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00:00Il est 7h46 sur France Bleu Roussillon, notre invité Simon Kolbock vient d'écrire une
00:08lettre aux familles gitanes pour les réconcilier avec l'école.
00:11Oui, c'est un livre en forme de lettre, ça s'appelle « Notre école appelle à ceux
00:14qui lui manquent ». Bonjour Frédéric Miquel, vous êtes Perpignanais, vous avez été enseignant
00:20pendant 25 ans avant de devenir inspecteur au sein de l'Académie de Montpellier et
00:24depuis 3 ans, vous êtes le responsable académique de la scolarisation des enfants de familles
00:29gitanes.
00:30Les statistiques ethniques, on le sait, sont interdites en France, mais est-ce qu'on sait
00:34quand même à peu près combien d'enfants gitanes ne vont pas à l'école chez nous
00:38dans les Pyrénées-Orientales ? Quel est le pourcentage d'absentéisme ?
00:40Alors effectivement, nous n'avons pas le droit en France, et c'est une bonne chose de produire
00:47des statistiques liées à l'origine, mais les équipes qui travaillent auprès des populations
00:52gitanes dans le département et dans toute l'Académie par ailleurs, puisque c'est le
00:57rayonnement de ma mission, constatent qu'il y a, selon les endroits, entre 30 et 70% d'enfants
01:04absents.
01:05Le projet d'Académie, produit par Mme la rectrice et soutenu par la directrice académique
01:10dans les Pyrénées-Orientales, parle d'une moyenne de 60%, quels que soient les endroits,
01:18les lieux, les secteurs, moyenne, qui, souhaitons-nous, devrait diminuer jusqu'à 10% en 2026-2027.
01:27Si toutefois, les actions menées en place continuent à porter du fruit.
01:31Vous êtes très ambitieux, passez de 60% d'absentéisme à seulement 10% ?
01:35Oui, notre métier, en fait, c'est de rendre l'école accessible à tous et à toutes,
01:42quelles que soient leurs origines, quels que soient leurs milieux sociaux, quelles que
01:45soient leurs compétences, et c'est ce qui nous fait vivre.
01:47Et par conséquent, cette ambition, c'est ni plus ni moins que celle d'une école républicaine
01:52et fraternelle.
01:53On ne devrait même pas, je crois, s'en offusquer ou s'en surprendre.
01:57Frédéric Michel, l'absentéisme, vous l'écrivez dans votre livre, il est tout de même plus
02:01fort au collège qu'à l'école primaire et il touche plus les filles que les garçons.
02:05Pour quelle raison ?
02:06Alors là, l'absentéisme résulte d'un faisceau de peur, peur d'ailleurs réciproque entre
02:14les familles et l'école, l'école et les familles, mais du point de vue des familles,
02:19la peur de l'école est encore plus grande quand la mixité devient quasi obligatoire,
02:24mixité sociale, mixité culturelle, et c'est principalement au collège qu'on la trouve,
02:29cette mixité.
02:30Elle devient aussi plus forte, cette peur, lorsque les jeunes adolescents ont des projets
02:36de vie qui peuvent différer de ceux de leurs camarades.
02:39Et je pense en particulier à quelques filles qui ont un projet, qui s'éloignent de l'école
02:45à partir de l'âge de 14, 15, 16 ans, mais en disant cela, j'ai bien conscience et je
02:50voudrais vraiment le dire à nos auditeurs, qu'il n'y a pas d'unité, d'homogénéité,
02:56que les cas de figure sont très différents selon les lieux, selon les familles, et aussi
03:02des cas de figure très différents, comme c'est vrai dans toute la société française
03:06et chez tous les élèves.
03:08Alors vous parlez quand même de mixité sociale qui fait peur, effectivement, à partir du
03:11collège, mais à Perpignan, quartier Saint-Jacques, il y a une école où les élèves sont quasiment
03:16tous des enfants issus de la communauté gitane, c'est l'école de la Miranda, et pourtant
03:19l'absentéisme est aussi très fort, donc cette peur de la mixité sociale n'explique
03:23pas tout.
03:24Non, mais vous touchez du doigt quelque chose de très complexe et de très intéressant.
03:29Il y a un désir très fort chez beaucoup de familles d'entre-soi, parce qu'effectivement
03:37la mixité peut faire peur, et que le conflit de loyauté, comme on dit, entre des valeurs
03:43familiales ou communautaires et des valeurs autres, peut être source de tensions et de
03:49difficultés.
03:50Et en revanche, on constate aussi, dans le discours des familles que nous rencontrons
03:55très régulièrement, et même quotidiennement, que les écoles dites gitanes, en raison de
04:00la sectorisation, n'entraînent pas une adhésion des familles, parce que cela revient à une
04:06nouvelle forme de relégation, comme si l'on avait l'impression que nos enfants sont dans
04:11une école ghetto, d'une certaine manière, avec les camarades du quartier, comme avec
04:18les camarades de l'école.
04:19L'école de la Miranda, c'est une mauvaise idée, il faut répartir ces enfants gitans
04:22dans d'autres écoles de Perpignan, pour justement qu'il y ait cette mixité ?
04:25Je ne dirais pas que c'est une mauvaise idée, nous travaillons avec la directrice académique
04:31et avec le chargé de mission de cette mission que je porte, à faire en sorte qu'il y ait
04:36davantage de mixité, au sein de toutes les écoles, dont celle dont vous parlez, bien
04:42sûr.
