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Estelle Youssouffa, députée de Mayotte (LIOT), reproche au gouvernement sa communication et son inaction à Mayotte, une semaine après le passage du cyclone Chido.

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Transcription
00:00Le 6-9, Simon Le Baron, sur France Inter.
00:07Votre invitée, Hélène Filly, est la députée Liott de la première circonscription de Mayotte.
00:12Bonjour Estelle Youssoupha, les drapeaux sont en berne, une minute de silence, tout à l'heure 11h, c'est une journée de deuil national aujourd'hui,
00:21dix jours après le passage du cyclone Chido à Mayotte.
00:25Et on n'est toujours pas capable, Estelle Youssoupha, de mesurer l'ampleur de la catastrophe ce matin.
00:32L'ampleur de la catastrophe, elle est connue, 90% de Mayotte est détruite, 90% des habitations n'ont plus de toit,
00:40on n'a pas d'eau, pas de nourriture, les secours ont encore du mal à arriver dans les zones humaines.
00:47Les mots ont un sens, vous dites on ne connaît pas l'ampleur de la catastrophe, on ne connaît pas le bilan humain.
00:51Mais l'ampleur de la catastrophe, on le connaît parfaitement.
00:53Ce qu'on ne connaît pas, c'est le nombre de personnes décédées dans les bidonvilles,
00:57on évalue à plusieurs dizaines de milliers de personnes, les disparues,
01:01puisque ces zones qui étaient extrêmement densément peuplées, sont aujourd'hui quasiment vides.
01:06Où sont ceux qui manquent à l'appel ?
01:08A priori, dans les décombres, sous les tonnes de boue et de débris.
01:13Et comment comprendre qu'au bout d'une semaine, on n'arrive pas à y accéder ?
01:18Parce que les bidonvilles sont construites en hauteur sur des zones qui sont très escarpées
01:22et qui en temps normal sont déjà difficiles d'accès.
01:25Mais on peut d'autant moins y accéder qu'on n'a pas assez de secours.
01:28Je voudrais quand même que les uns et les autres se rappellent qu'il y a des vivants,
01:32il y a des personnes à aider, il y a des personnes qui sont blessées,
01:35qui sont au fin fond de Mayotte et pas uniquement dans les bidonvilles,
01:39c'est la quasi-totalité de la population qui a été touchée.
01:42C'est la quasi-totalité de la population qui n'a plus de toit.
01:45Ce n'est pas seulement dans les bidonvilles.
01:47Les Mahoraises et les Mahorais sont nombreux à ne pas avoir vu l'ombre d'un secours,
01:51d'un médecin, de pompiers ont été renvoyés pour certains de l'hôpital
01:56en disant ce n'est pas très grave parce qu'on n'a plus de place.
02:00Et maintenant, il y a des gens qui appellent les secours
02:04ou en tout cas qui essayent de nous contacter,
02:06qui appellent leur famille à l'extérieur pour dire envoie-moi les pompiers.
02:09Il n'y a pas de réseau téléphonique, il n'y a pas d'électricité.
02:12Donc la situation, elle est critique sur l'ensemble de l'île.
02:15Ce n'est pas juste dans les bidonvilles.
02:17Je ne minimise absolument pas ce qu'il se passe dans les bidonvilles.
02:20Mais je voudrais que les uns et les autres se rappellent les priorités.
02:23Les priorités, c'est de sauver les survivants.
02:25Et que là, dans les bidonvilles, il y a a priori plus d'âmes qui vivent.
02:29Vous avez parlé la semaine dernière, Estelle Youssoufa,
02:32de charniers à ciel ouvert devant Emmanuel Macron.
02:36Les bidonvilles en temps normal concentrent des dizaines de milliers de personnes.
02:41Il n'y a que quelques milliers de personnes dans les abris.
02:46Ces personnes ne se sont pas évaporées.
02:49Il n'y a aucun corps qui a été ramené par la mer.
02:52Il n'y a plus de végétation pour que les gens aillent dans les forêts.
02:55Donc en fait, par déduction, ces personnes sont ensevelies
02:59sous les tonnes de boue, de détritus, de tôle.
