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Le Premier ministre Michel Barnier charge le politologue Pascal Perrineau d'une mission sur la question de la proportionnelle dont les conclusions seront rendues au Printemps. Son dernier livre, "Le goût de la politique", a obtenu le prix du livre politique 2024, chez Odile Jacob.
Regardez L'invité d'Amandine Bégot du 29 novembre 2024.

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Transcription
00:00RTL Matin, avec Amandine Bégaud et Thomas Soto.
00:04Il est 8h17, l'interview d'Amandine Bégaud, cette fois le gouvernement semble décider
00:07à accélérer sur la question de la proportionnelle.
00:10Michel Barnier le dit ce matin dans le Figaro, il veut un projet de loi au début du printemps
00:14et il a confié une mission à Pascal Perrineau sur le sujet.
00:16Alors ni une ni deux, Amandine, vous avez décidé d'inviter ce matin le politologue
00:20pour savoir ce qu'il a derrière la tête.
00:21Bonjour et bienvenue.
00:22Bonjour Pascal Perrineau.
00:23Bonjour.
00:24Et merci d'être là ce matin avec nous en studio, un peu de pédagogie peut-être pour
00:28commencer.
00:29Qu'est-ce que c'est que la proportionnelle ? D'ailleurs, il y a plein de sortes de
00:31proportionnelles.
00:32Il y a énormément de sortes de proportionnelles.
00:34Il y a des scrutins mixtes et puis il y a le scrutin majoritaire que nous connaissons
00:38pour la présidentielle bien sûr et les législatives.
00:42Alors la proportionnelle, ça a comme principal souci de représenter les électeurs dans
00:47toute leur diversité, jusqu'aux forces, même les plus marginales faisant 4-5%, 6-7%
00:55qui ont à ce moment-là des députés.
00:58Ça, c'est la proportionnelle intégrale, c'est celle que nous connaissons au fond
01:01pour les élections européennes.
01:03Quand nous votons pour les élections européennes, il y a une circonscription, la France, des
01:07listes de députés qui se présentent pour chacune des forces et chaque force, à partir
01:12du moment où elle dépasse un certain seuil, a le droit d'avoir des députés au Parlement
01:16de Strasbourg.
01:17Et puis il y a une installation de proportionnelle dans certains modes de scrutin, par exemple
01:24comme au municipal.
01:25Au municipal, vous votez dans un mode de scrutin mixte, dans lequel à la fois vous
01:30êtes sûr qu'au bout de votre bulletin de vote, il y aura une majorité pour gouverner,
01:35mais il y a un correctif proportionnel qui permet aux minorités qui ont été battues
01:39d'être représentées au conseil municipal.
01:41Et puis il y a le scrutin majoritaire, en dehors de la proportionnelle, que nous connaissons
01:46et qui avait été réintroduit au début de la Vème République par le général De Gaulle
01:51après une IVème République qui avait connu la proportionnelle.
01:54Parce que voilà, il faut le rappeler, on a eu une Assemblée nationale qui était élue
01:58à la proportionnelle, et c'était tellement instable et assez chaotique qu'on est revenu
02:03à ce scrutin majoritaire.
02:04Et là on est, si vous voulez, au cœur du problème.
02:07Un mode de scrutin, ce sont deux choses.
02:11C'est représenter en effet la diversité de l'électorat, mais ce n'est pas simplement
02:15ça.
02:16Il faut aussi dégager devant l'opinion des majorités pour gouverner.
02:20Et il faut tenir les deux bouts de la chaîne quand on réfléchit au municipal.
02:23On voit que le problème aujourd'hui, c'est qu'on n'a pas de majorité, donc du coup
02:26c'est compliqué.
02:27On n'a pas de majorité.
02:28Du coup, est-ce que si on passe à une proportionnelle, quelle que soit la dose j'allais dire, ça
02:32ne va pas être encore plus compliqué ?
02:34Alors ça pourrait être encore plus compliqué si on va par exemple vers une représentation
02:38proportionnelle intégrale.
02:40Si vous voulez, le miroir brisé qu'est la vie politique française aujourd'hui pourrait
02:45être encore plus brisé qu'il n'est aujourd'hui.
02:48C'est difficile à imaginer, mais c'est possible.
02:51Donc il faut plutôt s'efforcer de marier le principe majoritaire et le principe de
02:57la représentation proportionnelle.
02:59Avoir une approche équilibrée du mode de scrutin.
03:02C'est un système, un mode de scrutin qui existe chez quasiment tous nos voisins européens.
03:07Pas forcément transposable, on le comprend bien en France.
03:10Est-ce que c'est parce qu'on ne sait pas faire de compromis ? Est-ce que c'est parce
03:13que nos politiques ne savent pas faire de compromis ?
03:15Là, vous êtes au cœur du problème, parce qu'on pourra trouver le mode de scrutin
03:18le plus intelligent du monde si les hommes et les femmes qui font vivre la politique
03:24n'ont pas le minimum de sens du compromis, ça ne marchera pas.
03:28A la fin des fins, vous savez, c'est les comportements, les attitudes des hommes et
03:32des femmes qui font la politique qui est essentielle.
03:34Et c'est vrai que dès que l'on franchit nos frontières, on arrive dans des démocraties
03:39parlementaires où le compromis est même un art.
