À 8h20, un Grand Entretien consacré à la situation à Mayotte après le passage du cyclone Chido. Avec nos invités : Patrick Coulombel, Philippe Da Costa, Raphaël Cann, Thani Mohamed Soilihi et Estelle Youssouffa. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-mardi-17-decembre-2024-9169410
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00:00Et avec Léa Salamé, nous vous proposons ce matin de faire le point sur la situation à Mayotte,
00:06dévastée le week-end dernier par l'ouragan Shido. Pour en parler, Léa ?
00:10Cinq invités. Tani Mohamed Soali, secrétaire d'État chargé de la francophonie et des partenariats internationaux.
00:16Il est maorais et il sera en ligne avec nous de Mayotte, où il est arrivé avec Bruno Retailleau.
00:22Raphaël Kahn, journaliste de Mayotte La Première. Vous couvrez cette catastrophe sur place, heure par heure.
00:27Bonjour à vous. Estelle Youssoupha, vous êtes députée de Mayotte, membre du groupe Liott.
00:30En direct de Mayotte également. On est en plateau et en studio avec Philippe Dacosta, président de la Croix-Rouge française.
00:36Merci d'être là. Et Patrick Coulombel, architecte urgentiste et cofondateur des Architectes de l'urgence. Bonjour à vous également.
00:44Et soyez tous les bienvenus. Rappelons que Mayotte a connu samedi le cyclone le plus dévastateur sur l'archipel depuis près d'un siècle.
00:53On craint un bilan dramatique. Plusieurs centaines, peut-être plusieurs milliers de morts.
00:57A dit le préfet, l'habitat précaire a été rasé. Un témoin parlait de films d'horreur, de seconde guerre mondiale.
01:06Dites-nous, Estelle Youssoupha, vous qui êtes députée de Mayotte, qui venez d'arriver sur place.
01:14Dites-nous ce que vous avez vu. Décrivez-nous l'état de l'île tel que vous avez pu l'apercevoir.
01:23Je pense qu'on peut considérer que 90% des gens...
01:30La ligne est compliquée. Est-ce que Raphaël Kahn est avec nous et nous entend mieux ?
01:40Oui, tout à fait. Déjà, ce qu'on peut dire, c'est qu'autour de nous, à Mayotte, c'est vraiment des scènes de désolation.
01:47Là où se trouvaient avant les bidonvilles, maintenant il n'y a que des collines avec des champs de ruines.
01:53Ce qui était avant de la verdure est désormais plus que de la terre sèche.
01:58Même les bâtiments en dur sont ravagés, des toitures arrachées dans tous les sens,
02:03que ce soit chez les particuliers, mais aussi dans les bâtiments publics.
02:07On a encore beaucoup de mal à avoir une idée aussi précise de la situation,
02:11puisque 80% du réseau mobile est toujours coupé.
02:15On est toujours sans nouvelles de certains villages.
02:18Toutes les routes n'ont pas encore été dégagées.
02:21Donc, on n'a pas encore une idée exacte, précise de la situation.
02:24C'est surtout ça l'inquiétude de beaucoup de Mahorais qui sont toujours sans nouvelles de leurs proches
02:31et qui ne parviennent pas non plus à recevoir les informations.
02:35Et donc, c'est inquiétude.
02:37On annonce des renforts, l'arrivée de tonnes de vivres, d'eau, de renforts, de secours.
02:42Mais ça, beaucoup de Mahorais n'arrivent pas à avoir cette information
02:46et s'inquiètent des jours à venir de savoir s'ils auront même de quoi s'abriter,
02:51des secours et de quoi avoir de la nourriture et de l'eau potable.
02:55On le rappelle, c'est l'œil du cyclone qui a traversé l'île samedi,
02:59d'où son extrême violence.
03:00Raphaël Kahn, est-ce que la sidération, le choc règne toujours trois jours après ?
03:06C'est les Mahorais que vous rencontrez ?
03:10Oui, c'est toujours la sidération.