03:04C'est dramatique et c'est ça que les uns et les autres doivent accepter.
03:08Le silence autour de ces morts, de ces disparus,
03:11c'est quand même que ni les autorités comoriennes, ni leur famille ne les réclament.
03:15C'est une population qui est clandestine, qui par définition n'était pas recensée.
03:20Le sujet de ces disparus dans les bidonvilles,
03:22c'est que l'État ne veut pas assumer qu'il a laissé prospérer ces bidonvilles.
03:26Qui ne s'est pas forcément signalée par quinte d'être expulsée,
03:30notamment qui ne s'est pas mise à l'abri alors que...
03:34Oui, il y a beaucoup de personnes qui n'ont pas cru à la gravité
03:37et les étrangers qui étaient en situation irrégulière
03:39ne sont pas allés dans les abris alors qu'ils y étaient invités
03:42parce qu'ils pensaient qu'ils allaient être expulsés.
03:45Mais quand nous, les élus de Mayotte, depuis des années,
03:47on réclame la destruction des bidonvilles
03:49en disant que non seulement ce sont des terres qui sont occupées illégalement
03:53mais que leurs habitants sont en danger,
03:55c'est précisément, et vous m'avez entendu sur votre antenne,
03:58je l'ai dit à de nombreuses reprises,
04:00pour la sécurité même des personnes qui sont dans les bidonvilles,
04:03il faut les détruire.
04:04Et là, on est face à un cyclone.
04:06Il y a de moins en moins de cyclones à Mayotte à cause du changement climatique
04:10mais tous les experts avaient dit que quand il y en aura,
04:12ils seront de plus en plus forts et dévastateurs
04:15et c'est exactement ce qu'il s'est passé.
04:17Le danger aujourd'hui, c'est de laisser se reconstruire les bidonvilles.
04:22Parce que ce qu'on observe à Mayotte,
04:24c'est ce qu'on est en train d'observer à Mayotte
04:26depuis le soir du premier cyclone.
04:31On voit la population qui a survécu dans les bidonvilles
04:35qui va aller piller les maisons et les écoles et les bâtiments publics
04:39pour aller reconstruire les bidonvilles qui sont des cimetières à sel ouvert.
04:42Je veux dire, c'est irresponsable de laisser faire ça.
04:45Non seulement c'est dangereux pour ceux qui sont en train de reconstruire
04:48sur des amas qui doivent nécessairement concentrer des corps
04:52mais en plus, c'est en train de participer à l'anarchie
04:55qui est en train de s'installer à Mayotte.
04:56Estelle Youssoupha, je voudrais juste qu'on revienne quand même
04:59à l'accès aux services essentiels pour les maorais.
05:01L'électricité, la téléphonie mobile, vous le disiez,
05:04on va encore attendre de nombreux jours.
05:06Qu'en est-il de l'eau ?
05:07Le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau,
05:09promettait hier soir que 90%...
05:11Vous savez, je suis fatiguée d'apprendre ce qu'il se passe sur mon île
05:14dans la bouche de membres du gouvernement.
05:16Monsieur Retailleau, depuis lundi de la semaine dernière,
05:20a fait son opération de communication à Mayotte,
05:23a laissé les parlementaires derrière lui.
05:24Il a amené des journalistes et puis il est reparti.
05:27Je n'ai pas eu une nouvelle, un message du ministère de l'Intérieur
05:31depuis que monsieur le ministre a quitté l'île
05:33et il continue à faire des interviews,
05:35à proclamer des infos qui sont fausses.
05:37Il n'y a pas d'eau à Mayotte.
05:39Il continue à y avoir, dans les zones où on a remis de l'eau,
05:41des coupures d'eau.
05:43C'est-à-dire que dans cette île,
05:45qui est dans une grande détresse humanitaire,
05:47qui est un désert sanitaire,
05:49on continue à avoir des membres du gouvernement
05:51qui font de la com' comme si de rien n'était.
05:53C'est d'une rare obscénité.
05:55Et ce qu'on est en train de voir avec,
05:57par exemple, le ministère de la Santé,
05:59aux abonnés absents sur Mayotte,
06:01aux abonnés absents,
06:03c'est en fait l'obsession générale de la classe politique à Paris,
06:06c'est le remaniement.
