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Mercredi 18 décembre 2024, LEX INSIDE reçoit Marianne Schaffner (Associée, Gowling WLG) , Camille Cournot (Counsel, Moncey) et Philippe Portier (Associé, Jeantet)

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00:00Bonjour, je suis ravi de vous retrouver pour un nouveau numéro de Lengths Inside, l'émission
00:27qui donne du sens à l'actualité juridique. Du droit, du droit et encore du droit. Au programme
00:32de ce numéro, on va parler de la directive NIS 2. Ce sera dans quelques instants avec Marianne
00:38Schaffner, associée au sein du cabinet Goaling WLG. On parlera ensuite du cumul entre un mandat
00:45social et un contrat de travail avec Camille Courneau, avocate chez Moncey. Et enfin, on parlera
00:51devoir de vigilance avec Philippe Portier, associé chez Jantey. Voilà pour les titres,
00:58Lengths Inside, c'est parti ! On commence tout de suite ce Lengths Inside, on va parler de la
01:12directive NIS 2 avec mon invité Marianne Schaffner, associée chez Goaling WLG. Marianne Schaffner,
01:20bonjour. Bonjour Arnaud. On va parler ensemble, directive NIS 2, cybersécurité, cyber résilience.
01:27Mais avant toute chose, pouvez-vous nous parler du paquet cybersécurité et du cadre européen
01:33dans lequel il s'inscrit ? Oui, tout à fait. Donc en Europe, il y a ce qu'on appelle le paquet
01:39dit cybersécurité, cyber résilience, qui comprend plusieurs textes. Donc il y a ce fameux texte
01:47RGPD dont on a tant parlé, qui protège les données. Il y a eu la première directive NIS,
01:52qu'on n'appelait pas 1, mais la toute première directive NIS. NIS, ça veut dire c'est les
01:56nouveaux systèmes d'information. C'était donc l'acronyme anglais. Ensuite, nous avons eu l'IA
02:02Act, donc le règlement sur l'intelligence artificielle. Et puis, nous avons eu ce qu'on
02:08appelle NIS 2, qui aurait dû être transposé en octobre 2024. Mais la France a connu quelques
02:17secousses devant le Parlement ces derniers mois. Donc en fait, pourquoi la Commission et l'Europe
02:25s'étaient intéressés effectivement à la cybersécurité ? C'est qu'on vit dans un monde
02:29qui est tout est dans les systèmes d'information aujourd'hui et dans un monde de risque,
02:35effectivement cyber. Et l'évaluation qui avait été faite par la Commission en 2021 a montré que la
02:41cybercriminalité pouvait impliquer un hommage à hauteur de 5,5 milliards. Donc l'Europe a décidé
02:47de se doter d'un cadre qui permettait et qui oblige les entreprises effectivement à prendre
02:52des mesures pour préserver non seulement leurs propres données, mais les données des tiers,
02:58donc les données personnelles, mais également les données de leurs sous-traitants, les données,
03:02toutes données industrielles et pour éviter effectivement une cyberattaque. Donc en fait,
03:09quand on parle de cybersécurité, en fait, il y a deux, trois piliers dans la cybersécurité. Il y a
03:14d'une part la prévention d'abord, la protection et ensuite il y a la réparation et donc la
03:21notification. Alors on va rentrer dans le vif du sujet, on va parler de cette directive NIS 2.
