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Tapa, l'étoffe des Polynésiens
Éparpillées dans le Pacifique sud, les îles de Polynésie française forment une mosaïque de terres aux allures paradisiaques, unies par une culture océanique commune. En témoignent, les tapas, des étoffes élaborées à partir d'écorces d'arbres, qu'on façonne et qu'on décore ici depuis des siècles. Un savoir-faire unique et constitutif de l'âme polynésienne, qui perpétue encore aujourd'hui les traditions des premiers habitants.
La Nouvelle-Calédonie racontée par une robe
La Nouvelle-Calédonie, ses plages infinies, ses lagons aux mille nuances de bleu et... sa robe mission. Aujourd'hui emblème des femmes kanaks, ce morceau d'étoffe aux couleurs vives a d'abord été un signe d'asservissement imposé par les premiers missionnaires chrétiens. A force de courage et de passion, les femmes de l'archipel ont su se l'approprier pour en faire un symbole fédérateur de la société calédonienne.
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Transcription
00:00Sous-titrage ST' 501
00:31Un martèlement sourd, lancinant,
00:34monte des profondeurs de la nature polynésienne.
00:38L'écho d'un artisanat ancestral, appelé le tapa.
00:46Ce savoir-faire, fruit de l'ingéniosité des peuples du Pacifique,
00:50consiste à battre l'écorce de certains arbres
00:53pour produire de longs pans d'étoffes végétales.
00:57Un tissu rudimentaire, mais précieux,
01:00uni ou orné de motifs,
01:02utilisés au fil des siècles par les Polynésiens
01:05comme monnaie d'échange,
01:07vêtements ou toiles décoratives,
01:09mais aussi dans l'accomplissement de rituels sacrés.
01:14Pourtant, à la fin du XVIIIe siècle,
01:17avec l'arrivée des missionnaires anglais,
01:19le tapa manque de disparaître,
01:21délaissé au profit des cotonades occidentales.
01:24Et c'est finalement sous forme d'art
01:26qu'il a aujourd'hui retrouvé sa place dans la culture et les foyers,
01:30symboles ravivés de l'identité océanienne.
01:36La Polynésie française,
01:38constellation d'îles disséminées dans le Pacifique Sud,
01:41est un jardin tropical
01:43où la végétation s'épanouit sans entrave.
01:48À l'extrême nord-est de ce territoire,
01:51l'île de Fatouhiva,
01:53dans l'archipel des Marquises,
01:55constitue avec sa terre volcanique
01:57un terreau particulièrement fertile
01:59pour la confection du tapa.
02:04Dans le petit village d'Omoa,
02:06c'est aux portes de leur maison
02:08que les femmes récoltent les essences dédiées à sa confection.
02:24La nature, elle est très riche.
02:26Les écorces qu'on prend,
02:29c'est dans la plantation,
02:32dans la montagne,
02:34dans le jardin
02:36de toute la population.
02:39C'est à portée de la mer.
02:44Il y a l'arbre à pain,
02:47il y a le murier
02:49et le bagnon.
02:54J'enlève l'écorce du bois
02:57et après,
03:00j'enlève la partie
03:02où je vais travailler dessus.
03:10De l'épluchage jusqu'au batage,
03:12les femmes reproduisent aujourd'hui encore
03:14la terre volcanique.
03:16C'est la terre volcanique
03:18qui est la plus importante
03:20Jusqu'au batage,
03:22les femmes reproduisent aujourd'hui encore
03:24les gestes précis et immuables
03:26enseignés par leurs aînés.
03:29Je replie le tapa.
03:32À force de taper,
03:34ça s'agrandit.
03:41La pierre,
03:43chez nous, on dit en marquisien,
03:45c'est le kiva.
03:47C'est une enclume.
03:49Ma famille...
03:55Mes parents m'ont appris
03:57à faire le tapa.
03:59De bien faire,
04:01c'est ma grand-mère.
04:03On a toujours fait comme ça.
04:10Cette technique,
04:12vieille de 8000 ans,
04:14a été importée d'Asie du Sud-Est
04:16par les premiers hommes
04:19Par sa souplesse,
04:21son imperméabilité
04:23et sa solidité,
04:25le tapa devient le vêtement traditionnel
04:27des Polynésiens,
04:29porté notamment sous forme de pagne
04:31ou de cape.
04:33Mais l'histoire de cette étoffe
04:35est aussi étroitement liée
04:37à celle de la spiritualité.
04:39Située dans l'archipel
04:41des îles sous le vent,
04:43Rayatea est considérée
04:45comme le berceau des dieux polynésiens.
