• il y a 2 mois
A une semaine du scrutin, la course à la Maison Blanche est toujours aussi indécise. Yannick Mireur, politologue spécialiste des questions américaines et auteur de "Populisme smart : le retour du peuple dans la politique comment y répondre" aux éditions VA, est l'invité d'Amandine Bégot.
Regardez L'invité d'Amandine Bégot avec Amandine Bégot du 30 octobre 2024.

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Transcription
00:00RTL matin, avec Amandine Bégaud et Thomas Otto.
00:05Il est 8h16, l'interview d'Amandine Bégaud et ça se tend sérieusement aux Etats-Unis.
00:08À J-6 de l'élection, Trump est déterminé à contester son éventuel échec comme le titre Le Monde aujourd'hui.
00:14Alors Amandine, vous avez choisi ce matin d'inviter Yannick Mirreur, politologue et spécialiste des questions américaines.
00:19Bonjour et bienvenue.
00:20Bonjour et bienvenue sur RTL.
00:22Bonjour.
00:22Pensez-vous, Yannick Mirreur, que dans une semaine, à la même heure, on sera capable de dire qui a remporté cette présidentielle américaine
00:29et qui va diriger les Etats-Unis ?
00:31Il ne faut pas espérer se retrouver dans la situation de 2000.
00:33Vous vous rappelez, avec le vice-président sortant, M. Al Gore, et George Bush, fils,
00:39et sans remettre à la décision de la Cour suprême, en particulier sur les résultats assez indécis, mais qui avaient une tendance,
00:47et la Cour suprême a tranché dans un autre sens, en Floride, je vous le rappelle.
00:51Mais c'est un bon exemple, quand même, d'en parler, parce que le scénario d'une élection tranchée par la justice, on va dire,
00:59n'avait pas soustrait les deux candidats à l'exercice de la civilité républicaine.
01:05M. Gore avait reconnu la situation, concédé sa défaite et concédé la victoire, donc, à M. Bush,
01:11et tout ceci était allé de manière tout à fait raisonnable.
01:14Sous-entendu, le risque, c'est que ça ne se passe pas comme ça.
01:16Et c'est ce que j'allais vous dire, parce qu'aujourd'hui, on est quand même frappé du fait que tous les arguments structurés, raisonnables,
01:24faisant appel aussi à une stabilité institutionnelle, tout ceci n'accroche absolument pas.
01:30Et il y a un petit peu un état de choc et de sidération par rapport aux termes de ce débat.
01:35D'un côté, on voit bien Mme Harris, magistrate très structurée, articulée, raisonnable, qui manque évidemment de charisme,
01:43mais qui ne me semble pas être tout à fait à la hauteur politique de l'enjeu, peut-être se révélera-t-elle.
01:49Enfin, il faudrait pour cela qu'elle soit élue, puisqu'on n'a plus beaucoup de temps maintenant.
01:53Et puis M. Trump, je n'insiste pas dessus, avec des outrances, des condamnations qui ne le desservent pas.
01:59On a l'impression à six jours maintenant de ces résultats, cinq jours de l'élection, qu'on est dans un référendum pour ou contre Donald Trump.
02:07Quand vous entendez M. Obama dire il y a quelques jours « j'ai peur », on a l'impression que c'est le seul argument désormais des démocrates.
02:15Oui, je ne dirais pas que c'est un référendum pour ou contre, parce qu'il y a deux visions, deux interprétations des circonstances aujourd'hui,
02:26deux réponses, chacun dans sa propre forme, la plus singulière évidemment, hors des normes conventionnelles étancelles de M. Trump.
02:34Il y a, on le dit souvent, une polarisation, il y a un chiffre très fort de la société américaine, il y a un chiffre intéressant à voir.
02:4087% des personnes interrogées, démocrates ou républicains, considèrent que si leur candidat perd, alors le pays sera abîmé.
02:49C'est quand même un indicateur du côté inflammatoire, disons, de la situation politique aux Etats-Unis.
02:57Et derrière ça, il y a quand même une approche de la société. Je pense que ce qu'il faut attendre surtout, c'est l'économie,
03:05parce qu'elle restera le critère majeur du vote pour les électeurs, même si les éléments de société, les éléments culturels jouent beaucoup aussi.
03:12Ça va quand même être l'économie, et c'est là que je trouve Mme Harris est un petit peu à la peine.
03:16On fait crédit à tort ou à raison, peu importe, on fait crédit aux républicains, et y compris à M. Trump, sur l'économie, sur la croissance et sur les emplois.
03:24Mme Harris a peut-être manqué de fermeté, de clarté et de punch pour reconquérir ce terrain-là,
03:31puisqu'il y a globalement deux grandes thématiques qui s'opposent, l'une à la faveur des républicains, l'économie, l'immigration,
03:37et de l'autre, plutôt l'avortement, dont évidemment Mme Harris est très bien placée en tant que femme pour parler.
03:44Mais est-ce que ça va suffire ? On peut en douter.
03:47Yannick Méreur, Kamala Harris a prononcé cette nuit un discours à Washington, là même, où Donald Trump avait harangué ses partisans le 6 janvier 2021,
03:55avant qu'il n'attaque le Capitole. Est-ce qu'en cas de défaite de Donald Trump, vous redoutez, vous aussi, que ses partisans contestent à nouveau ces résultats ?
04:04Est-ce qu'on pourrait revivre une attaque de ce type ?
04:06C'est difficile à dire, mais je ne sauterai pas les deux pieds joints sur cette barque-là,
04:11parce que la grande différence avec la dernière fois, c'est que M. Trump n'est pas le président sortant.
