Les Vraies Voix avec Sarah Calenia, avocate en droits de l’homme et droits humanitaires.
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NewsTranscription
00:00Les vraies voix Sud Radio, le code projecteur des vraies voix.
00:04Les talibans viennent désormais d'interdire aux femmes de parler entre elles en Afghanistan.
00:08Le ministère du vice et de la vertu vient de promulguer une nouvelle loi, samedi 26 octobre,
00:12qui impose aux femmes de ne pas entendre la voix d'une autre femme.
00:15Et en cas de non-respect, les femmes seront arrêtées et envoyées en prison.
00:18La loi est fermement ancrée dans les enseignements islamiques.
00:21Les rejetés sont cherchés à les comprendre et selon nous, une expression d'arrogance
00:25pour un musulman, critiquer ses lois peut conduire au déclin de sa foi.
00:28Et récemment, Richard Bennett, rapporteur spécial de l'ONU sur la situation des droits de l'homme en Afghanistan,
00:34s'est vu interdire l'accès au territoire.
00:36D'après un haut responsable taliban interrogé par le Télégraphe,
00:39quelqu'un devrait arrêter le chef suprême.
00:41Beaucoup de talibans sont en colère et craignent qu'avec tout ce que font les dirigeants,
00:44nous puissions perdre l'Afghanistan aussi vite que nous l'avons conquis.
00:49C'est la nouvelle infamie des talibans dans l'effacement des femmes
00:53dans l'espace public et de la société afghane.
00:55Le régime leur interdit désormais de se parler entre elles.
00:58Ce, alors que l'ONU prône de réintégrer l'Afghanistan des talibans au sein de la communauté internationale.
01:04Alors, parlons vrai, est-ce que c'était prévisible quand on a abandonné Kaboul en août 2021 ?
01:09Faut-il des sanctions contre les talibans, mais contre les régimes qui soutiennent les talibans ?
01:14Je pense en particulier au Pakistan.
01:16Et à cette question, interdiction aux femmes de se parler,
01:19faut-il mettre l'Afghanistan des talibans au banc des nations ?
01:22Vous dites oui à 82%.
01:24Vous voulez réagir ? Le 0826 300 300.
01:27Et notre invité, Sarah Kalenia, est avec nous, avocate en droit de l'homme et droit humanitaire.
01:31Bonsoir, merci d'avoir accepté notre invitation.
01:34Maître Philippe, de difficiles actualités à commenter.
01:38Là, on va arriver à quelque chose qui ne nous permet plus de faire de la drôlerie réelle ou prétendue.
01:46Lorsque Le Drian, à l'époque, disait qu'on allait avoir affaire à des talibans modérés, en quelque sorte,
01:54et qu'on voit que pratiquement chaque jour, parce que probablement la réprobation internationale et la riposte ne sont pas assez fortes,
02:05les talibans se permettent absolument n'importe quoi.
02:10Et aujourd'hui, on n'est plus dans ce que j'appellerais la répudiation du féminisme.
02:16On n'est même plus dans l'indignité.
02:18Je n'ai pas eu de mots hier soir pour appréhender cette horreur absolue qui transgresse l'élément fondamental
02:31qui renvoie à notre humanité dans le rapport entre les hommes et les femmes.
02:36Et entre les femmes elles-mêmes, elles n'ont plus le droit de se parler.
02:40C'est inconcevable.
02:43– Vous avez cité Le Drian, mais juste un mot, le département d'état américain était sur la même ligne à l'époque.
02:48Je tiens quand même à le rappeler, parce que c'est les derniers à avoir quitté Kaboul.
02:51Sébastien Ménard ou Sandrine Pégan ?
02:53– Moi, ce sujet, sincèrement, il me donne la chair de poule.
02:56Elles étaient déjà sans visage, ces femmes, et maintenant elles sont sans voix.
03:00Parce qu'en fait, c'est ça concrètement.
03:02C'est que là, aujourd'hui, depuis cet été déjà, elles n'avaient pas le droit de chanter et de lire à haute voix.
03:06Et maintenant, elles ne peuvent même pas réciter le Coran à haute voix.
03:09C'est-à-dire que les autres femmes ne peuvent pas les entendre.
03:11– Même chez elles. – Même chez elles, même à domicile.
