• l’année dernière
Face à cette actualité qui voit s'affronter des camps politiques et  idéologiques nous avons voulu mettre en lumière une voie peu visible, mais qui existe : la bienveillance. Est-ce utopique ? En avons-nous des exemples ? Comment faire pousser cette graine ? Frederic Ramel, professeur de sciences politiques à Science Po, est l'auteur de "La bienveillance dans les relations internationales".

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00:00Au cœur de l'info, nous retrouvons à présent notre invité, face à une actualité dure qui voit s'affronter des camps politiques,
00:09idéologiques qui mettent en lumière chaque jour la souffrance d'individus pris dans une guerre, un conflit qui les dépasse.
00:16Nous avons voulu faire un pas de côté, peut-être même envisager une autre voie, celle de la bienveillance.
00:22Alors, est-ce utopique ? En avons-nous des exemples ? Comment faire pousser cette graine, la bienveillance, dans les relations internationales ?
00:30C'est le titre de l'un des ouvrages de notre invité, Frédéric Ramel. Bonsoir.
00:35Vous êtes philosophe et professeur de sciences politiques à Sciences Po. Merci d'avoir répondu à notre invitation et nous apporté votre éclairage
00:45et défendre surtout vos convictions. Je pense qu'on en a besoin en ce moment.
00:49Alors, l'idée que je reçoive un philosophe qui me parlerait de bienveillance dans les relations internationales a évidemment, vous vous en doutez, fait sourire,
00:56un peu, notamment dans cette rédaction. Est-ce que vous êtes un doux rêveur ou un utopiste ?
01:01Alors oui, je sais. Dès que des défenseurs de la bienveillance arrivent, on a un peu le sourire en coin. Mais je ne suis ni naïf ni utopiste.
01:12Je sais ô combien, et vous l'avez encore démontré tout à l'heure dans les titres, que les relations internationales sont composées de phénomènes
01:19qui relèvent de la puissance, de la violence, de la souffrance, mais aussi même de l'indifférence à l'égard de cette souffrance
01:26lorsque ces personnes qui l'éprouvent sont à des milliers de kilomètres. Donc je le sais ô combien.
01:32Mais je sais aussi qu'il y a cette petite graine de bienveillance, que ce soit entre les relations, entre les États,
01:39mais aussi à l'échelle des sociétés et des individus, parce que les relations internationales, c'est les États certes,
01:46mais il y a aussi une scène qui est beaucoup plus élargie. Et ni la géopolitique ni la réelle politique peuvent aussi la saisir.
01:54Et je pense qu'il est important de souligner que nous sommes toutes et tous, vous, moi et les téléspectatrices et les téléspectateurs qui nous écoutent,
02:01des acteurs aussi dans l'espace mondial.
02:04L'espace mondial, effectivement, c'est ce terme que vous aimez employer. Effectivement, vous citez Marc Orel,
02:10ce qui est le propre de l'homme, c'est d'être bienveillant envers ses pareils. Est-ce là réellement la nature de l'homme ?
02:18Alors lorsqu'on parle de bienveillance, je pense qu'il y a deux éléments à prendre en compte. Il y a la sensibilité,
02:25une sensibilité qu'on peut reconnaître dans la conduite des autres personnes. Et puis il y a l'action.
02:31Et l'action, elle peut être soit un réflexe spontané, soit le produit de la volonté. C'est-à-dire que ça prend parfois un effort,
02:38ça prend du courage, ça prend l'usage de la raison. C'est une alchimie, la bienveillance. C'est à la fois cette spontanéité et aussi la volonté.
02:47Et la bienveillance, oui, elle fait partie de notre complexion d'humain. Elle n'est pas forcément activée tout le temps, c'est clair.
02:57Mais c'est surtout une manière d'être.
03:00On va voir des exemples concrets, effectivement, avec une première illustration peut-être.
03:06Mitterrand et Cole, voilà, une poignée de main qui est essentielle. Vous venez de le dire, ça relève de la nature, mais aussi de la volonté,
03:15donc de la volonté de deux hommes et d'une volonté politique.