04:43Mais vous souhaitez que l'école de la Miranda reste ouverte pour dire les choses ?
04:46Il est important que l'ouverture, qui caractérise le projet démocratique, concerne toutes les
04:54écoles.
04:55Frédéric Michel, je me mets à la place de nos auditeurs ce matin, ils se disent, 60%
04:59des gamins issus de la communauté gitane ne vont pas à l'école, et nos auditeurs,
05:02une partie d'entre eux, doivent se dire, si je ne mets pas mes gosses à l'école, je vais
05:05me faire taper sur les doigts, je vais avoir des allocations qui vont être supprimées.
05:09Ce volet coercitif, est-ce qu'il est appliqué à la communauté gitane ?
05:12D'abord, je précise que les allocations ne sont plus retirées depuis plusieurs années
05:18en raison de l'absentéisme.
05:20Cet absentéisme dont je parle, il peut être continu ou perlé, intermittent, c'est aussi
05:25un point à avoir en tête.
05:27Il existe des lois, effectivement, qui sont appliquées, mais dont l'application est assez
05:32longue.
05:33C'est la raison pour laquelle ces sanctions, qui sont tout à fait légitimes et qui sont
05:37un premier levier pour le retour à l'école, doivent être accompagnées d'un dialogue
05:42avec les familles, de rencontres, de ce qu'on appelle une alliance éducative, pour que
05:47l'école ne soit pas imposée de l'extérieur, finalement, mais appropriée par ses usagers.
05:53Parce que c'est l'école de tous, c'est l'école des gitans, comme l'école des pailloux,
05:58comme on dit à Perpignan.
06:00Et cela est très important aussi à construire dans le dialogue.
06:04Et c'est un des axes importants de notre action.
06:07Pour bien comprendre Frédéric Miquel, j'ai lu que dans la communauté gitane, il était
06:11mal vu de faire mieux que son père.
06:13Est-ce que dans ce contexte-là, ce n'est pas perdu d'avance la scolarisation des enfants ?
06:17D'abord, c'est difficile de dire que dans la communauté gitane, il se passe ceci, dans
06:23la mesure où les cas de figure sont, je le redis, très très différents, et nous avons
06:28de nombreux cas de réussite.
06:29Il y a des professeurs issus des communautés gitanes, il y a des avocats, il y a même
06:34un maire dans l'Aude.
06:35Donc c'est dire qu'on peut aussi devenir quelqu'un qui a mieux réussi que son père.
06:41En revanche, il existe parfois une réticence à quitter le quartier, à quitter les personnes
06:48avec lesquelles on a vécu.
06:49Mais l'école, Dieu merci, ne cherche pas à séparer qui que ce soit.
06:53Frédéric Miquel, vous avez dit tout à l'heure que l'école faisait peur parfois à certains
06:57enfants et à certains parents de la communauté gitane.
06:59Vous savez aussi qu'à Perpignan, 2 collégiens sur 5 sont scolarisés dans le privé.
07:04C'est deux fois plus que la moyenne nationale.
07:06Est-ce que ça signifie aussi selon vous que si les Gitans ne veulent pas sortir de leur
07:10quartier et parfois se confronter au monde extérieur, est-ce que la réciproque n'est
07:14pas vraie aussi chez les non-Gitans qui veulent rester aussi dans l'entre-soi ?
07:18Est-ce que ce n'est pas un problème très global finalement de vivre ensemble la scolarisation
07:22d'une façon générale dans les Pyrénées-Orientales et en particulier à Perpignan ?
07:27Vous avez tout à fait raison et cela dépasse d'ailleurs la question du privé, ça rejoint
07:32aussi des secteurs publics.
07:34En fait, ce que j'essaie de dire dans mon livre, c'est que les responsabilités sont
07:39partagées et que les peurs sont partagées.
07:41Et que cet entre-soi finalement, il concerne tout le monde.
07:45Et que la meilleure façon de réintroduire une forme de mixité, d'ouverture, de fraternité
07:50finalement, c'est d'avoir conscience de ça, d'avoir conscience aussi des apports
07:54possibles d'une mixité bien comprise et de susciter des lieux de rencontres.
07:59Le sous-titre de mon ouvrage, c'est « À la rencontre des familles Gitanes ».
08:03Et à chaque fois que nous organisons des formations pour les professeurs, pour les
08:07équipes éducatives et enseignantes, nous invitons aussi des jeunes et des parents Gitans
08:14de façon à ce qu'eux aussi aient une voix au chapitre et qu'ils puissent faire évoluer
08:18la situation.
08:19Tout le monde doit faire un pas vers l'autre et ça, c'est tout à fait essentiel.
08:23Merci beaucoup Frédéric Miquel, votre livre « Notre école appelle à ceux qui lui manquent »,
08:27c'est au Désissions Champs Sociales et dit Maison d'édition Nîmoises.
08:30Merci beaucoup Frédéric Miquel, vous étiez l'invité de France Bleu Roussillon ce matin,
08:34vous êtes le responsable académique de la scolarisation des enfants issus de familles Gitanes.
08:38Bonne journée.
08:39Et n'hésitez pas à réécouter nos invités de la matinale d'ici matin sur l'application
08:44ici par France Bleu et France 3.
08:46Dans un instant, direction Amélie Lébap à l'Halda, au moins au marché.
08:49Mais tout de suite, c'est Pierre Garnier sur France Bleu Roussillon.
08:53Merci.
08:54Au revoir.
08:55Au revoir.

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