• il y a 3 mois
Avec Valerie Abecassis, autrice de "Place des Otages" aux Editions du Cerf

Retrouvez Muriel Reus, tous les dimanches à 8h10 pour sa chronique "La force de l'engagement" sur Sud Radio.

Abonnez-vous pour plus de contenus : http://ow.ly/7FZy50G1rry

———————————————————————

▶️ Suivez le direct : https://www.dailymotion.com/video/x8jqxru
Retrouvez nos podcasts et articles : https://www.sudradio.fr/


##LA_FORCE_DE_L_ENGAGEMENT-2024-09-22##

Category

🗞
News
Transcription
00:00AGP, Association d'Assurés Engagés et Responsables présente
00:05Sud Radio, le grand matin week-end, la force de l'engagement, Muriel Reus.
00:10Bonjour Muriel. Bonjour Jean-Marie.
00:13S'engager contre l'impensable, nous allons revenir sur les suites des raptes de masse et des massacres du 7 octobre.
00:19Aujourd'hui, avec votre invitée, qu'on soit avec plaisir en exclusivité, il s'agit de Valérie Abékassi.
00:24C'est l'autrice de ce livre, Place des otages, qui paraît jeudi prochain aux éditions du CERF.
00:29S'engager contre l'impensable, évidemment, cette cause vous tient plus que jamais à cœur, Muriel.
00:33Oui, depuis des mois, des semaines, des jours, jociles entre tristesse profonde et colère grandissante.
00:38Ce matin, il est temps de dire stop, ça suffit.
00:41Ce n'est pas simplement une expression de colère, mais le constat d'une réalité insupportable en France et dans le monde.
00:46Une situation qui ne peut plus durer.
00:48Dans notre pays, nous avons voté des lois, mis en place des cadres d'action, formés des milliers de personnes.
00:52Des années de réflexion, de consultation, de constat, de témoignage, et pourtant, rien ne change.
00:57Dans notre pays, 89% des auteurs de violences sont des hommes, 87% des victimes de violences sont des femmes.
01:02C'est tout le système qu'il faut revoir, de l'éducation au consentement.
01:06Où est le courage politique d'une telle décision ?
01:09Le procès de Mazan expose l'impensable, un mari qui orchestre tranquillement ses crimes,
01:13qui convoque des dizaines d'hommes ordinaires, de tout âge, de toute profession, pour violer sa femme sous soumission chimique.
01:20Ce procès va-t-il enfin permettre de reconnaître la banalité du mal,
01:23la violence patriarcale, ordinaire, commise dans l'intimité du foyer ?
01:27Il y a quelques jours, Rebecca Chaptégel, athlète olympique, a été brûlée vive sous les yeux de ses deux enfants par un ex-petit ami.
01:34Son calvaire vient s'ajouter aux déjà 71 féminicides commis sur notre territoire cette année.
01:39Dans le monde, une femme sur trois est victime de violences.
01:4260 millions de filles ne vont pas à l'école, chaque année 12 millions sont mariées de force.
01:46En Afghanistan, la situation des femmes s'est transformée en un cauchemar absolu,
01:50privé de tous les droits, celui de travailler, d'étudier, de s'exprimer en public, de conduire, d'être seule dans la rue,
01:55mariées de force dès 8 ans, quand elles ne sont pas violées ou lapidées pour un prétendu alitaire.
02:00On ne doit plus voir leur visage, leurs mains, leurs chevilles.
02:0428 millions de femmes et de filles qui vivent sous un régime d'apartheid de genre,
02:08ou sans les organisations internationales, ou sans les sanctions quand les talibans continuent de siéger au sein de ces mêmes organisations.
02:15Le 7 octobre, les femmes israéliennes ont été la cible de barbarie organisée, délibérée, systématique,
02:20torturée, violée, mutilée, assassinée.
02:23Il a fallu des mois pour que ces violences sexuelles soient enfin reconnues comme armes de guerre.
02:27En France et dans le monde, où a été la mobilisation contre ces atrocités ?
02:31La disparition des femmes dans l'indifférence internationale n'est plus acceptable.
02:35Hommes et femmes, nous valons mieux que cela, bien mieux que cette complicité silencieuse.
