Procès de la mort d'Amandine : "le coup de gueule" des associations de protection de l'enfance, scandalisées par l'absence de Secrétariat à l'enfance dans le gouvernement Bayrou. Regardez Isabelle Debré, présidente de l'Association l'Enfant Bleu, partie civile dans le procès de la mort d'Amandine.
Regardez L'invité d'Amandine Bégot du 23 janvier 2025.
Regardez L'invité d'Amandine Bégot du 23 janvier 2025.
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00:00RTL Matin
00:03Avec Amandine Bégaud et Thomas Soto
00:05Il est 8h17, une ado de 13 ans qui meurt de faim en France, ça paraît inconcevable.
00:09Et pourtant c'est le calvaire qu'a vécu Amandine, privée de soins et de nourriture pendant des mois, jusqu'à en mourir.
00:154 ans et demi après sa disparition, sa mère et son compagnon sont jugés depuis lundi devant la cour d'assises de l'Hérault.
00:21Une affaire effroyable qui fait bondir les associations de défense des enfants, et notamment l'Enfant Bleu.
00:27Amandine, vous avez donc choisi ce matin de recevoir sa présidente Isabelle Debré, bonjour et bienvenue à vous.
00:32Bonjour à vous.
00:33Bonjour Isabelle Debré, votre association fait partie des parties civiles dans ce procès.
00:37Pour comprendre comment on a pu en arriver là, quel est ce matin votre sentiment face à un tel drame ?
00:43De la colère, de la révolte, de la rage ?
00:45Les trois.
00:47De la colère, parce que je pense qu'on n'a pas été à la hauteur, la société n'a pas été à la hauteur.
00:53C'est une horreur.
00:55Ca fait maintenant plus de 30 ans que je suis au sein de l'association l'Enfant Bleu.
00:59Et franchement, je n'ai jamais vu ça.
01:01Je n'ai jamais vu ça, surtout l'âge de la petite, 13 ans.
01:05Elle a parlé.
01:06Ca fait 10 ans qu'il y a des signalements, des informations préoccupantes.
01:10Il y a eu trois saisines de juges.
01:13Il y a eu la conseillère principale d'éducation qui a prévenu.
01:16Est-ce que ça a été jusqu'à l'inspection académique ? Je ne sais pas.
01:19Et c'est pour cette raison que l'association l'Enfant Bleu s'est constituée partie civile.
01:23Pour justement avoir accès au dossier et voir où sont allées toutes les défaillantes.
01:28Mais vous le disiez, il y a eu plein de signalements.
01:30Que ce soit à l'école, l'école primaire d'ailleurs.
01:34Il y a une directrice d'école qui un jour est terrorisée en voyant les bleus que porte Amandine.
01:42Aux genoux, sur les fesses, sur les bras.
01:44Il y a à l'époque un examen médical d'ailleurs qui est diligenté.
01:48Une infirmière scolaire, plus tard, alerte.
01:50Un CPE, vous le disiez.
01:52Amandine parle à des camarades.
01:56Et pourtant, rien, les juges sont saisis.
01:59Il ne se passe rien.
02:00C'est la faute de la justice ou pas ?
02:03Bien sûr, le porocelle dira.
02:04Voilà, c'est pour ça que je ne veux pas me prononcer aujourd'hui.
02:07Mais en tout cas, il y a des fautes partout.
02:09Il y a des défaillantes.
02:10C'est pour ça qu'on se constitue partie civile pour savoir ce qui s'est vraiment passé.
02:14Mais il y a de quoi être révoltée ?
02:15Parce que cet enfant a vécu un véritable cauchemar.
02:18Elle était enfermée dans un cagibi, affamée, battue, laissée nue
02:23pour qu'elle ne cache pas de nourriture dans ses poches.
02:26Alors ça, c'était pendant le confinement.
02:28Donc tout ce qui s'est passé à la fin, c'était pendant le confinement.
02:31Mais là encore, c'est pour ça qu'on milite pour des visites inopinées,
02:35des visites surprises.
02:37Aujourd'hui, on prévient les parents avant d'envoyer des services sociaux ?
02:39Normalement, les visites inopinées sont permises.
02:42Maintenant, est-ce qu'elles sont mises en place ? Je ne suis pas certaine.
02:44Mais aujourd'hui, c'est possible.
02:47Et nous, on milite pour qu'il y en ait de plus en plus.
