Retrouvez "L'interview politique d'Europe 1 Soir week-end" sur : http://www.europe1.fr/emissions/linterview-politique-deurope-1-soir-week-end
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00:00Europe 1 Soir Week-end. 19h21, Pascal Delatour-Dupin. 20h13 sur Europe 1,
00:06Gabrielle Pluzel et Nathan Deverson dans ce studio et je vous propose ce
00:10témoignage après la semaine que j'ai qualifiée la semaine noire d'Halloween.
00:14Mais c'est quand même hallucinant ce qui s'est passé Gabriel et Nathan. Poitier,
00:19un adolescent mort par balle et quatre blessés lors d'une fusillade. Rennes, un
00:22enfant de cinq ans qui est toujours entre la vie et la mort grièvement
00:26blessé à la tête lors d'une fusillade. Tout ça sur fond de trafic de drogue, je
00:29ne précise plus. Jeudi dernier, toujours à Rennes, un jeune homme d'une vingtaine
00:33d'années tué à coups de couteau. Deux fusillades près de Valence, deux fusillades
00:38à Saint-Péret dans l'Ardèche. Nicolas en en a parlé, ce Rudminman de 22 ans
00:41blessé par balle qui est décédé des suites de ses blessures. Vendredi, un jeune
00:47homme de 18 ans tué par balle à Rieux-la-Pape, de nuit de violences
00:51urbaines, un policier blessé à Castres. Un jeune homme de 21 ans poignardé et
00:56tabassé en sortie de boîte de nuit. Il est toujours en vie. Et j'en passe. Et j'en
01:01passe parce que la liste était trop longue. Mais c'est hallucinant.
01:05Je vous propose d'écouter ce témoignage de Yarl. Il est influenceur, directeur de
01:10la sécurité d'une boîte de nuit à Rennes. Il a rencontré Bruno Retailleau
01:13lors de sa visite de ce vendredi. On va écouter ce qu'il raconte. J'ai enregistré
01:17l'interview juste avant l'émission parce qu'il n'était pas disponible à 20h15.
01:20Ce qu'il raconte est terrible. Il est obligé aujourd'hui lui-même d'assurer
01:25la sécurité de ses clients à la sortie de la boîte de nuit. La première question
01:29que je lui ai posée c'est d'abord, expliquez-nous ce qui est en train de se
01:32passer à Rennes. Rennes, c'est l'illustration de la ville moyenne française.
01:35Il se passe en ce moment une recrudescence évidemment d'ultras
01:40violences et puis des règlements de comptes dans tous les coins de la ville
01:44concernant le narcotrafic. Il y a une perte totale du contrôle du
01:50territoire. C'est vraiment ça. Aujourd'hui, ils opèrent eux-mêmes
01:53leurs guerres avec leurs propres règles, leurs propres règlements de comptes en
01:57se moquant littéralement de ce qui peut se passer, que ce soit de la police, de la
02:01justice. Il n'y a plus aucune crainte de personne.
02:04On a encore eu le cas en début de semaine de toute façon puisqu'il y avait la
02:07CRS 82 qui était présente à Morpas suite justement à la grave
02:14blessure qu'a eue l'enfant de 5 ans. Pour vous dire à quel point ils
02:18s'en fichent, c'est-à-dire que la CRS dans une rue de Morpas, juste à côté, de
02:24nouveaux coups de couteau sont mis suite à encore un règlement de compte à 50
02:29mètres de l'endroit où étaient les CRS. Ça vous donne quand même ce qui se passe dans la ville.
02:34C'est-à-dire qu'ils n'ont peur de rien et ils n'ont pas peur des forces de l'ordre non plus.
02:39La ville est remplie de CRS partout. Dans la même journée hier, on a eu deux
02:44attaques au couteau. La première, malheureusement le jeune est décédé.
02:49Il est arrivé tout seul aux urgences mais ils n'ont pas pu le sauver aux
02:53urgences. La deuxième attaque, c'était en fin de soirée. Un jeune de 29 ans s'est
02:58fait attaquer par trois individus de type africain, là en plein centre de la
03:02ville. Nous, c'est à 100 mètres de l'établissement de nuit, vraiment 100 mètres.
03:05On est dans le centre de la ville et il est dans la soirée, je crois qu'il était dans
03:09les 20 heures. Là, à fort passage, parce que c'est une ville où il y a beaucoup de
03:12monde en soirée le week-end, ça ne les a absolument pas apeurés. Pour vous dire,
03:16je crois qu'on est à 200 mètres du plus gros commissariat de Rennes.
03:19C'est aberrant ce que vous nous racontez sur Europe 1, le Yarl.
