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L’Europe est-elle condamnée à l’effacement, à l’écrasement, entre la Chine et les Etats-Unis ? Enrico Letta estime que l’Europe est à un point de bascule, il propose des solutions et des idées nouvelles pour l’Europe.

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00:00L'Europe est-elle condamnée à l'effacement, à l'écrasement, même, entre la Chine et les Etats-Unis ?
00:13La question se pose évidemment depuis des années, voire des décennies.
00:15Notre invité estime que l'on est à un point de bascule et il propose des solutions, des idées nouvelles pour l'Europe.
00:23C'est le titre de son livre.
00:24Enrico Letta, bonjour.
00:26Bonjour à vous tous.
00:27Ancien chef du gouvernement italien, président de l'Institut Jacques Delors, grand Européen à qui vous dédiez ce livre
00:35qui sort demain chez Odile Jacob.
00:37C'est le fruit de votre travail, de vos voyages, de vos rencontres à travers toute l'Union Européenne pendant neuf mois, c'est ça,
00:44pour élaborer un rapport sur l'avenir du marché unique, rapport que vous aviez remis à Bruxelles en avril.
00:50Posez vos questions, auditeurs d'Inter, sur l'avenir de l'Europe.
00:53À Enrico Letta au 0145 24 7000 et sur l'application de Radio France.
00:58Un mot d'abord, Enrico Letta, sur ce qui se passe en Géorgie, pays candidat à l'adhésion à l'Union Européenne.
01:04Grande manifestation hier à l'appel de l'opposition pro-occidentale qui conteste les résultats des législatives
01:10officiellement remportées par le parti au pouvoir proche de Moscou sur fond de soupçons de falsification.
01:17Que vous inspire ce pays tiraillé entre Russie et Europe ?
01:21Qu'on se bat pour le drapeau européen plus en dehors de l'Europe de ce qu'on fait à l'intérieur de l'Europe.
01:27On a vu les drapeaux européens avec les gens qui demandent d'entrer en Europe parce que l'Europe est une terre promise.
01:33Comme on l'avait vu en 2014 en Ukraine.
01:35Et c'est exactement ça et chez nous on donne pour acquis.
01:38Beaucoup de conquêtes qui en vérité ne sont plus acquises du tout.
01:42On a vu ce qui s'est passé avec ce qui se passe avec Poutine.
01:46Evidemment ce que ne veut pas Poutine c'est une Europe plus intégrée et plus élargie.
01:51On le comprend très bien en Géorgie.
01:53Quand vous voyez Viktor Orban, Premier ministre de la Hongrie qui assure en ce moment la présidence tournante de l'Union Européenne
01:59se précipiter en Géorgie pour aller féliciter le pouvoir pro-russe qui revendique à nouveau sa victoire.
02:07Le chef de la diplomatie des 27 Joseph Borrell qui dit que Orban ne représente pas l'Union Européenne.
02:13Est-ce que ce que vous dites c'est que l'Europe est menacée par ses propres divisions, ses propres lignes de fracture ?
02:19Mais oui évidemment. On a encore ce vote à l'unanimité, ce droit de veto.
02:24On a encore des systèmes de gouvernance interne qui font en sorte qu'à l'extérieur de l'Europe on pense que c'est plutôt une confusion de gouvernance.
02:33Mais ce n'est pas ça. En vérité l'Europe est beaucoup plus unie parce que Orban est isolé sur ces sujets.
02:38Le reste d'Europe est très clair en parlant de Poutine, en parlant de Géorgie et d'Ukraine.
02:43Vous dites que le risque réel pour l'Europe aujourd'hui, je parlais de point de bascule tout à l'heure,
02:49le risque c'est de devenir une colonie des Etats-Unis et de la Chine. Qu'est-ce que vous voulez dire par là ?
02:55C'est ce qui est en train de se passer. Si on ne change pas, si on ne s'intègre pas dans les domaines clés de l'innovation,
03:02des marchés financiers, des télécommunications, de l'énergie. Vous savez sur les marchés financiers on est 27.
03:09Chaque pays a son marché financier propre. On a la même monnaie mais on a chacun son marché financier.