02:39Ces violences ne sont pas des aberrations individuelles,
02:42elles sont le refait d'un système qui dépossède les femmes de leur humanité.
02:45Comme Gisèle Pellicot, face à ces violeurs, le courage des femmes n'a pas de limite.
02:49Comme en Iran, où la liberté viendra de leur mobilisation collective inébranlable au péril de leur vie.
02:54Comme partout dans le monde, où un collectif international de femmes engagées, solidaires et surtout libres doit voir le jour.
03:01Je prends ce matin l'initiative d'appeler à cette mobilisation, peut-être la seule solution pour enfin changer la donne.
03:07S'engager contre l'impensable, on en parle avec votre invité, je le disais, on l'accueille avec plaisir.
03:11Valérie Abékassi, bienvenue à vous sur Sud Radio.
03:14Vous êtes l'autrice de ce livre, Place des otages.
03:17Ça paraît jeudi prochain aux éditions du CERF et vous êtes l'invité de Muriel Raïus.
03:21Bonjour Valérie, je suis très heureuse de vous recevoir ce matin.
03:24Votre livre est un témoignage poignant sur les événements dramatiques,
03:28les massacres survenus le 7 octobre 2023 lors des attaques du Hamas contre Israël.
03:34Vous vous êtes, vous, immergée dans la douleur et l'espoir des familles des otages.
03:38Vous avez arpenté les lieux de massacre, vous nous donnez à voir une société israélienne profondément fracturée mais solidaire.
03:44Vous qui vivez entre ces deux pays, racontez-moi.
03:47Alors je vis dans les deux pays et je me suis retrouvée...
03:51Déjà, je voulais vous dire bravo et merci pour ce que vous venez de dire sur les femmes, c'est crucial.
03:56Vraiment, ça me touche énormément pour nous toutes.
03:58À 6h30 du matin, moi j'étais chez moi, j'habite dans le sud de Tel Aviv à ce moment-là
04:03et je suis avec ma petite fille, on est réveillés par une sirène.
04:06Et donc, ce qui s'est passé, c'est qu'on n'a pas compris du tout, c'est ce que je raconte dans le livre.
04:10On est descendus mécaniquement toutes les deux, on a eu 1 minute 30 pour faire ça.
04:13On est allées au premier étage parce que je n'ai pas d'abri, je suis dans un immeuble un peu vétuste.
04:16On s'est mis au premier étage, elle et moi.
04:18On est remontées.
04:19Une heure après, il y en avait une deuxième.
04:21Troisième.
04:22Ça n'a pas cessé.
04:23À partir de ce moment-là, je suis entrée dans une espèce de tunnel permanent, constant de morts, d'alertes.
04:31Il y en avait toutes les heures à Tel Aviv, dans tout le pays.
04:34Plus de 3 000 requêtes ce jour-là.
04:36Et à partir de ce moment-là, je me suis retrouvée dans cette espèce de tunnel de morts, d'enterrements.
04:40C'était quelque chose de vertigineux.
04:43Mais on était comme...
04:45Il y a eu près de 60 points d'entrée dans le pays.
04:48Quand les terroristes...
04:49Il y a eu près de 3 000 terroristes qui sont entrés dans 60 points du pays, dans tout le sud,
04:53avec des ailes volantes, avec des moyens extrêmement laotèques.
04:56Vraiment, des cisailles, des tracteurs.
04:59L'angoisse, c'était que tous ces gens, en plus des massacres qu'ils étaient en train de commettre,
05:04ils ont remonté vers le nord, vers Tel Aviv.
05:06Ce qui fait qu'on est restés tous un peu cloîtrés entre le premier étage, pour se mettre à l'abri,
05:11et les appartements.
05:13Donc, quand j'ai vécu tout ça, je me suis fait...
05:17Vraiment, plutôt que d'étouffer, le lendemain, j'ai commencé à aller sur le terrain, comme on dit,
05:22à voir, et assez rapidement, la nécessité d'écrire.
05:26C'est-à-dire, ça s'est mis au mois de novembre, je me suis dit, il faut que je sorte ça,
05:29il faut que je l'écrive, parce qu'il faut que je l'écrive pour y croire,
05:32tellement c'est impensable, tout ce qu'on a vécu, c'est ce que je raconte dans le livre.
