• il y a 2 mois
Aliénor Rivière, doctorante au CNRS et Marion Chambon, doctorante à l’UMR 241-SECOPOL racontent avoir connu des difficultés dans leurs parcours universitaires dûes au fait qu’elles soient des femmes. Malgré cela, leurs travaux de recherche ont été mis en avant grâce au prix Jeunes Talents France L’Oréal-UNESCO Pour les Femmes et la Science. Elles font partie des 35 lauréates.

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Transcription
00:00Le débat de ce Smart Impact consacré aux Prix Jeunes Talents en France L'Oréal UNESCO pour les femmes et la science avec deux invités, Aliénor Rivière, bonjour.
00:16Bonjour.
00:16Bienvenue, vous êtes doctorante au laboratoire de physique et mécanique des milieux hétérogènes CNRS et ESPCU, c'est une école d'ingénieurs à Paris.
00:25Marion Chambon, bonjour et bienvenue, vous êtes également doctorante à l'unité mixte de recherche santé et services des écosystèmes polynésiens à l'université de la Polynésie française.
00:35Vous faites partie des 35 doctorantes et post-doctorantes qui ont été mises à l'honneur à l'occasion de ce Prix des Jeunes Talents, 18ème année qu'il est remis ce prix.
00:44On va évidemment prendre le temps de découvrir vos travaux, mais question générale sur la place des femmes dans la recherche scientifique.
00:53Est-ce que, déjà, vous êtes minoritaire dans vos promotions, Aliénor ?
00:56En ce qui me concerne, oui, très largement.
00:58Ultra minoritaire, même ?
01:00En tout cas, dans mon domaine de recherche, oui, totalement.
01:02Bon, après, ça ne veut pas dire qu'on ne nous laisse pas la parole quand même et qu'on ne peut pas faire de recherche de qualité, finalement.
01:07Mais, en tout cas, moi, en physique et en mécanique, qui est le sujet qui est rattaché à mon domaine, effectivement, il y a assez peu de femmes.
01:17Et vous, Marion ?
01:19Alors, moi, j'ai fait un cursus pharmacie et au début, d'après les chiffres, on était une majorité féminine.
01:25Et ensuite, moi, j'ai poursuivi mon parcours en recherche et là, à ce moment-là, on est beaucoup moins nombreuses, effectivement.
01:32À partir du moment où vous basculez dans le domaine de la recherche scientifique, il y a un peu moins de femmes.
01:38Est-ce que vous avez vécu, subi le sexisme dans ce choix ?
01:43C'est-à-dire que des, je ne sais pas, l'école ou les choix de filières professionnelles et de filières étudiantes ?
01:52Je commence avec vous, Marion.
01:53Alors, moi, il me semble qu'en termes d'orientation, déjà au niveau du lycée, on ne m'a pas tout de suite orientée vers des études de santé,
02:00alors que c'était ce que je voulais faire et c'est ce que j'ai fait.
02:04Et après, dans la recherche, dans la vie de tous les jours, on est parfois dans des environnements qui sont très masculins
02:09où ça peut être difficile, après, de s'imposer et de se sentir légitime.
02:14Et vous, Aliénor Rivière, vous avez fait face à ce sexisme volontaire ou parfois même involontaire, peut-être ?
02:19Non, moi, j'ai eu la chance, au contraire, d'être beaucoup soutenue, que ce soit par ma famille ou par mes profs.
02:26Et puis, même ensuite, dans les études supérieures, donc moi, j'ai fait l'école normale supérieure.
02:30J'ai été pas mal poussée par même beaucoup de femmes, en fait, des doctorantes de l'époque, post-doctorantes, chercheuses,
02:37qui m'ont encouragée, au contraire.
02:39Alors, peut-être que ça a compensé un biais de base, mais moi, j'ai eu la chance d'être beaucoup soutenue, au contraire, oui.
02:45Bon, mais c'est très bien. Alors, on va rentrer dans le détail de ce sur quoi vous travaillez l'une et l'autre.
02:51Aliénor Rivière, je commence avec vous. Vous modélisez les bulles océaniques.
02:54J'ai lu ça, je me suis dit, waouh ! C'est quoi une bulle océanique, déjà, pour commencer ?
02:58En fait, c'est très simple. C'est juste une bulle d'air dans de l'eau.
03:01Vous pouvez imaginer l'eau champagne, par exemple.
