Le marché des droits audiovisuels sportifs avec Victor Omnes, Avocat, De Gaulle Fleurance.
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00:00On poursuit l'émission, on va parler du marché des droits audiovisuels sportifs avec
00:15mon invité Victor Omnes, avocat chez De Gaulle Florence.
00:19Victor Omnes, bonjour.
00:20Bonjour.
00:21Le marché des droits audiovisuels sportifs prend de l'ampleur, il y a de plus en plus
00:27de concurrence, c'est un secteur économique en pleine croissance, on va en parler en détail
00:31ensemble.
00:32Pour comprendre l'ampleur du phénomène, quelles parts représentent les droits télé
00:38dans le financement du sport en France ?
00:40Une part importante, déjà de quoi parle-t-on ? On parle évidemment de la vente par les
00:45organisateurs des compétitions sportives, de leurs droits de diffusion, ce sont donc
00:48ces compétitions qu'elles organisent, à des chaînes de télé et plus récemment à
00:52des plateformes de streaming, les plateformes over-the-top, comme par exemple Dazone ou
00:57encore Prime Vidéo, qui a acquis il y a deux ans les droits de diffusion de Roland-Garros.
01:03Pourquoi ce marché est important ? Parce qu'effectivement, il contribue à financer
01:08le sport français dans son ensemble, premièrement un financement du sport professionnel, puisqu'on
01:14estime par exemple pour le cas du football qu'environ 30% du budget annuel des clubs
01:18est justement issu de la cession et des revenus de la cession des droits audiovisuels
01:22sportifs, et également le sport dans son ensemble, l'écosystème du sport, grâce
01:27notamment à la taxe buffée, qui est un mécanisme de solidarité, et au terme desquels 5% des
01:33revenus générés par la cession de ces droits audiovisuels sportifs sont redistribués au
01:37sport amateur dans son ensemble.
01:38Donc c'est important aussi pour le développement du sport amateur ?
01:41Exactement, voilà, l'enjeu est d'importance puisque justement il contribue à grande hauteur
01:46au financement du sport dans son ensemble, du sport français bien sûr.
01:49Alors c'est un marché qui attise les convoitises, vous avez cité une grande plateforme, il
01:54y en a d'autres, quelles sont les tendances de l'évolution de ce marché ?
01:58Alors chez De Gaulle, on a justement publié récemment en septembre 2024 une analyse justement
02:03de ces tendances, et on remarque notamment pour les sports les plus populaires en France
02:09et donc celles qui attirent le plus de revenus qui sont le rugby et le football, une tendance
02:13effectivement à la croissance, en tout cas à la hausse, notamment pour le rugby.
02:17On remarque une croissance constante due notamment à la poursuite du partenariat avec Canal
02:24Plus qui continue à investir dans ce sport, un sport qui attire d'ailleurs de plus en
02:27plus de téléspectateurs, et donc ce partenariat a été prolongé en 2024 jusqu'à 2032.
02:33Pour le football c'est un peu différent puisqu'en fait on est passé d'une croissance
02:38exponentielle de la valeur des droits entre la fin des années 90 et le milieu des années
02:432010, puisqu'on est passé de 100 millions d'euros par an à 726 en 2016, et donc une
02:50belle croissance bien sûr, mais à la suite de cette croissance exponentielle, on remarque
02:55depuis lors une triple baisse qui s'explique par plusieurs motifs évidemment, mais le
03:01premier c'est bien sûr la fin du partenariat avec Canal Plus, Canal Plus qui ne souhaite
03:06plus investir, qui est une diffuseur officielle pendant de nombreuses années, absolument,
03:09et qui pour diverses raisons a stoppé, a choisi de ne plus investir dans le football
03:14français, préférant d'autres championnats, préférant également d'autres sports, on
03:18a parlé du rugby à l'instant, et également par une certaine difficulté financière des
03:22principaux concurrents de Canal Plus sur ce marché, qui sont Bein Sport, bien sûr Altis
03:27qui avait pendant un certain temps investi avec RMC Sport dans ces droits-là, et bien
03:32en étant en difficulté financière, évidemment ils ont une moindre tendance à investir
03:36dans des sommes conséquentes, et donc la finalité de ça et la fin de ça c'est justement
03:42cette triple baisse marquée en 2024 par l'attribution des droits à Dazone et Bein Sport pour seulement
03:47500 millions d'euros, seulement 500 millions d'euros puisque c'est environ 50% inférieur
03:52à ce qui avait été attendu par les dirigeants de la Ligue de Football Professionnel.
03:55Alors on sait en plus que pour le football il y a eu l'affaire Mediapro, il y a eu un
03:59certain nombre de difficultés pour les opérateurs pour essayer d'avoir une offre et de satisfaire
04:05justement cette offre devant les téléspectateurs et de fournir des services de qualité.
04:12Absolument, Mediapro évidemment est une affaire cardinale de ce secteur puisque Mediapro était
04:18un diffuseur espagnol qui avait acquis les droits de la Ligue 1 contre 800 millions d'euros
04:22par an, qui était une somme astronomique et surtout une somme record, finalement au
04:26bout de quelques mois fait défaut, c'est-à-dire qu'il n'est plus en capacité de payer, et
04:30cela évidemment a créé des remous considérables dans ce marché et pour le secteur du sport
04:33en son ensemble.
04:34Notons en plus que de cette défaillance, bien sûr la crise de Covid qui a entraîné
04:38l'arrêt du championnat de Ligue 1, a évidemment mis en péril le financement du sport professionnel,
04:45du football en premier lieu, mais comme on l'a expliqué tout à l'heure, également
04:48de l'intégralité de l'écosystème du sport.