03:11Alors, la première réaction est bien souvent de nous demander des nouvelles,
03:16de savoir quelle est la situation ailleurs.
03:18Est-ce qu'on a eu des nouvelles de tels villages ?
03:21Beaucoup sont encore sous choc.
03:23Alors, c'est souvent ce qui est salué dans le caractère des Mahorais, c'est la résilience.
03:29Et dès le passage du cyclone, rapidement, on a entendu les bruits des coups de marteau,
03:34les bruits des disqueuses, de tout le monde qui essayent de se mettre à pied de rœuvre
03:39pour essayer de réparer les dégâts, même dans les villages isolés
03:44qui n'ont toujours pas vu de secours, les habitants commencent déjà eux-mêmes à déblayer la tôle.
03:51C'est le cas, par exemple, dans les communes où il y avait auparavant des bidonvilles.
03:56Les habitants commencent déjà à essayer de récupérer la tôle
03:59et de reconstituer, comme ils peuvent, des cases pour avoir un lieu où s'abriter.
04:05Estelle Youssoupha, on vous a retrouvée.
04:07Je rappelle que vous êtes députée de Mayotte, que vous êtes à Mayotte en ce moment même.
04:14Je vous repose la question que je vous posais tout à l'heure.
04:17Qu'avez-vous éprouvé, ressenti, en voyant l'état de l'île trois jours après le passage du cyclone ?
04:26En fait, Mayotte est méconnaissable.
04:2990% des maisons en dur ont perdu leur toit.
04:33Il n'y a plus une seule feuille sur les arbres qui ont tous été décapitées.
04:39Mon circonscription, c'est la Petite-Terre et puis le nord de l'île avec Mamoudzou.
04:47C'est la circonscription où se concentrent les bidonvilles.
04:50Et les bidonvilles ont été totalement rasées.
04:53La population qui était dedans a été engloutie par les coulées de boue et les tôles.
05:00En fait, ce qui est très dur, c'est de voir le silence et de voir aussi peu de personnes dehors.
05:10C'est plus que la destruction, c'est de voir que les populations sont très peu nombreuses, en fait,
05:19par rapport à notre population habituelle.
05:23Ce sont des zones dans le nord qui sont très, très densément peuplées, qui grouillent de vie normalement.
05:29Et là, en fait, il n'y a quasiment pas de circulation, mais il n'y a surtout personne dans les rues.
05:35Et cette nuit, la nuit était noire, très noire.
05:39Il n'y avait seulement la pleine lune.
05:41Il n'y a plus d'éclairage public.
05:43Et normalement, chaque matin, on est réveillé par les mosquées qui se répondent.
05:49Et il n'y en avait qu'une seule qui raisonnait.
05:53Donc c'est un silence qui est particulièrement angoissant.
05:58Effectivement, ce matin, il y avait un peu plus d'activité et on voit les gens qui commencent à s'agiter pour reconstruire.
06:05Et c'est aussi très, très dur de ne pas pouvoir joindre les familles et les villages.
06:12Donc on essaye de se rassurer les uns les autres, puisque certains ont circulé
06:17et ont fait savoir qu'il y avait beaucoup de dégâts matériels,
06:22mais a priori moins de victimes dans les villages, parce que ce sont principalement des maisons en dur qui ont perdu l'eau,
06:30mais dont les habitants sont normalement sains et saufs.
06:34Mais effectivement, c'est très dur d'être loin.
06:37Et je suis comme beaucoup de foyers.
06:40J'ai perdu ma maison et ma famille a vécu l'enfer.
06:43Et j'ai la chance qu'ils soient vivants.
06:46Et c'est tout ce qu'on se dit quand on circule et qu'on se voit dans les rues.
06:52On se dit au moins on est chanceux, on est vivant.
06:55Oui, c'est ça. Ils sont vivants.
06:56C'est ce que vous dites ce matin.
06:58Le bilan humain va être très difficile à établir, a dit Bruno Retailleau hier.
07:02Il prendra des jours, peut-être des semaines.