03:18Absolument. C'est un geste qui n'était d'ailleurs pas du tout prémédité, qui s'est fait naturellement au bout de cette journée
03:23qu'ils ont partagé sur les différents sites de la Première Guerre mondiale.
03:27Et ce geste est un geste de réconciliation, à la fois à l'aveu d'une retenue stratégique entre les deux États, plus jamais ça,
03:36et puis l'attention à l'autre, puisque la bienveillance, c'est cette attention que l'on a à l'égard de soi, d'autrui et plus largement du monde,
03:45voire même aujourd'hui peut-être de la planète.
03:48Mais je te vois, je te reconnais, je te reconnais comme être vivant. Vous parlez de la planète, donc ça englobe la planète.
03:53Absolument, absolument. C'est le mouvement qui, aujourd'hui, est à l'ordre du jour, qui n'est pas forcément conscientisé
04:01et qui aussi doit être examiné en contexte. Il y a des moments plus favorables et des moments où les individus sont plus à même
04:09à utiliser cette bienveillance, à la nourrir, à la cultiver, parce que c'est une graine et vous aviez tout à fait raison.
04:16Elle nécessite aussi du soin.
04:18Cette poignée de main, elle date de 1984 et donc elle annonce la construction européenne aussi, donc elle est extrêmement puissante, en fait.
04:25Elle est à la fois, je dirais, un résultat de l'intégration européenne et un geste qui accompagne, qui incite à continuer cette voie,
04:35puisque une partie de l'Union européenne, une partie de l'intégration européenne repousse à cette réconciliation franco-allemande.
04:41Ce n'est pas le seul élément, mais c'est l'un des éléments à prendre en compte, absolument.
04:45Je te vois, je te reconnais, ça ne fonctionne que s'il y a reconnaissance de l'autre.
04:50Il y a une autre poignée de main qui est essentielle aussi dans notre histoire contemporaine.
04:55C'est celle de Yasser Arafat et de Saak Rabin. Je pense qu'on va l'avoir aussi à l'image.
05:00C'est la reconnaissance d'un potentiel d'un État palestinien.
05:05Vous avez en effet raison de parler sur cette condition nécessaire à la bienveillance, la reconnaissance,
05:11c'est-à-dire une retenue stratégique entre deux acteurs dont l'un n'a pas encore la reconnaissance en tant qu'indépendance.
05:20Dans les deux côtés, d'ailleurs, il n'y a pas forcément d'unanimité.
05:24Les accords d'Oslo ne vont pas du coup se manifester et être véritablement appliqués.
05:29Mais il y a à ce moment-là, oui, à Washington, ce geste fort de considérer l'autre dans la retenue et dans la reconnaissance.
05:39S'il n'y a pas cette reconnaissance, la bienveillance ne peut pas s'épanouir, ne peut pas se développer.
05:44Puisque la bienveillance, c'est justement la retenue, c'est le calme.
05:47Et c'est aussi porter secours à autrui lorsqu'il est en détresse et promouvoir raisonnablement le bien.
05:52Ça, on va en parler plus tard parce qu'il y a d'autres exemples.
05:54Mais pour revenir sur cette poignée de main, notamment, qui nous parle d'une situation extrêmement complexe,
05:59puisqu'on le voit dans l'illustration de l'actualité aujourd'hui,
06:02on voit la difficulté de s'extraire de la sensibilité d'une communauté qui nous dit quoi faire, quoi penser.
06:09C'est pour ça que là, c'est très fort parce qu'ils transcendent ces deux communautés, en fait.
06:14En tout cas, ils actent l'idée selon laquelle c'est possible.
06:19Aujourd'hui, évidemment, c'est de plus en plus compliqué.
06:24Puisque des deux côtés, on a un Hamas qui ne reconnaît pas l'existence d'Israël et qui veut l'annihiler.
06:31Et de l'autre, on a un gouvernement israélien à l'heure actuelle qui a répondu de façon normale de la légitime défense,
06:37mais réagit en dehors du droit international humanitaire, y compris sur les dégradations environnementales.
