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Marketing, réseautage, méga-galeries… Les pratiques de communication dans le secteur des galeries, parfois critiquées, trouvent leurs origines dès le XIXe siècle. À cette époque déjà, certains acteurs du monde de l’art maîtrisaient ces stratégies avec finesse. Georges-Philippe Vallois, fondateur de la galerie Georges-Philippe et Nathalie Vallois, et ancien président du Comité professionnel des galeries d’art, est l’invité d’ART & MARCHÉ à l’occasion de la publication de Histoire des galeries d’art en France, un ouvrage qui retrace l’évolution de ce secteur jusqu’à nos jours.

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00:00Je suis ravie de recevoir en plateau Georges-Philippe Valois de la galerie
00:07Georges-Philippe et Nathalie Valois, ancien président du comité professionnel des galeries
00:11d'art qui a organisé le projet de livre Une histoire des galeries d'art en France du milieu
00:16du 19e siècle à nos jours. Merci beaucoup d'être avec nous. Merci à vous de me recevoir. Alors vous
00:21m'expliquez que ce projet, ce livre était un projet de longue haleine. Est-ce que vous pouvez
00:25nous dire tout d'abord pourquoi est-ce que vous avez voulu organiser l'édition de ce livre ?
00:32D'abord parce que l'histoire des galeries n'existait pas et c'est assez paradoxal pour une profession qui
00:36existe depuis plus de 150 ans. Que par ailleurs cette histoire se devait d'être écrite non pas
00:43par les galeries mais sous l'autorité des galeries. Qu'elle était de surcroît en train d'être
00:48accaparée par les maisons de vente qui disons à chaque vacation invitait des scientifiques
00:54pour parler de l'histoire des galeries ainsi valoriser leur lot mais que finalement nous
00:58étions perçus dans la plupart des cas comme des acteurs du commerce mais en aucun cas comme des
01:02acteurs de l'histoire de l'art ce que nous sommes. En plus d'être des acteurs commerciaux on fait
01:06vivre des artistes mais on a aussi permis à la liberté artistique de s'exprimer et cela au
01:10tournant du 19e siècle. Ce que j'ai trouvé assez frappant en tout cas dans le livre c'est que
01:15on voit un peu tous les rouages commerciaux des galeries et des galeristes qui remontent
01:21au 19e siècle et en fait on parle souvent des croisements entre entre marketing et galerie
01:29etc et en fait tous ces rouages là ça remonte à super longtemps et on voit qu'ils existaient déjà
01:35au 19e siècle. Oui c'est vraiment fascinant parce que dès le 19e les méga galeries arrivent, il y a
01:41une différence entre des galeries artisanales et des galeries qui se veulent beaucoup plus
01:44commerciales avec des espaces très imposants. En fait tous les codes qui existent aujourd'hui
01:50se mettent en place à cette époque là et je regardais un peu avant de venir, je relisais
01:54un petit peu et il y a des galeries, par exemple la galerie Goupil qui très tôt s'installe à
02:02Amsterdam, à Londres, à Berlin, ouvre une surcursale aux Etats-Unis. On est dans les années 1850-1860.