06:07Et on voit même le Premier ministre,
06:09qui semble visiblement envisager de faire un remaniement,
06:12un jour de deuil national.
06:13Monsieur qui avait un conseil municipal à peau,
06:16qui n'est toujours pas venu à Mayotte
06:18et qui maintenant envisage d'annoncer son nouveau gouvernement,
06:20un jour de deuil national.
06:22Je ne suis pas seulement bouleversée.
06:26Je trouve que c'est tellement méprisant,
06:29tellement grave,
06:31tellement médiocre,
06:33qu'on n'a plus les mots.
06:35Moi, je suis avec notre population,
06:38qui n'a pas d'eau, pas vu de secours.
06:40Je demande désespérément qu'on envoie l'armée
06:43pour essayer d'éviter qu'on bascule dans l'anarchie.
06:46On est en train de piller les quelques maisons
06:49qui n'ont simplement plus de toit,
06:51qui ont des tôles,
06:52qui sont dans le jardin.
06:53Et on voit les gens,
06:54on a essayé même de piller ma propre maison.
06:56Je veux dire, il n'y a pas de téléphone,
06:58donc on ne peut pas appeler les secours.
07:00Il faut comprendre,
07:01il n'y avait pas assez d'aide,
07:02il n'y a pas assez de secours.
07:04Et là, on continue à avoir la discussion
07:06qui est sur qui va avoir tel poste.
07:09Et le jour du deuil national,
07:10qui est censé nous permettre à nous tous,
07:12non seulement de nous recueillir,
07:13mais d'obtenir une mobilisation plus importante,
07:16et bien là, la petite tambouille parisienne continue.
07:19Et en fait, on s'en fout de Mayotte.
07:21Et ça franchement, c'est grave.
07:23Alors qu'on voit toute la compassion,
07:25la solidarité de nos compatriotes,
07:27leur générosité,
07:28au niveau de la classe politique,
07:29c'est pathétique.
07:31800 policiers, 1200 gendarmes,
07:33près de 900 militaires sont mobilisés
07:35pour ces questions sécuritaires que vous évoquez.
07:38Non, ils ne sont pas mobilisés
07:39sur les questions sécuritaires.
07:40Les policiers, les gendarmes, les militaires
07:43sont en train de se déployer
07:45pour essayer de venir en aide à la population.
07:48Donc ils ne sont pas sur la sécurité.
07:50On parle d'urgence.
07:51C'est la première des urgences,
07:52venir en aide à la population.
07:53Madame, vous-même,
07:54venir en aide quand vous avez des attaques
07:58contre les secours,
08:00la première des choses, c'est la sécurité.
08:02C'est la distribution de l'eau
08:04qui crée ce genre de tensions ?
08:05Non, pas du tout.
08:06Je parle de caillassages et d'attaques
08:08sur un camion de pompiers à Tsunzou,
08:11la nuit de mardi à mercredi.
08:13Et j'étais dans le convoi.
08:15Donc je l'ai vu de mes yeux.
08:16Un camion avec des secours
08:18qui étaient en train d'essayer de se déployer
08:20et les bandes violentes qui vont les agresser.
08:23Donc la sécurité,
08:24quand vous avez toute la population
08:25qui est livrée à elle-même,
08:27sans eau, sans électricité, sans lumière,
08:29et que vous avez des bandes qui rôdent
08:31et qui vont menacer les gens
08:32qui ont survécu,
08:33vous comprenez que non,
08:34la première des choses, c'est la sécurité.
08:36Parce que non seulement
08:37on n'aura pas d'eau, pas d'électricité,
08:38pas de bouffe,
08:39mais en plus,
08:40on se fera assassiner par les voyous.
08:41Estelle Youssoupha,
08:43on entend votre colère ce matin,
08:44votre émotion.
08:45Merci beaucoup, député Liot.
08:47Désolée, j'aurais voulu réussir à garder mon calme,
08:50mais en fait, je suis profondément indignée.
08:52Merci d'avoir été avec nous dans ce studio.

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