06:44L'article 55 et 35 du protocole additionnel des conventions de Genève,
06:49qui oblige à ne pas attenter de façon grave, durable et intense à l'environnement naturel,
06:56est complètement saboté, complètement torpillé.
06:59Puisque on considère qu'aujourd'hui, c'est 300 kilos par mètre carré de gravats et qui comprennent des explosifs,
07:06qui devraient mettre plus de 14 ans pour pouvoir être enlevés.
07:10Et aujourd'hui, c'est vrai qu'il y a tout de même des forces au sein de la société israélienne et société palestinienne.
07:16Je pense en particulier à cette ONG qui s'appelle le Cercle des Familles,
07:20qui est une ONG qui est composée de Palestiniens et d'Israéliens qui ont perdu au moins un proche dans le conflit.
07:28Et on pourrait se dire que cette ONG s'est dissoute depuis le 7 octobre.
07:32Il y a 700 familles et il n'y a que 3 familles qui sont parties depuis le 7 octobre.
07:36Alors elles sont la preuve vivante qu'il y a aujourd'hui encore, malgré les circonstances,
07:42des femmes et des hommes qui cherchent à cultiver cette bienveillance, cette sensibilité au sort de l'autre.
07:49On voit effectivement qu'il y a peut-être un passage possible, même face à l'idéologie,
07:53qui sent pourtant tout fermer, tout obscurcir, grâce à l'individu.
07:57En fait, l'acte part de l'individu lui-même.
08:00Il ne faut pas s'attendre à ce qu'il parte du haut, mais qu'il parte du bas.
08:04Absolument. La bienveillance, elle doit s'éprouver.
08:08Elle passe par des êtres faits de chair, d'os et aussi de cœur.
08:14Nous avons peut-être oublié cette flamme intérieure, celle du cœur.
08:20Certaines femmes et certains hommes politiques continuent de l'attiser.
08:24Notamment cette semaine, il y a eu un discours assez intéressant, sur lequel on reviendra peut-être.
08:29Mais ça suppose en effet de reconnaître en l'autre individu, au-delà de son appartenance nationale,
08:36individu doté en effet de chair, d'os et de cœur.
08:41Et comment est-ce qu'on peut accentuer la bienveillance dans les relations diplomatiques ?
08:46Accentuer, je dirais tout d'abord qu'elle est présente, même malgré tout cela.
08:52Je vais prendre peut-être un exemple très concret.
08:54Vous savez que dans cet environnement extrêmement dégradé que nous éprouvons aujourd'hui,
08:59il y a une petite lueur d'espoir.
09:01L'année dernière, il y a eu ce fameux traité sur la haute mer et la biodiversité marine,
09:06une espèce de bouée de sauvetage face à la dégradation stratégique.
09:11Eh bien la délégation russe a signé, alors qu'il y a la guerre.
09:16Dans le contexte actuel.
09:17Absolument. Pourquoi elle a signé cette délégation russe ?
09:20Parce qu'elle a pris conscience que ce travail de négociation, qui avait pris plus de dix ans,
09:24il n'allait pas être torpillé par cette circonstance actuelle.
09:28Il y a eu un travail effectué, il y a des avancées,
09:30des avancées très importantes pour la protection de 30% des océans qui nous nourrissent
09:35et qui sont le cœur aussi de la vie sur Terre d'ici 2030.
09:39Et aussi la protection de ces ressources halieutiques et des ressources de l'océan,
09:44partagées pour le plus grand nombre, pas simplement pour les états littoraux,
09:47mais aussi pour les états qui n'ont pas de littoral.
09:50Et je pense que de ce point de vue, en diplomatie, on a compris que l'effet Covid,
09:56la gestion des vaccins qui a été extrêmement compliquée,
09:59eh bien il fallait aussi partager une ressource en commun.
10:03Et donc la délégation russe a finalement signé.
10:06Et je pense qu'il y a eu une forme d'effusion au moment où la signature a été posée.