03:24Comment on en est arrivé là ? Parce que vous, vous êtes un homme, vous avez
03:27l'habitude de gérer des situations qui sont un peu délicates puisque vous
03:31gérez cette immense boîte de nuit. À partir de quand avez-vous vu votre ville
03:36se dégrader à ce point ? Après Covid. En gros, il y a 30 ans,
03:42je fais ce métier-là depuis 30 ans, je suis dans le milieu de la nuit depuis autant d'années,
03:45j'ai vraiment vu une dégradation juste après Covid. J'ai constaté des vrais drames avant,
03:52il y a 15 ans en arrière, quand on attrapait quelqu'un qui sortait un couteau et qui s'en
03:56servait, la police ou la gendarmerie venait, l'interpellait, il passait au tribunal très
04:01rapidement, puis les sentences qui tombaient correspondaient à l'acte qui avait été établi.
04:06Aujourd'hui, on en est à des kilomètres, à des années-lumière. J'avais une histoire avec un
04:12couteau à raconter par an avant, aujourd'hui j'en ai quasiment tous les 15 jours.
04:16Mais comment vous gérez ça ? C'est hallucinant ce que vous nous dites. Tous les 15 jours,
04:20vous avez des histoires avec des couteaux dans votre boîte de nuit ou aux alentours ?
04:23Ce n'est pas dans la boîte de nuit, dans les établissements de nuit, il ne se passe plus
04:27rien en France. La plupart des établissements de nuit sont extrêmement bien gérés par les
04:30équipes de sécurité qui sont tous devenus de bons professionnels. Le contrôle est perdu,
04:34comme dans toutes les grandes villes aujourd'hui de France, c'est les extérieurs. Et comme les
04:39établissements de nuit attirent évidemment beaucoup de clients, ça attire également les
04:43dealers, les revendeurs, les MNA, les petits voleurs, ça les attire parce que c'est des lieux
04:47à forte fréquentation. Donc eux, les extérieurs des établissements de nuit, pour eux c'est des
04:51terrains de chasse. Alors les dealers en fait se sont positionnés autour des boîtes de nuit,
04:55des établissements de nuit, c'est ce que vous nous expliquez, le Yarl. Et aujourd'hui comment
05:00vous arrivez-vous à gérer ça ? Parce que les sorties de la boîte de nuit, ce sont vos videurs
05:06qui gèrent pour sécuriser les clients ou est-ce que vous n'avez pas les moyens tout simplement de le
05:11faire ? Alors pour ma part, on a pris le choix de le faire et malgré toutes les interdictions qu'on
05:18a, parce que c'est devenu très très compliqué, parce que la réglementation ne nous aide pas et
05:21au contraire elle nous empêche même de pouvoir aller sauver et aider les gens tellement c'est
05:26mal fait. On a une réglementation qui a plus de 15 ans d'existence et qui n'est plus du tout
05:29adaptée à la situation du pays. Et donc nous on a pris parti de régler notre problème. L'endroit
05:35de l'établissement de nuit est très particulier. On a un endroit avec une très grande place devant,
05:39un très grand fort passage puisque c'est un passage où il y a trois établissements de nuit
05:43aux alentours, à 300 mètres l'une des autres. Et je m'étais rendu compte en 2021 quand j'avais
05:49repris la direction du club avec ma femme, qu'on avait trois points de deal et à peu près une
05:54trentaine de MNA qui pétaient la figure à tous les clients qui passaient sur le passage.
05:57Alors MNA, est-ce que vous pouvez expliquer ce que c'est pour les auditeurs d'Europe ?
05:59Les mineurs, mineurs non accompagnés. Ah oui, les mineurs non accompagnés, ok. Là,
06:03vous avez des mineurs non accompagnés autour, donc il y a de la boîte de nuit, très bien.
06:06Voilà. Et puis de fil en aiguille, quand j'ai vu les blessés qu'on avait, c'était à peu près une
06:11trentaine, entre 30 et 50 par nuit sur les extérieurs de l'établissement, c'est-à-dire
06:15hors de nos compétences. Je ne parle pas de l'intérieur de la boîte, je parle vraiment des
06:19extérieurs. Je me suis dit, il n'y a pas le choix, il va falloir qu'on fasse des choses parce que nos
06:22clients et nos jeunes clients, les premières victimes, elles ont 18-25 ans. Je me suis dit,
06:28c'est dramatique. Je voyais des filles arriver avec le nez pété, les arcades ouvertes,
06:32des agressions, des dents. Je me dis, il faut qu'on les aide. Et puis j'ai utilisé plusieurs
06:37méthodes. La première, la légale, c'est-à-dire faire en sorte d'appeler la police et puis créer
06:41des interpellations. J'ai vu que j'ai très vite annulé cette façon de faire parce que ça
06:45ne fonctionnait pas. Les dealers revenaient en général trois heures après, ils étaient
06:48présents sur la dalle. On appelle ça la dalle, cette place-là. Après, on a changé de méthode.
