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C’est un pays proche de la France, un pays avec lequel nous avons toujours eu de bonnes relations et pourtant nous en savons assez peu sur sa population, sur son évolution et sur son Roi, discret, énigmatique même pour certains. Cela fait 25 ans que ce dernier règne sur le Maroc, que se cache-t-il derrière le « mystère Mohammed VI » ? Derrière les évolutions sociétales, économiques et géopolitiques, quelle est la réalité des Marocains ? Et comment analyser le positionnement géopolitique du pays entre l’Afrique, l’Europe ou encore les États-Unis ? Rebecca Fitoussi et ses invités ouvrent le débat. Année de Production :

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Transcription
00:00Le parcours d'un roi, le Maroc de Mohamed VI, un film signé Yves Deray et Michael Darmont,
00:08un film qui a obtenu le prix du public dans la catégorie documentaire lors du festival du film Politique de la Bôle.
00:1425 ans de reine, quel bilan ? Quelles évolutions ? Que vivent les Marocains dans leur réalité quotidienne ?
00:20Autant de questions qu'on va se poser avec nos invités.
00:22Christian Cambon, bienvenue à vous.
00:24Vous êtes sénateur LR du Val-de-Marne, membre de la commission des affaires étrangères de la défense et des forces armées,
00:29président du groupe interparlementaire d'amitié France-Maroc.
00:33Et bien sûr, à ce titre, vous irez au Maroc avec Emmanuel Macron pour sa visite d'État prévue à la fin du mois d'octobre.
00:39Antoine Glazer, bienvenue à vous également.
00:41Journaliste, essayiste, écrivain, spécialiste de l'Afrique, vous avez publié un grand nombre d'ouvrages sur le sujet.
00:47Je vais citer Le piège africain de Macron, écrit avec Pascal Hérault, paru chez Fayard en 2021
00:52et réédité plus récemment en poche chez Hachette Pluriel.
00:56Fadwa Isla, bienvenue à vous également.
00:58Vous êtes journaliste chez Jeune Afrique, spécialiste du Maghreb Moyen-Orient.
01:01Vous avez travaillé pendant près de dix ans dans les médias au Maroc, au sein de plusieurs supports,
01:06dont l'hebdomadaire Telquel, cité dans le documentaire, et qui défend notamment les libertés individuelles.
01:12Vous êtes l'autrice de nombreux articles sur le Maroc et Mohamed VI,
01:15et notamment celui-ci que j'ai retenu, Mohamed VI, un roi féministe, point d'interrogation.
01:20Patrick Beaudoin, bienvenue à vous également.
01:22Vous êtes avocat à la cour de Paris, spécialisé notamment dans le droit international,
01:26inscrit au barreau de la Cour pénale internationale de l'AE
01:29et président d'honneur de la Ligue des droits de l'homme.
01:32Merci à tous les quatre d'être ici.
01:34Avant de parler de la réalité des Marocains, de ce qui a changé pour eux avec ce roi,
01:38je voudrais qu'on revienne sur la personnalité de Mohamed VI,
01:41sur la rupture de style avec son père, Hassan II, car c'est un des angles forts d'ailleurs du film.
01:46Est-ce qu'on a raison de parler de mystère Mohamed VI ?
01:50Est-il à ce point secret Christian Combon, Mohamed VI ?
01:53Je pense effectivement qu'il y a une dimension de secret autour de sa personne, de sa famille,
01:59mais je crois que c'est intimement lié à sa fonction.
02:04Le film que nous venons de voir l'exprime bien.
02:07C'est un roi, donc on n'en parle globalement pas comme du président de la République
02:12ou de n'importe quel chef d'État.
02:14Par ailleurs, il est commandeur des croyances, ce qui fait qu'il y a une dimension religieuse,
02:18une forme de respect que j'ai eu l'occasion de constater à de nombreuses reprises
02:23dans des événements qui attiraient beaucoup de monde.
02:26Donc il y a, et je pense qu'il y a de sa part aussi, la volonté de garder une forme de distance,
02:32ce qui est aussi une manière d'assurer un pouvoir dans un pays qui n'est pas si facile que ça à gouverner.
02:39Une distance, c'est un secret qu'il entretient notamment avec les médias.
02:42C'est très compliqué, on le comprend bien dans le film, d'obtenir une interview du roi Mohamed VI.
02:46Alors effectivement, il n'est pas friand des médias, ça on l'a bien compris.
02:50Parce qu'il ne les aime pas ? Parce qu'il veut garder une distance ?
02:54Je crois que c'est simplement une question de tempérament, sans parler de secret,
03:00mais plutôt d'un mystère qui est assez propre à la monarchie,
03:03cette manière d'entretenir le mystère à travers le protocole,
03:08qui est lié à cette fonction même de roi, et ça doublé avec la personnalité
03:16qui est celle de quelqu'un de réservé, sans être timide, mais je parlerais plutôt de réserve, une forme de pudeur.
03:22Maintenant, ça n'en fait pas quelqu'un de timide pour autant,
03:25parce qu'il prend des positions assez tranchées sur un certain nombre de sujets,
03:30et notamment en politique étrangère, ou au moment du Covid,
03:36où il y a eu une gestion assez forte, des directives on ne peut plus claires,
03:42mais aussi, je dirais, à titre personnel.
03:46– Il maîtrise sa communication en tout cas.
03:48– Il maîtrise sa communication, et il communique à travers des discours,
03:51qui sont à date fixe, et qui font la pédagogie de sa gouvernance.
03:57– Et qui font l'événement à chaque fois, discret mais omniprésent,
04:01en termes de pouvoir, Patrick Baudin, c'est comme ça qu'on pourrait le définir,
04:04discret, secret, mais bien là ?
04:07– Oui, il est certain qu'il y a beaucoup de différences
04:10avec le comportement qui était celui de son père.