03:16Quelle est la conséquence de tout ça ? Tout est en train de devenir américain.
03:19On paie avec des cartes de crédit partout qui sont américaines.
03:22Nos épargnes s'en vont aux Etats-Unis et rentrent avec les entreprises américaines qui viennent acheter ici nos entreprises européennes.
03:31300 milliards d'euros d'épargne qui s'en vont aux Etats-Unis renforcent les entreprises américaines qui reviennent en Europe
03:40acheter nos entreprises avec notre argent. Et la même chose dans beaucoup d'autres domaines.
03:45Vous prenez la défense avec cette division. Chaque pays séparé des autres.
03:51La conséquence c'est qu'on aide les Ukrainiens avec 140 milliards d'euros.
03:56Un chiffre énorme. Et tout ça on le fait à 80% pour acheter du matériel militaire non européen.
04:04Donc pour faire de l'emploi, pour aider l'emploi au Michigan, en Turquie, en Corée du Sud alors qu'on en aurait besoin chez nous.
04:12Et tout ça simplement à cause de nos divisions internes. En deux mots le souverainisme nationaliste fait jouir Wall Street et les Chinois.
04:22Alors on se demande si vous êtes trop pessimiste quand vous parlez de colonies américaines ou chinoises.
04:28Ou trop optimiste quand vous dites que la conclusion de vos voyages c'est un consensus que vous avez entendu en Europe.
04:35L'Europe est imparfaite mais elle est irremplaçable.
04:38A l'heure justement de la remontée des nationalistes, du repli sur soi, est-ce que ça c'est pas trop optimiste justement ?
04:44Non écoutez, imaginez-vous. Moi je vivais à Paris en 2019. J'étais à l'université à Sciences Po.
04:51Et je me rappelle très bien les élections européennes de 2019. En France le mot-clé était Frexit.
04:57En Italie le mot-clé était Italexit. C'était la période...
05:012019 déjà en France le Rassemblement National en tête des européennes comme aux dernières européennes.
05:0631% pour le Rennes on jure.
05:08Et Brexit était à la mode. Avez-vous jamais entendu parler une fois de Frexit dans les dernières élections européennes en 24 ?
05:16Personne n'en parle plus sérieusement.
05:18Même chose en Italie avec Italexit ou en Allemagne avec Dexit.
05:21La vérité c'est que tout le monde comprend que l'Europe est irremplaçable.
05:25Mais il y a des forces qui veulent la défaire de l'intérieur.
05:27Il y a des forces qui veulent le statu quo. Le statu quo c'est le pire parce qu'il faut s'intégrer dans ces secteurs clés.
05:34Prenez l'intelligence artificielle. Tout est en train sur ces sujets-là d'être chinois ou américain.
05:39Pourquoi ? Parce qu'ils ont l'argent privé avec des dimensions que nous ne sommes pas en condition d'avoir parce que nous sommes fragmentés.
05:47Et chaque pays européen tout seul n'est pas en condition de se battre avec les Américains et les Chinois.
05:52Ou bien on le fait tout seul. Vous avez vu dans les infos de ces derniers jours Boeing qui fait des licenciements.
05:59Boeing est la grande entreprise américaine. La seule qu'il y a au monde à part la nôtre Airbus.
06:06Pourquoi Airbus gagne ? Parce qu'il y en a une en Europe.
06:10Airbus je précise pour ceux qui seraient mal réveillés et vous le dites à l'anglaise.
06:14Pardon Airbus. Mais Airbus gagne parce qu'il y en a une.
06:19S'il y avait un Airbus français, un Airbus allemand, un Airbus italien, Boeing gagnerait.
06:26Et c'est ce qui se passe dans tout le reste. L'intelligence artificielle, tout est américain ou chinois.
06:32Mais ce sont des têtes européennes qui aident aux Etats-Unis mais eux ils ont l'argent et donc ils financent et donc ils gagnent.
06:40Alors vous dites que l'Europe est restée bloquée au XXe siècle. Expliquez-nous à quoi ressemblerait votre Europe du XXIe siècle.
06:46Vous dites qu'il faut qu'elle soit beaucoup plus grande quitte à aller jusqu'à 40 Etats membres. Pourquoi pas ?