02:09Ces gens ont vraiment une ambition et une stratégie commerciale qui ne seraient pas
02:17désavoués par nos méga galeries d'aujourd'hui entre guillemets. Parallèlement et comme c'est le
02:20cas aujourd'hui il existe des plus petites galeries artisanales qui comme aujourd'hui ont du mal à
02:24garder les artistes qui ont du succès mais tout cela se met en place dans la deuxième partie du
02:2820e siècle. Par ailleurs il y a également, vous ne le citez pas mais je pense que vous l'avez lu
02:32aussi, il n'y a pas de foire mais il y a des salons. Les salons sont des salons officiels et
02:38d'ailleurs l'apport principal des galeries est d'avoir permis aux artistes non sélectionnés
02:43d'exister. Donc une liberté artistique qui a été promue par les galeries. Ces salons en revanche
02:47étaient aussi des lieux où les dans lesquels les galeries travaillaient. C'est à dire que même si le
02:52salon n'était pas supposé être commercial, les galeries grâce à leur entrejambe, plaçaient leur
02:57poulain dans tel et tel espace important, faisaient en sorte que les artistes aient les prises qui
03:03donnaient une plus-value commerciale à leurs artistes. Drouot est apparu au même moment, ce qui
03:07fait qu'il existait déjà à l'époque, des liens entre les galeries et les ventes publiques. En fait
03:11tout ça se met en place d'une façon extraordinaire et en fait on découvre qu'on n'a pas vraiment
03:16inventé quoi que ce soit, mais qu'on a prolongé, affiné, amélioré et que finalement on est
03:21dépendant aujourd'hui d'outils qui s'améliorent mais pas vraiment de stratégies radicalement
03:26différentes. Et le terme que vous utilisez c'est le moment où ça se professionnalise. Est-ce que
03:30justement on saurait dater ou dire ce qui a permis aux galeries de se professionnaliser ? Disons que
03:36avant 1850, à quelques rares exceptions près, peut-être Goupil a commencé un peu avant, Durand-Ruel
03:42je crois que c'est 1857, il y a Georges Petit aussi qui professionnalise beaucoup son activité,
03:47avant ça les galeries sont, comme le dit une des auteurs du livre, des briques à braques
03:53entre guillemets, c'est-à-dire que les premiers galeristes, le père Durand-Ruel, le père des grands
03:57Durand-Ruel, avait un lieu qui vendait des outils, comment dirais-je, des outils pour les peintres,
04:05des toiles, de la peinture, etc. Et souvent, et c'était le cas de beaucoup d'autres, il échangeait ça,
04:10comme les artistes n'avaient pas les moyens de payer, il échangeait ça contre des toiles. Et ils ont
04:14commencé à faire du commerce de toiles tout en vendant les différents ustensiles utiles, les
04:19outils des peintres. Et puis petit à petit, les outils des peintres se sont effacés pour les galeries,
04:26pour ceux qui ont su devenir galeristes, et c'est ainsi que sont venus les galeries. Les premières
04:30vraiment professionnelles, je crois que c'est à partir de 1851.
04:33Et qu'est-ce qui change quand même aujourd'hui ? Parce que même si on y a des racines qui sont très claires,
04:40est-ce que le galeriste a une casquette différente, des missions différentes aujourd'hui ?
04:48Alors, ce qui change déjà énormément, c'est que la France est restée très longtemps le centre du monde
04:54commercial et artistique. Tout le monde venait en France, et d'ailleurs l'attractivité de notre pays
04:58était très importante, puisque nos musées sont pleins d'artistes étrangers qui sont venus attirés
05:04par l'impact qu'avait la France sur le reste du monde. Donc ça donnait aux galeries françaises
05:09une capacité, puisque le matériau entre guillemets de vente était à leur disposition, de devenir des
05:15galeries extrêmement importantes. Aujourd'hui, il est beaucoup plus difficile pour une galerie française
05:19de devenir une des plus grandes galeries du monde. A l'époque, je ne dirais pas que ça allait de soi,
05:22mais c'était une chose qui était dans l'air du temps. Les premières galeries étaient là, aussi à
05:27Londres, mais surtout à Paris, et se sont exportées. Puis le marché américain est arrivé, il absorbait
05:32d'abord les artistes français, puis l'art américain, après 1946, a commencé à évoluer, jusqu'à ce qu'en
05:391965, Rauschenberg ait le prix de la Biennale, ce qui à l'époque a été une tempête dans le microcosme
05:45artistique, et a marqué l'avènement qui était déjà en cours des Etats-Unis. Pour revenir à votre question,
05:51donc pour les galeries françaises, ce n'est plus du tout la même histoire aujourd'hui. On est devenu
05:55le quatrième marché mondial, mais avec 5 à 7% du marché, donc on est très très loin des Etats-Unis,
06:01maintenant très très loin de la Chine, et derrière l'Angleterre. Ça s'est mondialisé, à l'époque, il y avait
06:09deux continents peu ou prou. Aujourd'hui, la Chine est présente, bon, effectivement, les pays de l'Est
06:15s'est un peu effacé pour le moment, mais l'Amérique du Sud arrive, les artistes viennent du monde entier,
06:19ce qui veut dire qu'une nation n'est plus en passe de s'imposer. Et de fait, les galeries doivent réussir
06:25et ce qui a beaucoup changé, par exemple, ce sont les foires, à s'imposer dans différents territoires afin d'exister.