04:14Je me suis rendu au Maroc pour démission droit de l'homme,
04:17à l'époque d'Assane II, c'était très différent,
04:19et le père était beaucoup plus communiquant, d'une certaine manière,
04:24beaucoup plus autoritaire, ça transparaissait d'ailleurs dans son visage,
04:29son expression, ce qui n'est pas le cas de Mohamed VI,
04:31au contraire, qui donne une impression beaucoup plus de bienveillance.
04:36Je ne suis pas certain qu'au bout du compte,
04:38le changement soit aussi fondamental dans la direction du pays,
04:42mais je pense qu'on y reviendra.
04:43– C'est-à-dire un changement de forme, vous diriez ?
04:45– Un changement de style, un changement de forme,
04:48un changement de fond quand même, parce qu'on n'est plus à l'époque
04:52où Assane II, avec Tasma Marthe et quelques autres expériences,
04:56avait quand même une conception assez singulière de respect des droits humains.
05:01Non, mais ça n'a pas tant changé qu'on voudrait parfois
05:06le faire croire du côté du pouvoir royal.
05:08– Donc discrétion, leadership assumé, mais pas de despotisme pour autant.
05:12– Oui, j'ai assez d'accord avec ce que dit Patrick Boudouin.
05:15Au niveau de… tout le monde se rappelle finalement
05:18les grandes conférences de presse d'Assane II,
05:21y compris comment il critiquait un peu la presse française
05:25et comment il adorait ça.
05:27Là, on est totalement dans un autre monde, un monde discret,
05:32vraiment derrière le palais, derrière les rideaux du palais.
05:39– Mais il est pour autant le vrai patron de l'exécutif,
05:41Christian Cambon, Mohamed VI ?
05:43– Je le crois, je crois que c'est une forme de royauté assez moderne
05:51qui effectivement imprime à ce pays, qui en avait quand même bien besoin,
05:56beaucoup de modernité.
05:58Je pense qu'on évoquera le rôle qu'il a eu dans le développement économique.
06:03Tout n'est pas parfait, mais dans quel pays les choses sont parfaites ?
06:07Mais quand on voit les grandes réalisations,
06:09le choix extrêmement judicieux de Tangemed situé là où il est,
06:14quand on voit le choix du TGV, ce qui n'allait pas de soi,
06:17quand on voit le choix de ces grands parcs éoliens au nord du Maroc
06:22ou bien la centrale de Nord qui est l'équivalent de la surface de Rabat
06:25en cellules photovoltaïques, voilà un pays,
06:28on a quand même du mal même à l'imaginer,
06:30voilà un pays qui dans quelques années va devenir exportateur d'énergie propre
06:34alors qu'ils n'ont pas une goutte d'énergie carbonée à leur disposition,
06:38contrairement à leurs grands voisins.
06:39Donc je crois que c'est quelqu'un qui va de l'avant et qui dirige ce pays.
06:44Donc je crois que c'est une forme que nous nous connaissons moins bien,
06:48mais qui est aussi intéressante pour un pays comme le Maroc
06:51parce qu'on voit d'autres pays qui n'ayant pas à leur sommet
06:55un chef qui entraîne le pays, n'ont pas les résultats qu'a le Maroc.
06:58Et la difficulté pour nous c'est toujours de ne pas regarder un pays
07:00avec nos lunettes d'occidentaux aussi.
07:02Tout à fait.
07:03Comment les Marocains perçoivent-ils leur roi ?
07:05Est-ce qu'ils se considèrent eux comme des sujets, Fadwa Isla ?
07:08Est-ce qu'ils respectent profondément la monarchie ?
07:13La monarchie pour la grande majorité des Marocains est une évidence.
07:17Le documentaire, la dernière phrase du documentaire le souligne
07:22et qui dit en gros qu'il faut accepter en observant le Maroc
07:29cette part d'indicible qu'on n'arrive pas à bien raconter
07:36et à comprendre de la relation que le Maroc,
07:39que les rois du Maroc ont avec leur peuple.
07:42Dans leur très très grande majorité, il n'y a pas véritablement de remise en question.
07:47En revanche, quand il y a eu par exemple le printemps arabe,
07:51la jeunesse et différents mouvements sont sortis pour remettre en question
07:56différentes choses et revendiquer.
07:58Mais ce n'était pas une remise en question du roi.
08:01Ça concernait le gouvernement.
08:03Le pouvoir.
08:04Le pouvoir.
08:05Le pouvoir en place.
08:06Ce qu'on a du mal à savoir, c'est si le Maroc,
08:08pour la question peut-être un peu naïve, est une vraie démocratie.
08:11Patrick Baudouin ?
08:12Je crois que c'est beaucoup plus compliqué que cela tout de même.
08:15Je crois que c'est une sorte de tabou presque.
08:17Il y a trois tabous au Maroc qu'on en trouve
08:20et qui se traduisent par à chaque fois des atteintes contre les journalistes
08:26qui viendraient empiéter sur ce terrain.
08:28C'est le roi, la remise en cause de la royauté.
08:31C'est l'armée.
08:33Mais ça va quelque part avec l'armée, le Sahara occidental.
08:36Oui, et on y viendra.
08:37Et un autre tabou aussi, c'est peut-être l'argent.
08:39Je lisais que le roi Mohamed VI disposait d'une fortune énorme.
08:43Forbes l'a chiffré à 6 milliards d'euros, il me semble.
08:47Certains médias comme Marianne pensent que c'est même beaucoup plus.
08:49Par rapport à ce qui était dit tout à l'heure, que je partage d'ailleurs,
08:53c'est-à-dire le fait qu'il y a effectivement,
08:55sur le plan industriel et économique, des réussites incontestables.
08:58Il n'est pas question de le nier.