06:53J'ai même eu une époque, d'ailleurs ça avait fait beaucoup parler sur les réseaux, où j'ai
06:56utilisé les propres gérants eux-mêmes, les dealers, qui placent les petits, ce qu'ils
07:00appellent les petits, en me disant si je leur donne une partie du territoire, les dealers et
07:04les aménages détestent parce que ça bousille leur travail. Les petits voleurs ne sont jamais
07:09les bienvenus à côté des dealers parce que ça casse leur business. Je m'étais arrangé, pour
07:13vous dire, c'est une dinguerie ce que je vous raconte, mais elle est sûre parce que je l'avais
07:16expliqué en vidéo, je m'étais arrangé avec des gérants de rennes, donc des gérants, ce qu'on
07:19appelle les gérants, c'est les plus gros dealers, ceux qui fournissent les petits, pour que quand
07:24ils placent leurs petits, ils empêchent les aménages de venir péter la figure aux gens qui
07:29passent sur la dalle. Et ça a fonctionné pendant à peu près un an. C'est incroyable ce que vous nous racontez.
07:32Incroyable. Mais c'est à peine croyable. Parce que Bruno Retailleau qui parlait de mexicanisation
07:38de la France, mais on y est. Là on y est, oui. Mais ça fait trois ans que je dis qu'on y est, moi.
07:44J'avais juste un petit peu d'avance et on me prenait pour un fou, ça m'a valu le fait de traiter de
07:48raciste, de facho, enfin bref, tout ce qu'on peut imaginer, mais pourtant c'était bien ce que j'expliquais.
07:52Aujourd'hui, ça y est, on a fini par comprendre que j'avais totalement raison. Et la troisième phase a
07:56été cette année, où là j'ai vu que ça ne fonctionnait plus parce que ces propres gérants-là
08:00venaient se faire déloger par des parisiens et par des gens de Marseille beaucoup plus violents,
08:04beaucoup plus agressifs, beaucoup plus armés. Et là je me retrouvais avec des conflits de dealers
08:09devant l'établissement. Et là ça rigolait pas parce que j'avais des graves blessés. Entre dealers,
08:14ils se blessaient. Je me retrouvais à soigner des dealers qui avaient pris des coups de couteau et tout
08:17ça. Et là j'ai dit aux gars, il n'y a plus le choix. La police, j'ai essayé, malheureusement ils sont
08:21démunis avec la justice. Le système où on donne une place aux dealers pour faire partir les MNA,
08:27ça a bien fonctionné, mais maintenant nos propres dealers se font éjecter par les dealers plus
08:32forts et plus dangereux qui arrivent de Marseille et de Paris. Et donc la troisième phase, ça a été
08:37de nous-mêmes faire le ménage. Et ça nous a provoqué de gros moments de violence, de gros
08:41moments de guerre. C'est-à-dire que c'était à nous d'y aller et de faire partir les dealers.
08:44Incroyable, mais vous prenez des risques considérables.
08:46J'ai tous les quinze jours ma tête qui est mise à prix. Je vois des snaps, des stories où c'est
08:52marqué 20 000 euros pour la tête du Yard. J'en ai tous les quinze jours. Encore cette nuit,
08:57on a délogé deux dealers qui se sont mis devant la place à 50 mètres. Et on y est allé et on les
09:05a fait partir avec les moyens qu'on doit prendre en fonction de ce qu'ils font comme réponse.
09:10C'est incroyable, c'est la jungle. Mais c'est incroyable ce que vous nous dites,
09:13le Yard. Et c'est vrai que votre témoignage est extrêmement important puisque vous,
09:16vous y êtes dans ce monde de la nuit. Un mot encore, vous avez croisé Bruno
09:22Retailleau, le ministre de l'Intérieur, qui s'est déplacé à Rennes sur le thème du
09:26narcotrafic. Vous avez parlé au ministre de l'Intérieur. Est-ce que vous lui avez
09:30raconté votre vie, votre quotidien et que vous a-t-il dit ?