04:50Alors on a vu les enjeux économiques, voyons maintenant les aspects juridiques, quel est
04:54le cadre juridique de ce marché ?
04:56Alors le cadre juridique, il faut noter que ce marché est fortement encadré par le législateur,
05:02les règles sont prévues dans le code du sport, il y a trois catégories ou trois régimes
05:06importants pour ce marché, c'est premièrement le fondement du droit de propriété que détiennent
05:12les organisateurs des manifestations sportives, principalement les fédérations, donc ce
05:17droit de propriété qui est consacré par le code du sport, ensuite dans un second temps
05:22c'est les mécanismes légaux pour protéger ce droit de propriété, notamment le dispositif
05:28de lutte contre le streaming illégal, et dans un troisième temps c'est, le troisième
05:32régime juridique important, c'est évidemment l'émission du droit de la concurrence et
05:37les règles de concurrence dans justement ce marché des droits individuels sportifs.
05:42Alors vous avez évoqué le streaming illégal qui s'est développé notamment face à la
05:46hausse des coûts d'abonnement, beaucoup de piratages qui se sont développés, comment
05:54les opérateurs luttent-ils contre le streaming illégal, quelles sont les principales mesures
06:01mises en oeuvre ?
06:02Alors vous avez raison, le phénomène global est très important, on estime le manque à
06:08gagner pour justement le sport français à 290 millions d'euros, ce qui est considérable,
06:12représente environ 15% du marché global, et bien le législateur pour tenter d'endiguer
06:16ce phénomène a institué un dispositif légal ad hoc pour justement endiguer, alors quels
06:23sont, comment ça fonctionne, le détenteur des droits ou le diffuseur va saisir en urgence
06:28le président du tribunal judiciaire pour que ce dernier prononce une ordonnance pour
06:31bloquer justement les sites pirates qui auraient été identifiés, parce qu'en effet le préjudice,
06:37la problématique c'est que finalement si vous voulez l'événement sportif il est diffusé
06:40en direct, dès lors le préjudice il est immédiat et surtout il devient irréparable
06:44à la fin de la rencontre ou à la fin de l'événement, par conséquent il faut donc
06:47bloquer le plus vite possible ces sites illégaux, et dans un second temps on a un phénomène
06:51qu'on appelle les sites miroirs, en fait les pirates vont en fait créer et dupliquer
06:55à l'infini en utilisant des adresses IP distinctes justement ce canal de diffusion
07:00illégale, et donc du coup pour tenter finalement de contourner en fait les mesures de blocage,
07:05et donc le dispositif légal pour tenter d'endiguer ce deuxième phénomène si vous voulez, va
07:09en fait permettre au diffuseur ou au détenteur des droits d'aller directement devant l'ARCOM,
07:14l'ARCOM qui est donc l'autorité de régulation en charge de cette problématique, sans avoir
07:18à repasser par la case tribunale pour justement bloquer ou déférencer les sites qui n'auraient
07:22pas été identifiés dans un premier temps. D'accord, et aujourd'hui ça marche, c'est technique,
07:26je veux dire, est-ce qu'on arrive à bloquer les sites assez rapidement ? Voilà, alors tout est
07:31relatif, premièrement l'ARCOM se félicite et c'est plutôt globalement un succès, elle estime
07:37en 2024 que 5000 noms de domaines auraient été bloqués grâce à ce dispositif, donc c'est quand
07:41même un relatif succès, mais bon le phénomène n'est pas endigué, comme en atteste la dernière
07:47rencontre, un peu la rencontre on va dire vitrine du championnat de France de football, le match
07:50au MPSG, qui aurait été regardé par 55% des téléspectateurs en utilisant des contenus pirates.
07:56D'accord, donc ça laisse une marge de manœuvre encore pour arriver vraiment à contenir ce
08:01piratage. Le problème est toujours d'actualité, il n'a pas été tout à fait endigué. Pour terminer,
08:05en quelques mots, on l'a dit c'est un marché très concurrentiel, comment le droit de la
08:11concurrence encadre-t-il ce marché ? Alors le droit de la concurrence encadre ce marché tout
08:16simplement parce que, comme on l'a expliqué un peu, l'organisateur de manifestations sportives
08:21vend de manière centralisée le championnat dans son intégralité. Dès lors, ça pose un problème en
08:25droit de la concurrence, c'est-à-dire un risque, mais évidemment un monopole dans lequel se retrouve
08:29l'organisateur de la manifestation sportive en amont, mais également en aval,
08:34puisqu'il va allouer à un diffuseur potentiellement l'exclusivité des droits, donc des problèmes de
08:39concurrence. Cependant, l'autorité de la concurrence a validé cette vente centralisée au motif qu'il
08:46permettait des externalités positives, à la condition bien sûr de respecter un certain nombre
08:51de garde-fous, notamment l'organisation d'un appel d'offre à chaque attribution des droits. Et bien
08:57cela fonctionne, c'est assez bien encadré. On note cependant une problématique, c'est qu'une fois,
09:04la loi ne prévoit pas le cas où l'appel d'offre est non concluant. Si l'appel d'offre n'est pas
09:10concluant, le détenteur des droits peut négocier de gré à gré, et ça a conduit par le passé à un
09:16certain nombre de contentions, notamment récemment la contention entre Canal+, et la Ligue de
09:19Football Professionnel. On va conclure là-dessus, je vous remercie Victor Romnez, je rappelle que
09:24vous êtes avocat chez De Gaulle Florence. Merci beaucoup. C'est le moment de conclure l'émission,
09:28merci à toutes et à tous pour votre fidélité, restez curieux et informés, à très bientôt sur
09:33BeSmart for Change.