06:52Je vous dis très simplement. Il y a des choses très simples. On a la même monnaie dans nos poches et on continue à avoir dans nos téléphones un plus 33, un plus 39.
07:02Des indicatifs téléphoniques. En France effectivement c'est plus 33 etc.
07:05En Italie c'est plus 39.
07:07On n'a pas de numéro de téléphone commun. Il n'y a pas d'opérateur mobile commun.
07:11Aux Etats-Unis ils ont un plus 1 et nous on devrait faire un plus 0 pour être mieux qu'eux ou un plus 2.
07:18Si on ne fait pas ça simplement la concurrence est beaucoup plus compliquée et surtout on n'est pas en condition d'avoir un marché unique européen.
07:27Vous rappelez-vous que dans les années 80-90, vous êtes plus jeune que moi peut-être vous ne vous rappelez pas, mais toute la technologie des télécoms était européenne.
07:37Le GSM était européen. Aujourd'hui 5G et tout le reste tout est américain ou chinois. Pourquoi ?
07:43Parce que nous sommes fragmentés en 27. C'est un petit exemple.
07:47Mais il y en a plein d'autres. Le numéro de sécurité sociale européen pour donner la possibilité à chacun de ne pas perdre ses droits de retraite, ses droits de cotisation quand on va travailler dans un autre pays.
07:59L'Erasmus pour les jeunes de 16 ans. Pour tous. Pas seulement pour ceux qui ont les moyens de se payer cet Erasmus à la maison, mais payé par l'Europe.
08:10Il y a plein d'idées sur ces sujets.
08:12Le marché unique sur lequel vous avez élaboré ce rapport, qui est l'une des grandes oeuvres de Jacques Delors entre autres, je le rappelle, c'est la libre circulation des personnes, des biens, des capitaux et des services.
08:24Vous dites qu'il faut que ça aille beaucoup plus loin. Vous avez cité les télécoms, les capitaux, les marchés financiers, l'énergie.
08:32Est-ce que, encore une fois, c'est le sens de l'histoire ? On peut le déplorer, mais l'histoire aujourd'hui en Europe et partout dans le monde, elle est plutôt au retour des frontières.
08:41Tout ça, c'est parce qu'on raconte que l'Europe est la pluie. L'Europe est le parapluie. La pluie, c'est la grande globalisation. L'Europe est le parapluie.
08:53On a la monnaie. Vous vous rappelez les polémiques qu'on a eues quand l'euro est arrivé dans nos poches.
08:59Il y avait plein de monde qui se plaignait. On voulait rester au franc, à la lire.
09:04Aujourd'hui, 75% des Européens sont contents d'avoir l'euro parce qu'on sait tous très bien qu'en face des grandes puissances émergentes, qui sont beaucoup plus grandes que nous,
09:15Chine, Inde, ensemble, je vous dis simplement ça, 3 milliards d'habitants. Aujourd'hui, c'est le 25% de la richesse mondiale.
09:24Dans les années 80, quand le marché unique était inventé, ils étaient grands économiquement, comme la France.
09:31Évidemment, aujourd'hui, ils sont 20 fois la France. C'est ça qui a changé.
09:35Justement, Enrico Letta, au Standard de France Inter, Jacques, qui nous appelle des côtes d'armor, a une question pour vous sur le marché unique.
09:43Bonjour Jacques, on vous écoute.
09:45Oui, bonjour. Ça tient à un rappel, à savoir que Jacques Delors, après avoir quitté ses fonctions à la Commission européenne,
09:56émettait le regret d'avoir commencé par créer le marché unique avant de faire l'Europe sociale.
10:03Alors, ma question c'est, il faudrait peut-être tenir compte de ce constat et peut-être commencer par faire l'Europe sociale avant de continuer avec autre chose.
10:14Merci Jacques et Enrico Letta.
10:16Quelle belle question. Et c'est pour ça que dans le livre que je présente aujourd'hui, « Des idées nouvelles pour l'Europe »,
10:22il y a tout un chapitre que j'ai présenté au chef d'État du gouvernement sur l'Europe sociale. Je l'ai appelé « La liberté de rester ».