09:00Je trouve que ça se traduit par un enrichissement considérable,
09:03par exemple, de la fortune royale, mais dans des proportions très importantes.
09:08Je crois qu'elle a quasiment doublé, triplé depuis que Mohamed VI est au pouvoir.
09:13Et puis une corruption qui est dénoncée par toutes les organisations
09:18qui se penchent un peu sur le sujet.
09:20Sur la fortune du roi, elle est ce qu'elle est.
09:23Mais moi, j'observe, de ce que nous savons,
09:25qu'une partie importante est réinvestie dans l'économie.
09:28Car le roi a des intérêts économiques dans le commerce, dans l'industrie.
09:32Et je pense que ça va aussi, quand même, dans le sens du développement.
09:36Fabrice ?
09:37Sur ce sujet, qui effectivement peut sembler problématique,
09:41il y a deux ou trois choses à avoir en tête, à mon sens.
09:45C'est d'abord cette dimension de locomotive de l'économie.
09:50C'est quasiment...
09:53Alors c'est un businessman, mais ça va donner, on va dire, de l'élan.
09:57Il va jouer le rôle d'initiateur et investir dans des secteurs
10:01où les entrepreneurs du pays ne se seraient peut-être pas forcément aventurés.
10:05C'est le cas des énergies renouvelables,
10:07c'est le cas vraiment de secteurs comme ça,
10:09qui peuvent être précurseurs, ou l'intelligence artificielle.
10:12Et sur ça, il a ce rôle-là.
10:15Ensuite, alors on a parlé de doubler, voire tripler la fortune.
10:19Pour remettre les choses dans leur contexte,
10:22ça suit en fait la croissance du pays.
10:25Donc le PIB du pays a aussi doublé ou triplé pendant cette période-là.
10:29Maintenant, ça n'exclut pas le fait que ça doit être fait...
10:33Donc s'il fait du business, il faut que ce soit fait de manière transparente
10:37et dans le respect des règles de la concurrence,
10:39ce que très souvent, la holding royale, c'est le cas.
10:44Maintenant, ça n'exclut pas qu'il y a pu y avoir des comportements
10:51peut-être de prédation dans l'entourage de gens
10:56qui se prévalent d'une proximité réelle ou supposée avec le roi.
11:02Et ça, c'est condamnable.
11:04C'est absolument condamnable.
11:06L'autre fait que j'aimerais souligner
11:08et qui est très présent dans la mémoire des Marocains,
11:11c'est une dimension historique.
11:13Le protectorat et la colonisation ne sont pas très loin.
11:16Et il avait été rendu possible aussi du fait de l'affaiblissement financier
11:21de l'État marocain et des sultans du Maroc à ce moment-là
11:26qui se sont endettés énormément auprès des banques françaises.
11:30Donc il ne faut pas affaiblir économiquement le pays.
11:32Ni le pays, ni les sultans.
11:34C'est un trauma qui est très présent et qu'ils ne veulent pas revivre.
11:38Dans ce documentaire, beaucoup d'éléments sur les mutations sociales
11:41et sociétales du pays depuis l'arrivée de Mohamed VI,
11:44la réforme du code de la famille que l'on appelle là-bas la Moudouana,
11:48les avancées pour les droits des femmes,
11:50leur nomination à des postes clés.
11:52D'après une intervenante, on commence même à évoquer
11:55la dépénalisation de l'homosexualité et des relations hors mariage.
11:59Reste un point noir qui est lui aussi évoqué dans le film,
12:02c'est la question des inégalités sociales.
12:04Il y a un problème d'inégalité et il y a un problème de redistribution.
12:10De toute évidence, le boom économique n'a pas bénéficié aux classes populaires.
12:14La misère reste importante, notamment dans les zones rurales.
12:17Selon les experts, 20% des Marocains vivent en dessous du seuil de pauvreté.
12:21La santé, l'éducation, la formation sont des sujets sensibles.
12:26Antoine Glazer, est-ce qu'on peut dire que l'ombre au tableau,
12:28elle est là, elle réside dans ces inégalités sociales au Maroc ?
12:31Absolument, on a parlé tout à l'heure de ce qu'on appelle les holdings royaux.
12:36C'est vraiment impressionnant à quel point, peut-être comme moteur de croissance,
12:41mais quand vous regardez les grandes entreprises et les plus profitables au Maroc,
12:46vous voyez bien qu'il y a toujours la main du roi quelque part.
12:49C'est vrai qu'avec 20% de la population en dessous du seuil de pauvreté,
12:54vous avez l'impression qu'il y a un décalage historique.
12:57Il y a du rattrapage, ça avance.
12:59Évidemment, si comme moi, vous êtes un observateur de ce qui se passe sur le continent africain,
13:05vous allez vous dire que finalement, il vaut mieux être au Maroc
13:09que dans la majorité des pays du continent.
13:12Ça, c'est une évidence.
13:13Ceci dit, pour le Maroc lui-même, pour ce qui vient d'être dit sur la redistribution,
13:18il y a une nécessité de beaucoup plus.
13:20Ici, en France, on parle toujours de ruissellement.
13:24Il est dit dans le film que c'est le séisme qui a révélé ces inégalités sociales.
13:28Honnêtement, non.
13:29Les infrastructures, oui, mais il n'y a pas besoin du séisme pour les inégalités sociales.
13:34Si vous allez au Maroc, dès que vous sortez des grandes villes,
13:37vous voyez bien la pauvreté, vous voyez des gens.
13:39Moi, j'ai vu des gens en train encore de s'arcler comme si vous étiez au Moyen-Âge
13:43dans un certain nombre de régions.
13:45Il y a quand même une progression.
13:47Mais globalement, les inégalités sont d'autant plus fortes
13:50que c'est un pays extrêmement riche avec un savoir-faire.