04:47Dans le sud-est de cette île,
04:49au parfum de mystère,
04:51en bordure de lagon,
04:53les hommes ont édifié
04:55le monument le plus important
04:57de la religion océanienne,
04:59le Marae de Tapu-Tapuatea.
05:01Un ensemble de plateformes sacrées,
05:03premier site de la France d'outre-mer,
05:05inscrit au patrimoine mondial
05:07de l'UNESCO.
05:18Tapu-Tapuatea,
05:20c'est le centre religieux,
05:22cultuel et social
05:24du peuple polynésien.
05:26Les Polynésiens,
05:28aujourd'hui,
05:30ils viennent encore pour prier,
05:32pour se recueillir.
05:34Pour moi, à chaque fois
05:36que je passe ici,
05:38je retrouve la paix de mon âme
05:40et la paix de mon esprit.
05:42Le tapa est l'un des éléments
05:44essentiels des rites pratiqués
05:46sur le Marae.
05:48Il contribue à tisser
05:50un lien privilégié
05:52entre les dieux et les hommes.
05:54Dans toutes les cérémonies,
05:56aussi bien d'accueil,
05:58aussi bien de nettoyage
06:00et d'habillage des dieux,
06:02aussi bien des mariages polynésiens,
06:04le tapa a toujours été utilisé.
06:06À la naissance de l'enfant,
06:08il est couvert de tapa.
06:10Même à la mort,
06:12la personne est couverte de tapa.
06:14Donc le tapa servait aussi
06:16de cercueil.
06:18Car selon la mythologie
06:20polynésienne,
06:22c'est la déesse de la lune,
06:24Inna, qui la première
06:26aurait fabriqué le tapa
06:28à partir de l'écorce du bagnon,
06:30un arbre géant
06:32aux racines interminables.
06:34Inna,
06:36elle battait
06:38l'écorce du bagnon
06:40pour faire les étoffes pour les dieux.
06:42Taharoua était le grand dieu des polynésiens.
06:44Et puis un jour, ils se sont rassemblés.
06:46Mais pendant ce temps-là,
06:48il y avait la déesse Inna.
06:50Il tapait, il tapait,
06:52et ça embêtait Taharoua.
06:54Alors Taharoua demandait à son homme de compagnon
06:56qui s'appelait Pani,
06:58« Est-ce que tu peux dire à Inna
07:00d'arrêter de frapper le tapa ? »
07:02Inna dit toujours « Non, je ne peux pas m'arrêter. »
07:04Alors Pani prenait la masse
07:06qui servait à battre le tapa
07:08et il avait tapé dans la nuque de Inna.
07:10Donc Inna,
07:12en mourant, son âme s'est élevée dans la lune.
07:14Et Inna, en partant dans la lune,
07:16avait pris le bagnon
07:18pour qu'elle pousse dans la lune.
07:20Et donc de la lune,
07:22Inna a ramené le bagnon sur la terre.
07:26Ce savoir-faire,
07:28confié aux humains par une déesse,
07:30donne au tapa son caractère sacré.
07:32À tel point que sur le Maraé,
07:34seul un groupe d'hommes,
07:36les Opunwi, est autorisé à le battre.
07:40Les Opunwi, ce sont des personnes
07:42fortes, ce sont des personnes
07:44qui ont la terre la plus foncée.
07:46Et donc ils sont choisis par les prêtres.
07:48Et c'est seulement à ce moment-là
07:50que l'homme rentre dans la fabrication
07:52du tapa.
07:56Mais l'arrivée des Européens en Polynésie
07:58va menacer l'existence
08:00de cette artisanat ancestrale.
08:02En 1797,
08:04un navire anglais, le Doeuf,
08:06accoste au nord de l'île de Tahiti
08:08dans la baie de Matavaï.
08:12À son bord,
08:14des missionnaires protestants
08:16venus évangéliser les populations locales.
08:20Dans leurs bagages,
08:22de nouvelles croyances mais aussi de nouveaux tissus,
08:24notamment le coton.
08:26Celui-ci,
08:28par sa simplicité d'utilisation,
08:30remplace peu à peu l'écorce battue
08:32dans la confection des vêtements.
08:35Il donne aussi naissance
08:37à un nouvel artisanat textile.
08:39Inspiré par le patchwork
08:41que les épouses des missionnaires leur ont enseigné,
08:43les femmes polynésiennes
08:45inventent le tiféfé.
08:47De grandes fresques de tissus
08:49superposées aux couleurs éclatantes.
08:55C'est un travail qui demande
08:57beaucoup de patience.