07:06Qu'en est-il de ce bilan humain ?
07:07Est-ce que vous avez des informations qui vous remontent ?
07:11Je sais que les informations ont beaucoup de mal à passer, mais qu'en est-il ?
07:14Vous qui êtes députée de Mayotte, est-ce que vous avez des remontées ?
07:18Alors, il y a eu un imam qui a expliqué avoir enterré plus d'une trentaine de personnes
07:25dans le bidonville de la Vigie, en Petit-Père.
07:28Je ne sais même pas si ça s'est rentré dans le bilan officiel.
07:33Je pense que le bilan réel des personnes qui ont été remportées par la boue
07:40et les vents et les tôles dans les bidonvilles, on ne le saura jamais
07:44puisque, par définition, c'est une population en situation irrégulière,
07:48c'est une population clandestine.
07:50C'est d'ailleurs pour ça qu'elle a été la principale victime de ce drame,
07:55parce qu'en fait, elle a eu peur d'aller dans les abris.
07:57Elle a eu peur d'aller au-devant des autorités
08:01quand on l'avait appelée à aller dans les refuges.
08:04Et donc, je pense qu'on n'aura jamais le décompte exact,
08:09le décompte de la population officielle,
08:13au fur et à mesure qu'on va dégager les routes et que les jours vont passer,
08:17on aura de plus en plus de blessés qui vont être acheminés
08:21vers l'hôpital et vers l'hôpital de campagne.
08:24Et puis, tous les jours vont passer quand les unités synophiles
08:28et les secours vont commencer à arriver massivement de l'Hexagone.
08:34On va réussir à pouvoir sortir des corps s'il y en a, des décombres,
08:39mais j'ai peur que le bilan réel ne soit pas jamais connu.
08:43Par ailleurs, un moyen qui était engagé, c'était de penser
08:48qu'une fois qu'il y aurait le retour à l'école, on compterait les absents,
08:53sauf qu'en fait, les écoles sont quasiment toutes détruites,
08:56tous les établissements scolaires,
08:58et que ceux qui sont encore debout servent d'abri.
09:01Donc, se pose une question effectivement pour le bien,
09:05mais aussi pour la scolarité de tous les enfants.
09:08Vous savez que la population à Mayotte, c'est environ un demi-million d'habitants,
09:12et la moitié des personnes de moins de 20 ans, des enfants.
09:16Donc, il y a un sujet vraiment pressant.
09:19Là, on est en vacances scolaires déjà,
09:22mais en fait, on ne voit pas comment on va pouvoir continuer l'année scolaire.
09:27Et effectivement, cette question de savoir comment on va pouvoir reprendre la vie
09:34au-delà du rétablissement de l'eau, de l'électricité,
09:37et l'acheminement de la nourriture,
09:39vu que beaucoup de professeurs et d'enseignants ont perdu eux-mêmes leur maison,
09:44on va assister à un exode des fonctionnaires qui permettent de faire tourner Mayotte.
09:50Donc, on a vraiment une question au-delà de notre survie immédiate,
09:56de comment faire fonctionner cette île.
09:58Il y a beaucoup de Mahoraises et de Mahorais qui sont dans l'Hexagone ou à la Réunion,
10:03qui sont en poste loin et qui veulent pouvoir rentrer pour donner un coup de main.
10:07Mais de manière générale, la continuité des services publics
10:10et réussir à remettre en route l'île vraiment,
10:15va être une tâche dantesque.
10:17Dantesque.
10:18Philippe Dacosta, la Croix-Rouge française que vous présidez,
10:21a des volontaires sur place qui participent aux opérations de secours
10:25depuis les premières heures de la catastrophe.
10:28Vous parlez du pire scénario qui pouvait arriver.
10:33C'est ce que vient de décrire Estelle Youssoupha ?
10:36Absolument, je pense que sur le territoire national,
10:38nous avons là un événement qui dépasse ce que nous avons connu avec Irma, avec Hugo
10:42et les cyclones qui ont pu affecter nos territoires ultramarins.