10:11Tout comme la COP 21 qui est maintenant un peu lointaine,
10:14maintenant c'est 2015, ça va faire dix ans,
10:16où ceux qui avaient participé aux accords de Paris
10:19sentaient cette sensibilité, cette bienveillance se manifester au moment où on enterrine en effet cela.
10:26Et donc l'enjeu aujourd'hui, ce n'est pas forcément de tracer ces phénomènes.
10:30On peut les voir malgré ce contexte.
10:33Il ne se substitue pas au phénomène que vous avez décrit tout à l'heure.
10:37La violence, la puissance, je ne vais pas dire que la bienveillance va balayer tout cela.
10:41Elle est aussi là. C'est tout ce que je veux mettre en avant.
10:44Et elle peut être activée effectivement.
10:45Vous évoquiez tout à l'heure le cas des ennemis peuvent devenir des amis
10:49ou en tous les cas peuvent manifester la solidarité,
10:51notamment en cas de catastrophe naturelle.
10:54On l'a vu par exemple avec ce très important séisme en Syrie et en Turquie en 2023.
11:00Et là, des corridors se sont ouverts entre la Turquie et l'Arménie.
11:03Absolument. 50 000 blessés et victimes.
11:07La Turquie, qui est pourtant l'un des acteurs qui est très impliqué sur le plan humanitaire,
11:15et la Syrie exposée, entre la Turquie et l'Arménie.
11:19L'Arménie a ouvert un corridor, a ouvert les frontières,
11:23alors que depuis des décennies, il y a un gel lié à la question de la reconnaissance du génocide arménien.
11:30Et immédiatement, le fait de porter secours aux victimes a été spontané, naturel.
11:37Le ministre des Affaires étrangères arméniennes ne s'est même pas posé la question,
11:41malgré le fait que la Turquie est en effet un État extrêmement menaçant pour l'Arménie,
11:46pour différentes raisons.
11:48Et la diplomatie des séismes, c'est quelque chose qui se manifeste.
11:52Pour ce même cas que vous avez évoqué,
11:54le président al-Sisi égyptien a appelé pour la première fois Bachar el-Assad
11:58pour lui, non seulement lui dire toute sa solidarité et sa sympathie,
12:04mais aussi de déployer une aide concrète face aux effets du tremblement de terre.
12:09Et comment distingue-t-on alors ce solidarisme du paternalisme ?
12:13Alors le paternalisme suppose que l'autre n'a pas d'autonomie,
12:16et qu'il ne pourra pas rendre.
12:18Et il n'y a plus d'égalité.
12:20C'est un risque, tout à fait.
12:23Les Etats-Unis fonctionnent beaucoup comme ça, non ?
12:25Les Etats-Unis, absolument.
12:27Il n'y a pas qu'eux, d'ailleurs.
12:29On peut se dire que quelque part, la Chine aujourd'hui, à travers la route de la soie,
12:32est peut-être, dans certains de ses aspects,
12:35une forme de paternalisme et de l'absence d'égalité dans le traitement.
12:39Et certaines ONG, des acteurs de la société civile,
12:42aussi Haïti a été qualifiée de république des ONG,
12:46mais avec une forme de paternalisme.
12:48Mais heureusement, il y a des ONG aussi qui travaillent à l'égalité,
12:53c'est-à-dire repartir du local, repartir des individus.
12:56Des exemples très concrets,
12:58pour que les spectatrices et les spectateurs considèrent
13:00que ce n'est pas quelque chose qui est totalement abstrait,
13:03il y a des ONG qui travaillent en Afrique subsaharienne,
13:06qui restent très longtemps sur le sol africain,
13:11pour partir des expériences que réclament les populations.
13:14L'ONG Resolve, par exemple.
13:16Et grâce à cela, il y a un désarmement des enfants soldats.
13:19Aujourd'hui, en République démocratique du Congo,
13:21grâce au projet mené par Resolve,
13:23il n'y a qu'un enfant sur 8000 qui reprend les armes.
13:26Un autre exemple, vous avez l'ONG Karuna,
13:28qui est une ONG très influencée par l'empathie et l'altruisme,
13:32qui travaille plutôt en Inde et au Népal.