03:26Quel est son champ d'application et quelles sont les obligations de cette directive NIS 2 ? Alors
03:31son champ d'application a été étendu par rapport à NIS 1. Auparavant, on avait 19 secteurs qui
03:38étaient concernés. Aujourd'hui, on en a 35. Donc c'est pratiquement tous les secteurs confondus,
03:44que ce soit la gestion de l'eau, la gestion des déchets, les services postaux, les services de
03:50fabrication, de production de dispositifs médicaux, le secteur de la santé. Donc en fait,
03:56c'est très très large les secteurs qui vont être impliqués puisqu'on a 35. Qui va être également
04:02concerné ? Eh bien, ce sont les entreprises. Et aujourd'hui, en réalité, avec la directive NIS 2,
04:11en fait, on a compté que 160 000 unités au sein de l'Union Européenne vont être concernées et
04:16en France 15 000. Pourquoi ? C'est énorme. 15 000 entreprises et administrations en France vont
04:22être concernées par cette directive parce qu'il y a des seuils qui ont été prévus, c'est-à-dire
04:28des seuils de chiffre d'affaires. Donc toute entreprise qui a un chiffre d'affaires qui est
04:33compris entre 10 et 50 millions va être concernée et qui auront entre 50 et 250 employés. Donc
04:40ensuite, on a deux catégories. On a les entreprises dites essentielles qui auront un chiffre d'affaires
04:45qui sera supérieur. Et puis, il y a les autres entreprises qui sont des entreprises importantes,
04:51mais toutes sont concernées. Quelles sont les obligations de conformité et de gestion des
04:56incidents ? Alors, les obligations sont les mêmes qu'on soit essentielle ou importante. En revanche,
05:04c'est le timing qui est différent. Les entreprises essentielles, donc les plus grosses entreprises,
05:10en fait, ont une obligation de procéder à un audit amont de toutes les mesures,
05:16tandis que les entreprises importantes ne devront justifier des mesures qu'elles ont prises qu'une
05:22fois qu'il y aura eu une notification d'un breach. D'accord. Donc, qu'est-ce qu'il faut
05:31effectivement faire ? C'est qu'il faut rapporter la preuve de ce que des mesures ont été mises
05:37en place. Quelles sont ces mesures ? Il y a notamment avoir bien protégé ces systèmes
05:44d'information, avoir assuré auprès de ses salariés des formations, que les salariés
05:50aient tout à fait conscience des mesures à prendre pour protéger les dites données,
05:55la protection par les différents mots de passe, et aussi le fait que les sous-traitants vont
06:04être soumis à toutes ces mesures. Donc, il faut imposer à ses propres sous-traitants de mettre
06:08également des mesures de cybersécurité en place. Donc, en fait, il y a tout un champ de mesures
06:14à mettre en place. Avec des niveaux de sécurité. Avec des niveaux de sécurité différents. Et donc,
06:18ce qui impose à toutes les entreprises, qu'elles soient essentielles ou importantes,
06:23à faire un audit. Alors, on va aller sur les mesures de cyber-résilience. Quelles sont-elles ?
06:30Est-ce qu'il y a un état des lieux des mesures à adopter en la matière ? Oui, les mesures,
06:36c'est tout d'abord assurer une sauvegarde régulière de ses propres données. D'accord.
06:43Avoir un plan de continuation qui soit en place lorsqu'il y a une alerte, en réalité. Faire des
06:51tests de restauration. Faire un plan de reprise après un sinistre. Il faut faire un suivi d'éventuelles
07:00instructions. Et faire ensuite un audit régulier. Et comme je le disais, former ses salariés. C'est
07:09vraiment la formation qui montrera que l'entreprise aura déjà pris des mesures également raisonnables.
07:15Et ce, j'ai envie de dire, au stade des plus petites entreprises. Si on peut rapporter la
07:21preuve de ce que les salariés ont conscience de la nécessité de mettre en place des mesures de
07:27cyber-sécurité. Déjà, ça sera un indice de compliance à la directive. Et on saura d'autant
07:35plus réagir quand il y aura des failles de sécurité. Voilà. Et en cas de failles de
07:39sécurité, il y aura une obligation de faire une première notification immédiatement dans les 24
07:45heures. D'accord. Et ce, à une autorité qui aura été désignée. Donc, il y a de fortes chances pour
07:50qu'en France, ce soit l'ANSI, l'Agence Nationale de Sécurité des Services d'Information. Et puis
07:57ensuite, après cette notification, dans les 24 heures, il y a un rapport à faire. Et dans le
08:03mois qui suit, il y aura un rapport qui établira toutes les failles. Et quelles sont les mesures
08:09qui ont été mises en place ? Quel est le plan de récupération, le plan de continuité ? Bien sûr.