09:34Alors je lui ai raconté les grandes lignes de ma vie et de mon quotidien. Il a été très à
09:40l'écoute. Il a été très surpris de mon témoignage, vraiment très surpris. Je lui ai posé une question
09:45qui pour moi était urgente. C'était la nouvelle réglementation qui avait été changée en France,
09:51courant mars, concernant le port des armes pour les individus lambda. Je vais revenir dessus pour
09:57les auditeurs qui ne le savent pas, mais la loi a changé. Aujourd'hui, ils ont mis dans le même
10:01bain les laximogènes avec les couteaux. Et la loi aujourd'hui, c'est plus personne ne peut avoir
10:06une laximogène dans la poche sous peine d'avoir 500 euros d'amende. Moi, quand on me dit qu'il n'y
10:12a pas le droit de se balader qu'un couteau, j'arrive tout à fait à le comprendre. Aujourd'hui,
10:15dans les temps actuels, il faut s'arrêter. Par contre, une laximo, je ne comprends pas. C'est
10:18quelque chose que je ne comprends pas. On sait qu'on est dans le pays d'Europe où on a le plus
10:21fort taux d'agression ultra-violente. Et dans le même instant, on nous pond une loi où on interdit
10:27à nos jeunes demoiselles et à nos jeunes hommes d'avoir une laximo pour se défendre. Alors que
10:31c'est aujourd'hui, on le sait, c'est non létal, non blessant, ça laisse aucune séquelle, c'est-à-dire
10:36c'est sans aucun risque. Rien. Il a parfaitement compris ce que je lui disais. Lui-même ne comprend
10:47pas que cette partie-là ait été mise dedans. Il a pris des notes. Et j'ai compris après que j'aurais
10:53une nouvelle conversation un peu plus importante et plus tard avec lui ou avec ses équipes. Et donc,
10:58on a des rendez-vous prévus ensemble pour changer des choses. Voilà.
11:01Et bien écoutez, merci en tout cas de vous investir. Merci Le Yarl. Votre témoignage est
11:06absolument édifiant, édifiant. Je n'avais jamais entendu une histoire pareille. J'imagine que ce
11:12que vous vivez, d'autres propriétaires de boîtes de nuit vivent la même chose. Vous, vous avez le
11:19courage de prendre les choses en main pour protéger vos clients, tout simplement, qui ne demandent
11:26qu'une chose, c'est de s'amuser quand on va en boîte de nuit. Merci infiniment pour votre témoignage
11:31euro-européen. Il est 20h25. Je voudrais avoir peut-être vos réactions dans ce studio. Témoignage
11:40édifiant. Certes, Gabriel Cluzel. Quand on entend le témoignage, parce que ça, c'est un homme de
11:44terrain. C'est un homme de terrain. Les bras mentaux, moi. Ce qui est assez terrifiant, moi,
11:50ce qui m'a le plus frappé, c'est qu'il a acté l'idée qu'il devait se débrouiller tout seul. C'est
11:56quand même vraiment la première pierre d'un état failli. C'est-à-dire qu'il se dit, de toute façon,
12:03personne ne peut plus rien pour moi. Donc, il va falloir que je fasse avec. Donc, il s'arrête
12:10des accommodements avec les dealers. Mais c'est comme ça que naissent les états mafieux. C'est-à-dire
12:17que la mafia vous dit, je vous fiche la paix si vous faites ceci, cela. Et c'est de ces arrangements
12:25que naît une forme de paix fragile, remise en cause en permanence. Ça, c'est proprement terrifiant.
12:31Alors, ce n'est pas du tout une accusation de la police, parce que je pense qu'eux ont une ferme
12:35volonté d'agir. Mais en réalité... Alors, il nous l'a dit, ça. Les policiers de terrain,
12:40ils avaient de très bons... Je me permets de vous couper, car il y a le très bon rapport,
12:43moi, avec la hiérarchie. Il disait, attention, la hiérarchie, ils n'aiment pas trop que ça fasse
12:47des vagues. Donc, les policiers de terrain, oui. Le deuxième point, c'est que ces boîtes de nuit
12:54deviennent des lieux compliqués. Je pense que les parents, en écoutant ce témoignage, doivent se
12:59dire, mais moi, mes enfants, c'est terminé, ce genre de lieu, dans des villes pourtant réputées,
13:05autrefois bourgeoises, presque ennuyeuses. C'était la province, au sens où Jacques Brel l'entendait.