03:42Regardez quand les Allemands négocient pendant des semaines pour tomber sur un accord de
03:48gouvernemental.
03:49On en est bien loin.
03:50Mais pourquoi ? Pourquoi les Allemands savent faire ça ? Pourquoi les Belges, alors ça
03:54ne marche pas tout le temps, mais voilà, savent le faire ? Et pourquoi on n'y arrive
03:57pas ?
03:58En France, il y a eu une culture bipolaire où l'on avait l'impression qu'il y avait
04:02d'un côté le bien, de l'autre côté le mal.
04:04Je vous laisse mettre derrière le bien et le mal, droite ou gauche, gauche ou droite,
04:08mais c'est comme ça qu'on a fonctionné.
04:09C'est très difficile de sortir de cette culture.
04:13Et puis en France, il y a encore des traces de la culture révolutionnaire avec de multiples
04:18guillemets.
04:19On est persuadé que voilà, avec ce à quoi on croit, les choses pourront radicalement
04:26changer.
04:27Et l'autre, celui qui a un avis différent, n'est pas considéré comme un adversaire
04:34qu'il faut convaincre, il est considéré presque comme un ennemi.
04:36Regardez l'ambiance à l'Assemblée nationale.
04:39On a l'impression que les gens, s'ils étaient armés, on a l'impression qu'ils auraient
04:42presque envie de se tirer dessus.
04:44Ça, c'est en effet, on est à des années-lumière du compromis.
04:48Mais quand je vous écoute, du coup, ça ne sert à rien, cette proportionnalité ?
04:51Non, non.
04:52Je crois que si vous voulez, un dispositif politique, c'est un ensemble de micro-mécanismes.
04:59Il faut s'efforcer de régler au mieux chacun de ces mécanismes.
05:03Par exemple, comment mettons en cause la responsabilité d'un gouvernement ? On pourrait imaginer
05:08par exemple des mécanismes qui existent dans d'autres démocraties où une motion
05:12de défiance doit être constructive.
05:15C'est-à-dire, d'accord, vous êtes une majorité pour défaire un gouvernement, mais
05:19quel gouvernement avez-vous envie de mettre à la place ?
05:22Vous voyez bien qu'aujourd'hui, il n'y a pas de réponse à ça.
05:24Donc, on pourrait imaginer là d'instiller une motion de défiance constructive.
05:29Et puis, il y a le mode de scrutin, vous savez, en 1958, quand le général de Gaulle arrive
05:33au pouvoir, certes, il fait une nouvelle constitution, mais il impose également le scrutin majoritaire
05:38à deux tours, parce qu'il dit qu'il faut sortir de cette instabilité chronique,
05:42de cette impuissance politique de la quatrième république.
05:45Donc, la mission sur laquelle vous allez plonger, ce n'est pas uniquement tout à fait le
05:49mode de scrutin.
05:50Enfin, pas que, en tout cas.
05:52Non, moi, je me tiendrai avant tout au mode de scrutin, vous savez, c'est déjà suffisamment
05:56compliqué.
05:57Donc là, j'ai commencé d'ailleurs à travailler.
05:58Vous avez vu le Premier ministre ? Vous avez échangé avec lui ?
06:00Je vais le voir.
06:01J'ai échangé avec lui et j'aurai une réunion de travail certainement la semaine
06:04prochaine avec lui.
06:06Ma mission, c'est de, vous savez, de présenter certaines préconisations à la suite d'un
06:12travail.
06:13Je vais regarder objectivement, à partir des résultats des législatives de 2024,
06:19ce que ça peut donner avec différents modes de scrutin.
06:21Et puis ensuite, je ferai des préconisations qui seront, bien sûr, mises en débat.
06:25Ce n'est pas Pascal Périnon qui va décider du mode de scrutin.
06:28Vous allez voir le Premier ministre la semaine prochaine, vous nous dites vous échanger
06:32avec lui.
06:33Vous sentez qu'il a fait ça parce qu'il est convaincu qu'il faut s'intéresser
06:37à cette question ou pour gagner un petit peu de temps ?
06:39Non, je ne crois pas qu'il est dans un processus de petite combine.
06:44C'est un homme qui est un homme de conviction.
06:48Il sent bien, en dépit de son ancrage gaulliste, qu'il faut faire évoluer le mode de scrutin,
06:55tout en restant, il l'a bien précisé d'ailleurs dans un entretien qu'il a accordé au Figaro,
07:02qu'il faut rester dans l'esprit de la Vème République.
07:04L'esprit de la Vème République, c'est tout de même, on en est bien loin, la stabilité
07:08des gouvernements.
07:09Oui, on en est bien loin, effectivement, juste d'un mot, vous avez déjà vu une
07:12telle pagaille en des décennies d'observateurs de la vie politique ?
07:16Ah non, une pagaille à ce point-là, en effet, on est en train d'atteindre un record.
07:22Espérons qu'on ne le dépassera pas.
07:23Merci beaucoup Pascal Périnon d'être venu ce matin nous voir.
07:27Je rappelle le titre de votre dernier livre, Le goût de la politique, prix du livre politique
07:30d'ailleurs 2024, c'est publié chez Odile Jacob et vous reviendrez nous voir pour nous
07:34rendre vos conclusions sur cette mission.
07:37Volontiers, volontiers.
07:38Rendez-vous et prix.

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