10:45Nous avons près de 400 volontaires sur place
10:47et nous avions envoyé des équipes prépositionnées avant l'arrivée du cyclone.
10:52Et le constat aujourd'hui, c'est qu'il est très difficile de faire une évaluation
10:56et d'avoir un regard complet sur la situation.
10:59C'est un véritable défi logistique.
11:00Il se trouve que nous avons à Sainte-Marie, à Saint-Denis, à côté de l'aéroport,
11:06notre base, la plateforme d'intervention régionale de l'océan Indien
11:09que nous inaugurions il y a trois semaines
11:11et qui est destinée à apporter pour l'ensemble des sociétés Croix-Rouge et Croissant-Rouge de la zone,
11:16un appui.
11:17C'est près de 1000 m² qui sont à disposition avec du matériel.
11:20Et toute la difficulté aujourd'hui que nous rencontrons,
11:23c'est évidemment de faire cheminer, que ce soit des unités de traitement d'eau,
11:28que ce soit un hôpital que nous avons sur place modulaire,
11:31que ce soit évidemment des bâches, que ce soit des tentes pour la mise à l'abri.
11:36Et on a une forme d'étranglement.
11:39Et donc tout ça va se lever dans les jours qui viennent,
11:42heure après heure, jour après jour.
11:44Et on va pouvoir intervenir beaucoup plus.
11:46Mais sur le système de santé, comment on soigne les blessés ?
11:48Vous dites que vous avez une structure sur place.
11:51La ministre de la Santé Geneviève Dariussecq déclarait que l'hôpital était très dégradé,
11:57très endommagé, que les centres médicaux également étaient inopérants.
12:00Comment vous travaillez là pour soigner les blessés ?
12:03Est-ce qu'ils arrivent chez vous ? Quelles sont les remontées ?
12:05Parce que sur les 400 volontaires de la Croix-Rouge que vous avez sur place,
12:07je crois que vous n'avez pu en joindre à ce stade qu'une soixantaine.
12:10Alors qu'est-ce qu'ils vous disent ? Et de quoi ont-ils besoin ?
12:13Parce que tous les gens qui nous écoutent ce matin ont envie d'aider.
12:17Il y a la Croix-Rouge qui a fait un appel aux dons, la Fondation de France, le Secours Populaire.
12:23Comment on peut aider et où va l'argent ?
12:26Absolument, il faut organiser les secours.
12:28Le défi est un défi logistique.
12:30L'acheminement de matériel, il y a un besoin alimentaire, un besoin en eau,
12:34un besoin en matériel médical et évidemment sanitaire.
12:38Évidemment, un des enjeux c'est aussi le personnel qu'il faut apporter en renfort,
12:42mais aussi des unités hospitalières qu'il va falloir déployer sur site.
12:46Donc il y a tout un cheminement qui est en train de s'opérer actuellement,
12:50qui va permettre de répondre sur ces enjeux-là.
12:53Et de façon très claire, il faut conditionner ce matériel et le mettre dans des avions, des cargos.
12:59Et donc la demande est plutôt en dons financiers,
13:02ce qui permet d'aider directement, de commander directement des bâches, des tentes, des géricanes,
13:08de quoi y compris des postes d'énergie qui permettent d'apporter des réponses aux populations.
13:14Donc vous avez besoin aujourd'hui d'argent pour aider les maorais ?
13:17Aujourd'hui, l'appel est véritablement sur urgence Mayotte, sur notre site Croix-Rouge,
13:22et un appui des Français qui peuvent soutenir l'action qui va s'inscrire dans la durée.
13:27Parce qu'il y a l'urgence, mais il y aura la post-urgence et ensuite la reconstruction.
13:31Et vous parlez de la nourriture, et on précise que la faim commence à poindre.
13:38C'est ce qu'on lit, les enfants, les petits-enfants, les bébés commencent à ne pas avoir de quoi se nourrir.
13:43Et nous avions déjà sur place des problématiques d'eau,
13:46et les fontaines étaient un élément très important déjà sur lequel la Croix-Rouge intervenait.