13:54On va parler un peu de la dimension, de la diplomatie,
13:57d'influence économique sur l'ensemble du continent qui est totalement impressionnante
14:01grâce à M6.
14:03Mais là, il y a un décalage réel au niveau social.
14:07– Quand on dit M6, c'est moi M6, je le dis pour nos téléspectateurs.
14:10Christian Corbon.
14:11– Si vous voulez, effectivement, on voit bien,
14:13quand on connaît et qu'on arpente le Maroc, il y a des différences.
14:16Ceci étant, si on regarde les choses avec nos lunettes à nous d'occidentaux,
14:20j'allais dire, depuis combien de temps a-t-on mis, nous, notre pays,
14:24à sortir toutes les classes sociales de notre pays à ce niveau ?
14:30Moi, j'ai connu, étant enfant, les économiquement faibles.
14:33On donnait des colis de nourriture.
14:35Donc, je veux dire, il faut laisser le temps à cette mutation
14:38qui est très importante.
14:39Et ce qui est important, et Antoine Glaser le sait bien,
14:42dans ces pays d'Afrique et de l'Union générale,
14:44dans les pays qui décollent, il faut que se constitue
14:46ce corps intermédiaire, cette classe intermédiaire,
14:48cette bourgeoisie, on va dire, pour employer un mot un peu particulier.
14:53Mais il faut qu'entre les gens qui ont le pouvoir,
14:56et le pouvoir est bien sûr concentré, on l'a dit,
14:59et les gens qui vivaient un peu comme au siècle dernier,
15:04il faut que se constitue cette classe des techniciens, des commerciaux,
15:08du personnel de bureau, etc.
15:12Les efforts sont en train d'être faits.
15:14Je pense qu'il y a des vrais sujets.
15:16Je pense que le Maroc s'y emploie.
15:19Moi, j'ai des activités dans le domaine de l'accès à l'eau potable.
15:24Eh bien, le Maroc est un des pays qui nous dit
15:26que nous sommes en mesure actuellement de donner quasiment de l'eau potable.
15:30Il y a quelques régions qui le demandent encore.
15:32Mais globalement, par rapport à bien d'autres pays d'Afrique que je connais,
15:35l'effort qui a été fait, regardez, sur les droits sociaux,
15:37je pense qu'on va en reparler.
15:39– Allons-y, allons-y.
15:40– Moi, je fréquente beaucoup, je vois bien le ministre de la Justice,
15:42j'ai une grande admiration pour le ministre de la Justice.
15:44On peut peut-être en parler.
15:46Eh bien, ce ministre de la Justice, quand je lui parle,
15:49effectivement, des droits des homosexuels,
15:51car c'est un sujet que nous abordons,
15:53et moi, je peux me permettre de l'aborder franchement.
15:56Étant un ami du Maroc, je peux le dire franchement.
15:58Mais il me dit, mon cher ami, le problème, bien sûr,
16:00et ils ont pris une mesure tout à fait récente,
16:02qui va dans ce sens.
16:03Mais pour l'instant, le principal travail du ministre de la Justice,
16:06avec des difficultés qu'il a eues au Parlement,
16:09c'était de faire en sorte que les petites filles de moins de 14 ans
16:12ne puissent pas faire l'objet d'un mariage.
16:14Voilà encore, il y a une société qui est régie par des principes anciens
16:19et qui n'étaient pas les nôtres, qui n'ont jamais été les nôtres.
16:22Mais il faut bien voir d'où l'on vient et où l'on va.
16:24Alors évidemment, il y a un rythme,
16:26et on souhaiterait que la croissance bénéficie au plus grand nombre.
16:29Mais sincèrement, je pense que des efforts sont faits.
16:33C'est toujours le principe du verre à moitié vide, à moitié plein.
16:35Des efforts sont faits.
16:36Comme sur les droits de l'homme, tout n'est pas parfait.
16:38On est les premiers à le voir.
16:40Mais je crois que d'énormes efforts ont été accomplis.
16:42Il faut donner crédit à ce roi d'insuffler, vous l'avez dit très justement.
16:47Il est à la tête de ses investissements.
16:49Il a envie, on le sent dans ses discours.
16:51Il veut que ça aille mieux dans le pays.
16:53Et puis après, il faut que tout ça se décline.
16:55Donc attendre que la société marocaine soit prête,
16:57y compris pour les libertés individuelles, Patrick ?
16:59J'ai fait trop de missions pour être donneur de leçons.
17:01Donc je me rejoins là-dessus.
17:03Il ne s'agit pas de dire qu'on va plaquer la démocratie.
17:06Maintenant, ce qu'on peut quand même observer,
17:08c'est qu'alors qu'il y a tous ces progrès économiques qui sont accomplis,
17:12les inégalités sociales subsistent quasi intégralement
17:16en termes de différence de niveau de vie au sein de la population marocaine.
17:22Donc on peut quand même dire que les progrès sont très insuffisants et trop lents.
17:26Ça me paraît quand même pas injurieux.
17:28Le deuxième point, c'est qu'il est vrai qu'il y a aussi,
17:31puisque vous évoquiez, vous avez raison là aussi en grande partie,
17:34c'est même peut-être ce qu'il y a de plus positif quand même dans le règne de Mohamed Sy,
17:39c'est l'évolution sociétale.
17:41Et en particulier la place qui a été faite aux femmes, le code de la famille, etc.
17:45C'est beaucoup précisé dans le film.
17:47C'est vrai que quand on est défenseur des droits de l'homme,
17:49on trouve toujours que c'est insuffisant.
17:51Mais il y a quand même eu des progrès de faits, il faut le reconnaître.
17:53Il y a un petit blocage, c'est l'héritage aussi.
17:56Mais c'est vrai que c'est compliqué ça, je vous rejoins.