02:49Parce que c'est trop facile.
02:50Quand vous arrivez, les enfants sont conditionnés.
02:53La maison est toute propre, tout est nickel.
02:55Donc voilà, c'est trop facile.
02:56Donc on milite pour ça depuis très longtemps.
02:58Aujourd'hui, c'est possible.
03:00Est-ce que c'est fait ? Est-ce que c'est appliqué ?
03:02Voilà, peut-être pas toujours.
03:03Et là, pendant le confinement, sachant qu'il y a eu autant de signalements
03:06et sachant que pendant le confinement, les enfants étaient prisonniers chez eux,
03:10avec, là, on pourrait parler de bourreau.
03:12Avec son bourreau, il fallait aller voir.
03:14Il fallait voir si ça se passait bien.
03:15Or, rien n'a été fait.
03:16Et pendant ce confinement, Amandine est décédée morte de faim.
03:20Effectivement, comme vous l'avez dit,
03:21ce qui est absolument ahurissant en France au 21e siècle.
03:25Et c'est mourir...
03:2628 kilos pour 1m55.
03:2813 ans, 28 kilos, 1m55.
03:30C'est ahurissant, mais c'est révoltant.
03:33Il n'y a pas de mots, en fait.
03:34C'est révoltant.
03:35Nous sommes révoltés à l'association.
03:38L'équipe qui travaille beaucoup sous la direction de Laura Morin,
03:41la directrice générale,
03:43nous sommes tous complètement à l'envers par cette histoire.
03:46Et notre avocate, qui assiste au procès,
03:49qui voit tout, Véronique Boulet, qui voit tout,
03:51qui voit les photos, qui voit les témoignages,
03:54la mère qui était dans le déni total,
03:57ça y est, maintenant, elle n'est plus dans le déni.
03:59Elle va être écoutée, auditionnée aujourd'hui,
04:02témoignée aujourd'hui avec son compagnon.
04:04On va peut-être en savoir un peu plus,
04:06mais c'est absolument ahurissant.
04:08Vous pensez, Isabelle Debré,
04:10qu'il y a aujourd'hui d'autres enfants comme Amandine
04:12qui vivent un tel cauchemar ?
04:14Oui, je pense que la maltraitance, malheureusement, en France existe.
04:17On dit qu'il y a un enfant qui meurt tous les 5 jours
04:20sous les coups de leurs parents.
04:22Un, tous les 5 jours, c'est énorme.
04:24Et je pense que c'est en dessous de la vérité.
04:26Je pense vraiment que c'est en dessous de la vérité.
04:28On ne parle pas des bébés secoués,
04:30on ne parle pas des suicides d'enfants
04:32après une maltraitance psychologique.
04:35Donc je pense que le chiffre est sous-évalué, malheureusement.
04:38Sous-évalué, ça veut dire ?
04:40D'après vous, il y en a combien ?
04:42Je ne peux pas vous dire, mais je sais qu'il y en a beaucoup plus que ça.
04:44Pour nous, il y en a beaucoup plus que ça.
04:46L'enfant bleu, on pense vraiment qu'il y en a plus que ça.
04:48Mais le chiffre, à la limite,
04:50ce n'est pas que ça n'a pas d'importance,
04:52mais ce que l'on veut, c'est maintenant,
04:54essayer de sensibiliser le public à tout ça.
04:56Faire en sorte que les voisins...
04:58Alors, le confinement a apporté quelque chose de bon, quand même.
05:02C'est que les voisins prennent conscience du rôle qu'ils peuvent jouer
05:06pour justement sauver les enfants.
05:08Mais dans le cas d'Amandine, les voisins ont alerté, eux aussi.
05:10C'est bien pour ça que je dis qu'il y a des défaillances partout.
05:12Partout, partout.
05:14Parce qu'ils ont même enregistré, puisque ça a été
05:16écouté hier au procès.
05:18Il y a vraiment des défaillances.
05:20Ce n'est pas possible. Il faut que les voisins prennent conscience.
05:22Il faut qu'ils n'aient pas peur d'appeler le 119.
05:24Ils n'aient pas peur d'aller à la police.
05:27Une association, s'ils ont peur de la police ou du 119.
05:30Même si on a peur de se tromper, il vaut mieux appeler au cas où.
05:33Oui, on ne dénonce pas, on alerte.