13:50Et l'enjeu, il est véritablement d'apporter ces biens essentiels aux populations.
13:54Patrick Coulombelle, quand un cyclone frappe, on l'a entendu dans les propos d'Estelle Youssoupha,
14:02et dans ceux de Raphaël Kahn, de grandes zones, de bidonvilles,
14:06et qu'on est architecture urgentiste, quelle est l'urgence précisément ?
14:11De toute façon, on ne récupère pas grand-chose.
14:13Comme c'est construit de manière très aléatoire, avec des matériaux qui sont extrêmement légers,
14:17des forts vents, ça balaye tout.
14:20Ce que l'on sait à l'expérience, et il faut espérer,
14:25c'est que généralement, lors de cyclones, les morts par le vent sont relativement peu importantes.
14:32Il y a des blessés, mais les morts sont relativement peu importants.
14:35Tous les gros cyclones, lorsqu'il y a beaucoup de morts, sont généralement générés par l'eau.
14:40Ce soit de la submersion marine ou des coulées de boue, ce genre de choses.
14:45Là, en l'occurrence, s'il y a des coulées de boue, ça peut être un vrai problème,
14:49parce que ça peut embarquer plein de gens, et on a des conséquences derrière qui sont très difficiles,
14:54et qui peuvent être quantifiées en pertes humaines relativement importantes.
14:56Dans l'immédiat, on n'a pas trop d'éléments, et jusqu'à maintenant,
14:59on n'a pas d'éléments concrets qui nous disent qu'il y a ce genre d'événement.
15:03Et tant mieux, il faut s'en rassurer.
15:05Sinon, pour la partie constructive à proprement parler,
15:07les vrais enjeux pour les gens, de toute façon, vous le disiez, on l'entend partout,
15:12c'est que les gens commencent à reconstruire.
15:14Ils se débrouillent comme ils peuvent, comme ils l'ont fait avant.
15:17C'est-à-dire qu'ils sont dans des situations extrêmement précaires.
15:19Pour les gens qui étaient dans les bidonvilles, ils se refont un abri.
15:23Comment ils font ? Avec de la tôle ?
15:25Ils récupèrent, ils vont faire...
15:27L'économie circulaire, là, ils n'ont pas le choix.
15:29C'est tout simple, l'économie circulaire, ils la mettent en place de manière automatique.
15:32On n'est pas en train d'avoir une réflexion intellectuelle, c'est de la survie.
15:35Donc ça, ils le font.
15:36Mais ça, c'est dans tous les pays du Tiers-Monde.
15:38On est sur une problématique, pour un certain nombre de la population,
15:40qui est quand même relativement importante, d'une problématique du Tiers-Monde.
15:43Quand on voit sur les écoles, par exemple, on parlait des écoles.
15:45Les écoles, elles vont à l'école le matin et l'après-midi.
15:48C'est-à-dire que ce ne sont pas les mêmes le matin que l'après-midi.
15:50Parce qu'il n'y a pas de salle de classe.
15:51Parce que c'est un vrai problème.
15:53Il y a un vrai sujet sur l'éducation, là-bas, aussi, qui était latent.
15:58C'est-à-dire qu'on avait un vrai problème qui est à la fois sur l'habitat.
16:01Il y a un énorme habitat précaire qui n'est pas réglé.
16:04Il y a un problème sur le logement.
16:09On sait très bien qu'il y avait une crise latente.
16:12Aujourd'hui, avec un cyclone comme celui-ci, ça va être très compliqué.
16:15Vous aussi, architecte de l'urgence, vous faites un appel au don.
16:19Concrètement, si on donne à votre association, c'est pour faire quoi, là, dans l'urgence ?
16:23Alors, architecte de l'urgence, nous, on a du matériel.
16:26Notre défi, en ce moment, nous, on est surtout sur du matériel technique,
16:29à savoir des bâches pour les couvertures, parce que ça, ça va être extrêmement important.