05:35D'ailleurs, vous dites, c'est tellement impensable, que la veille, j'étais en train de faire une émission de télé,
05:39parce que vous êtes journaliste, vous avez travaillé longtemps pour le journal Elle,
05:42et vous dites, la veille, j'étais en train de faire une émission de télé,
05:45sur un documentaire intitulé La Maison hantée, avec justement une victime des années 74.
05:50À la fin de cette émission, vous vous dites, ça ne peut plus nous arriver, on est vraiment tranquille.
05:53Non mais c'est fou, on s'est tapé dans l'épaule, j'étais avec la réalisatrice du Doc,
05:57avec une femme qui, en 74, a perdu sa maman et ses deux frères, en 74, il y a eu une attaque,
06:02dans le nord d'Israël, des terroristes sont arrivés,
06:05ils voulaient tuer des enfants dans une école, l'école était fermée,
06:08alors ils ont été à côté dans un immeuble, ils ont tué 10 personnes, tac, tac, tac, tac.
06:12Et moi, ce jour-là, on est en octobre, le 6 octobre 2023,
06:16je suis avec cette réalisatrice et avec Iris, qui avait perdu sa maman et ses deux frères,
06:21et j'ai dit, comment on fait pour sourire, pour être jolie, pour être maquillée, pour parler de tout ça ?
06:25On fait cette interview et on se tape dans le dos en disant,
06:28heureusement, on est protégés, vous êtes chez vous, on est chez nous, Israël.
06:33Et le lendemain matin, à 6h30, tout a été pulvérisé,
06:36vraiment ces deux mondes qui se sont séparés, le monde d'avant le 7 octobre et le monde d'après le 7 octobre.
06:41Vous parlez d'ailleurs d'un nuage de mort qui est arrivé sur Tel Aviv,
06:43vous dites que la ville est devenue silencieuse comme elle n'avait jamais été,
06:46et tout d'un coup, toute la ville a été dans une stupéfaction profonde.
06:48Plus un bruit, plus un signe, plus rien.
06:51Et vous parlez aussi de l'attente quotidienne des familles d'otages sur la place des otages,
06:55qui est le titre du livre, et du sentiment que les autorités et le Hamas
06:59sont venus aujourd'hui à négliger le sort des otages.
07:02Quel est votre sentiment sur ce sentiment d'abandon ?
07:06Est-ce que vous avez le sentiment que ça a affecté non seulement les familles,
07:09mais aussi la cohésion sociale d'Israël ?
07:12Écoutez, ça s'est fait sur plusieurs mois, c'est-à-dire qu'au bout de 4-5 jours,
07:16un monsieur qui habite dans le sud, dans un kiboutz,
07:20il a mis sa chaise, il s'est assis devant le ministère de la Défense de Tel Aviv,
07:24il a dit je ne bouge pas tant qu'on ne me rappelle pas ma femme et mes 3 enfants
07:28qui ont été capturés comme des bêtes un matin à 6h30.
07:32À partir de là, tout s'est fédéré autour de lui,
07:35et il y a eu ce qu'on appelle ce fameux mouvement des otages,
07:37qui s'est ensuite structuré et qui s'est mis sur cette place des otages.
07:40Au tout début, il y avait une solidarité colossale.
07:42Ensuite, au fil des mois, il y a eu des dissensions.
07:45Au fil des mois, il y a eu des négociations.
07:47246 personnes ont été traquées.
07:50Il y en a 110 qui ont été libérées.
07:52Deux vagues de libération avec des négociations.
07:56Donc on s'est dit, c'est cher payé, c'est vrai,
07:59mais le cabinet de guerre fait en sorte de mettre les otages sur le premier plan.
08:05Ensuite, tout s'est enlisé.
08:06J'ai été plusieurs fois sur la place des otages,
08:11et j'ai suivi ces négociations.
08:13Vous n'imaginez pas le nombre de fois où on a envoyé
08:16le directeur du Mossad, Barnea,
08:18et le directeur de la CIA, Bill Burns,
08:21et les émissaires du Qatar,
08:22et les émissaires de Jordanie,
08:23et les émissaires de l'Égypte,
08:24aller négocier à doigt et demander qu'on échange,
08:27aller, on va dire, 50 terroristes palestiniens
08:31ou prisonniers palestiniens contre un civil,
08:3450 contre un militaire, 40 contre un civil,
08:37peut-être qu'on échange un membre, un corps, un corps mort,
08:41et à chaque fois, ça a chopé, à chaque fois.