03:03Mais dans le contexte de l'environnement, ça va être une vague qui va déferler, donc ça veut dire qui casse,
03:08et qui injecte de l'air dans l'eau. Donc c'est, en fait, des bulles, tout simplement.
03:12Et donc moi, je regarde, en particulier, quand ces bulles rentrent dans l'eau,
03:16comment est-ce qu'elles sont déformées et comment elles se cassent en plein de fragments.
03:19Et ça, bon, ça a l'air assez ésotérique, comme ça.
03:22Mais la raison pour laquelle ça intéresse les gens, c'est qu'en fait, ces bulles vont contribuer énormément
03:26à stocker du CO2, par exemple, qui est quelque chose qui nous intéresse beaucoup, dans les océans.
03:32Et à hauteur de 40%, quelque chose comme ça.
03:35Les bulles, pardon, je vous ai interrompu, donc on n'a pas entendu les bulles,
03:38stockent 40% du CO2 des océans, c'est ce que je comprends.
03:41Elles sont capables de transférer du CO2 qui est dans l'atmosphère vers les océans.
03:46Et donc ça, c'est un phénomène assez naturel, mais la contribution des bulles est de l'ordre de 40%.
03:53Donc ça, c'est non négligeable. Si vous supprimez les bulles, les océans stockeraient beaucoup moins le CO2.
03:57Oui, et donc ça m'amène à la question suivante, le lien avec des modèles climatiques,
04:02des modèles climatiques que vous souhaitez améliorer, c'est un peu ça l'objectif de la recherche ?
04:07Exactement. Donc en fait, l'objectif, bien sûr, aujourd'hui, c'est d'avoir des modèles climatiques
04:11qui soient de plus en plus performants et précis.
04:13Et dans ces modèles climatiques, il y a des termes qui vont modéliser
04:17à quel point, par exemple, le CO2 est stocké dans les océans.
04:20Et donc nous, ce qu'on fait, c'est qu'on va modéliser combien est-ce qu'il y a de bulles,
04:24quelle est leur taille, quel est leur nombre. Et comme ça, si vous êtes capables de connaître ces informations-là,
04:30alors vous remettez ces informations dans les modèles et vous les améliorez.
04:34Marion Chambon, vous travaillez sur les soins de la peau, c'est ça, votre domaine de recherche ? Expliquez-nous.
04:41Alors j'étudie cinq plantes qui viennent de Polynésie française et qui sont utilisées en médecine traditionnelle,
04:46plus particulièrement pour les soins de la peau. Et donc nous, on souhaite les valoriser pour faire des produits
04:51ensuite cosmétiques ou pharmaceutiques. Et dans l'idée, ce projet est né d'un constat.
04:56En Polynésie française, on a des plaies et des brûlures qui ont beaucoup de mal à cicatriser.
05:00Et ce, pour plusieurs raisons. D'une part, à cause du climat qui est très chaud et très humide.
05:05Il y a aussi un fort taux de diabète dans la population.
05:08Et c'est aussi dû à un accès aux soins qui est parfois limité dans ces îles.
05:12Donc l'idée, c'est de s'inspirer un peu de ces médecines traditionnelles et d'étudier des plantes locales
05:16pour ensuite concevoir des produits à partir de procédés plus écologiques
05:21qui permettront ensuite de répondre à ces problématiques de santé.
05:24Alors de quelles plantes on parle et puis peut-être quelles vertus potentielles ont-elles ?
05:30Alors parmi les cinq plantes, on a parmi les plus connues le tiare, qui est utilisé pour le monoeil.
05:36Le curcuma, qu'on consomme également dans l'alimentation.
05:40Les feuilles et l'amande de tamanou, qu'on fait sécher au soleil,
05:43qui permettent de faire une huile qui est très efficace pour la cicatrisation.
05:47Et ensuite, il y a deux plantes qui sont indigènes en Polynésie
05:50et qui n'ont jamais été étudiées d'un point de vue chimique ou biologique.
05:54Donc on a le touhou et le hora.
05:57Et donc, vous dites que c'est des plantes traditionnelles.
06:01Donc on sait quels bienfaits elles peuvent avoir.
06:05Mais vous, vous dites quoi ? Vous dites qu'on peut augmenter encore l'usage ?
06:12Comment faire ? Découvrir peut-être d'autres bienfaits de ces plantes ?
06:15C'est ça l'objet de votre recherche ?
06:16Donc elles ont un bienfait effectivement en médecine traditionnelle.