08:59Si on n'a pas de patience,
09:01on ne pourra pas le faire.
09:03C'est un diplôme.
09:13Comme ça.
09:18Le mot tiféfé, ça veut dire coudre.
09:20Ti-fé.
09:22Ti-fé-fé, ça veut dire coudre.
09:28Les missionnaires sont arrivés
09:30et c'est les femmes,
09:33qui ont vu les mamans
09:35prendre les vieux robes
09:37et les jeter.
09:39Ils ont dit non,
09:41il ne faut pas jeter ces robes-là,
09:43il faut les garder.
09:45Ils ont appris aux mamans
09:47à découper en petits carrés.
09:49Ensuite, ils ont ajouté
09:51tous les petits carrés
09:53à la main,
09:55et c'est comme ça
09:57que le tiféfé est arrivé chez nous.
10:02Voilà, maintenant,
10:04j'entends le coudre du tiféfé
10:06pour terminer.
10:08Avec le temps,
10:10les brodeuses polynésiennes
10:12développent leurs propres motifs,
10:14inspirés par la nature
10:16qui les entoure.
10:18Par exemple,
10:20ce tiféfé, la couleur verte,
10:22blanc-lin, vous avez
10:24le motif de la couronne
10:26de Thierry,
10:28et son feuillage.
10:30Ensuite, il y a
10:32les nénuphars aussi.
10:34Elles transforment
10:36ces modestes couvertures colorées
10:38en oeuvres d'art textile.
10:40Les tiféfés qui sont là,
10:42c'est très long à faire,
10:44jusqu'à 9 mois,
10:469 mois, 10 mois.
10:48Le tiféfé sert à décorer
10:50la maison, mettre sur le lit
10:52pour le mariage,
10:54en cadeau aussi,
10:56c'est sacré.
10:58Une fois le tiféfé arrivé,
11:00c'est fini, il n'y a plus de tapas.
11:04Pour autant,
11:06l'écorce battue n'a pas
11:08complètement disparu de Polynésie.
11:10Depuis une vingtaine d'années,
11:12le bruit des battoirs retentit
11:14de nouveau dans certains villages,
11:16et le tapas s'est réinventé
11:18en tant qu'objet d'art,
11:20empruntant ses motifs à la mythologie
11:22ou au tatouage.
11:24Le motif que je fais,
11:26c'est la torture,
11:28les jumeaux,
11:30avec des oiseaux,
11:32la raie et le dauphin.
11:34Les tapas servent
11:36à garnir la maison,
11:38à encadrer,
11:40mettre dans les pièces
11:42de la maison,
11:44et qu'on offre aussi
11:46à des personnes
11:48qui arrivent.
11:50Le tapas,
11:52pour moi,
11:54j'offre à un membre
11:56de ma famille.
11:58C'est comme un cadeau
12:00pour lui,
12:02parce qu'il voit que c'est joli,
12:04mon travail.
12:06Je suis fière
12:08d'avoir gardé
12:10ce savoir-faire
12:12et d'être capable
12:14aussi de bien faire
12:16par rapport à nos aînés.
12:22Le tapas,
12:24sous cette forme nouvelle,
12:26a retrouvé sa place au cœur
12:28de l'identité des Polynésiens.
12:30Hommage au savoir-faire
12:32de leurs ancêtres,
12:34mais aussi à la nature exubérante
12:36qui les entoure et les fait vivre
12:38depuis toujours.
12:52Chaque année,
12:54le village de Vaud,
12:56dans le nord de la Nouvelle-Calédonie,
12:58s'anime.
13:00Celle-là,
13:02que les femmes convergent
13:04de toute l'île pour célébrer
13:06une robe devenue le symbole
13:08de la femme kanak.
13:14Ce qui est frappant aujourd'hui,
13:16c'est que la robe kanak
13:18transcende les générations.
13:20Vous avez des femmes d'âge mûr,
13:22vous avez des femmes
13:24beaucoup plus jeunes,
13:26vous avez des enfants,
13:28vous avez toutes les communautés
13:30et toutes les cultures
13:32qui vont aussi porter la robe kanak.
13:34Donc la symbolique,
13:36elle est différente aujourd'hui.
13:38Ce morceau d'étoffe,
13:40autrefois appelé robe mission,
13:42revient pourtant de loin.
13:46Car avant d'être l'étendard
13:48de la femme kanak,
13:50cette robe a d'abord été un signe
13:52d'asservissement imposé
13:54par les premiers missionnaires religieux.
14:00C'était sans compter
14:02la force des femmes
14:04qui ont su se l'approprier
14:06pour en faire un symbole fédérateur
14:08de la société calédonienne.