03:13À un moment donné, il faut que tous les états, que tous les pays s'insurgent contre ça.
03:21Il faut dénoncer ces lois, la nouvelle loi du ministre du vice et de la prévention.
03:26– Du vice et de l'averture.
03:27– Oui, rien que le nom du ministère.
03:29– Ça suffit, oui, le nom du ministère.
03:31– Mais je trouve ça scandaleux.
03:32Non pas parce que je suis une femme, mais je me dis, à un moment donné,
03:35ces femmes, on les muse, elles, et de trop.
03:37Et la seule chose, moi, où je trouve le point positif, c'est qu'aujourd'hui,
03:40et je le vois dans mon cabinet, c'est que grâce à ces mesures discriminatoires,
03:43ces femmes obtiennent plus facilement l'asile, l'asile politique.
03:46Parce que justement, du fait de leur genre et de leur sexe,
03:49et du fait aussi qu'elles viennent de l'Afghanistan,
03:51elles obtiennent plus facilement l'asile politique.
03:54Et c'est la seule chose positive dans ça.
03:55– Sébastien Miller.
03:57– Malheureusement, on peut en parler, on va pouvoir, quelque part,
04:03se confondre avec les victimes.
04:08Mais la réalité, c'est qu'il faut… Quelles solutions peut-on apporter ?
04:13On s'indigne ici à Paris, on s'indigne à New York, on s'indigne partout.
04:17Il ne faut juste pas oublier qu'on les a…
04:19– Tu crois qu'il y a beaucoup de gens qui s'indignent vraiment ici ?
04:21– Non, moi je trouve qu'on ne s'indigne pas.
04:23– C'est quand même très, très…
04:26– Mais alors, si je vais au bout de ce que vous pensez, pourquoi ?
04:31La réalité, c'est qu'on a quitté, on a quitté l'Afghanistan.
04:34On les a laissés à leur triste sort.
04:36On savait très bien quand les Américains, quand le dernier contingent d'Américains…
04:41– 15 août 2021 de mémoire.
04:43– Décide de faire sortir le dernier Hummer, etc.
04:45On sait très bien ce qui va se passer.
04:47Attention, on savait, l'Occident le savait, l'Europe le savait, on n'a rien fait.
04:51Donc si aujourd'hui, ce n'est pas les plus grandes tirades à la tribune des Nations Unies,
04:56une énième résolution, des pétitions dans différents journaux hebdomadaires, etc.
05:02en France ou ailleurs…
05:03– Mais même ça, on ne le voit pas.
05:05– Non mais quand bien même.
05:06– Il n'y a pas de pétition, il n'y a rien.
05:07Alors qu'en Iran, qu'est-ce qui s'est passé en Iran par rapport aux femmes ?
05:10Là pour le coup, le monde entier s'est levé.
05:12– Il y a une nuance avec l'Iran.
05:14L'Iran, on est dans une théocratie, mais il y a quand même des voix dissonantes.
05:20En Afghanistan, il n'y a pas de voix dissonante, vous l'avez dit vous-même.
05:23– C'est fermé.
05:24– On ne peut même plus parler, on ne peut plus s'exprimer.
05:26Vous la ramenez, vous êtes attrapé, vous êtes torturé, exécuté.
05:30Immédiatement, immédiatement.
05:32Donc quelle est la solution ?
05:34La solution, à part envoyer mon cher Philippe David
05:37une espèce de super-force internationale qui viendrait…
05:41– Qu'on n'arrivera pas à pacifier l'Afghanistan.
05:43– Qu'on n'arrivera pas à mobiliser, voilà.
05:44– Surtout avec l'ONU qui décide de les faire revenir.
05:47On va, si vous permettez Sébastien, donner la parole à Sarah Kalenia
05:51qui est avocate en droit de l'homme et en droit humanitaire.
05:55Merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation.
05:58De votre côté, je sais que vous êtes très impliquée.
06:01Quel regard, aujourd'hui j'imagine le même que le nôtre, horrifié
06:04sur cette nouvelle annonce ?
06:06– Alors comme tout le monde, effectivement horrifiée.
06:09Et en fait avec les talibans, on a toujours l'impression
06:11qu'à chaque fois qu'on touche le fond,
06:13ils nous montrent qu'on peut toujours aller plus loin.