08:14Bon, on voit que c'est très encadré. C'est très encadré, comme l'Europe le fait toujours.
08:18Pour finir, quel lien peut-on faire entre cyber-sécurité et secret des affaires ?
08:23Alors, c'est vrai que ce lien ne semble pas évident a priori. Ce qui m'étonne d'ailleurs.
08:28Puisque la directive sur les secrets d'affaires, qui a été transposée en droit français en 2018,
08:39eh bien, impose aux entreprises qui invoquent un secret d'affaires, c'est de prendre des mesures
08:46raisonnables pour maintenir leur secret d'affaires secret. Puisque la condition sine qua non du
08:52secret d'affaires, c'est qu'il soit secret. Bien sûr. Voilà. Et que donc, toutes ces mesures
08:57raisonnables qui doivent être mises en place, en réalité, on peut regarder ce qu'on fait dans
09:03NIS2, les différentes mesures sur la gestion des mots de passe, la formation des salariés,
09:09l'audit. Pourquoi ? Parce qu'aujourd'hui, où se trouvent les secrets d'affaires dans les
09:13entreprises ? Sur leur système d'information. Bien sûr. Donc, en réalité, je trouve que les
09:20mesures qui ont été prévues dans la directive NIS2 devraient être examinées par toutes les
09:27entreprises qui ont des secrets d'affaires, afin qu'elles puissent mettre en œuvre les
09:32mesures qui sont imposées au titre de NIS2. C'est là où, moi, je fais ce lien. Parce qu'une donnée,
09:36on protège les données par NIS2. Et un secret d'affaires, c'est une donnée industrielle qui
09:41est souvent l'actif essentiel de beaucoup d'entreprises. On va conclure là-dessus. Merci,
09:46Marianne Schaffner. Je rappelle que vous êtes associée au sein du cabinet Goaling WLG.
09:51Merci, Arnaud. Tout de suite, l'émission continue. On va
09:54parler du cumul entre un mandat social et un contrat de travail.
10:08On poursuit ce Lex Inside. On parle du cumul mandat social, contrat de travail avec mon
10:15invité Camille Cournot, avocate chez Moncey. Camille Cournot, bonjour.
10:19Bonjour, Arnaud. On va aborder ensemble le cumul mandat social,
10:23contrat du travail. Pour commencer, quels sont les avantages pour un dirigeant de
10:28cumuler un mandat social avec un contrat de travail? Alors d'abord, en général,
10:32les dirigeants sont contents parce que c'est intellectuellement assez riche d'avoir un statut
10:36de dirigeant où on dirige, on préside, on gère une entreprise, un business et des fonctions,
10:42par ailleurs, plus techniques, plus spécialisées. Et puis, par ailleurs, ça leur permet d'avoir deux
10:48statuts juridiques qui sont autonomes. Donc, on a l'application du droit commercial pour le mandat
10:54social et l'application du code du travail pour les fonctions salariées. Donc, c'est vrai qu'habituellement,
11:01le code du travail est plus favorable que celui du code de commerce, ce qui permet aux dirigeants
11:06qui sont mandataires de bénéficier d'avantages sociaux. Par exemple, on a les congés payés,
11:12tout le dispositif de la convention collective de branches qui s'applique à la société. On a
11:18également l'épargne salariale qui n'est pas à négliger. Donc, par exemple, l'intéressement,
11:22la participation, la prime de partage de la valeur, l'épargne retraite. Et puis, tout simplement,
11:29ce dont on parle le plus souvent aussi, c'est la rupture du contrat de travail puisque les
11:34mandataires sont en général soumis au principe de révocation anautome, ce qui veut dire qu'ils
11:38peuvent être évoqués immédiatement et sans motif, alors que le code du travail prévoit un
11:43dispositif plus spécifique pour les ruptures avec une cause réelle et sérieuse, et puis une
11:48indemnisation. Alors, pour que le cumul soit valable, il y a certaines conditions. Quelles
11:53sont-elles ? Alors, il y en a quatre qui sont communes à globalement toutes les situations
11:57de cumul, mandat social, contrat de travail. La première, c'est d'avoir des fonctions qui sont
12:02techniques, réelles et distinctes de celles du mandat social. C'est vraiment deux dispositifs
12:08séparés. On peut, par exemple, être dirigeant, enfin, directeur général et être directeur de
12:16R&D ou directeur juridique. Deuxième critère, c'est la rémunération parce que quand on est
12:22mandataire social, on peut ne pas être rémunéré au titre de son mandat social. En revanche, quand
12:27on a un contrat de travail, il faut toujours une rémunération. Donc ça, c'est le deuxième critère.