13:35Elle ne vient pas imposer une solution,
13:37mais elle part des demandes et des besoins des populations.
13:40Est-ce que c'est utile ?
13:41Et à ce moment-là, nous vous accompagnons.
13:43C'est un long chemin,
13:45mais ça passe d'abord par l'écoute de l'autre.
13:48Une dimension importante, la civilité de transit,
13:50la problématique de l'accueil des migrants.
13:53Il y a des expériences traumatisantes,
13:55mais qui rencontrent aussi des expériences d'hospitalité,
14:01qui permettent de redonner espoir.
14:03Je pense notamment, vous nous parliez de cet orchestre
14:06des femmes afghanes.
14:08Zohra, on a vu cet accueil du Portugal,
14:11qui a accueilli tout l'orchestre sur son territoire,
14:13alors que ces femmes fuyaient le régime des talibans.
14:16Et le Portugal a même accueilli les familles.
14:19Ce n'est pas simplement les instrumentistes,
14:21et avec le fabuleux chef d'orchestre qui les accompagne,
14:25qui a immédiatement pris les choses en main,
14:27voyant le régime des talibans reprendre le dessus en Afghanistan.
14:32Voilà des gestes d'accueil, des gestes d'hospitalité.
14:36Et cette civilité de transit,
14:38elle apparaît aussi par des individus ordinaires.
14:42On a maintenant des travaux qui montrent qu'au Maroc,
14:44qui est devenu une terre,
14:46vous savez que tout le Maghreb est très affecté par la circulation
14:48de ces migrants qui viennent d'Afrique subsaharienne.
14:51Et dans certaines villes moyennes,
14:53vous avez des migrants qui sont dans une situation
14:56où ils restent très civils, ils essayent de parler arabe,
14:59ils rentrent en communication avec les populations,
15:01ils participent au rite et aux fêtes.
15:03Et en contrepartie,
15:05les populations ne sont pas dans une forme de refus de leur présence,
15:11mais de travail à occuper l'espace public local
15:15de façon, je dirais, commune.
15:21En sachant que l'hospitalité,
15:23il y a un certain nombre de personnes
15:25qui accueillent aussi des migrants, il faut les saluer,
15:27ça ne répond pas totalement,
15:29ce n'est pas une réponse politique,
15:31c'est une réponse morale
15:33qui bouleverse aussi le quotidien.
15:35Là, on est au-delà de la civilité transite,
15:37c'est lorsque le migrant ou la migrante
15:39vient dans le quotidien,
15:41et c'est un ajustement permanent,
15:43parce qu'on est aussi quelque part...
15:45Musculé dans ses habitudes, dans sa culture...
15:47Voilà, et cela ne remet pas du tout en question
15:50la nécessité de trouver des questions politiques.
15:52Mais ça veut dire que ces éléments-là,
15:54ces ingrédients, la graine,
15:56elle est tout de même présente.
15:58Jusqu'où justement peut aller la bienveillance ?
16:00Est-ce qu'il y a un plafond de verre ?
16:02On l'a vu, la bienveillance,
16:04c'est une sensibilité qui s'exprime,
16:06un acte d'amour,
16:08mais qui a besoin de rencontrer en face
16:10un interlocuteur qui va y répondre.
16:12Et à un moment donné, ce n'est pas toujours le cas,
16:14on l'a vu avec différents exemples tout à l'heure.
16:16Est-ce que malgré tout, cette graine
16:18finit toujours par pousser,
16:20même si ce n'est pas dans notre temporalité ?
16:22Ou est-ce qu'il y a ce plafond de verre ?
16:24Je ne dirais pas plafond de verre,
16:26je dirais tout simplement une limite
16:28pour mettre la barre haute.
16:30Personne ne peut imposer
16:32à des individus
16:34d'être très bienveillants.
16:36Le héroïsme moral
16:38n'est pas fait pour tout le monde.