06:15Avec la loi en août dernier, où ils nous avaient imposé
06:18le port du hijab obligatoire, on se disait
06:21ok, là on ne peut pas aller plus loin.
06:22Et avec cette dernière loi, on se rend compte que si.
06:25Il est effectivement possible d'aller toujours le plus loin
06:28dans la femme et le plus horrible.
06:29Ce qui se passe pour ces femmes aujourd'hui,
06:31c'est en vertu du statut de Rome, c'est vraiment un crime
06:34contre l'humanité.
06:35L'oppression dont elles subissent, pour le coup,
06:37c'est facilement qualifiable.
06:38Par contre, si je peux me permettre, et pour en parler
06:41avec des associations de femmes afghanes qui sont toujours
06:43sur le terrain, elles ne sont pas particulièrement favorables
06:47à ce qu'on met justement l'Afghanistan au banc des nations.
06:49Pourquoi ? Parce que si on les met au banc des nations,
06:52on arrête d'en parler.
06:53On arrête de parler, on arrête de nouer le dialogue
06:55avec les talibans.
06:56Et pour le coup, le dialogue, une fois qu'on a perdu
06:58le dialogue avec les talibans, les talibans auront gagné.
07:00Donc, pour le coup, exclure totalement le pays,
07:03ce n'est pas l'idéal.
07:04Surtout que le pays aujourd'hui s'exclut lui-même.
07:06Ils ont fermé beaucoup d'ONG internationales dans le pays.
07:09Ils ont fermé les instances de l'ONU dans le pays.
07:11Et ils ont, comme vous l'avez dit tout à l'heure,
07:13interdit aux rapporteurs spécials de l'ONU, pour le coup,
07:15d'entrer dans le pays.
07:16Donc, le banc des nations, ils se mettent déjà eux-mêmes.
07:19Et d'un autre côté, d'un point de vue économique,
07:21ils sont en train de se rapprocher du Qatar,
07:23des Émirats arabes unis, de la Chine.
07:25Il y a plein d'accords commerciaux qui sont nés avec ces pays.
07:27Des pays qui, au niveau des droits de l'homme,
07:29en passant entière, s'en fichent un peu.
07:31Donc, la démarche de l'ONU, au contraire,
07:33d'essayer de tendre la main et de renouer un dialogue,
07:36je la trouve pas si, on va dire, idiote que ça.
07:39Et au contraire, une façon de renouer le dialogue
07:41avec les talibans.
07:42Non mais, excusez-moi, quand l'Afrique du Sud pratiquait
07:44l'apartheid, on les a interdits de toute compétition sportive,
07:47etc., pour cause de discrimination raciste,
07:50pourquoi est-ce qu'on ne vire pas les talibans ?
07:52Moi, j'ai eu honte de les voir au JO de Paris,
07:54pour discrimination sexiste.
07:57Je suis entièrement d'accord.
07:58On pourrait, effectivement.
07:59Mais après, qui va être puni, au final ?
08:00Parce que les talibans s'en fichent un peu, concrètement,
08:02de nos interdictions et de nos soulèvements
08:05et de nos indignations qui ne durent, on va pas s'y mentir,
08:07jamais très longtemps.
08:08Donc, si vous les privez à peu près de tout,
08:11au final, les seules personnes qui seront punies
08:13ce sont, effectivement, les femmes.
08:15Et ce seront toutes les personnes les laissées
08:16pour compte sur place.
08:17Maître, Sébastien Ménard a évoqué l'Iran.
08:23Il y a des voix dissidentes.
08:25Mais malheureusement, en Iran,
08:27elles sont exécutées, les voix dissidentes.
08:30D'abord, qu'est-ce que vous pensez
08:33de la situation de ce pays ?
08:35Et avant de revenir à l'Afghanistan,
08:37j'entends bien ce désir en permanence
08:41de garder des liens en espérant des progrès.
08:45Mais est-ce qu'il ne faudrait pas réviser
08:49cette conception de la diplomatie
08:51quand on constate que ça ne sert rigoureusement à rien
08:56et qu'en réalité, ça amplifie les désastres humains
09:00et l'impunité de ces malades ?
09:03Je sens en l'accord avec vous,
09:04il y a un problème au niveau de la diplomatie.