16:32Du petit matériel pour pouvoir retaper de la reconstruction
16:35et faire des aménagements assez urgents.
16:37Et puis, derrière ça, sur des problématiques qui vont être vraiment de la reconstruction.
16:41Dans un premier temps, ce que l'on veut faire sur place, c'est faire de la mise en sécurité.
16:44Il y a des architectes qui sont sur place.
16:46Il y a des ingénieurs.
16:47Il y en a à La Réunion, mais il y en a aussi sur place.
16:49Il n'y en a pas tant que ça.
16:50Il y en a une trentaine d'architectes qui sont sur place en poste.
16:53Mais en réalité, on va faire venir des gens de La Réunion qui vont intervenir sur la mise en sécurité.
16:56Et puis, derrière ça, il y a les vraies opérations de reconstruction où il faudra de l'argent.
16:59Et l'argent, vu la conjoncture dans le pays aujourd'hui, il y a des vraies questions à se poser.
17:04Je crois que la générosité publique, elle ne sera pas rien.
17:07Et ce sera quand même nécessaire aussi.
17:09C'est-à-dire qu'aussi bien des gens comme la Croix-Rouge, la Fondation de France ou même des gens comme nous,
17:13il va falloir nous assister, nous aider pour pouvoir faire des programmes qui puissent tenir la route.
17:17Et puis, travailler sur des modèles constructifs qui soient aussi différents.
17:20Et la vraie question, c'est est-ce qu'on va laisser faire de l'habitat informel ou est-ce qu'on va avoir une vraie logique ?
17:24Là, c'est une question qui se pose au niveau de nos gouvernants.
17:26C'est à eux de se positionner et de dire carrément, on veut ça ou on veut ça.
17:30Le bien, le terrain, il faut le trouver.
17:32Comment on l'attribue ? Comment on fait avec tous ces gens ?
17:35Comment on fait ?
17:36Il y a l'urgence et il y a la reconstruction qui va venir sur le moyen terme,
17:40enfin même sur le court terme, qui va venir assez vite.
17:42Est-ce qu'on reconstruit en dur ?
17:44Est-ce qu'on a les moyens ? Est-ce qu'on donne les fonds pour reconstruire ?
17:47Justement, ça c'est un vrai débat de fond.
17:48Parce que sur le débat de fond, c'est est-ce qu'on fait du temporaire ?
17:51La problématique du temporaire, on la connaît par cœur.
17:53On s'est fait arroser comme ça avec Haïti.
17:55On a vu l'échec total que c'était Haïti.
17:57C'est-à-dire qu'on a fait de l'habitat temporaire à Volo pendant des années,
18:01nous interdisant quasiment de faire du dur.
18:02Résultat des courses, il n'y a quasiment pas eu de construction définitive qui ont été faites.
18:06Et on a réinstallé des bidonvilles.
18:07C'est ça qui s'est passé à Voreprinz, ce qui est un véritable scandale.
18:10Donc il faut essayer d'avoir une intelligence et de faire les choses autrement
18:13pour qu'on puisse faire mieux et construire définitivement
18:16pour avoir des constructions qui tiennent sur les séismes
18:18et qui tiennent aussi sur les prochains cyclones.
18:20– Estelle Youssoupha, des habitants évoquent un climat d'insécurité,
18:26des scènes de pillages dans la zone industrielle de Mamoudzou.
18:301600 policiers et gendarmes sont mobilisés sur le terrain.
18:35Vous appelez Emmanuel Macron à déclarer l'état d'urgence
18:39et déployer l'armée pour protéger la population.
18:43On en est là ?
18:45– Oui, alors je souhaite quand même clarifier ce qui a été dit
18:50parce qu'il y a quand même quelque chose de très important.
18:54La question des bidonvilles, qui sont aujourd'hui des cimetières à ciel ouvert,
19:00il n'est pas question de laisser reconstruire les bidonvilles.
19:03Franchement, là, on a la preuve de l'irresponsabilité
19:08de laisser des personnes vivre dans des conditions pareilles.