12:31Le troisième critère, c'est évidemment le lien de subordination qui est le grand critère du droit
12:35du travail. Ça veut dire que vous devez, en tant que salarié, dans vos fonctions salariées,
12:41avoir une subordination avec la société qui vous emploie et dans laquelle vous êtes dirigeant. C'est
12:46d'ailleurs le critère qu'on a le plus de mal à remplir ou qu'il est le plus souvent difficile
12:52à matérialiser. D'accord. Et le quatrième critère, c'est un critère général en droit qui est éviter
12:58la fraude. C'est-à-dire qu'on ne peut pas créer une situation de cumul juste pour, justement,
13:03éviter l'application du principe de révocation anutum et où s'accorder la protection du code
13:09du travail. Alors, est-ce que ce cumul que vous venez de définir peut être fait dans différents
13:15types de sociétés, dans tous les types de sociétés ou est-ce qu'il y a certains types qui sont plus
13:19concernés que d'autres ? Alors, il y a des sociétés où, en plus des quatre critères dont on a parlé,
13:24on a des critères spécifiques qui s'ajoutent. D'accord. Un peu plus techniques. Donc, par exemple,
13:28dans les sociétés anonymes avec un conseil d'administration, il y a deux critères supplémentaires
13:32pour bénéficier d'un cumul valable. C'est avoir un contrat qui est antérieur à votre nomination de
13:38membre du conseil d'administration. Et par ailleurs, c'est la règle du tiers. Alors, la règle du tiers,
13:42qu'est-ce que c'est ? C'est-à-dire que tous les membres du conseil d'administration en fonction,
13:47qui disposent d'un contrat de travail en plus de leur mandat, ne peuvent pas représenter plus
13:51d'un tiers des membres du conseil d'administration en fonction. D'accord. Cette règle du tiers,
13:55on la retrouve aussi dans les conseils de surveillance des sociétés anonymes. On voit
14:02également des règles en SARL où le gérant ne peut pas cumuler un contrat de travail lorsqu'il
14:09est, par ailleurs, associé majoritaire ou égalitaire. On comprend bien la logique du
14:14code. Là-dessus, c'est de dire qu'il ne peut pas y avoir de subordination si vous êtes associé
14:18majoritaire, gérant de la société. Bien sûr. Et on retrouve cette même logique. Ce n'est pas
14:22une interdiction à proprement parler, mais vous voyez dans les sociétés unipersonnelles,
14:26par exemple les SASU ou les EURL où il y a un seul associé ou actionnaire. Quand le gérant ou le
14:33président est le seul actionnaire de la société, il ne peut pas avoir la troisième casquette de
14:37salarié puisqu'il n'y a pas de lien de subordination. D'accord. Alors vous avez
14:41rappelé tout à l'heure les conditions du cumul. Qu'est-ce qui se passe si on ne respecte pas ces
14:45conditions ? Alors habituellement, quand la société et le dirigeant font l'analyse de la
14:52situation, ils trouvent un commun accord. C'est-à-dire qu'habituellement, le contrat
14:57est souvent antérieur au mandat et la question se pose à l'occasion de la nomination en tant
15:01que mandataire social. Donc en bonne intelligence, il y a plusieurs options. Soit conséquence numéro
15:071 qui est assez automatique si aucune décision différente n'est prise entre les parties,
15:11c'est la suspension automatique du contrat de travail. D'accord. Donc le mandat va se poursuivre
15:15et le jour où le mandat s'arrête, le contrat de travail qui avait arrêté de vivre va reprendre
15:20vie et recommencer. Mais les parties peuvent aussi négocier ce qu'on appelle une novation. C'est un