09:06Mais si je peux me permettre de prendre une analogie,
09:09quand vous avez en place de vous un mauvais élève,
09:11quelqu'un qui est mauvais à l'école,
09:13vous n'allez pas le mettre dans un coin
09:14en lui disant, débrouille-toi tout seul,
09:16apprends tout seul de tes erreurs
09:17et reviens vers moi, effectivement,
09:18quand t'auras appris à t'améliorer.
09:20Vous lui tendez la main, au contraire,
09:21pour essayer de l'aider à s'améliorer.
09:24Donc, j'entends très bien.
09:25Du point de vue de l'Iran,
09:27ce qui se passe dans le pays,
09:29d'un point de vue du droit,
09:30on peut absolument tout qualifier.
09:32Crime contre l'humanité,
09:34apartheid envers les femmes, etc.
09:36C'est monstrueux, également, ce qui se passe sur place.
09:38Et d'ailleurs, vous parliez tout à l'heure
09:40d'une initiative que l'on pouvait prendre.
09:42Il y a beaucoup d'ONG
09:43et de militants des droits des femmes
09:44et des droits de l'homme
09:45qui, aujourd'hui, militent notamment
09:47pour la reconnaissance de l'apartheid de genre
09:49en Afghanistan et en Iran,
09:51pour mettre en place des procédures
09:53devant la Cour pénale internationale.
09:55Ça peut être une belle initiative à soutenir.
09:57Une autre initiative à soutenir
09:59pour soutenir ces femmes afghanes,
10:00il y a, aujourd'hui,
10:02si je ne me trompe pas,
10:04l'Australie, le Canada, l'Allemagne et les Pays-Bas
10:06qui ont lancé une procédure
10:08contre le gouvernement afghan
10:09devant la Cour internationale de justice
10:11pour discrimination de genre
10:13et mépris des femmes.
10:14Aujourd'hui, la France n'a pas rejoint cette initiative.
10:16Une action concrète qu'on pourrait faire,
10:18c'est de faire pression sur nos élus,
10:20nos députés, nos ministres,
10:21pour rejoindre à nos tours cette initiative
10:23et, pour le coup,
10:25forcer les talibans
10:27à répondre à toutes les obligations
10:29auxquelles ils sont liés,
10:30notamment sur les conventions internationales
10:32en matière de discrimination des droits des femmes.
10:34Mais ce qui est étonnant,
10:35c'est qu'il y a une ambassade
10:37d'Afghanistan à Paris
10:39et un ambassadeur.
10:41Pourquoi il n'y a pas de relation ?
10:43Pourquoi on n'entend pas parler de lui ?
10:45Pourquoi il n'y a pas de négociation,
10:47aussi, de Sébastien Ménard, par exemple ?
10:49Moi, je suis désolé, madame,
10:51mais je ne pense pas
10:53qu'il faille discuter
10:55avec ces régimes.
10:57Moi, je pense qu'il faut les mettre au banc,
10:59il faut faire pression sur
11:01leurs partenaires économiques.
11:03Le principal étant le Pakistan.
11:05Quand vous avez...
11:07Alors, il y a des États
11:09plus ou moins fréquentables.
11:11Il y a aussi des États plus ou moins fréquentés.
11:13Quand on parle de l'Inde,
11:15quand on parle de la Chine,
11:17quand on parle de tous ces pays
11:19qui viennent commercer
11:21avec des États totalitaires
11:23qui asservissent leur population,
11:25qui discriminent tout un pan de l'humanité
11:27et qui, effectivement, musèlent,
11:29qui torturent et qui exécutent
11:31toute forme d'opposition,
11:33je n'ai pas envie.
11:35On n'est pas dans le mauvais élève, là.
11:37C'est pas le mauvais élève au fond de la classe.
11:39On est dans les pires immondices
11:41que l'humanité a pu créer.
11:43On a fini, Sébastien Ménard,
11:45mais il y a peut-être un pont
11:47entre garder le contact
11:49et mettre au banc tous ceux
11:51qui travaillent avec les Afghans
11:53et qui continuent
11:55ces relations pour de mauvaises raisons.
11:57En tout cas, Sarah Kalania,
11:59merci beaucoup d'avoir été
12:01avec nous, avocate en droits
12:03de l'homme et en droits humanitaires.
12:05Merci beaucoup d'avoir accepté
12:07notre invitation.