17:59En revanche, moi je suis beaucoup plus critique que vous,
18:02c'est quand même justement sur les droits sociaux que vous venez d'aborder.
18:06Je vais juste citer un exemple,
18:08puisque j'ai signé une tribune il y a quelques mois sur ce sujet.
18:12C'est l'exploitation d'une mine de cobalt dans le sud du Maroc
18:17au profit de, je crois que c'est Renault et BMW.
18:21C'est la Ménagène, sauf erreur,
18:23qui est une société qui dépend de la société d'exploitation au sens large,
18:30enfin des sociétés du roi.
18:32Et les conditions de travail dans cette mine sont littéralement épouvantables.
18:38Ça c'est lié à un pouvoir qui n'agit pas,
18:40à un roi qui n'agit pas ou à des opportunistes ?
18:43Si vous voulez, après le roi, ça dépend quand même assez directement
18:47puisque c'est lui qui contrôle cette société.
18:50Il a, comme ça a été dit, je pense que c'est lui qui gouverne.
18:53Je pense que très largement c'est lui qui gouverne.
18:55Donc je pense que sur ces sujets-là,
18:58il y aurait quand même des possibilités d'intervenir, d'agir
19:01et d'avoir une meilleure protection des droits sociaux.
19:04Que fait Mohamed Sy sur ces questions sociétales ?
19:08Je crois que, c'est une certitude,
19:11la question des inégalités sociales est largement partagée par Mohamed Sy lui-même.
19:17C'est-à-dire qu'il a tenu des discours à ce sujet
19:20sur le fait que pendant les 15-20 premières années du règne,
19:24ils ont eu cette première étape qui était un peu les grands travaux Roosevelt,
19:28un peu cet esprit-là, Mohamed Sy, le Roosevelt du Maroc,
19:32et puis maintenant on entame un autre cycle qui va mettre l'humain au centre
19:36et on va développer, pour permettre aux jeunes marocains
19:40de ne plus, justement, qu'on arrête de voir ces images de jeunes qui se jettent à la mer
19:44comme on peut voir au nord du Maroc.
19:47Il faut que cette jeunesse puisse sentir qu'elle a sa place
19:50et que l'ascenseur social fonctionne pour tout le monde de manière juste.
19:55Et je pense que c'est aujourd'hui la politique à laquelle s'attellent Mohamed Sy et le gouvernement.
20:04– Vous savez, une petite anecdote pour bien montrer qu'on revient de loin.
20:08Vous parliez tout à l'heure de la Moudouana qui est une loi fondamentale
20:11qui a véritablement fait bouger les lignes.
20:13– Le code de la famille.
20:14– Le code de la famille.
20:15Et dans ce code de la famille, il y avait l'interdiction de la polygamie.
20:18Eh bien, il y a eu des manifestations de femmes qui protestaient.
20:21Elles protestaient contre l'abandon de la polygamie.
20:23Mais pourquoi ?
20:24Ce n'est pas parce qu'elles étaient dans leur tête un peu étranges.
20:27C'est que simplement leur statut économique risquait d'être mis en difficulté.
20:31Si vous n'êtes plus dans le cadre polygame,
20:35on me rend totalement critiquable par nos sociétés.
20:37Mais si vous êtes dans la société qui était organisée de cette sorte,
20:41c'était leur situation économique qui pouvait être mise en cause.
20:44– Ça veut dire que si on bouge quelque chose, ça a des conséquences réelles et économiques.
20:48– Voilà, c'est pour ça que je plaide pour qu'on laisse le temps au temps
20:51parce que ce n'est pas si facile que ça.
20:54– Et si je peux me permettre, il y a un élément très très important,
20:58c'est la société marocaine qui est extrêmement conservatrice.
21:01C'est-à-dire qu'en soi, fondamentalement,
21:04Mohamed VI peut et a montré à plusieurs reprises
21:08que c'est quelqu'un d'assez ouvert et de réformiste
21:10sur ces questions de femmes ou de liberté individuelle.
21:13Maintenant, il y a une constitution,
21:15et ce n'est pas lui qui est en charge de légiférer sur ces questions-là.
21:19C'est le gouvernement, c'est le conseil des olémas,
21:22et ces différentes institutions sont autrement plus conservatrices
21:27et suivent à l'image de la société marocaine.
21:29Donc il faut un petit peu…
21:30– Suivre.
21:31– Suivre.
21:32– Autre fait marquant de son règne et bien souligné dans le film,
21:34c'est la façon dont Mohamed VI a repositionné le Maroc
21:36sur le plan géopolitique.
21:38Alors que son père se tournait vers l'Occident,
21:40Mohamed VI se tourne vers l'Afrique,
21:41il est l'heure de rentrer à la maison.
21:43Phrase très forte prononcée devant le 28e sommet de l'Union africaine
21:47en janvier 2017.
21:48Je voudrais qu'on réécoute cet extrait du discours assez fort
21:50et on en parle notamment avec vous Antoine Glazer, juste après.
21:54– Il est l'heure de rentrer à la maison,
21:56moment où le royaume compte parmi les nations africaines
21:59les plus développées et où une majorité de pays membres
22:03aspirent à notre retour.
22:06Nous avons choisi de retrouver la famille,
22:08l'Afrique est mon continent et ma maison.
22:12Je rentre enfin chez moi et vous retrouve avec bonheur.
22:16– On avait oublié à quel point les mots étaient forts.
22:20Autre rupture avec son père à scène 2, Antoine Glazer.
22:22Là c'est un tournant géopolitique.
22:24– Ça va très loin parce que la réalité c'est que tout le monde a oublié
22:29mais à scène 2 il ne descendait jamais en dessous du Sahara, jamais.
22:33Il n'y a pas un pays africain pour lui dire
22:35tiens on a reçu à scène 2, il ne descendait pas.