10:30Je dis ça parce que le marché unique est normalement connu comme la liberté de bouger, de circulation.
10:38Mais dans mes voyages autour de l'Europe, j'ai rencontré des gens qui m'ont dit « Écoutez, moi, je n'ai aucune envie de bouger. Moi, je veux rester où je suis.
10:46Donnez-moi une Europe qui m'aide à rester où je suis. »
10:49Donc, dans le rapport et dans le livre, vous trouverez un chapitre qui est sur cette liberté de rester.
10:56Qu'est-ce que ça veut dire ? Les services d'intérêts généraux.
11:00Que ce ne soit pas seulement pour les centres, que ce ne soit pas seulement pour les grandes villes,
11:06mais que ce soit vraiment une initiative européenne de les répandre partout dans l'Europe.
11:12Puisque Jacques parle de l'Europe sociale, on se souvient, et vous en parlez dans le livre, du plombier polonais,
11:20qui était le symbole du dumping social, c'est-à-dire de cette Europe qui tire les normes des différents pays vers le bas.
11:29Vous vous dites qu'on peut normaliser, mais vers le haut ?
11:33Oui, on est en train de le faire avec le sommet social de Porto, avec beaucoup de nouvelles initiatives.
11:39J'ai parlé du numéro de la sécurité sociale européenne, qui est une des fortes prépositions.
11:44Ce point sur les services d'intérêts généraux, de mon point de vue, est essentiel.
11:49Et l'autre grand sujet lié à tout ça, c'est le fait que vous avez parlé des quatre libertés.
11:54Biens, services, capitaux et personnes. En vérité, il en manque une cinquième.
12:00Et c'est même Jacques Delors qui avait dit ça en regrettant qu'il fallait pas seulement l'Europe sociale, mais qu'il fallait la cinquième liberté.
12:10Qu'est-ce que la cinquième liberté ? Un chapitre du livre que je publie demain est sur la cinquième liberté,
12:16c'est-à-dire l'innovation, la connaissance. Il n'y a pas de progrès sans une grande poussée en faveur d'innovation et connaissance en Europe.
12:25L'un des reproches principaux faits à l'Union européenne telle qu'elle est aujourd'hui, c'est qu'elle est trop libérale.
12:32Qu'est-ce que les peuples, les Européens eux-mêmes, auraient à gagner à cette Europe encore plus forte, encore plus centralisée que vous appelez de vous deux ?
12:40En vérité, je ne plaide pas pour une Europe centralisée. Je plaide pour une Europe qui donne la possibilité d'exploiter l'avantage d'être tous ensemble.
12:50Je vous donne un petit exemple. Je suis sûr qu'il y a plein de gens qui travaillent dans des petites et moyennes entreprises qui sont en train de nous écouter.
12:58Ils savent très bien que pour eux, c'est très compliqué de profiter du marché unique européen parce qu'il y a 27 droits des affaires dans les pays européens.
13:07Chacun ne veut pas renoncer aux siens. Donc, c'est seulement pour les grandes entreprises de pouvoir avoir des lawyers, des avocats qui les aident, etc.
13:18Ma proposition est celle de dire qu'on ne peut pas effacer les 27 droits des affaires. C'est impossible. Il y en a qui viennent des années de 1800, de 1900.
13:28Qu'est-ce que je propose ? Faisons un 28e état virtuel avec son droit des affaires qui est unique pour toute l'Europe.
13:38Une petite et moyenne entreprise choisit ce droit européen et il est valide partout. Donc, il n'a pas besoin de changer.
13:46C'est un espèce de passe-partout. C'est quelque chose qui va changer complètement nos vies et c'est quelque chose qui va nous faire basculer dans une situation qui est vraiment compétitive avec les États-Unis.
13:57Les États-Unis ont ça. Ça s'appelle Delaware. C'est le petit état avec lequel ils ont le même droit commercial partout.
14:04Chez nous, c'est une confusion totale avec 27 systèmes différents.
14:08L'un des défis auxquels l'Europe est confrontée, évidemment, c'est celui de l'écologie. En quoi cette Europe, selon vous, plus forte serait plus à même de conduire la transition ?