06:19Et nous, on cherche à prouver de manière scientifique qu'elles sont effectivement efficaces.
06:23Et donc l'idée, c'est de faire des tests biologiques d'une part,
06:26donc de regarder la cicatrisation, mais aussi les activités anti-inflammatoires,
06:30anti-oxydantes et aussi anti-cancéreuses.
06:33Et d'autre part, de faire des analyses chimiques
06:35pour regarder les molécules qui sont présentes dans ces plantes
06:38et essayer d'expliquer quelles molécules pourraient avoir quelle activité.
06:41Et donc vous faites partie, je l'ai dit en préambule,
06:44des 35 doctorantes et post-doctorantes qui ont été choisies,
06:48qui ont reçu ce prix Jeunes Talents France L'Oréal UNESCO.
06:52Qu'est-ce que ça change pour vous ? Il y a de l'argent ?
06:54Il y a une dotation ? Il y a de l'aide ?
06:56Expliquez-nous ce que ça peut changer, Aliénor Rivière, pour commencer.
06:59Il y a plusieurs choses.
07:00Il y a un soutien financier qui est une chance assez extraordinaire
07:05parce que ça nous permet ensuite d'être indépendants d'une certaine façon,
07:08d'aller en conférence, de pouvoir aller visiter des laboratoires pour donner des séminaires.
07:1215 000 euros de dotation, c'est ça ?
07:14Oui, pour les doctorantes, c'est ça.
07:15Et ça change vraiment la donne ?
07:17Ah oui, c'est énorme.
07:19Par exemple, moi je vais commencer un post-doctorat
07:22et je ne sais pas encore si je vais pouvoir avoir de l'argent
07:25pour aller en conférence, aller aussi en formation.
07:28Et donc là, je sais que grâce à cette dotation, je peux m'inscrire
07:32parce que dans tous les cas, j'aurai les moyens financiers pour y aller.
07:35Donc ça, c'est un soutien assez important.
07:38Et il y a un programme de formation au leadership, j'ai vu ça.
07:42C'est intéressant parce que je suis sûr qu'on s'adresserait à des doctorants,
07:47on ne leur aurait pas proposé. Vous voyez ce que je veux dire ?
07:49Bien sûr.
07:50Vous l'avez ressenti, ça ? Est-ce que vous ressentez le besoin de cette formation ?
07:54Je commence avec vous, Aliénor.
07:56Moi, j'étais assez surprise, mais effectivement, ça m'a apporté beaucoup.
08:00Parce que ce ne sont pas du tout des formations auxquelles on a accès en général.
08:04Donc je trouve que c'est vraiment très intéressant de s'ouvrir
08:07et de voir d'autres formes de formation qui peuvent, effectivement,
08:10je pense, être utiles pour la suite.
08:12Qu'est-ce qu'on apprend dans un programme de formation au leadership, Marion ?
08:16Moi, tout comme Aliénor, ce sont des formations que je n'avais pas suivies
08:19au cours de mon cursus universitaire.
08:21Moi non plus, je n'ai jamais suivi de formation au leadership.
08:24C'est sans doute besoin, d'ailleurs.
08:26Mais je pense que c'est très utile dans des métiers où on peut être amené
08:29à encadrer d'autres étudiants plus tard ou encadrer du personnel.
08:32Et donc, effectivement, on a suivi la formation au leadership,
08:35en management, également en négociation.
08:38Et en fait, ça nous apprend un peu à avoir une vision de ce qu'on veut faire plus tard
08:42et essayer de le mener à bien et de partager cette vision-là avec d'autres
08:46pour ensuite mener notre équipe à aboutir et à avoir des résultats.
08:50Est-ce que derrière l'idée de ce prix Jeune Talent et donc de cette formation
08:56au leadership, il n'y a pas aussi le fait que vous allez devoir vous imposer
09:00dans des mondes qui sont majoritairement masculins ?
09:02Je ne sais pas si c'est verbalisé, ça, ou si vous l'avez ressenti
09:06pendant la formation, Marion.
09:08Si, si, tout à fait. On en discute beaucoup pendant la formation,
09:11déjà entre nous et avec les formateurs.
09:13Et l'idée, c'est effectivement de s'imposer et de pouvoir prétendre,
09:17après, à des postes un peu plus haut gradés et être, après,
09:21une majorité peut-être féminine dans ces milieux-là.
09:24Vous ressentez l'importance des rôles modèles ?