08:44Je ne dis pas que tout le monde s'en fiche,
08:46c'est absolument pas vrai.
08:47Je dis juste que les négociations ont chopé,
08:50et on en arrive là.
08:51Mais qu'est-ce que ça peut vouloir dire, par exemple,
08:53les morts qu'on a retrouvées tout dernièrement,
08:55les otages tués ?
08:56Ils ont été tués à bout portant.
08:58Oui, et vous avez raison de le signaler.
09:00Mais est-ce que ça veut dire que le Hamas a renoncé
09:03à utiliser les otages comme monnaie d'échange ?
09:05Qu'est-ce que ça veut dire du conflit aujourd'hui pour vous ?
09:07Alors, c'est une très bonne question.
09:09Moi, je ne suis pas spécialiste militaire,
09:11je ne suis pas une spécialiste politique,
09:12je suis une femme.
09:13J'ai écrit dans ce livre ce que je voyais.
09:15Donc, je décris vraiment la douleur, la situation,
09:18les rassemblements, ces familles qui vont aux portes de Gaza
09:21avec des haut-parleurs en disant
09:22« Idan, tu m'entends ? »
09:23« C'est maman. »
09:24« Rachel, tu m'entends ? »
09:25« C'est papa. »
09:26« On est là, on pense à toi. »
09:27Voilà, moi j'ai suivi ça et voilà.
09:29Donc, qu'est-ce que ça raconte ?
09:31Je ne sais pas.
09:32Je n'ai pas un avis politique.
09:35Tout ce que je sais, c'est que le Hamas,
09:38en tuant à bout portant 6 otages,
09:40a considéré qu'il n'avait plus de valeur marchande.
09:42Et ça, c'est quelque chose que je n'arrive pas à comprendre.
09:48Je ne sais pas pourquoi.
09:49Vous avez vu où est-ce qu'on les a retrouvés ?
09:51Le tunnel part d'une chambre d'enfants.
09:53Je le dis parce que, voilà, une chambre d'enfants.
09:55Il y a un tunnel qui descend.
09:57Il y a 4 petites échelles de pompiers.
09:58Ensuite, vous avez un tunnel de 200 m²
10:00dans lequel on ne peut pas se tenir debout.
10:01Ils ont trouvé les 6 corps là, abattus à bout portant.
10:04Pourquoi ils les ont tués ?
10:06Pourquoi ils n'avaient plus de valeur marchande ?
10:11Vous vous rendez compte ?
10:12Oui, c'est affreux de parler de quelqu'un comme ça.
10:13Mais oui, on parle de corps, de bouts de corps,
10:15de corps vivants, de corps morts.
10:16Voilà, contre...
10:17Vous savez, pardon, je dis juste,
10:20dans ce que demande le Hamas,
10:22moi, je n'ai jamais entendu le Hamas.
10:23Jamais.
10:24Vraiment.
10:25Depuis que j'ai couvert cette épouvantable date,
10:29je n'ai jamais entendu
10:31on veut de l'argent pour construire des écoles,
10:34on veut un État,
10:36parce qu'ils ont droit à un État, bien évidemment.
10:38Je n'ai pas entendu on veut libérer la Cisjordanie
10:41ou faire quelque chose à Gaza.
10:43Non, on veut récupérer des terroristes qui sont en prison.
10:46Alors, dans ce livre, vous racontez,
10:48vous avez été partout,
10:49sur les lieux de Massa,
10:50dans les hôpitaux, dans les morgues.
10:51Vous avez été confrontés,
10:52vous le dites très, très bien,
10:53à la peur collective,
10:54mais aussi à la solidarité.
10:55Puis, vous évoquez une scène à l'aéroport
10:57qui, moi, m'a beaucoup touchée.
10:58Vous dites, à l'étage des départs,
11:00tous voulaient partir le plus vite possible.
11:02Il y avait une ambiance d'exode.