05:35Je n'aime pas ce mot, dénoncer, mais on alerte.
05:37Vous rappeliez ce chiffre.
05:39Sous-estimé, nous dites-vous, ce matin sur RTL.
05:41Un enfant meurt tous les 5 jours sous les coups de ses parents.
05:44Et pourtant, Isabelle Dobré, il n'y a aujourd'hui plus de ministre,
05:47ni de secrétaire. Il y a des tas dédiés à l'enfance.
05:50Ça aussi, ça vous met en colère ?
05:52Oui, il n'y a pas que l'enfant bleu qui est en colère.
05:54Il y a toutes les associations.
05:56Il n'y a même pas le mot enfance dans les titres des ministres.
05:59Et aujourd'hui, si on ne prend pas soin des enfants,
06:03que deviendra notre société ?
06:05C'est l'avenir de notre société, nos enfants.
06:07Emmanuel Macron a indiqué en décembre qu'il voulait créer un haut commissariat à l'enfance.
06:10Ce n'est pas mieux qu'un ministère, ça, un haut commissariat ?
06:13On verra, on verra. Il faut quelqu'un de stable.
06:16Nous avons beaucoup travaillé avec Adrien Taquet,
06:18qui était secrétaire d'Etat et qui a vraiment travaillé avec les associations.
06:22Mais après, on a eu des ministres qui auraient pu être certainement très, très...
06:25On a eu trois femmes formidables, mais c'était trop court.
06:28Il faut que ça soit dans le long temps.
06:30Donc là, ça commence vraiment à nous poser un gros problème.
06:33Nous n'avons pas d'interlocuteur.
06:34Ce haut commissariat, Emmanuel Macron l'a promis au mois de décembre,
06:37et il a dit que ce sera pour janvier.
06:39On est le 23 janvier.
06:41Qu'avez-vous envie de lui dire ce matin au Président,
06:44si vous l'aviez en face de vous ?
06:46Vous vous moquez de nous, Monsieur le Président, c'est ça ?
06:48Oh, je serais peut-être plus respectueuse,
06:50mais je lui dirais, écoutez, faites quelque chose.
06:53Quand vous voyez cette histoire,
06:56vous voyez bien qu'on a besoin d'un interlocuteur pour faire avancer les lois.
06:59Je vous donnerai juste un petit exemple.
07:01Quand je suis arrivée à l'association L'Enfant Bleu,
07:03la prescription pour les crimes sexuels était de 10 ans.
07:07C'est L'Enfant Bleu qui l'a passée à 20 ans,
07:09avec beaucoup de travail, avec notre avocat Yves Crespin,
07:12qui a beaucoup milité.
07:13Et là, toutes les associations ont travaillé,
07:16et grâce aux témoignages aussi de personnes connues,
07:19qui nous ont aidées aussi dans ce travail,
07:22la prescription est de 30 ans.
07:24Donc, il y a des choses positives.
07:25Aujourd'hui, ça serait quoi la mesure à porter et à faire appliquer rapidement ?
07:29Alors, un fichier centralisé, par exemple, pour le cas d'Amandine,
07:33il y aurait eu un fichier centralisé des informations préoccupantes, par exemple.
07:38Eh bien, le collège dans lequel elle était
07:41aurait pu être au courant de ce qui s'est passé dans le collège précédent.
07:44Elle a changé d'établissement trois fois.
07:46Exactement.
07:47Et à chaque fois, les établissements n'étaient pas au courant
07:50de la situation dans laquelle elle vivait.
07:52Souvenez-vous de la petite Marina, ça a été le cas.
07:54Elle est morte aussi.
07:55Elle a eu plusieurs écoles et jamais personne n'est au courant
07:59de ce qui s'était passé dans la précédente école.
08:01Il y a eu un film extraordinaire qui s'appelle « La maladroite »
08:04qui a expliqué tout ça.
08:05Donc, aujourd'hui, il faut que, justement, il y ait un fichier centralisé
08:09des informations préoccupantes et des signalements
08:11de façon à ce que l'information soit partagée
08:14et que tous les acteurs soient au courant de ce qui se passe pour l'enfant.
08:17Merci beaucoup, Isabelle Debré.
08:19Et on rappelle, bien sûr, ce numéro au moindre doute.
08:22C'est ce que vous nous dites.
08:23On ne vous annonce pas, mais on alerte.
08:25Ce numéro, c'est le 119.