04:16Et que donc, on le voit mal appeler, comme il l'a fait la dernière fois, de manière plus ou moins elliptique,
04:24enfin elliptique, ce n'est pas vraiment son genre, donc de manière claire, des gens à manifester, etc.
04:29On a vécu ce scénario-là, qui lui a peut-être un petit peu échappé, d'ailleurs.
04:32Il y a eu un manque de réaction, parce que, évidemment, c'était très étonnant, les forces de sécurité ont été débordées.
04:38Je ne vois pas, dans un scénario comme celui-là, un épisode de ce type se reproduire aux Etats-Unis.
04:44Ce qui est sûr, c'est que certains de ses partisans semblent vouloir en découdre.
04:47Je voulais vous faire écouter ce témoignage qu'a recueilli Vincent Serrano.
04:51C'est l'un des envoyés spéciaux d'Airtel aux Etats-Unis.
04:53Il a rencontré hier des électeurs dans le Mississippi, un armurier notamment,
04:57qui est convaincu qu'il y aura des émeutes à l'annonce des résultats. Écoutez-le.
05:01Regardez toutes les émeutes qu'il y a eu la dernière fois, les bâtiments brûlés.
05:04Cette fois, ce sera pire. Mais si quelqu'un me cherche, j'ai une famille à défendre.
05:11Je lui demande s'il a senti la même inquiétude chez ses clients, s'ils sont venus acheter plus d'armes ces derniers temps.
05:16Ils font ça depuis quatre ans. J'ai un client qui pense que les démocrates vont tricher,
05:22que ce sera dégueulasse et qu'ils vont vouloir nous enlever nos armes pour nous faire taire.
05:26Et je peux vous dire qu'ici, il y a beaucoup de militaires à la retraite et ils nous l'ont déjà dit.
05:32Qu'ils viennent me les prendre, ça n'arrivera pas sans un combat.
05:36Yannick Mireur, on en est là, un climat de pré-guerre civile presque.
05:40On est quand même dans un pays où les armes circulent librement, peuvent s'acheter librement.
05:46C'est cette culture qui fait partie vraiment du tréfonds de l'âme américaine,
05:49qui est un pays de pionniers, qui repousse les frontières.
05:52Donc ça fait partie de la culture américaine. Elle est évidemment beaucoup plus marquée dans certains espaces
05:56qui votent plutôt, non seulement républicains, mais en l'occurrence plutôt pour Donald Trump.
06:01Ça ne veut pas dire qu'il y a un film de guerre civile récemment, qui est assez intéressant à voir,
06:06mais qui était quand même, je crois, de la fiction et avant tout de la fiction.
06:10Je ne crois pas, sauf des manifestations ici et là peut-être,
06:14mais je ne crois pas à des choses très graves et nationales aux Etats-Unis à l'issue de ces élections.
06:20Je crois quand même et surtout que, si vous me permettez d'introduire cette approche-là,
06:28du point de vue de la France, du point de vue de l'Europe,
06:32il y a un consensus droite-gauche, comme vous voudrez le dire,
06:36Trump-Paris, Biden, démocrate, républicain.
06:39C'est que les Etats-Unis restent la première puissance mondiale,
06:42restent les premiers en tête du podium en termes de technologie et de l'économie de l'avenir.
06:47Ils s'y prendront de manière différente l'un et l'autre.
06:50Mais nous avons intérêt, nous, à nous réveiller plutôt que de nous inquiéter de ce qui peut se passer là-bas
06:55pour ne pas être délaissé pour compte de l'économie du XXIe siècle et du XXIIe.
06:59Mais ça veut dire que, quel que soit finalement le résultat la semaine prochaine,
07:03nous, on ne doit pas changer d'attitude.
07:06On a plutôt intérêt évidemment à ce que Mme Harris soit élue pour calmer le jeu,
07:11y compris au plan international, et il pourrait y avoir aussi des conséquences économiques pour nous
07:15si M. Trump est élu. Le décrochage entre l'Europe et les Etats-Unis est très important,
07:19mais c'est un patriote lui aussi. Sa politique n'est pas celle de Mme Harris.
07:23On a plutôt intérêt pour les alliances, pour une certaine modération,
07:26une certaine vision du monde, que Mme Harris soit élue en dépit de ses faiblesses
07:31et de celles de son vice-président en termes politiques.
07:34Mais néanmoins, je pense que l'économie demeurera le critère numéro un
07:42et on voit quand même les Etats-Unis très mobilisés pour continuer à prendre la tête de tout cela.
07:48Et le soutien de M. Musk, par exemple, à M. Trump, est aussi un des éléments constitutifs,
07:53des perspectives qu'une élection, par exemple, de M. Trump peut donner.
07:58Celle de Mme Harris, je viens d'en parler.
08:00Toute dernière question, Yannick Méreur, le fait qu'elle soit une femme,
08:04est-ce que c'est aussi un handicap ?
08:06Il y a très certainement encore des réserves sur ce sujet.
08:09M. Obama, d'ailleurs, en a parlé. On s'est mobilisés pour essayer de briser un petit peu cette pion de glace,
08:13mais je crois qu'on a fait énormément de progrès.
08:17La vérité, c'est qu'il est prêt à élire une femme dans l'absolu ?
08:21Dans l'absolu, je pense que oui.
08:23Et la décision au fond des indépendants ou des électeurs républicains traditionnels
08:28qui se méfient d'un deuxième mandat de M. Trump,
08:31tout va se jouer quand même là-dedans.
08:33Et c'est très difficile à quantifier, à mesurer.
08:36Dieu merci, la politique n'est pas aussi prévisible que la robotique.
08:42Donc ce sera là que l'on verra l'issue de cette élection
08:47et nos relations avec les États-Unis face aux grands enjeux économiques et politiques internationaux.

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