• il y a 3 mois

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00:00Oui, on est avec Frédéric Miquel qui a écrit un livre qui vient de sortir, ça s'appelle
00:04« Notre école, appel à ceux qui lui manquent, à la rencontre des familles gitanes ».
00:09Bonjour Frédéric Miquel.
00:10Bonjour.
00:11Votre parcours c'est enseignant pendant près de 25 ans, ensuite vous êtes devenu inspecteur
00:16à l'Académie de Montpellier et vous avez comme mission la scolarisation des enfants
00:21de familles gitanes et d'ailleurs ce livre c'est ça, c'est une lettre que vous adressez
00:26finalement à ces familles.
00:28Exactement, c'est une mission que m'a confiée la rectrice en 2021 et j'ai assez vite réalisé
00:34au contact de nombreuses familles, dont quelques familles gitanes de Montpellier mais aussi
00:40de toute l'Académie, des cinq départements de l'Académie, que l'absentéisme était
00:45une tendance assez forte et que outre le fait qu'il faille lutter contre cet absentéisme
00:50par des voies légales tout à fait normales et que nous menons, il était important d'écouter
00:57ce que nous disait ce refus de l'école de la part de personnes qui sont considérées
01:01et réellement en marge de la société et en marge finalement de toutes les voies scolaires
01:07que nous pouvons expérimenter dans l'éducation nationale.
01:10Est-ce qu'on a des chiffres sur cet absentéisme ? Alors évidemment on ne peut pas chiffrer
01:14selon l'origine des personnes mais vous dites dans votre livre un peu plus au collège,
01:18un peu plus les filles sont touchées par cet absentéisme ?
01:21Exactement, l'absentéisme est moins important dans le premier degré à l'école et ensuite
01:25quand on arrive au collège et bien sûr au lycée, il est beaucoup plus fort pour des
01:31raisons liées d'abord aux programmes enseignés qui dépassent au collège et au lycée le
01:38lire, écrire, compter mais aussi parce que la mixité est encore plus importante dans
01:43ces établissements.
01:44Et ça, ça pose problème ?
01:45Oui, c'est un des problèmes principaux que le conflit de loyauté comme on dit qui peut
01:51entraîner des conflits de valeurs entre des sociétés gitanes, parlons au pluriel,
01:56et puis des sociétés non-gitanes dites majoritaires.
02:01C'est ce que vous écrivez dans votre livre, n'ayez pas peur, n'ayez pas peur de l'école,
02:05elle fait peur l'école aujourd'hui ?
02:06Voilà, l'école peut faire peur mais d'ailleurs pas uniquement aux populations gitanes et
02:11à l'intérieur des populations gitanes, je précise que, n'essentiellement pas, beaucoup
02:15n'ont pas peur de l'école non plus mais en tout cas l'école peut faire peur parce
02:18qu'elle est un système de valeurs qui peut heurter certaines personnes, parce que les
02:24niveaux aussi de compétences peuvent être très différents, parce que la stigmatisation
02:30a toujours existé dans notre société à l'encontre d'un certain nombre de populations
02:35et on parle aujourd'hui beaucoup d'anti-tsiganisme et tout ceci est dans l'esprit je pense d'un
02:40grand nombre de familles et d'enfants.
02:41C'est ce que vous écrivez, il y a la peur de perdre son identité qui peut jouer dans
02:46ce refus d'aller à l'école ?
02:47Oui, la peur de ce qu'on pourrait appeler une certaine dégitanisation mais cela touche
02:52aussi d'autres publics bien entendu.
02:53Le public gitan, à mon sens, n'est que le révélateur, le cristallisateur de ce que
02:59d'autres publics peuvent connaître en France ou ailleurs depuis d'ailleurs l'invention
03:03de l'école.
03:04Et alors pour réattirer ces enfants à l'école, ce que vous écrivez dans votre livre c'est
03:09qu'un enfant qui n'est pas scolarisé, c'est un enfant qui non seulement manque l'école,
03:14c'est évidemment le principe de l'absentéisme, mais c'est un enfant qui manque à l'école.