19:11Ce n'est pas acceptable, c'est indigne, mais c'est dangereux.
19:16La question de la reconstruction à Mayotte, et j'entends la comparaison avec Haïti,
19:21on parle d'un département français qui, depuis des décennies,
19:25est laissé dans le bricolage.
19:28On laisse entrer la moitié de la population en situation irrégulière
19:32dans des conditions inadmissibles.
19:34Là, on va les enterrer.
19:36Enfin, je veux dire, il faut quand même arrêter.
19:38Nous, Mahoraises et Mahorais, on veut une reconstruction qui soit durable,
19:43qui soit cohérente, qui soit solidaire, qui soit responsable.
19:49On ne peut pas envisager que Mayotte ait survécu pour repartir dans l'anarchie,
19:54que ce soit l'anarchie urbaine ou l'anarchie sociale,
19:59ou encore, comme vous le dites, la question de l'insécurité.
20:02Là, oui, effectivement, il y a plus de 1600 policiers et gendarmes
20:07qui sont déployés à Mayotte, mais c'est 70 policiers
20:11qui circulent dans le Grand Mamoudzou pour patrouiller H24,
20:15selon les chiffres que nous a donnés M. Rotaillot,
20:18et 150 gendarmes pour toute l'île,
20:21pour une population réelle qui était, avant le cyclone,
20:24d'environ un demi-million d'habitants.
20:26Donc, en fait, nos forces de l'ordre, et c'est normal,
20:30protéger les sites sécurisés vitaux pour l'île
20:34et surtout permettre que les axes stratégiques fonctionnent,
20:38c'est-à-dire accéder à l'hôpital, protéger la barge
20:42qui fait la liaison maritime pour le personnel de secours
20:45entre la Petite-Terre et la Grande-Terre,
20:47c'est-à-dire rétablir aussi la circulation,
20:49c'est-à-dire que même les policiers et les gendarmes,
20:52qui eux-mêmes ont été frappés dans leur base, dans leurs habitations,
20:56au commissariat de Mamouzou, qui a été quasiment détruit,
20:59eux-mêmes attendent les renforts.
21:02Et donc, pour nous, pour notre sécurité, la sécurité publique,
21:06les pillages en masse, qu'on a pu voir ailleurs,
21:09n'ont pas commencé, mais par contre, les pillages,
21:12entre autres des maisons qui ont été détruites,
21:15où on va voler les tôles et les biens
21:18pour aller reconstruire dans les bidonvilles illégaux,
21:21c'est ce qui est à l'œuvre actuellement.
21:23Et ça, c'est pas admissible.
21:25Quand les gens viennent en bandes rodées
21:28pour aller piller les maisons, ça, c'est pas tolérable.
21:32De la même manière, il y a déjà eu des caillassages
21:36et des attaques de bandes dans lesquelles des soignants
21:39qui sont venus pour aider Mayotte ont été pris.
21:42Donc, quand je demande l'état d'urgence, c'est pas parce qu'on fait,
21:46on dramatise, c'est parce qu'on ne peut pas permettre
21:49que l'anarchie s'installe.
21:51Reprendre le contrôle est beaucoup plus difficile
21:54dans le péché que le chaos prenne le dessus.
21:58Bien compris. Merci Estelle Youssouf.
22:01Un dernier mot au président de la Croix-Rouge,
22:04ce matin, à nos auditeurs. Le message a passé.
22:07Écoutez, c'est un appel à la solidarité,
22:09parce que nos compatriotes ont été particulièrement affectés.
22:12Nous avons un défi qui va s'inscrire dans le temps
22:14et il faut accompagner nos compatriotes maorais dans le temps.
22:17Merci de votre appel que vous partagez, j'imagine aussi, Patrick Coulombelle.
22:22Merci à tous les deux d'avoir été ici en studio.
22:25Merci à Estelle Youssoufa et à Raphaël Kahn
22:28qui étaient en direct avec nous ce matin de Mayotte.
22:31Il est 8h46.