L’intelligence artificielle est plutôt une évolution plutôt qu’une rupture profonde. On la présente comme la grande mutation de notre époque, capable de surpasser l’esprit humain. Mais est-ce vraiment le cas ? Dans son ouvrage L’Homme augmenté, le psychiatre Raphaël Gaillard, élu au printemps 2024 à l’académie française, souligne que l’IA n’est, au fond, que l’extension d’un processus qui a commencé bien avant nous, avec l’invention de l’écriture. De l’écrit à la mémoire informatique, nous n’avons fait que multiplier nos capacités de stockage et de traitement de l’information. Alors, l’IA, une révolution ? [...]
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00:00L'intelligence artificielle est plutôt une évolution plutôt qu'une rupture profonde.
00:14On la présente comme la grande mutation de notre époque, capable de surpasser l'esprit
00:20humain.
00:21Mais est-ce vraiment le cas ? Dans son ouvrage « L'homme augmenté », le psychiatre
00:27Raphaël Gaillard, qui a été élu au printemps 2024 à l'Académie Française, souligne
00:32que l'IA n'est au fond que l'extension d'un processus qui a commencé bien avant
00:37nous avec l'invention de l'écriture.
00:40De l'écrit à la mémoire, à la mémoire informatique, nous n'avons fait que multiplier
00:46nos capacités de stockage et de traitement de l'information.
00:50Alors, l'IA est-ce vraiment une révolution ?
00:53Si l'on prend un grand recul historique, c'est l'écriture qui a été la première
01:00intelligence artificielle.
01:01Elle a été la première étape de notre externalisation cognitive.
01:06Pour la première fois, l'humanité a pu inscrire, transmettre et accumuler des connaissances
01:13au-delà des limites de notre mémoire individuelle.
01:17Le livre a ensuite fait de chaque lecteur un détenteur potentiel de savoir.
01:23En augmentant nos capacités mémorielles et logico-déductives, l'écriture, puis
01:28le livre, ont été les premiers outils de ce que l'on pourrait appeler une intelligence
01:34artificielle avant l'heure.
01:36Le livre est en fait un modèle réduit de l'intelligence artificielle.
01:41Le neuroscientifique Hervé Schneves, dans son ouvrage Notre cerveau, compare très
01:48très bien notre esprit à un lecteur face à un livre infini.
01:52Chaque page, chaque page tournée, chaque information mémorisée est une brique supplémentaire
02:00dans la construction de notre savoir.
02:02Ce processus est le même que celui de l'IA qui, elle, absorbe, numérise et traite ses
02:10pages dans une quantité à une vitesse fulgurante.
02:13Finalement, l'intelligence artificielle n'est que la version augmentée du livre,
02:20un stock immense de données où puiser des réponses, des logiques, des raisonnements.
02:25Mais l'IA, comme le livre, ne crée pas, elle compile, elle organise.
02:31De fait, l'intelligence humaine, lorsqu'elle est assistée par l'intelligence artificielle,
02:39peut atteindre une nouvelle dimension, une intelligence augmentée.
02:43C'est en combinant les capacités analytiques de l'IA avec l'entraînement de notre
02:49cerveau par la lecture et la culture que nous décuplons notre potentiel.
02:55L'IA, loin de se substituer à l'esprit humain, devient alors son partenaire privilégié,
03:02permettant de traiter des volumes d'informations colossaux tout en laissant à l'humain
03:08le soin d'y injecter créativité, intuition et jugement critique.
03:13Cette synergie entre l'humain et la machine permet non seulement d'améliorer nos performances
03:19cognitives, mais aussi d'élargir les horizons de notre pensée.
03:22L'IA ne doit donc pas être perçue comme une menace, mais comme un outil à domestiquer,
03:33tout comme l'ont été le livre, l'ordinateur ou Internet.
03:38Toutefois, cette domestication exige plus que jamais une éthique rigoureuse.
03:44Le véritable défi est d'élever l'esprit humain pour qu'il puisse utiliser ces technologies
03:51avec discernement.
03:52L'entraînement de notre cerveau par la culture et la lecture devient alors non seulement
03:59une obligation morale, mais aussi une exigence d'entraînement cérébral.
04:05C'est la garantie que l'IA servira à enrichir l'intelligence humaine plutôt
04:12que l'aliéner, voire à la diminuer.