15:25petit peu plus rare. C'est en fait une sorte de transformation magique du contrat de travail en
15:29mandat social ou simplement se mettre d'accord sur la fin du contrat de travail. Parfois,
15:35en revanche, on voit des situations où les parties décident de, je dirais, forcer le cumul malgré
15:39une incertitude sur sa validité. Et là, on peut se retrouver dans des situations qui sont plus
15:44difficiles à gérer a posteriori. D'accord. Par exemple, dans les sociétés anonymes avec
15:49un conseil d'administration, là où on a le critère d'antériorité du contrat de travail,
15:53si vous forcez le cumul, c'est-à-dire que le contrat de travail n'était pas antérieur à la
15:56nomination de membre du conseil, ce qui se passe, c'est que le contrat est valable, mais le mandat
16:01social, lui, est nul. Ce qui pose des questions d'engagement de la responsabilité de la société,
16:05de sa représentation. Et à l'inverse, quand le contrat est antérieur, mais qu'on force le cumul
16:11alors qu'on n'est pas dans 100% des clous des critères, le risque, c'est surtout pour le
16:16mandataire parce qu'en fait, il risque, s'il est licencié, de ne pas bénéficier du chômage auprès
16:21de Pôle emploi devenu France Travail. Et par ailleurs, la société, c'est assez rare, mais la
16:27société pourrait techniquement lui demander de rembourser les salaires qu'il a perçus au titre
16:31de son contrat de travail qui n'aurait pas dû exister. Alors, pour éviter de tomber dans ces
16:35conséquences que vous venez de décrire, quelles sont les précautions à prendre pour réussir son
16:40cumul ? La recette du cumul. Alors, il y en a plusieurs, mais la première, c'est vraiment de
16:46créer une fiche de poste. C'est un petit peu contre-intuitif quand on parle de dirigeant,
16:51mais c'est vraiment nécessaire. Donc, c'est une fiche de poste sur laquelle on travaille,
16:55qu'on annexe au contrat de travail et qui définit les grandes fonctions. Ce n'est pas toutes les
16:59fonctions, mais c'est les grandes lignes directrices du poste et qui doivent être, du coup, plus réduites
17:04et plus techniques que celles du mandat social. La deuxième recommandation, c'est le montant de
17:10la rémunération. C'est-à-dire qu'il faut réfléchir, non pas comme un mandataire ou dirigeant
17:14avec les responsabilités que ça implique, mais bien selon les fonctions du salarié, selon le
17:19secteur dans lequel la société intervient et quels sont les usages de rémunération. Puisque
17:23si c'est trop élevé ou dérisoire, on peut se poser la question de la validité du cumul. La
17:29troisième recommandation, c'est de nourrir le lien de subordination et sa preuve. Tous les
17:34salariés en général ont une évaluation annuelle. Du coup, le dirigeant qui est salarié devrait en
17:39avoir une. Même chose, en général, les salariés demandent une autorisation pour validation de
17:43leur congé payé. Ça devrait être également formalisé pour les dirigeants. Voilà, ce genre
17:48de choses. Comment la jurisprudence traite justement les cas de cumul qui ne respectent
17:53pas les conditions que vous avez décrites tout à l'heure ? En général, c'est des cas de nullité,
17:57donc qui ont des conséquences pécuniaires surtout pour le mandataire. Donc, les mandataires ont
18:04vraiment intérêt à s'interroger sur la validité de leur cumul, pas parce que les sociétés les
18:10pousseraient à faire un cumul illicite, mais simplement parce qu'en général, c'est fait dans
18:14leur intérêt et si ça ne produit pas ses fruits, c'est vraiment problématique. Mais dans des cas