22:38Alors que M6, il va même passer ses vacances à la Pointe-de-Nille au Gabon.
22:45C'est vrai qu'il y a ça et d'autre part au fur et à mesure
22:49que la France est un peu retirée, qui a été dans une période historique
22:53comme chacun sait, qui a été hyper présente dans cette période historique
22:57des années 60 jusqu'à la chute du mur de Berlin 89-90,
23:01qui était omniprésente avec un système intégré politique, militaire, financier.
23:06Au fur et à mesure que les Français ont perdu des positions,
23:09il y a bien sûr les Chinois, les Brésiliens,
23:11mais les Marocains en particulier dans le secteur bancaire,
23:14c'est vraiment maintenant les grandes banques marocaines
23:17qui sont vraiment très intéressées par tout ce qui se passe dans l'ensemble du continent
23:21et dans tous les domaines, avec ce qu'on appelle l'office shérifien des phosphates,
23:25ce sont les engrais qui est vraiment le bras armé du Maroc,
23:29bras armé politique, bras armé économique et éducatif,
23:34dans le sens où c'est eux qui financent par exemple les universités Mohamed 6
23:40en France, à Paris et ailleurs.
23:43Il y a une vraie stratégie absolument qui est impressionnante,
23:47qui est vraiment impressionnante.
23:48– Mais est-ce que cela éloignait pour autant de l'Occident et notamment de la France ?
23:51Est-ce que de se tourner vers l'Afrique c'était un peu une manière de…
23:54– C'est logique, mais c'est quasiment naturel.
23:59Pour parler très concrètement, moi j'ai des copains africains
24:04d'Afrique subsaharienne, de Côte d'Ivoire, du Sénégal,
24:07quand la France ferme ses consulats, les empêche d'aller à Paris,
24:11ils vont étudier à Fès.
24:13C'est-à-dire le Maroc est devenu aussi comme ça une entité très impressionnante
24:18et aussi pour des questions géostratégiques, on ne va pas rentrer dans les détails,
24:22mais au fur et à mesure que finalement toute cette bande sahélo-saharienne
24:26des pays comme où il y a eu des putschs du Mali, du Burkina, du Niger,
24:30ils se tournent vers le Maroc.
24:31Ils sont maintenant en conflit, le Mali avec l'Algérie,
24:34ils se tournent vers le Maroc qui peut leur donner à terme,
24:37avec le Sahara occidental, une sortie sur l'Atlantique, sur la mer.
24:40Vous voyez, ça va très loin.
24:41– Incroyable, très intéressant.
24:42– C'est une stratégie marocaine qui va au-delà simplement de former,
24:48parce qu'ils s'intéressent beaucoup à la formation dans les grandes écoles en France,
24:52ils voudraient bien d'ailleurs que leur cadre revienne au pays
24:54plutôt que d'aller ailleurs.
24:56– Est-ce que le Maroc est un pont entre l'Occident et l'Afrique, Christian Cambon ?
24:59– D'abord, le Maroc a toujours été un pont, ça a toujours été une terre de tolérance
25:04et je pense que c'est bien de le souligner,
25:06tolérance religieuse par les jours que nous vivons,
25:08je pense que ce n'est pas idiot de le rappeler,
25:10de se souvenir de ce que, du reste, mon collègue dans le film,
25:14mon collègue Roger Carucci le rappelle,
25:16cette fameuse phrase historique de Mohamed V.
25:19– Oui, je ne connais pas de Juifs, je ne connais que des Marocains.
25:22– Je ne connais que des Marocains.
25:23Et on sait très bien qu'au Maroc, il y a cette tolérance,
25:26il y a cette reconnaissance des différentes cultures, c'est très important.
25:30Sur la relation entre l'Occident et le Maroc, il faut quand même dire,
25:34pour la France, que pendant longtemps, les Français se sont crus chez eux,
25:37y compris sur le plan économique,
25:39et on pensait que les bonnes relations que l'on entretenait,
25:41on a eu des présidents de la République très proches de la royauté marocaine,
25:45je pense à Jacques Chirac, à Nicolas Sarkozy,
25:48mais d'une certaine manière aussi, François Hollande,
25:51mais les industriels pensaient qu'il suffisait de dire qu'on était français
25:54puis qu'on allait, bien évidemment, vous dérouler le tapis rouge.
25:56Alors ce qu'a fait le roi, il a dit, écoutez, vous êtes les bienvenus,
25:59les Français, on vous aime beaucoup,
26:00mais maintenant, il y a juste d'autres gens
26:02qui sont intéressés par le développement du Maroc,
26:04alors, ou bien vous acceptez de jouer le jeu,
26:06et on a connu des très beaux succès,
26:09le TGV en état, mais on a connu quelques échecs,
26:12notamment cette fameuse centrale solaire de Ouarzazate,
26:16où la France avait du reste, financé une partie des études,
26:19nous n'avons pas eu les marchés,
26:20parce qu'on croyait que ça allait nous arriver de manière tout à fait normale,
26:25donc il faut aussi que nous-mêmes, nous regardions ce continent africain
26:29avec des yeux nouveaux,
26:31et je pense que ça vaut pour expliquer bien de nos difficultés
26:34dans les pays du Sud Sahel,
26:36et que même pour le Maroc, notre regard doit changer.
26:40C'est un pays qui forme des universitaires,
26:42c'est un pays qui entretient une partie des moyens courriers d'Air France,
26:46ce qui sous-entend quand même un certain savoir-faire.
26:49– Mais est-ce que ce regard n'est pas déjà en train de changer ?
26:51Je pense à ce pas vers la reconnaissance de la marocanité
26:54du Sahara occidental, par Emmanuel Macron, cet été,
26:57je rappelle ces mots, – Là, il y a eu un vrai changement.