11:04Et j'ai décidé d'aller à l'étage des arrivées.
11:06Et à l'étage des arrivées,
11:07il y avait l'espoir, l'enthousiasme,
11:09avec tous ces réservistes israéliens
11:12qui revenaient en Israël, souriant,
11:14malgré la connaissance des dangers à venir.
11:16C'était terrible, cette scène,
11:17parce qu'en fait, au départ,
11:19comme tous les départs,
11:20surtout en situation de panique,
11:21on était au troisième, quatrième jour.
11:23Toutes les ambassades décidaient
11:24de trouver des avions
11:26pour exfiltrer leurs ressortissants.
11:28Donc, on voyait des annulations, annulations,
11:30delay, delay, delay,
11:31des gens, des masses.
11:32Il y avait des Philippines,
11:33il y avait des Chinois,
11:34il y avait des Hollandais,
11:35il y avait des Français.
11:36C'était horrible.
11:37Des gens qui ne voulaient pas forcément
11:38qu'on réponde à des questions,
11:40qui partaient un peu la tête basse.
11:42J'ai vu des orthodoxes
11:44avec le chapeau,
11:45comme dans les documentaires,
11:47et leurs femmes et les six gosses
11:48qui essayaient de repartir.
11:49C'était un chaos absolu.
11:50Et en même temps,
11:51j'entendais des chants.
11:53Je me disais,
11:54mais qu'est-ce que c'est que ça ?
11:55Le pays est en deuil absolu,
11:56on n'arrête pas d'assister à des enterrements.
11:58Qu'est-ce que c'est que ces chants ?
11:59Et donc, je suis descendue aux arrivées
12:01et là, j'ai vu quelque chose,
12:02mais moi, qui m'a fait pleurer,
12:04parce que je savais que ces gosses
12:06allaient sur le front, quoi.
12:08C'est-à-dire qu'il y avait une allée
12:10de jeunes gens qui chantaient,
12:12qui distribuaient des gâteaux
12:13avec des guitares,
12:14et qui accueillaient tous ces gamins
12:16de 18 ans, de 19 ans,
12:17qui avaient reçu ce qu'on appelle
12:20le revenir tout de suite,
12:21tu rentres maintenant tout de suite,
12:22et qui arrivaient par tous leurs moyens,
12:24bronzés, avec la planche de surf,
12:25les cheveux longs,
12:26le bun sur la tête.
12:27Voilà, ils étaient applaudis.
12:29Moi, ça m'a pétrifiée.
12:31Pétrifiée, c'est ce que je raconte,
12:32ça m'a pétrifiée,
12:33parce que je savais que ces gosses,
12:34500 soldats et policiers
12:36sont morts depuis le 7 octobre.
12:38Donc, je savais que ces gosses-là
12:39qui ont l'âge de mon fils,
12:41ou de nos fils,
12:44partaient.
12:47L'ONU, après plusieurs mois,
12:50a fini par rédiger un rapport
12:51sur les atrocités commises
12:52à l'égard des femmes.
12:54La communauté internationale
12:55a mis du temps,
12:56mais elle a fini par reconnaître
12:57que les femmes ont été
12:58particulièrement visées
12:59dans cette attaque du 7 octobre.
13:01Cette reconnaissance,
13:02elle intervient tard,
13:03cette reconnaissance
13:04des violences sexuelles,
13:05des viols, des tortures,
13:06des mutilations.
13:07Comment vous expliquez
13:08cette lenteur,
13:09je dirais même presque
13:10cette hésitation
13:11que l'on a eu tous
13:12à parler de ce qui s'est passé
13:13le 7 octobre
13:14vis-à-vis des femmes ?
13:16Le livre raconte ce que j'ai vu.
13:18Je ne peux pas parler
13:19de cette aberration
13:21des féministes à l'étranger.
13:23Je n'en sais rien.
13:24Tout ce que je sais,
13:25c'est qu'assez rapidement,
13:26le Hamas a publié,
13:27sur Telegram,
13:28des vidéos.
13:29On a vu notamment la vidéo
13:30d'Amit Sousana,
13:31qui a été capturée,
13:32elle aussi traquée,
13:33comme on chasse un papillon,
13:34avec un filet comme ça.