18:20où il n'y a pas de cumul possible, typiquement parce que les critères ne sont pas valables ou
18:24parce que ça n'est pas l'ambition de la société et du mandataire, il est possible de prévoir une
18:28sorte de statut aménagé pour les dirigeants qui leur apporte un petit peu plus de confort sans
18:32être salarié pour autant. Dans ce cas-là, ce qu'on voit en ce moment en cours de négociation,
18:38parce que c'est vraiment des sujets de négociation entre la société et le dirigeant, ça va être des
18:43assurances privées contre la révocation, c'est-à-dire un peu comme le chômage. La société
18:49va cotiser une assurance, ça vaut avantage en nature pour le mandataire et en cas de révocation,
18:54il bénéficie d'une allocation pendant une certaine période de temps. On voit aussi pas mal de demandes
18:59d'indemnités de révocation, ça c'est un peu la nouveauté en ce moment et ça permet au mandataire
19:04d'obtenir une compensation, un peu comme le licenciement. Et si on a des inquiétudes
19:08particulières, on peut faire ce qu'on appelle un rescrit auprès de France Travail pour vérifier
19:14la validité du cumul, ce qui engage France Travail sur les droits à chômage. D'accord,
19:18on va conclure là-dessus. Merci d'être venu sur notre plateau. Merci Arnaud, au revoir. Tout de
19:24suite, on continue dans la troisième partie, on va parler devoirs de vigilance.
19:36On poursuit l'émission, on va parler du devoir de vigilance à l'aune de la décision Shell du 12
19:44novembre dernier de la cour d'appel de l'AE avec mon invité Philippe Portier, associé chez Janté.
19:51Philippe Portier, bonjour. Bonjour Arnaud. Avant de dévoquer la décision Shell de la
19:57cour d'appel de l'AE du 12 novembre dernier, comment expliquez-vous la multiplication des
20:04contentieux climatiques ? C'est un sujet multifactoriel, je dirais. D'abord il y a un
20:11esprit du moment qui est en train d'essayer de transformer le capitalisme tel qu'on l'a connu,
20:16créer une sorte de capitalisme responsable peut-être, un mi-chemin entre un capitalisme
20:21directif à la chinoise et un capitalisme de marché à l'américaine. C'est peut-être une
20:27opportunité. Il y a également une aspiration populaire qui se traduit notamment dans les
20:31talents. Les jeunes dans les entreprises veulent rejoindre des entreprises qui agissent et pour que
20:36les entreprises agissent, il y a le levier qui est porté par les ONG qui sont très très actives
20:41depuis quelques années sur ces territoires-là, qui engage des procédures assez fréquemment.
20:46Et qui utilisent tous les leviers que les droits locaux ou demain le droit européen leur fournissent.
20:51Donc je dirais que cette somme de facteurs conduit assez logiquement à une multiplication des
20:57procédures devant les tribunaux administratifs, devant la cour européenne des droits de l'homme,
21:01devant les tribunaux judiciaires ordinaires, etc. Ce qui a d'ailleurs amené la cour d'appel de Paris
21:07à créer une chambre spéciale pour les contentieux émergents. Le tribunal judiciaire de Paris a créé
21:11également une chambre pour ces affaires-là. Donc on sent bien qu'il y a quelque chose qui est en
21:15train de bouillonner et qui va donner lieu à un nombre de procédures croissants au cours des
21:23années qui viennent. D'autant plus qu'il y a une alimentation par le biais des textes même,
21:28de la réglementation, qui évidemment donne de la substance à tout cela.
21:32Alors on va revenir sur la décision du 12 novembre dernier de la cour d'appel de l'AE.