03:19C'est ça l'intuition, en tout cas l'idée-force du livre, c'est une souffrance pour un éducateur
03:24qui croit aux conventions internationales de l'enfant, qui croit aux codes de l'éducation
03:29que de voir des jeunes et des familles refuser ce grand projet démocratique, ce grand projet
03:34fraternel.
03:35Et j'ai la chance dans cette académie de travailler avec une équipe pour m'inspirer
03:41de ce qui a été mis en place et puis initier aussi un certain nombre d'expérimentations.
03:45Lesquelles par exemple ?
03:46Alors par exemple d'abord le fait de pouvoir lutter contre l'absentéisme par les recours
03:51légaux que nous avons, mais ensuite surtout le fait de travailler avec les familles dans
03:55ce qu'on appelle une alliance éducative, dès l'amont de l'école, le fait de pouvoir
04:00à l'intérieur même de l'école développer des systèmes inclusifs d'égalité des chances
04:05où les élèves, même s'ils sont en retard scolaire, ce sont ceux dont on parle quand
04:09ils reviennent, ont besoin d'apprendre à lire, à écrire pour certains.
04:13Ça rend le retour encore plus compliqué évidemment quand on a pris du retard, on
04:17ne se sent pas très bon à l'école, on est parfois moqué par les autres et donc c'est
04:21un emprunage en cercle vicieux.
04:22C'est un peu une chose d'exclusion, d'où la mise en place dans notre académie en particulier
04:25d'un certain nombre de dispositifs qui incluent les élèves, ils sont en classe ordinaire
04:30mais quelques heures par semaine, ils confortent leurs compétences de base, les savoirs fondamentaux
04:35comme on dit.
04:36Finalement, le constat quand même de votre livre, c'est que les sanctions ne fonctionnent
04:41pas très bien ou ne sont pas tellement appliquées puisque l'instruction des enfants est obligatoire
04:46en France et pour autant on a des élèves absents.
04:49Oui, les sanctions sont là, elles sont présentes mais elles sont longues à mettre en œuvre
04:55et je crois qu'il est important de ne pas se limiter à cela.
04:57En fait, les sanctions ne sont utiles que si elles sont comprises et ce qui me semble
05:03très important, c'est qu'en dialoguant avec les familles, avec les élèves, nous puissions
05:08aussi évoluer.
05:09Évoluer dans la réponse qu'on peut apporter et puis évoluer dans une réponse qui va
05:13concerner tous les enfants qui sont les plus en marge en périphérie de l'éducation.
05:18Et c'est ça qui est à mon avis très important, c'est grâce aux populations les plus marginalisées
05:25que l'on va pouvoir ensemble évoluer vers une société plus fraternelle.
05:27Vous écrivez votre livre sous forme de lettres, vous vous adressez directement aux familles
05:33gitanes mais ce qu'on lit aussi, c'est que vous dites à l'école, à l'éducation nationale
05:37de prendre ses responsabilités et d'écouter ce que ces familles ont à dire.
05:40Oui, voilà, puisque ce sont les principaux usagers finalement de l'école qui ont quelque
05:46chose à nous dire.
05:47C'est ce qu'on appelle le croisement des savoirs où toute parole est légitime, chacune
05:51à sa place dans le cadre qui est celui de l'école et qui doit être respecté.
05:56Mais je crois qu'en m'adressant aux familles gitanes, en parlant à elles et avec elles,
06:01finalement j'essaie de faire en sorte, avec bien d'autres, de ne pas tomber dans le travers
06:07habituel qui consiste à faire pour les autres et parfois à leur place et contre eux.
06:11Et vous dites on veut des élèves gitans et non pas des gitans élèves, c'est votre
06:16propos dans ce livre Frédéric Miquel, merci beaucoup d'avoir été avec nous, je remontre
06:21ce livre que vous venez de sortir, « Notre école, appel à ceux qui lui manquent », ça
06:26vient de sortir aux éditions Champs Social qui est d'ailleurs une maison d'édition
06:30nimoise.

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