13:35Elle se débat,
13:36elle a quatre terroristes
13:37contre elle,
13:38elle se débat.
13:39Finalement,
13:40ils la prennent,
13:41ils la mettent sur l'épaule
13:42et elle est embarquée à Gaza.
13:43C'est Amit Sousana
13:44qui a parlé la première.
13:45Elle a donné une longue interview,
13:46de la forcer,
13:47qu'elle ait subi
13:49ce qu'elle a subi.
13:50Voilà.
13:51Assez rapidement,
13:52c'est venue en Israël,
13:54cette parole des femmes.
13:55À un moment donné,
13:56ils se disaient,
13:57mais si elles ont été violées,
13:58elles vont accoucher dans neuf mois.
13:59Qu'est-ce qui va se passer ?
14:00Est-ce qu'elles vont avorter ?
14:01Qu'est-ce qu'on va faire ?
14:02Des questions se posaient
14:03comme ça,
14:04qui étaient terribles.
14:05Et pendant ce temps,
14:06la Croix-Rouge,
14:07l'ONU,
14:08silence absolu.
14:09Donc,
14:10moi j'ai rencontré
14:11une femme exceptionnelle
14:12qui s'appelle Céline Bardet,
14:13qui est l'une des premières
14:15J'ai rencontré en Israël
14:16une femme qui s'appelle
14:18qui a une association.
14:19Ces deux femmes-là,
14:20elle, française,
14:21et Horitz,
14:22qui est israélienne,
14:23elles étaient déjà sur le terrain.
14:24Elles avaient vu.
14:25Et pendant ce temps,
14:26l'ONU se tait.
14:27Il a fallu six mois
14:28pour que Pramila Patten
14:29fasse son rapport
14:30et dise,
14:31il y a de fortes,
14:32je n'ai pas le terme exact,
14:33mais il y a de fortes convictions,
14:34nous avons des convictions,
14:35pour que non seulement
14:36ces femmes
14:37ont subi des choses
14:38atroces,
14:39mais que ça va continuer.
14:41Et parmi les otages
14:43qui ont été libérés,
14:44il y en a eu une
14:45qui a parlé il n'y a pas très longtemps
14:46et elle a vu revenir
14:48des gamines
14:49qui avaient été violées.
14:50Donc moi,
14:51je ne comprends pas
14:52pourquoi les féministes
14:53en France,
14:54je n'étais pas là,
14:55mais je ne comprends pas
14:56pourquoi elles se sont arrêtées.
14:57Nous, en Israël,
14:58quand j'y étais,
14:59c'était des manifestations
15:00tout le temps.
15:01On a manifesté en bas
15:02de la représentante
15:03de la Croix-Rouge,
15:04à Jaffa,
15:05tous les mards d'histoire,
15:06des gens arrivaient
15:07avec des hauts parleurs
15:08pour crier en bas de chez elles.
15:09Je le raconte dans le livre,
15:10elle ne peut plus sortir son chien,
15:11elle ne peut plus sortir tout court.
15:12Une fois par semaine,
15:13il y avait des manifestations
15:14devant le siège
15:15de le bureau de l'ONU.
15:16Mais en France,
15:17je ne sais pas,
15:18je ne comprends pas
15:19pourquoi le féminisme,
15:20l'intersectionnalité,
15:21comme on dit,
15:22pourquoi nos causes,
15:23vous avez fait un papier formidable
15:24en ouverture d'émission,
15:25pourquoi ça s'arrête ?
15:26Je ne comprends pas.
15:27Alors je ne vais pas rentrer
15:28dans les explications.
15:29Je ne comprends pas
15:30pourquoi moi,
15:31qui me suis battue
15:32dans les années 80
15:33pour tout le monde,
15:34pourquoi à un moment donné,
15:35en France,
15:36je ne comprends pas
15:37pour tout le monde,
15:38pourquoi à un moment donné,
15:39en vieillissant,
15:40ces femmes-là,
15:41ces anciennes 68 ans,
15:42pourquoi elles se sont arrêtées ?
15:43On comprend votre émotion.
15:44Vous m'avez dit quelque chose
15:45de très poignant.
15:46Vous m'avez dit
15:47je me demande
15:48ce que le 7 octobre a fait de moi.