06:32Alors, une galerie, entre guillemets artisanale, telle qu'on les appelait dans les années 1850, évidemment,
06:39aura plus de mal à exporter ses artistes, et ce qui fait que les foires créées par les galeristes au début
06:45des années 70 sont devenues des outils indispensables, puisqu'elles n'ont pas les moyens d'ouvrir des galeries
06:50à l'étranger, elles font donc des salons dans différents lieux, et par ailleurs, les galeries internationales,
06:56les très grosses galeries, elles, ouvrent des succursales maintenant un petit peu partout dans le monde
07:00afin d'imposer leurs artistes et leurs stratégies. Et en fait, cette expansion, cette capacité à créer des réseaux
07:06de plus en plus importants, évidemment, l'apport des outils technologiques dont on bénéficie aujourd'hui,
07:11le fait qu'on puisse dématérialiser une vente, tout cela joue un rôle énorme et participe de la stratégie
07:18des meilleures galeries aujourd'hui.
07:19Une situation qui s'est complexifiée et mondialisée.
07:22Oui, et mondialisée, la concurrence est beaucoup plus forte.
07:25Et aussi, ce qui est intéressant, c'est de voir, je reviens à Paris, ce qui est intéressant, c'est de voir les quartiers qui évoluent.
07:31Aujourd'hui, en plus, il y a eu quand même beaucoup de galeries qui sont revenues dans le 8e arrondissement,
07:37c'est aussi tout ce jeu de cartographie qui est important pour les galeries.
07:42C'est un jeu de cartographie, mais disons que Paris est relativement conservateur par rapport à une ville comme New York.
07:48J'ai vécu New York à Sceau, c'était le quartier mondial des galeries américaines,
07:54enfin, où tout le monde allait pour les grandes galeries américaines, puis ils se sont déplacés à Chelsea.
07:58Bon, nous, en France, vous le soulignez, les gens vont et viennent.
08:03Matignon a toujours existé, mais était un peu délaissé.
08:05Le Marais s'est créé un peu comme Sceau, s'est créé dans les années 70-80.
08:10Saint-Germain est resté relativement stable depuis plus ou moins un peu plus d'un siècle.
08:14Et aujourd'hui, ce qui fait que les gens retournent à Matignon, c'est peut-être,
08:17en tout cas, c'est mon interprétation, mais je ne suis pas le seul à la partager,
08:20que c'est devenu tellement difficile de circuler dans des quartiers périphériques
08:24que beaucoup de galeries ont préféré se rapprocher des lieux où se trouvent les grands collectionneurs étrangers.
08:28Et à mon avis, le succès de l'avenue Matignon est en grande partie là.
08:31Il sera forcément limité, parce que le problème de Paris par rapport à d'autres grandes capitales,
08:36comme Berlin et New York, c'est la limite des espaces dans les différents quartiers.
08:43La rue Louise Weiss a existé un moment, mais il y avait 7 ou 8 galeries et pas plus.
08:47Avenue Matignon, ça représente, tout le monde en parle, à juste titre,
08:51mais ça représente 7 ou 8 galeries, 9 peut-être supplémentaires.
08:55Sceau et Chelsea, c'est un déplacement de plus de 150 galeries.
08:59Et ça change les choses, parce que ça permet une réorientation du courant et du commerce.
09:05Aujourd'hui, on a aussi Romainville, mais là encore, 5, 6, 7 galeries, pas davantage.
09:09Et c'est un petit peu la limite parisienne.
09:11Mais qui en même temps permet aux visiteurs étrangers de se promener dans différents quartiers,
09:17d'apprécier la ville de Paris qui a toujours été un apport incontestable pour nous,
09:21plutôt que de se diriger dans un quartier spécifiquement et uniquement pour une mission précise.
09:26Merci beaucoup Georges-Philippe Vallat.
09:28Je rappelle que vous avez fondé la galerie Georges-Philippe et Nathalie Vallois,
09:33et vous êtes aussi l'ancien président du Comité professionnel des galeries d'art.
09:37Vous avez organisé le projet du livre « Une histoire des galeries d'art en France »
09:40du milieu du XIXe siècle à nos jours.
09:42Et quant à nous, je vous souhaite de très belles fêtes, de fortes années,
09:45et à bientôt pour une nouvelle émission d'Art et Marché.

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