26:59– Emmanuel Macron dit considérer que le présent et l'avenir
27:03du Sahara occidental s'inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine.
27:06– Le présent et l'avenir.
27:08– Pourquoi ce geste ? Pourquoi maintenant ?
27:10Est-ce qu'on va vers un réchauffement des relations franco-marocaines ?
27:12Je vois tous sourire, donc qu'est-ce que ça veut dire ?
27:15– Clairement, là, ce geste était attendu depuis un certain temps,
27:18mais que ce soit du côté marocain ou du côté français,
27:20c'est-à-dire qu'il y a une réalité et une mise à jour qui devaient être faites.
27:25– Comment on se l'explique ?
27:27Est-ce que c'est parce qu'on veut moins se tourner vers l'Algérie
27:29que vers le Maroc aujourd'hui ? Quel intérêt chacun y trouve ?
27:33– La position française devenait intenable.
27:36– Pourquoi ?
27:38– Vous savez, tout repose sur une préposition,
27:41puisqu'on disait que le plan d'autonomie était une solution acceptable,
27:47et maintenant on dit que c'est la solution,
27:49c'est-à-dire que les autres n'existent pas.
27:51Enfin, on n'existe plus dans l'esprit du Président de la République,
27:53je crois que c'est une réalité.
27:55Alors après, on est pour, on est contre,
27:57et je pense qu'il y a des motifs à discussion.
27:59Mais la position de la France, alors que plus de 15 pays européens,
28:05les États-Unis bien sûr, 15 pays européens,
28:07dont l'Espagne avait fait ce changement,
28:10et c'était du reste eux-mêmes à tirer les foudres d'Alger,
28:13ce que nous nous attirons à leur acteur,
28:15il faut peut-être parfois changer notre regard
28:17sur des pays qui eux-mêmes sont en pleine mutation.
28:19– Patrick Baudrin ?
28:21– Je serai évidemment plus nuancé là-dessus, je pense que sur les…
28:23– Je m'y attendais !
28:25– Moi, ce que j'observe, c'est que le Sahara occidental,
28:27cette position, ce changement de pied quand même de la politique française,
28:31parce que jusque-là, c'était beaucoup plus équilibré.
28:33Sur le Sahara occidental, c'est contraire au droit international.
28:37Le droit international nous dit que la position marocaine,
28:40qui est une position de dire ça nous appartient,
28:43c'est pas ce qui est reconnu au niveau du droit international, premièrement.
28:46Bon, deuxièmement, j'en profite quand même pour dire
28:49qu'on viendra peut-être à l'aspect droit et liberté au Maroc.
28:53– Allons-y maintenant, parce qu'il nous reste assez peu de temps.
28:55– Bon, on peut y aller maintenant, donc je vais aller vite.
28:58Sahara occidental, aujourd'hui encore, et depuis 2020 à nouveau,
29:02le conflit a repris, il y a énormément de prisonniers,
29:05il y a des gens qui se sont détenus dans des conditions arbitraires,
29:08il y a eu des morts, bon, donc ça reste quand même
29:11une façon de procéder de la part des autorités marocaines
29:15qu'on va qualifier de très répressive.
29:17Je vais juste aborder un autre sujet quand même,
29:19qui là, unanimement, suscite l'opprobre
29:22par rapport au comportement des autorités marocaines,
29:25c'est la liberté d'expression,
29:27et la liberté de la presse en particulier.
29:29Alors, il est vrai que le roi a pris une mesure qu'on a saluée
29:33au moment du 25e anniversaire du début de son règne,
29:37puisqu'il y a une grâce royale qui a permis de remettre en liberté,
29:41notamment un certain nombre de journalistes qui étaient incarcérés.
29:45Mais il y a encore d'autres journalistes qui sont visés,
29:49il y a Monjib, que je connais bien,
29:51qui est un journaliste historien qui a été libéré,
29:55mais qui est interdit de quitter le territoire,
29:57et la liberté d'expression est terriblement entravée.
30:00Et ça se double d'un système des pratiques de surveillance
30:04des autorités marocaines, vous évoquiez tout à l'heure
30:07les qualités incontestables des services marocains,
30:10mais aujourd'hui, d'ailleurs, à la tête,
30:13qui est directeur de la direction nationale,
30:17de la Sécurité nationale, qui a quand même été mis en cause.
30:21En France, ça avait suscité, d'ailleurs,
30:24une brouille entre la France et le Maroc.
30:26La France n'était pas beaucoup illustrée sur ce plan juridique.
30:29Il avait même été décoré par la suite, bref, on ne va pas y revenir,
30:32mais il était quand même mis en cause pour torture.
30:34Et sans parler de lui, il est avéré que la torture,
30:38ça continue dans les prisons marocaines,
30:40que les conditions de détention restent quand même
30:43des conditions extrêmement dures.
30:46Et donc, je termine, il y a Pégasus, par exemple,
30:50qui a été quand même très révélateur des façons de procéder.
30:53Pégasus, on les écoute, il visait même notre président,
30:56semble-t-il, les Algériens, et c'est très pratiqué.
31:00Je dois vous dire que moi-même, j'ai été victime
31:02de ce genre de choses, comme beaucoup d'avocats
31:04ou de personnes qui sont des amis du Maroc,
31:06ce que je revendique d'être, mais qui, pour autant,
31:09prennent une certaine liberté quand on estime
31:11qu'il y a des droits qui sont...
31:13Oui, être ami ne veut pas avoir d'esprit critique, évidemment.
31:16Ce qui nous amène à la conclusion de cette émission,
31:18donc je vais vous demander à vous tous, en quelques secondes,
31:20de conclure ce débat autour de, peut-être,
31:23la question de l'avenir du Maroc, Antoine Glazer ?
