Arthur de Watrigant, journaliste : «François Bayrou est le profil parfait pour Emmanuel Macron».
Category
🗞
NewsTranscription
00:00Il y a quelque chose qui m'a toujours étonné, je ne sais pas vous, sur le centre,
00:02c'est qu'ils ont toujours été MoDem ou UDF,
00:05ils ont toujours été dans des gouvernements,
00:07ils ont toujours eu des groupes parlementaires,
00:08mais moi je n'ai jamais croisé un militant MoDem ou UDF.
00:11Honnêtement, jamais, sur un marché, dans une élection, jamais.
00:14Croire qu'ils ont autant d'élus que de militants.
00:16Mais si on revient sur François Bayrou,
00:19c'est le profil parfait pour Emmanuel Macron aujourd'hui.
00:21Parce que si on retraçait sa longue carrière politique,
00:24ce qu'on peut dire, c'est qu'il n'a pas honte de grand-chose
00:26et qu'il a un talent rare de contorsionniste.
00:28Et ce qui permet en effet d'avoir une aussi longue vie politique.
00:33Parce que si vous voulez, ce n'est pas un homme politique,
00:35en fait c'est un adaptateur.
00:36Alors si on veut être gentil, on peut dire que c'est une prise multiple politique.
00:40C'est-à-dire qu'il sait parfaitement se retourner quand il faut, où il faut.
00:44Comme disait Audiard, il a l'égalité dans le sang,
00:46c'est-à-dire que si les Chinois débarquaient, ils se feraient mandarins.
00:48Et j'arrêterai la citation ici parce qu'elle n'est plus entendable aujourd'hui.
00:52Rappelez-vous, en 2012, il appelait à voter Hollande contre Nicolas Sarkozy pour, je cite,
00:58parce que Nicolas Sarkozy se livrait à une course-poursuite à l'extrême droite
01:00avec une obsession de l'immigration et une obsession des frontières.
01:03Vingt ans plus tard, finalement les frontières ce n'est plus vraiment un problème,
01:07l'immigration peut être un sujet.
01:08Et puis on fait des papouilles avec le Rassemblement national.
01:11Et c'est ce dont Emmanuel Macron a besoin.
01:14Car quel est l'objectif du président de la République ?
01:16Ce n'est ni de former un gouvernement, ni d'avoir une majorité,
01:20mais c'est d'empêcher d'en avoir une contre lui.
01:22C'est-à-dire on deal un accord de non-gouvernement.
01:24En gros c'est, je vous nomme, en échange vous ne faites rien.
01:27C'est la phrase de Don Salu dans la fouille des grandeurs.
01:29Je suis ministre, je ne sais rien faire.
01:30On en est là aujourd'hui.
01:31Et Macron, lui, il joue la montre.
01:32Il joue la montre comme si la France, évidemment, avait le temps.
01:36Et donc lui, en fait, il regarde la France qui brûle depuis son balcon,
01:40il la contemple comme ça.
01:42Et donc si on résume grossièrement la dernière séquence politique,
01:45on a eu François Hollande qui censure le gouvernement
01:48et qui contraint Emmanuel Macron à nommer Premier ministre François Bayrou.
01:52On n'est quand même pas très loin du bac à sable de la consanguinité politique.
01:55C'est assez effrayant finalement.
01:57Et pourquoi nous sommes dans une impasse aujourd'hui ?
01:59Parce que justement la cinquième ne fonctionne plus.
02:02Alors que, vous le savez, la cinquième c'est un régime formellement représentatif.
02:07Alors il l'est aujourd'hui, mais il n'est plus capable de remplir sa fonction
02:10parce que notre régime fonctionnait sur la cohabitation
02:12de mouvements politiques, philosophiques, la droite et la gauche
02:15qui s'alternaient au gré de la démocratie.
02:17Et sauf que le clivage a disparu au profit d'une élite qui,
02:21comme l'expliquait magistralement Pierre Malland dont on parlera tout à l'heure,
02:24s'est convertie à une religion européenne aussi floue qu'impérieuse.
02:28Et c'était la raison du succès d'Emmanuel Macron en 2017,
02:31arrêter de continuer à simuler un clivage.
02:33Mais qui en a été le symbole pendant des décennies ?
02:36C'est François Bayrou.
02:37Progressivement, les oppositions politiques ont été reléguées aux extrêmes.
02:41Et qu'est-ce qui se passe aujourd'hui ?
02:43Emmanuel Macron repousse une nouvelle fois les oppositions aux extrêmes
02:46avec son fumaire républicain, c'est-à-dire qu'il ramène une pièce
02:49dans la boîte à casser de notre régime.
02:51Et avec l'accord de François Bayrou,
02:52qui peut-être finalement n'a pas si changé,
02:54parce que rappelez-vous ce qu'il disait en 2006,
02:56il voulait la fin de la Vème, il voulait la VIème République.
02:58Il expliquait que dans la VIème République, il y avait encore un ministre,
03:01mais que ce n'était plus un chef de gouvernement.
03:03Le Premier ministre doit redevenir le Président des ministres.
03:05Et le chef du gouvernement, c'est le Président de la République.
03:07En fait, on en a l'air aujourd'hui.
03:09Alors, il y a quand même deux, trois choses à mettre à son crédit.
03:11C'est qu'il appartient au vieux monde, comme Mathieu l'a rappelé.
03:13Et c'est vrai que le vieux monde qui s'est pégué
03:15et en Camille Henri IV, c'est plus sexy
03:18qu'un cabinet McKinsey et des fichiers Excel.
03:20Sur les sujets sociétaux, il s'est opposé au marge dit pour tous.
03:23Il s'est opposé à l'IVG dans la Constitution.
03:25Je ne suis pas sûr qu'il soit très fan de la transition sur les gamins mineurs.
03:28Et il est plutôt opposé à l'euthanasie.
03:30C'est-à-dire qu'il s'oppose aux progressistes,
03:32ceux qui veulent régresser à l'époque antérieure au christianisme,
03:35selon la merveilleuse formule de Rémi Bragg.
03:37Mais le seul problème, c'est quand on ne veut pas gouverner,
03:39il faut occuper les gens.
03:40Et on les occupe comment, les députés ?
03:41Avec des lois sociétales.
03:42Ça ne coûte pas cher, ça rapporte et ça occupe un peu.
03:44Donc on va voir rapidement si François Bayrou est prêt à s'amputer de tout.
03:49Il avait des convictions à une époque, c'était l'école.
03:51Il est devenu ministre de l'Education nationale.
03:53On sait ce qui s'est passé après.