13:11Donc, vous imaginez... Mais là aussi, c'est un mouvement très caractéristique. C'est-à-dire
13:17que quand vous avez une justice qui ne parvient plus à enfermer les délinquants, eh bien,
13:24c'est les honnêtes gens qui vont s'enfermer chez eux. Ça devient le pays des digicodes,
13:29des caméras et des portes que l'on ferme à double tour. Et on ne sort plus en réalité. Vous savez,
13:36j'entends souvent les féministes dire à propos des femmes, ah oui, les conservateurs veulent les
13:40renvoyer au foyer. Mais ce qui les renvoie au foyer, les femmes, c'est l'insécurité. Est-ce que vous
13:45croyez qu'il y a beaucoup de jeunes filles qui ont envie d'aller dans des boîtes de nuit quand
13:47elles entendent ce genre de témoignage ? Non, c'est proprement terrifiant, mais on voit bien
13:52que c'est un système complet qui inclut la justice, la politique migratoire, les relations
14:03avec les pays d'où vient la drogue. Parce que rappelons, la drogue, elle ne pousse pas sur les
14:06marronniers en France. Et par exemple, pendant le voyage en Maroc, moi, je n'ai pas entendu beaucoup
14:10parler de ça. J'imagine que c'était la lune de miel entre la France et le Maroc et que c'était
14:13malvenu d'en parler. Nathan Devers. Oui, alors cette grande idée Nietzscheenne qu'on peut juger,
14:20voire qu'on doit juger, la santé, la grandeur d'une civilisation, à la manière dont elle
14:26organise, dont elle conçoit ses fêtes, dans son rapport à la fête. Ce qui fait que la Grèce
14:30antique a été grande, c'est précisément ça. C'est que par rapport aux autres civilisations,
14:35elle avait réussi à transformer les Dionysies, des fêtes d'ivresse, des fêtes où tout le monde
14:40finissait dans un état second, de décomposition, de violence, d'orgie, de dissolution de
14:45l'individualité, à la fois avec des bagarres, à la fois avec de la sexualité débridée. Elle
14:50avait réussi à transformer ça en la tragédie. C'est-à-dire une fête qui cristallise, qui
14:55canalise la pulsion d'ivresse à travers la beauté. Et précisément, je trouve intéressant, à travers
15:02le témoignage qu'on a entendu, de dire qu'aujourd'hui on a peut-être quelque chose qui déconne,
15:06qui ne marche plus dans la fête contemporaine en France. Mais là c'est même pas la fête,
15:11parce que là c'est en dehors de la fête. Bien sûr, mais tout ce qui entoure la fête,
15:16l'univers de la fête. Moi déjà j'aimerais juste dire une chose, c'est que je pense qu'on devrait
15:20réfléchir, si vous voulez, au cadre de la boîte de nuit occidentale. Je suis désolé, mais qu'il y
15:27ait ou non des violences devant cette boîte de nuit, pour ma part je ne ferai pas l'apologie
15:31de ce modèle de fête. Je pense que le principe de la boîte de nuit, il y a une sorte de violence
15:36symbolique dedans, de hiérarchie dedans. Non mais ça doit nous faire réfléchir. Mais Michel
15:42Houellebecq a écrit des textes très importants là-dessus. La boîte de nuit c'est un lieu,
15:45déjà fondamentalement... Vous n'aimez pas la fête Nathan Devers ? Non, alors justement,
15:49je suis très bon vivant et j'aime beaucoup l'idée de fête. Et je trouve que la boîte de nuit
15:54occidentale n'est pas totalement, si vous voulez, à la hauteur de la fête et qu'elle contient en
15:58elle-même des sortes de choses presque structurellement qui poussent un peu à la
16:02violente. Il y a un côté combat de coq, il y a un côté si vous voulez où chacun est ramené
16:06évidemment à sa raison sociale, où il y a des gens, une sorte de capitalisme du désir qui a
16:10très bien disséqué Michel Houellebecq. Et alors évidemment, juste je vais finir là-dessus,
16:14par-delà cette chose, on rajoute le témoignage du videur qu'on entendait tout à l'heure. Et
16:20évidemment qu'aujourd'hui, quand on rajoute la problématique de la drogue, quand on rajoute la
16:24problématique de la montée de l'insécurité, on a quelque chose qui est une représentation de la
16:29fête, qui est le contraire de la festivité, qui est le contraire de la civilisation et qui s'apparente
16:34davantage à quelque chose qui relève de la barbarie. Il faut le dire, d'une forme de barbarie
16:38civilisée, une barbarie économique, une barbarie avec beaucoup d'argent, mais une forme de barbarie
16:42quand même. Et ça doit évidemment nous faire réfléchir non seulement sur la manière dont la
16:46nuit se passe en France, sur la manière dont les boîtes de nuit sont organisées en France,
16:49mais même sur ce que ça signifie plus largement, le miroir que ça vient nous tendre à notre société
16:54dans son intégralité. Alors ça le miroir effectivement de notre société, c'est une
16:58bonne question. On va continuer d'en parler, on va continuer. Il est 20h30, il est 20h30.