15:49J'ai été,
15:50je suis étouffée
15:51par le désespoir existentiel.
15:52Mon cerveau n'a plus de place
15:53pour la compassion.
15:54Est-ce à dire
15:55qu'il n'y a plus de compassion
15:56non plus
15:57pour les milliers
15:58de pertes humaines à Gaza ?
15:59Quand j'écris le livre
16:00et que j'ai été
16:01un éthype à Assara
16:02où l'éthype
16:03est arrivée en aile volante,
16:04je voyais,
16:05vraiment,
16:06je le voyais,
16:07je voyais les fumées,
16:08les bombes,
16:09je voyais la guerre.
16:10J'ai assisté
16:11à la libération des otages
16:12dans un kibbutz,
16:13pas du tout,
16:14dans un hôtel
16:15qui abritait
16:16ce qu'on appelle
16:17les déplacés,
16:18donc tous les gens
16:19qui habitent dans les kibbutz
16:20étaient dans cet hôtel.
16:21Voilà,
16:22je décris la scène,
16:23vraiment,
16:24il faut le lire
16:25pour comprendre.
16:26Donc,
16:27on a assisté
16:28à ces libérations-là.
16:29Je n'ai vu
16:30que
16:31l'éthype
16:32que
16:33le côté israélien
16:34comme l'ensemble
16:35d'Israël.
16:36On n'a vu que le côté israélien
16:37parce qu'on n'avait pas
16:38de place.
16:39Moi,
16:40je suis quelqu'un
16:41qui a milité,
16:42je suis quelqu'un
16:43qui, politiquement,
16:44en Israël,
16:45a été dans un bord
16:46qui est vraiment loin
16:47du gouvernement actuel,
16:48vraiment très très loin.
16:49On a tous milité,
16:50on est tous
16:51pour la solution
16:52à deux États,
16:53enfin,
16:54une partie,
16:55vous comprenez.
16:56Mais là,
16:57voilà,
16:58je vous le dis,
16:59à ce moment-là,
17:00quand j'ai écrit le livre,
17:01il n'y avait pas de place.
17:02Il se trouve que maintenant,
17:03je suis en France,
17:04donc je vois les choses
17:05un petit peu autrement.
17:06Évidemment qu'il y a
17:07une douleur épouvantable.
17:08On peut être pro-palestinien,
17:09bien évidemment
17:10qu'il faut être pro-palestinien,
17:11bien évidemment
17:12que ces gens ont droit
17:13à un État,
17:14mais c'est une évidence.
17:15Il ne faut pas manquer
17:16d'empathie.
17:17Donc à chaque fois
17:18qu'on voit dans les manifestations
17:19un drapeau,
17:20moi je voudrais qu'on voit aussi
17:21libérer les otages,
17:22c'est tout.
17:23Juste libérer les otages
17:24parce qu'au moment
17:25où on vous parle,
17:26il y a encore
17:27une centaine de personnes
17:29qui a fêté ses cinq ans
17:30un petit rouquin
17:31qui a été attrapé
17:32avec sa mère et son frère
17:33qui sont encore
17:34dans des tunnels.
17:35Voilà, c'est tout.
17:36Et puis surtout,
17:37il ne faut pas comparer.
17:38Je commence à avoir de la place
17:42parce que je suis ici,
17:43mais en Israël,
17:44c'était compliqué.
17:45C'était compliqué.
17:46Pour nous qui n'y étions pas,
17:48place des otages
17:49va peut-être nous permettre
17:50de garder en tête
17:51au moins le souvenir
17:52ou le nom d'un otage.
17:54Je vous conseille vraiment
17:56de lire ce livre
17:57dès le 26,
17:58dans toutes les librairies.
17:59Place des otages,
18:00aux éditions du Serre.
18:01Merci beaucoup Valérie.
18:02Merci.
18:03Qui paraît jeudi soir
18:04signée de notre invitée
18:05Léa Bécassi.
18:06Merci à vous.
18:07Non, merci à tous les deux.
18:08Et un bien-vœu à bientôt
18:09en tout cas sur Sud Radio.
18:10Merci Muriel,
18:11on vous retrouve dimanche prochain.
18:12Merci Jean-Marie.

Recommandations