16:40Donc il faut mettre un plafond,
16:42mais en tous les cas,
16:44la question de l'extension
16:46et de la promotion
16:48de la bienveillance
16:50reste, à mon sens,
16:52quelque chose qui mérite d'être défendu.
16:54Pour illustrer la sensibilité
16:56qu'on cultive individuellement
16:58et qui est ensuite peut-être transposée aux politiques,
17:00je voulais revenir sur ce discours
17:02que l'on a pu entendre cette semaine.
17:04C'est la présidente islandaise
17:06qui effectuait sa première visite officielle
17:08au Danemark.
17:10C'était sa première visite d'Etat.
17:12Elle a prononcé ce discours,
17:14je vais la citer,
17:16« Je n'ai pas de solution magique ».
17:18Elle parlait là de la souffrance des jeunes
17:20qui se sentent seuls et déconnectés du monde
17:22dans lequel ils vivent.
17:24Je pense que nous devrions affronter ce moment difficile
17:26en faisant de l'amour
17:28notre seule arme.
17:30C'est la présidente d'Islande qui parle.
17:32Après tout, l'amour est quelque chose que nous possédons tous
17:34et nous aspirons tous.
17:36Elle dit « kindness » en anglais,
17:38qu'on peut traduire par « bienveillance »,
17:40qu'on peut traduire aussi par « sympathie »,
17:42peut-être dans ce contexte.
17:44Laissez-nous mettre ces éléments au premier plan.
17:46Utilisons-les, et plus loin,
17:48c'est la coopération et le souci les uns des autres
17:50qui nous relient
17:52dans un pays froid, habitable.
17:54On a une femme politique.
17:56Certes, la présidente d'Islande
17:58ne détient pas le pouvoir exécutif,
18:00elle a plutôt un rôle de représentation,
18:02mais qui s'engage
18:04et qui dit à voix haute ce que l'on voudrait tous entendre
18:06de la part de nos politiques.
18:08Elle n'utilise pas le terme « bienveillance »,
18:10mais pour moi, c'est exactement le même registre.
18:12Ça veut dire qu'ici,
18:14il y a tout simplement un acte de foi.
18:16C'est une affirmation
18:18qui ouvre une voie.
18:20Le seul fait d'entendre cela
18:22est, à mon sens,
18:24important.
18:26Elle fait écho à quelque chose de fondamental.
18:28Elle dit que
18:30toutes et tous, nous avons cette capacité d'aimer,
18:32cette capacité à rentrer
18:34en empathie avec l'autre.
18:36Et cela, nous pouvons le faire au quotidien.
18:38Je disais tout à l'heure que
18:40le monde des relations internationales, c'est le monde des États.
18:42Oui, c'est le monde des États.
18:44Mais ce n'est plus le monde
18:46que des États.
18:48Nous tous,
18:50évoluons dans l'espace mondial.
18:52Et ça commence peut-être à l'échelle très locale.
18:54Je sais qu'il y a
18:56probablement des personnes qui nous écoutent
18:58qui font, par exemple, du jardinage,
19:00qui font de la permaculture,
19:02qui prennent soin, de façon très proche,
19:04dans les jardins partagés,
19:06de la nature qui les entoure.
19:08Pour moi, c'est déjà de la bienveillance en acte.
19:10Je vais terminer avec cette phrase du philosophe Francis Hutchinson
19:12que vous citez
19:14dans votre livre.
19:16Dans les éventuelles catastrophes, nous devons agir quand même.
19:18Et il lui dit, agir pour le meilleur
19:20plutôt que d'attendre passivement le pire.
19:22Voilà.
19:24On a cette capacité d'action,
19:26en nous, et on en est responsable.
19:28Absolument, absolument.
19:30Frédéric Ramel, merci infiniment
19:32d'être venu sur ce plateau, nous avoir apporté
19:34ce regard, cet éclairage,
19:36d'avoir semé cette graine à l'intérieur de nous.
19:38Merci infiniment. 20h26,
19:40à Paris, au cœur de l'info se poursuit.
19:42Je vous retrouve dans une poignée de minutes pour d'autres informations.
19:46Sous-titrage Société Radio-Canada

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