14:20Écoutez, la transition, c'est notre avenir. Il faut la faire. Mais on sent tous très bien que maintenant, elle est sous attaque.
14:28Elle est sous attaque parce qu'elle est compliquée à être appliquée.
14:32On a vu les manifestations d'agriculteurs. Le Green Deal, le pacte vert européen est remis en cause à l'intérieur même des États membres.
14:40Vous voyez, on parlait tout à l'heure des industries de Volkswagen qui ferment trois industries en Allemagne et tout ça.
14:48Alors, ma proposition est très simple. Il ne faut pas reporter la transition. Il faut la faire.
14:54Mais il faut la financer avec un pacte et une proposition que je fais avec une jambe d'argent privé.
15:02Je propose le lancement de cette union de l'épargne et des investissements pour éviter ce qu'on disait auparavant, que notre épargne s'en aille aux États-Unis et qu'il reste ici.
15:12Qu'il y ait une incitation à tenir notre épargne ici et que cette épargne devienne la façon de financer la transition verte.
15:20Et donc, d'aider par exemple les propriétaires d'habitation aujourd'hui qui est propriétaire d'une habitation a une crainte très importante qu'avec la transition verte,
15:31il va perdre de la valeur s'il ne fait pas des travaux dans son habitation pour la rendre éco-compatible.
15:37Je propose que ce plan aide les propriétaires d'habitation, que ce plan aide les agriculteurs, que ce plan aide les travailleurs dans l'industrie automobile.
15:47Si on ne fait pas ça, le green deal, la transition verte qui est essentielle va devenir un grand problème social et tout ça va aider ceux qui ne veulent pas la transition verte.
15:58Question justement de Caroline pour vous. Bonjour Caroline.
16:02Oui bonjour.
16:04On vous écoute.
16:06Alors moi j'ai une question, je suis donc du monde agricole et je me demande, et je suis d'une Européenne convaincue,
16:16et les gens autour de moi, les agriculteurs autour de moi sont également des Européens convaincus,
16:22mais comment tenir cette position avec le mercosur qui se profile et qui est vraiment le sacrifice,
16:32et c'est bien que ça représente en France peut-être 2% de la population, mais c'est le sacrifice de l'agriculture française, mais européenne également.
16:41Et qu'on ne me parle pas de close miroir, parce que qui ira vérifier qu'on utilise tel produit plutôt que tel autre dans ces pays, c'est quasiment impossible.
16:55Merci beaucoup Caroline. Voilà Enrico Letta.
16:57C'est vrai que les accords de libre-échange, le mercosur en particulier, recouvrent pas mal des questions qu'on a évoquées,
17:04c'est-à-dire le social, l'écologie. Qu'est-ce que vous dites effectivement à Caroline ?
17:10Qu'il faut évidemment que ces accords soient en condition de protéger nos intérêts,
17:15mais il faut aussi comprendre qu'il y a beaucoup, beaucoup de citoyens européens qui vont beaucoup profiter de ces accords.
17:23Il ne faut pas voir seulement la partie risquée, il y a une énorme partie qui va être très importante.
17:31Beaucoup de producteurs européens vont avoir un énorme avantage d'entrer dans ces marchés.
17:37Mais le point essentiel sur l'agriculture, c'est que la réforme de l'agriculture doit changer du plus profond des choses,
17:46en faisant en sorte que ce soit la transition verte qui devienne une opportunité, non pas une menace pour les agriculteurs.
17:53C'est ce plan que j'appelle dans mon rapport et dans le livre,
17:58financé avec la jambe d'argent privé, avec la jambe d'argent public,
18:04qui soit en condition donc d'accompagner la transformation.
18:07Cette transformation va donner beaucoup plus d'opportunités de ce qu'on imagine aujourd'hui.
18:11Encore faudra-t-il que les pays, puisqu'il y a effectivement une part forte d'argent public dans ce plan que vous proposez,
18:18la transition verte et numérique, 650 milliards d'euros par an selon la commission européenne,
18:23l'Allemagne par exemple, les Pays-Bas, les pays nordiques, les pays dits frugaux,
18:29c'est-à-dire qui refusent pour résumer de payer pour les autres, vont-ils accepter de mettre tout cela au pot ?
