30 ans après, on les comprend encore.
30:04Donc, c'est un peu, quand on choisit les dessins, c'est un peu ça aussi,
30:08on se dit, qu'est-ce qu'on a saisi de notre temps, qui sera toujours valable,
30:12qui fera toujours réfléchir dans 20 ou 35 ans, voilà.
30:15Et c'est un peu comme ça qu'on fait le journal, voilà.
30:17Parfois, il y a des sujets un peu futiles,
30:22il y a tellement de polémiques toutes les semaines sur tout et n'importe quoi.
30:25Des fois, on s'égare dans des polémiques sans intérêt.
30:27Donc, moi, j'essaye toujours, et on essaye de bien identifier
30:32ce qui est profond et ce qui est durable, voilà.
30:36– J'ai plus envie de répondre sur ce que seront les enjeux du journalisme
30:42et ce qu'on voit poindre déjà, c'est l'ère des fake news et de la post-vérité.
30:48Donc, c'est vrai que c'est très angoissant parfois de se dire
30:52quel sera le rapport à la réalité des citoyens, des lecteurs dans quelques années.
31:01À mon avis, il faudra faire de plus en plus d'œuvres de lutte contre les fake news.
31:07Et quand même des dirigeants usent de fake news et de post-vérité
31:15quand c'est au niveau de l'État, qu'est-ce que peut-on faire face à ça ?
31:22Ça broie tout le monde, en fait.
31:25– Je ne vois pas, déjà, je ne vois pas du tout…
31:30– Il ne voit pas le lendemain.
31:31– Oui, je ne sais pas trop, déjà, dans dix ans, PNP à mon âme.
31:37Et à l'âme de Charlie, je dirais non,
31:39mais moi je suis assez préoccupé aussi par l'intelligence artificielle.
31:42Je me dis, ces temps-ci, je me dis que Kubrick avait raison
31:46dans 2001, l'Odyssée de l'espace,
31:47mais je ne suis pas sûr qu'il y aura un cosmonaute survivant
31:49pour désactiver la machine quand elle aura pris le pouvoir.
31:53Première chose.
31:54Et la deuxième, en même temps, j'attends avec un certain intérêt
31:57le moment où la machine à qui je donnerai les éléments de données
32:02d'un article que je dois écrire,
32:03écrira un article bien meilleur que celui que j'ai écrit.
32:07Alors ça, c'est un moment qui sera intéressant.
32:10Est-ce que je serai capable de l'admettre, de me soumettre ?
32:14Et est-ce que j'aurais envie de casser la machine ?
32:17Ou bien de me dire qu'il est temps de partir à la retraite ?
32:20Ou est-ce que c'est la machine qui me dira qu'il est temps pour moi
32:23de partir à la retraite ? Je n'en sais rien.
32:25La priorité après l'attentat, ça a été de pérenniser le journal.
32:30Et je pense que ce sera une priorité aussi pour les dizaines d'années à venir.
32:36Le faire toujours en gardant cet esprit qui nous anime,
32:42cet esprit Suarly, ses idées,
32:43cette défense de valeur de notre fondateur Cavana,
32:47qui avait instauré une charte qui est quand même un peu, toujours importante.
32:51C'est comme un mémo dans notre tête, sur combattre le fondamentalisme,
32:57défendre l'inféminisme et une écologie active.
33:01Être le plus libre possible dans ce qu'on dit, ce qu'on écrit ou ce qu'on dessine.
33:08Quand tu parles, par exemple, de nos dessins incompris,
33:10je n'ai pas l'impression qu'on soit si incompris que ça, en fait.
33:13Moi, j'ai toujours l'impression que les gens sont plus Shirley qu'on pense,
33:16parce qu'on se base sur quoi quand on parle d'incompréhension ?
33:21C'est vrai qu'il y a les réseaux sociaux,
33:22mais c'est un terrain qui a un peu faussé les réseaux sociaux.
33:25Il y a beaucoup de trolls, il y a beaucoup de gens qui sont très politisés.
33:28Il y a beaucoup d'extrêmes aussi qui sont là pour imposer leurs idées.
33:32Il y a beaucoup de complots.
33:34Et en fait, dans cette espèce de marasme, c'est dur de dire qui comprend ou pas.
33:40Quand on va faire des expositions,
33:42quand on va parler de dessins auprès des jeunes,
33:47on est très vite compris, en fait.
33:49J'imagine facilement que Shirley, dans dix ans,
33:51continuera à faire ça et à le faire avec des jeunes générations,
33:56comme il a toujours eu le souci depuis ces dix années-là,
33:59parce qu'il y a des gens qui ont été très marqués par cet attentat
34:05et régulièrement, c'est des journalistes qui viennent nous voir
34:08pour nous poser des questions parce que ça les intéresse,
34:12cette façon, ce regard qu'on a de traiter le monde,
34:16d'être à la fois pessimiste et en même temps,
34:19de toujours trouver quelque chose qui dépasse cette gravité
34:23et d'en sortir finalement par le haut.
34:26Ça fait du bien et je pense que les gens s'en rendent compte
34:28parce qu'il y en a beaucoup qui disent
34:30je n'ai plus l'actu parce que c'est désespérant.
34:32Mais quand on voit un dessin et qu'on rit même du désespoir,
34:35là, déjà, il y a une issue, il y a une porte de sortie.
34:38Donc voilà, moi, j'ai bon espoir que le journal soit toujours là,
34:46conquérant dans dix ans, sur le papier, j'espère encore,
34:51parce que j'y tiens, et puis sur le numérique,
34:54parce que c'est un tournant essentiel.
34:56Le site, comme tout le monde maintenant,
34:58a ses putains de téléphones à la con,
35:00on est bien obligés de s'adapter et de mettre les dessins aussi
35:03sur les téléphones, le numérique.
35:05C'est le rêve de Chlo par une auto-optimiste vigoureuse et éclairante.
35:15Je voulais vous remercier d'être venu à l'Ibée pour avoir cet échange
35:21qui était passionnant comme nous l'attendions,
35:24mais qui était aussi irrévérencieux.
35:28Et donc, je me sens très bien avec ce chemin de crête que nous avons passé.
35:34Merci beaucoup et à dans dix ans, donc, autour de cette table.

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