09:27Vous l'avez un peu évoqué tout à l'heure, Aliénor Rivière, sur finalement...
09:31Alors, il n'y a peut-être pas d'ailleurs que des femmes,
09:33mais celles et ceux qui vous ont poussées à aller dans cette direction
09:37d'une carrière scientifique. C'est important pour vous d'avoir des rôles modèles ?
09:41Moi, je pense que c'est effectivement important parce que ça permet de se projeter.
09:44Je sais qu'il y a des femmes pour qui c'est plus important
09:46d'avoir des rôles modèles féminins que masculins.
09:50Et oui, c'est toujours... Le métier de la recherche,
09:52c'est quelque chose qu'on a du mal à appréhender, je pense.
09:55Et donc, avoir la possibilité d'identifier
09:58quelqu'un qui fait de la recherche aujourd'hui,
10:00qui n'est pas un barbu derrière un ordinateur avec une blouse.
10:03On n'a rien contre les barbus derrière les ordinateurs.
10:06Bien sûr que non, mais c'est sûr que ça nous permet
10:10de mieux appréhender ce que c'est qu'un métier de chercheur
10:12et de pouvoir potentiellement se projeter.
10:15Et vous avez conscience que vous êtes en train de devenir des rôles modèles ?
10:18Peut-être, je ne sais pas.
10:20Ben si, le simple fait de faire partie de ces lauréates.
10:23En tout cas, j'espère.
10:24J'espère, peut-être que ça va inspirer des jeunes filles,
10:28des lycéennes ou des étudiantes qui se disent
10:30tiens, une carrière scientifique, c'est pour moi aussi.
10:34Espérons-le.
10:35Moi, pour ma part, c'était effectivement le cas
10:37quand j'ai voulu candidater à ce prix.
10:39Il y en a d'autres à l'Université de la Polynésie française,
10:41qui l'ont reçu avant moi et qui m'ont inspirée à candidater,
10:45qui m'ont encouragée.
10:46Et je pense que c'est en partie aussi grâce à elles,
10:48grâce à leur prix que j'ai le mien.
10:51Tiens, d'ailleurs, ça me fait penser à une question.
10:53Est-ce qu'il y a un réseau des anciennes lauréates de ce prix ?
10:57Oui, totalement.
10:58Et d'ailleurs, je pense que c'est quelque chose
11:01qu'apporte le prix L'Oréal, justement.
11:03C'est cette mise en réseau, à la fois au niveau d'une génération,
11:07disons, comme on a eu la dernière semaine,
11:10c'est une grande richesse et je pense que ça nous permet pour la suite.
11:14C'est plus de 4000 femmes qui ont été récompensées par la Fondation
11:17et dont on est mis en relation via une application et un site internet
11:21où on peut échanger avec elles, on peut prendre contact
11:24et on peut également participer à d'autres formations
11:27pour continuer à s'améliorer toujours.
11:29Oui, et est-ce qu'il y a même des liens de business ?
11:32Ça nous mène où ? Vers un business ou pas ?
11:35Pour Marion Chambon, je le vois bien,
11:37mais pour vous, Aliénor ?
11:39Qu'est-ce que vous voulez dire par un business ?
11:40Je ne sais pas. Créer une entreprise.
11:43En tout cas, ce qui est sûr, c'est que ça met en relation
11:45avec des gens qui sont scientifiques,
11:47qui sont extrêmement compétentes.
11:49Je suppose qu'effectivement, si vous voulez peut-être créer une entreprise
11:53ou en tout cas un laboratoire, créer des liens,
11:55c'est sûr que ça va vous mettre en relation
11:57avec des personnes compétentes dans des domaines variés.
11:59C'est votre ambition, à vous, ou vous voulez vraiment
12:01rester dans le domaine de la recherche ?
12:03Moi, je serais plutôt restée dans le domaine de la recherche,
12:05mais pour autant, même dans ce domaine-là,
12:07c'est un métier où les relations humaines sont très importantes.
12:11Et donc, être conseillée à tout moment de sa carrière
12:13et créer même des collaborations, c'est très important.
12:17Et donc, pouvoir profiter, bénéficier de ce réseau des L'Oréal
12:21du prix Jeune Talent France L'Oréal Unesco pour les femmes et la science.
12:25Merci encore. Merci à tous les deux d'être venus
12:27parler de vos domaines respectifs de recherche.
12:31On passe à notre rubrique consacrée aux startups.

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