21:38Shell l'a remportée face aux associations, aux ONG. Expliquez-nous un peu le contexte de cette
21:46décision et puis la décision en tant que telle. Alors c'est un contexte qui montre la complexité
21:53du sujet si je puis me permettre. D'abord on a beaucoup parlé de devoir de vigilance, on va y
21:57revenir, mais dans cette affaire-là c'est juste une problématique de responsabilité extra contractuelle,
22:03comme on disait auparavant. Le tribunal de l'AE, en première instance, avait condamné Shell sur
22:10deux terrains. Le premier c'était la constatation d'une faute et ensuite avec une obligation de
22:17remédier à cette faute. Sur le premier sujet, cette faute a été confirmée par la cour d'appel de
22:23l'AE. Cette faute est issue de l'application du code civil néerlandais, de la même manière qu'en
22:27France un tribunal aurait pu condamner sur le terrain de l'article 1240 du code civil, c'est-à-dire
22:32celui qui oblige les citoyens, que ce soit des personnes physiques ou des personnes morales, à
22:38éviter de causer autrui des dommages. C'est le principe général de notre responsabilité délictuelle.
22:44Donc il y a eu constatation d'une faute. Quelle est cette faute ? C'est simplement une forme
22:48d'inaction ou d'insuffisance dans l'action qui a été reprochée à Shell de ne pas avoir mis en
22:53oeuvre les moyens internes sur les trois scopes de l'action contre les gaz à effet de serre, qui
23:00sont sa propre externalité, l'externalité induite par sa consommation énergétique, et le troisième
23:08scope qui est le plus compliqué, c'est celui de la chaîne de valeur, c'est-à-dire les fournisseurs,
23:12les sous-traitants et les clients. Donc celui sur lequel d'ailleurs on demandait également à Shell
23:18d'agir pour baisser, et ça c'est la sanction, pour baisser, objectif, baisser ses émissions de gaz
23:25à effet de serre de 45% entre 2019 et 2030. Donc il y a bien eu la reconnaissance d'une faute fondée
23:33sur un ensemble de principes qui sont essentiellement des principes que l'on trouve dans
23:39des traités internationaux qui jusqu'à présent n'avaient pas de traduction impérative dans des
23:43droits locaux. Et c'est ça qui est intéressant dans cette décision, c'est qu'on voit une
23:47transformation progressive, et pas simplement aux Pays-Bas, un peu partout, de la RSE qui était un
23:52concept de soft law, on va dire, avec des engagements plus ou moins éthiques et plus ou
23:57moins volontaristes, on voit cette traduction au travers des traités, etc., dans une espèce de
24:05socle d'obligation de principes généraux, de duty of care, comme dirait les anglo-saxons, ce qui est
24:11à peu près la traduction du concept néerlandais qui a été mis en oeuvre dans ce cas-là, et que
24:16donc ce duty of care doit s'exprimer dans ces domaines environnementaux qui, par ailleurs,
24:20atteignent aux droits de l'homme. Et ça c'est intéressant de voir cette jonction entre le droit
24:25de l'environnement et les droits de l'homme. Donc ça c'est la constatation de la faute, et l'accord
24:30d'appel de l'AED ne fait que confirmer l'existence de cette faute. Donc c'est pour ça que c'est une
24:34victoire de Shell, mais une victoire partielle, simplement. Ensuite, sur l'obligation en résultant,
24:41c'est là où Shell l'emporte, c'est-à-dire de la même manière que, par exemple, la France avait
24:45été condamnée dans ce qu'on avait appelé le procès du siècle pour inaction climatique, ou encore
24:50récemment la Suisse par la Cour européenne des droits de l'homme, ou même les Pays-Bas dans
24:54l'affaire Urgenda il y a quelques années, pour inaction. Donc une constatation d'une faute,
24:59mais à chaque fois tout cela bute devant la conséquence, la sanction, que ce soit des
25:03dommages à intérêts. La France n'a toujours pas été condamnée, et les ONG agissantes ont échoué de
25:10ce point de vue-là. Et puis la réduction de 45% a été invalidée, au motif que personne n'est
25:16capable de dire comment Shell va pouvoir se débrouiller pour baisser de 45%, et on ne peut
25:21pas lui imposer un montant normatif de cette taille-là, d'autant plus qu'aucun texte, pour le
25:27coup, n'impose aucune chose, à part les accords de Paris qui visent à cette limitation, l'augmentation
25:34des températures à 1,5°C en 2050. Donc il n'y a pas pour l'instant, sur la tête des entreprises,
25:40un risque qui va au-delà de la constatation d'une faute. Est-ce que ça veut dire que c'est un
25:44recul en matière de justice climatique selon vous, cette décision ? Qu'est-ce qu'il faut en retenir ?