18:35Je sais que c'est un problème, mais je sais aussi deux choses.
18:38La première, c'est que si on a aussi cette jambe privée, qui est la vraie nouveauté du plan que je présente,
18:45pas seulement argent public, mais aussi investissement privé, comme font les États-Unis.
18:50Chez eux, la plus grande partie des investissements, c'est des investissements privés.
18:54Et la deuxième, la plus compliquée, c'est que ces mêmes pays veulent avoir l'argent pour la défense,
18:59parce qu'ils veulent se défendre des Russes.
19:01Et cet argent, on ne peut que l'avoir tous ensemble.
19:05On va employer l'effet Lévié sur la question de défense pour mettre ensemble l'argent aussi sur le reste.
19:11Puisqu'on parle de l'Allemagne, l'Allemagne referme ses frontières provisoirement,
19:16dans un contexte notamment de menaces terroristes.
19:20L'Allemagne referme ses frontières avec tous ses voisins, dont la France.
19:24Votre position sur l'immigration, c'est quoi votre Europe de demain ?
19:29Ce n'est pas l'Europe de la rupture de Schengen, de la fermeture des frontières que les Allemands sont en train de faire.
19:35Mon Europe, à moi, c'est celle de dire qu'il faut que les pays les plus grands se mettent d'accord
19:40sur une politique migratoire plus ambitieuse.
19:43Si Orban ne suit pas, on va faire sans Orban. On peut le faire.
19:47Plus ambitieux, ça veut dire quoi ?
19:48Ça veut dire qu'il faut se mettre ensemble pour partager le fardeau,
19:52pour gérer la capacité d'attraire des gens qui viennent ici pour travailler,
19:57qui soient bien formés pour le faire.
19:59Il y a une proposition que j'aime beaucoup, de l'ancien président de la Commission européenne, Prodi,
20:04de faire des universités méditerranéennes.
20:07Une université de la Côte-Nord, une université de la Côte-Sud, ensemble.
20:11Mais vous dites fardeau, c'est ça la position européenne dominante aujourd'hui sur l'immigration ?
20:17Aujourd'hui, on le voit seulement comme quoi.
20:20C'est un devoir d'humanité, d'accueil.
20:21Mais vous avez vu les pistes de notre démographie pour l'avenir.
20:29On va être tous des pays qui vont vieillir et qui vont devenir des pays sans jeunes.
20:35On sait tous très bien qu'il faut avoir des jeunes,
20:38il faut avoir un taux de fertilité, de natalité qui remonte.
20:41Mais dans les prochaines 20 années, il faut intégrer des gens qui soient capables d'être ici,
20:46de travailler, de s'intégrer complètement.
20:48Pour une Europe forte, il faut une France en bonne santé.
20:51L'un des deux grands moteurs de l'UE avec l'Allemagne.
20:56La France qui connaît une instabilité politique inédite,
20:59une situation financière catastrophique.
21:01L'instabilité à l'italienne, on aurait dit.
21:04Est-ce que la France tire en ce moment ou risque de tirer l'Europe vers le bas ?
21:09La France joue un rôle fondamental dans beaucoup de domaines, dans beaucoup de sujets.
21:13La politique étrangère, la défense.
21:15La France est le plus important pays en matière de défense en Europe dans beaucoup d'autres sujets.
21:20Donc on s'attend que la France joue un rôle fondamental.
21:24Je connais très bien Michel Barnier et je sais que c'est un pro-européen convaincu.
21:28Donc on s'attend de lui et de la France aujourd'hui une contribution importante.
21:32Mais quel regard vous portez sur cette situation politique financière française ?
21:36Je rappelle que la France est placée par Bruxelles en procédure de déficit excessif.
21:41Comment faire avancer cette construction européenne avec un gouvernement en sursis et un déficit record ?
21:47Évidemment, il faut le faire.
21:49Il faut que la France soit en condition de mettre ses finances publiques sous contrôle.
21:54Je sais de quoi je parle.
21:57L'Italie, ça fait 20 ans qu'elle se trouve dans cette situation.
