Anne Fulda reçoit Laurence Bost pour son livre «Les gardiens du geste : Sur le chantier de Notre-Dame de Paris» dans #HDLivres
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00:00Bienvenue à l'Heure des Livres, Laurence Bost. Alors vous êtes peintre, on ne reçoit pas souvent des peintres, mais c'est une bonne chose et vous venez de vous avez été, c'est pour ça que d'ailleurs vous avez écrit ce livre, vous avez été accrédité sur le chantier de Notre-Dame de Paris, sur le chantier de reconstruction, ce qui est un privilège qui a donné lieu à la naissance de 40 tableaux qui seront exposés au musée de la Légion d'honneur et des ordres de la chevalerie et qu'on peut donc découvrir dans ce livre qui s'appelle
00:30Les gardiens du geste sur le chantier de Notre-Dame de Paris, un livre qui est publié chez Gallimard avec des textes d'Adélaïde de Clermont-Tonnerre, de François-Olivier Gisbert ou de Sylvain Tesson, alors une expérience j'imagine inoubliable, mais on se demande comment êtes-vous parvenu à obtenir ce pas droit, ce sésame ?
00:51Écoutez, c'est venu de manière assez bizarre, c'est-à-dire qu'en fait je voulais faire une exposition sur le thème des artisans depuis très très très longtemps parce que j'ai beaucoup beaucoup d'admiration pour ces gens-là et puis il se trouve qu'on m'a proposé de faire une exposition dans un endroit à ce moment-là où il fallait trouver un thème, donc j'ai tout de suite proposé ce thème-là et puis c'est vrai que comme il y avait Notre-Dame avec une concentration énorme des artisans, je me suis dit que c'était une super idée et en fait j'ai monté un dossier.
01:20Donc je suis allée voir quelques artisans chez eux, dont les établissements des monts qui étaient en charge de la réfection de la charpente de la Nef, j'ai fait deux-trois tableaux que j'ai présentés au général Georgelin qui était encore là et de fil en aiguille j'ai réussi à avoir cette accréditation et ce qui était merveilleux c'est que j'ai été la seule peintre accréditée pour faire ces portraits et oui c'est un immense privilège parce que j'ai rencontré des gens sensationnels.
01:46Alors comment ça s'est passé ? Vous dites que les artisans, vous avez toujours été intéressée par les artisans, là effectivement il y avait des artisans, des corps de métier que peu de gens connaissent, très divers, qui venaient de France et du monde entier ?
01:58Alors qui venaient de France et du monde entier oui, par exemple il y en a un dont on a un petit peu parlé qui est Hank Silver qui est un charpentier qui est venu des Etats-Unis et en fait il connaissait les artisans des établissements des monts pour la bonne raison, c'est que j'ai appris qu'il y avait cette association incroyable je trouve qui s'appelle Charpentier Centrale.
02:15Donc le mot est très beau, le nom est très beau et donc ils donnent de leur temps pendant une semaine, dix jours, une fois par an et ils vont restaurer gratuitement une charpente d'un monument historique, quelque chose qu'il faut restaurer.
02:33Et donc quand il y a eu cet incendie, il l'a appris, il a appris que les établissements des monts allaient travailler sur la charpente et donc ils l'ont appelé en disant bah voilà si tu veux venir viens, il a tout laissé tomber, il a mis toutes ses affaires dans un garde-meuble et il est venu s'installer pendant plusieurs années en France et d'ailleurs il demande la nationalité française maintenant et voilà donc oui, il y en a qui venaient du monde entier, j'ai appris qu'il y en a qui venaient d'Argentine, il y en a qui venaient d'Angleterre parce que souvenez-vous quand le prince Charles, enfin le roi Charles est venu à Versailles, il l'a remercié justement.
03:02Ces anglais qui aussi travaillaient chez les démons, voilà donc oui j'ai découvert des gens et des métiers très très étonnants vraiment et puis surtout j'ai rencontré des gens d'une immense immense humilité.
03:15Alors justement, vous disiez tout à l'heure que ça vous tenait à coeur de mettre en valeur le travail d'artisan, est-ce que vous trouvez que cette distinction qui est souvent faite entre artistes et artisans a un sens ?
03:30Justement, je trouve qu'en fait elle ne devrait pas avoir de sens et c'est ça moi qui m'agace en fait aujourd'hui, c'est je crois que nous les artistes on devrait d'abord avoir cet état d'esprit de l'artisan, à savoir s'effacer devant ce que l'on produit.
03:44Or on est dans une société qui a tendance à déhifier la personne avant ce qu'elle fait, donc on a une espèce de grand show qui est à l'inverse justement de ce que font ces personnes-là et on a beaucoup beaucoup à apprendre de leur état d'esprit où il y a un, enfin il donne un sens tel à leur oeuvre qu'il s'efface devant leur oeuvre et je trouve que oui, aujourd'hui il y a une différence mais qu'on devrait changer.
04:13Adèle Haït de Clermont-Tonnerre écrit que ce qui a été d'abord perçu comme une tragédie est devenu, s'est transformé en élan et lorsqu'on regarde vos très beaux tableaux, on voit que vous avez représenté tous ces artisans pour la plupart entourés comme une espèce de halo, comme s'ils étaient touchés par une espèce de grâce.
04:32Oui c'est joli, oui, alors ça je ne sais pas si c'est pas voulu, alors il se trouve que ma marque de fabrique entre guillemets de peinture c'est la lumière, mais oui c'est amusant ce que vous dites, il faudra que je regarde parce qu'en fait je n'ai pas remarqué, mais oui en tout cas c'est des gens, en fait j'avais déjà de l'admiration pour eux mais elle n'a fait que s'amplifier au fur et à mesure du temps donc peut-être que c'est aussi lié à ça, je ne sais pas, il y a peut-être de l'admiration qui leur porte qui se trouve derrière eux.
05:01Alors Sylvain Tesson note de son côté que dans vos tableaux tous ces artisans semblent accueillir sur leur visage la même expression de recueillement, un semblable rayonnement d'attention, de sérieux, aux limites parfois de la douleur.
05:12Oui, alors oui ça m'a frappé ce qu'il a écrit, bien sûr qu'il y a de la douleur parce que de temps en temps ce sont des efforts extrêmes, donc forcément ils peinent à l'ouvrage, mais comme ce sont des gens qui ne se plaignent pas, moi de ceux que j'ai rencontrés c'était des gens très joyeux, bien sûr qu'ils peinent, je pense que le soir effectivement ils ont des mains pleines d'ampoules, ils ont mal partout,
05:39mais c'est tellement transcendé par l'amour du beau, du bien et puis des choses bien faites que moi ce n'est pas ce que j'ai remarqué d'abord chez eux.
05:52Très bien, en tout cas je vous conseille vraiment de lire et de voir et de regarder ce livre qui s'appelle Les gardiens du geste sur le chantier Notre-Dame de Paris.
06:01Merci beaucoup Laurence Boeck, vos tableaux sont très beaux, les textes qui les accompagnent le sont également, c'est donc publié chez Gallimard au livre, merci beaucoup.
06:11Non, c'est moi qui vous remercie.