25:49Non, je pense que c'est l'émergence progressive de ce que j'appelle le capitalisme responsable,
25:55sous l'action des ONG. C'est-à-dire qu'il y a une vingtaine d'années, une entreprise pouvait,
25:59une grande société pouvait dire, il n'est pas de notre responsabilité d'agir pour le bien commun.
26:04L'entreprise avait des actionnaires et on a fait émerger de manière plus radicale l'intérêt
26:11social en 2019 avec la loi Pacte chez nous, mais on retrouve ça aussi aux États-Unis,
26:16dans le combat entre la shareholder theory et la stakeholder theory, etc. Cette idée,
26:21pour qui agit l'entreprise ? Quel est son rôle sociétal en quelque sorte ? Il y a encore une
26:25vingtaine d'années, avant l'émergence de la RSE, l'entreprise était là pour faire des profits,
26:29pour elle-même et pour ses actionnaires, fin de l'histoire. Elle n'avait pas d'engagement
26:33spécifique de redevabilité, on va dire, sociétale. Il y a eu l'émergence, à ce moment-là, de la RSE,
26:38qui a toujours été dans le domaine de la soft law, comme je l'ai indiqué. Et donc,
26:43l'entreprise s'est plus ou moins engagée avec des dynamiques diverses. Il y a eu l'entreprise à
26:49mission et puis un socle qui a commencé à croître. 2019, évidemment, la loi Pacte,
26:54mais également les obligations de reporting qui ont trouvé leur traduction plus récente dans
26:58la CSRD, la directive sur le... Également la raison d'être. Et la raison d'être, par exemple. Mais
27:04tout ça, cette raison d'être est une possibilité, c'est une flexibilité ouverte. Donc cette RSE,
27:10c'est de plus en plus structuré pour aboutir aujourd'hui. Et le terme responsabilité,
27:14par exemple, était très mal trouvé. On aurait dû parler de redevabilité,
27:17puisque c'est une espèce d'engagement plus moral que juridique. Alors que la responsabilité
27:21traduisait un faux concept de responsabilité juridique qui a amené énormément d'incompréhension.
27:26Donc là, aujourd'hui, on arrive un peu à ce tournant-là. C'est-à-dire que les textes se
27:30multiplient, notamment sur le terrain du greenwashing, du fairwashing, etc. Toutes ces
27:35impostures qui sont décriées avec des actions sur des territoires qui sont les pratiques
27:41commerciales trompeuses. On a une directive qui commence à être discutée sur les allégations
27:47environnementales. On voit bien ce levier qui pèse sur les entreprises de la judiciarisation de ce
27:55qui, jusqu'à présent, avait été conçu plus comme une espèce d'engagement moral, éthique,
27:59sur la base de laquelle l'entreprise promouvait ses produits ou ses services. Aujourd'hui, ce
28:04monde-là est en train de changer. Donc oui, l'affaire Shell va être décevante pour les
28:08ONG qui attendaient véritablement une politique du bâton. Mais on a quand même la consécration
28:15d'un phénomène qui est la responsabilité. D'accord, il y a une vraie tendance de fond.
28:19Il y a une tendance. Et il y a un relais, de toute façon, qui va s'imposer aux entreprises,
28:23sauf s'il y a un revirement politique. C'est la nouvelle directive CS3D sur le
28:29devoir de vigilance des groupes. On va conclure là-dessus. Merci Philippe Portier. Je rappelle
28:33que vous êtes associé au sein du cabinet. J'en t'ai. Merci Arnaud. Merci à toutes et à tous
28:38pour votre fidélité. Restez curieux et informés. A très bientôt sur BeSmart4Change pour un nouveau
28:44numéro de LexInside.

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