22:01On a su mettre nos dépenses publiques un peu sous contrôle.
22:05Aujourd'hui, après 20 ans de travail, la dette publique, on la contrôle.
22:10Elle est énorme, mais on la contrôle.
22:12Et je suis sûr que la France va faire la même chose.
22:16Christophe Austandard de France Inter. Bonjour Christophe.
22:19Bonjour à vous.
22:20Votre question à Enrico Letta.
22:22Oui, je voudrais savoir, monsieur Letta, si vous avez conscience du formidable appauvrissement de l'Europe depuis qu'elle s'est construite.
22:30Sur cette même antenne, la remarquable Natacha Polony donnait des éléments de l'OCDE d'il y a quelques années.
22:37À savoir que le nombre de régions qui étaient au niveau du PIB européen moyen a chuté.
22:45C'est-à-dire qu'il n'y en a plus qu'une seule aujourd'hui pour la France, par exemple.
22:49Et aujourd'hui, l'Union européenne s'est toujours construite sur le moins-disant normatif, le moins-disant sur le marché du travail.
22:57Alors, comment concevez-vous une évolution ?
23:02Vous avez parlé tout à l'heure d'un droit à mini-marques, à l'instar de celui du delà-ouest.
23:07Comment concevez-vous le fait qu'on puisse aller vers le haut pour les habitants tout en allant vers le bas, vers les normes ?
23:15Enrico Letta.
23:16Tout simplement, l'appauvrissement est aujourd'hui le fils non pas d'avoir l'Europe.
23:22L'appauvrissement est le fils du fait qu'on a la Chine, l'Inde, les BRICS qui n'existaient pas.
23:28Dans les années 80, les pays comme la France, l'Italie, l'Allemagne étaient les dominateurs du monde.
23:34On était les grands pays du monde.
23:36Mais parce que la Chine et l'Inde n'existaient pas.
23:38Aujourd'hui, ils existent.
23:39Donc, je répète, l'Europe est le parapluie.
23:42C'est la globalisation et c'est la Chine et l'Inde qui sont la pluie.
23:46Il faut faire en sorte qu'en se mettant ensemble, on soit capable d'être compétitif avec eux.
23:53Un mot des Etats-Unis, évidemment.
23:55C'est là aussi que se joue une partie de l'avenir de l'Europe.
23:58Élection présidentielle dans une semaine.
24:00Est-ce que vous pensez, comme d'autres, qu'une élection de Donald Trump pourrait inciter les Européens à se prendre en main ?
24:06C'est ce qu'on dit.
24:07Mais écoutez, je ne peux pas être supporteur de cette élection de Trump pour évidentes raisons.
24:12Mais il est évident que, par exemple, sur la défense, il faut prendre notre avenir en main.
24:18On ne peut pas rester seulement là à attendre que les Etats-Unis paient pour nous.
24:23C'est pour ça que cette question de comment financer la défense est une question majeure.
24:28La proposition que je fais dans le livre, proposition un peu créative, c'est celle de dire on a créé le MES,
24:36le Mécanisme Européen de Stabilité, qui n'a jamais été employé dans les dernières années.
24:41Il y a plein d'argent au Luxembourg qui est là.
24:44Alors, employons cet argent, changeons la destination du MES et finançons notre défense de façon qu'on puisse la mettre ensemble
24:53et avoir aussi des emplois en matière de défense qui ne vont pas aux Etats-Unis mais qui restent ici en Europe.
24:58On avait encore beaucoup de sujets évoqués, beaucoup de messages.
25:01Enrico Letta, celui d'Aurélien notamment, tous les pays d'Europe de l'Est rêvent de l'UE
25:05et nous, citoyens membres, n'avons de cesse de la fustiger.
25:07Que se passe-t-il dans nos têtes ?
25:09Voilà un message qui devrait vous faire plaisir.
25:11Des idées nouvelles pour l'Europe.
25:13Enrico Letta, c'est le titre de ce livre qui sort donc demain aux éditions Odile Jacob.
25:18Merci d'être venu le présenter en avant-première ce matin sur France Inter.
25:21Merci à vous.

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