31:25L'avenir du Maroc, ce que je voulais dire aussi,
31:27c'est que la position de la France a évolué
31:30quand la France a vu tous ses partenaires européens
31:32avoir un certain nombre de contrats.
31:34En ce moment, Alstom veut absolument poursuivre son TGV.
31:37Il y a une partie, bien sûr, que...
31:39Très intéressée et opportuniste.
31:41... a changé sur ce plan-là, pas sur le plan des droits de l'homme
31:43ou de la politique, mais sur le plan du business.
31:45C'est pour ça, d'ailleurs, qu'il y a énormément d'entreprises
31:47qui vont l'accompagner.
31:49C'est ça, pour le reste, l'avenir du Maroc,
31:51exceptionnel par rapport à l'ensemble de l'Afrique,
31:55avec ce qui se passe dans cette région.
31:57C'est vrai que ça pourrait être vraiment un pays
32:01d'avenir pour l'ensemble du continent
32:04et surtout pour cette Afrique de l'Ouest,
32:06en ce moment, qu'il y a énormément de problèmes.
32:08L'exception marocaine, Christian Cambon ?
32:10Oui. D'un mot sur le Sahara, il faudrait un autre débat
32:13sur l'histoire, car l'histoire justifie la position marocaine,
32:17ce qui n'est pas le cas de l'Algérie,
32:19dont les frontières datent plus exactement de 1830,
32:22mais c'est un débat que seuls les historiens peuvent avoir.
32:25Moi, personnellement, je porte un regard à la fois lucide,
32:28c'est-à-dire que les choses qui sont évoquées
32:30en matière de liberté de presse, etc.,
32:32elles sont bien connues.
32:34Je pense simplement que c'est un pays qu'il faut encourager,
32:36qu'il faut soutenir, parce que la quantité d'efforts
32:39en matière de développement économique,
32:41en matière de réforme sociétale,
32:43me semble beaucoup plus importante
32:45que ce qui reste de points négatifs.
32:47Mais quel pays, y compris le nôtre,
32:49n'a pas à corriger certains de ses points négatifs,
32:51y compris du reste en matière de liberté ?
32:53Donc je pense que c'est un pays qu'il faut soutenir
32:55et qu'il faut aider.
32:57Et je vais, comme ça, puisqu'on est en fin d'émission,
32:59mettre un vœu. Imagine-t-on un jour
33:01que l'Algérie et le Maroc se réconcilient ?
33:03Mais ce seraient les tigres de l'Afrique.
33:05Ce seraient les tigres de l'Afrique.
33:07Ce serait véritablement la puissance économique,
33:09intellectuelle, énergétique
33:11qui emporterait une partie de l'Afrique,
33:14tellement il y a de volonté, de courage,
33:17de talent, de ressources, aussi.
33:19Et ça, c'est quelque chose que la France
33:21est peut-être un des pays les mieux positionnés
33:23pour entretenir.
33:25Alors, sur la question du Sahara,
33:27je rejoins M. Cambon,
33:29c'est-à-dire qu'il faudrait une émission...
33:31Entière, entre l'histoire,
33:33avec beaucoup de choses,
33:35et je pense que là,
33:37on n'a pas le temps.
33:39Il faut juste avoir en tête
33:41que c'est une question existentielle
33:43et pour la monarchie et pour les Marocains.
33:45Après, pourquoi ça,
33:47on peut le développer.
33:49Sur la question des libertés d'expression,
33:51en tant que journaliste, et pour avoir travaillé
33:53au Maroc à différentes périodes,
33:55j'ai vécu à la fois un moment
33:57où il y a eu un assouplissement
33:59et une libération de la parole
34:01au début des années 2000
34:03et le Nouveau Règne,
34:05et puis un moment, un durcissement,
34:07qu'on peut s'expliquer de différentes manières,
34:09que ce soit par un contexte
34:11géopolitique, international,
34:13et beaucoup, beaucoup,
34:15dans la région,
34:17c'est quand même compliqué,
34:19et donc des enjeux sécuritaires très importants.
34:21Il y a eu
34:23la montée de Daesh,
34:25il fallait faire quelque chose
34:27pour être une menace sécuritaire.
34:29En un mot, vous êtes optimiste ou pas, alors ?
34:31Mais j'ai envie d'être optimiste,
34:33c'est-à-dire que ce signal
34:35avec cette libération
34:37des journalistes cet été
34:39par le biais d'une grâce royale,
34:41j'ai envie de croire
34:43que c'est un signal
34:45vers un assouplissement.
34:47Patrick Baudouin, pour conclure,
34:49en quelques mots.
34:51Je pense qu'il y a un autre élément
34:53qu'on n'a pas abordé complètement,
34:55et c'est celui de la société civile.
34:57Il y a une société civile qui reste très dynamique,
34:59et ça, c'est aussi une source d'espoir.
35:01Et puis, il est vrai
35:03que par rapport aux voisins algériens
35:05et malheureusement la Tunisie à nouveau,
35:07le Maroc nous laisse
35:09de l'espoir et nous permet
35:11d'avoir ce qui est vrai aussi,
35:13parce que j'ai beaucoup pratiqué ces trois pays,
35:15c'est qu'on peut quand même avoir
35:17un dialogue, y compris critique,
35:19et en espérant que nos critiques
35:21seront entendues peut-être un peu mieux
35:23que celles ne l'ont été jusqu'à présent.
35:25Et tous les appels sont lancés.
35:27Merci beaucoup à tous les quatre d'avoir participé à cette émission.
35:29Merci de nous avoir éclairés sur un pays qu'on connaît peu
35:31et qui est pourtant notre ami aussi.
35:33Merci à vous de nous avoir suivis.
35:35Comme chaque semaine, émissions et documentaires
35:37à retrouver en replay sur notre plateforme publicsena.fr.
35:39A très vite sur Public Sénat, merci.

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