14:12Avec ses couleurs vives,
14:14ses motifs,
14:16ses couleurs rectangulaires,
14:18cette robe longue et ample
14:20est devenue un des emblèmes
14:22de la Nouvelle Calédonie dans le monde.
14:34L'histoire de ce vêtement
14:36débute tout à l'est de la Grande Terre
14:38sur les îles Loyauté.
14:46Une histoire calédonienne au passé singulier.
14:50Si le sport favori des habitants
14:52est ici le criquet,
14:54c'est que contrairement au reste
14:56de la Nouvelle Calédonie,
14:58les îles Loyauté ont d'abord été
15:00colonisées par des Anglais,
15:02des missionnaires protestants,
15:04qui arrivent en 1842.
15:12Dans la baie de Châteaubriand,
15:14face à la mer,
15:16ils fondent le temple de Kwanono,
15:18première mission protestante de l'île.
15:28Les missionnaires
15:30venus évangéliser la population
15:32découvrent le mode de vie
15:34du peuple kanak.
15:36Les hommes portent alors
15:38un étui pénien pour seul costume
15:40et les femmes
15:42sont à peine plus couvertes.
15:48Les femmes,
15:50avant l'arrivée de l'évangile,
15:52elles portaient sur elles
15:54des jupes en fibre végétale
15:56et les seins sont nus.
15:58Des colliers
16:00avec un dent de cochon.
16:02Voilà, ce sont des ornements
16:04qu'on avait sur place.
16:12Pour eux, c'est une convoitise,
16:14pour les hommes, avoir des femmes comme ça.
16:16Donc il faut les habiller.
16:18Mais les habiller
16:20jusqu'au... Il ne faut rien
16:22faire apparaître
16:24de la nudité de la femme.
16:26Il faut que tout soit couvert.
16:30Les missionnaires imposent rapidement
16:32sur l'île une culture occidentale.
16:34Les hommes apprennent
16:36à lire et à compter.
16:38Les femmes, elles, sont convoquées
16:40par des hommes de couture
16:42auprès des épouses de pasteurs
16:44qui portent alors des robes puritaines
16:46inspirées de l'Angleterre
16:48du XIXe siècle.
16:54Le col monte d'abord très haut
16:56et la robe est longue
16:58sans souligner la taille.
17:02On arrive là, le plastron,
17:04puis après ça descend directement
17:06jusqu'en bas.
17:08C'est ici l'Empire.
17:10A cette époque-là, c'était la reine Victoria
17:12qui y régnait.
17:14On a même appelé la robe Victoria cette robe,
17:16en souvenir de cette reine.
17:20Mais sur ces îles,
17:22à 16 000 km de l'Angleterre,
17:24les couturières doivent pallier
17:26l'absence de tissus.
17:28Les premières robes
17:30sont donc cousues dans les sacs
17:32de farine en toile de jute
17:34qui arrivent par bateau.
17:36Chaudes et peu confortables
17:38qui font l'effet d'une camisole.
17:42Robe camisole, pourquoi ?
17:44Parce qu'il faut tout cacher.
17:46Le col qui monte comme ça,
17:48fermé là, jusqu'en bas,
17:50on nous a forcé de l'apporter.
17:54Pour transmettre cette histoire,
17:56Waï Malo raconte dans un poème
17:58l'assimilation de la robe Victoria
18:00par les femmes de l'île.
18:02Robe made in England.
18:04Robe enveloppe.
18:08Robe imposée pour des raisons
18:10d'un autre temps.
18:12Robe civilisatrice.
18:14Te voilà adoptée par ma culture.
18:24La robe,
18:26tout comme la religion,
18:28s'est implantée durablement
18:30sur l'île de Lifou
18:32et la religion est restée protestante.
18:40Mais en 1853,
18:42la France prend possession
18:44de l'archipel calédonien.
18:46Les îles loyautées
18:48passent alors sous domination française
18:50et les autorités coloniales
18:52tentent d'imposer le catholicisme.
18:58A partir de là,
19:00la religion cohabite
19:02et s'accorde sur un point.
19:04Le port de la robe pour cacher
19:06le corps des femmes.
19:12Les missionnaires catholiques français
19:14reprennent à leur compte
19:16la création anglaise.
19:18La robe mission part alors
19:20à la conquête de la Grande Terre.
19:30Dans le nord-ouest,
19:32les plaines humides de Vaud
19:34qui bordent le lagon calédonien
19:36sont devenues célèbres
19:38pour leur cœur végétal
19:40dessiné naturellement
19:42dans la mangrove.
19:52La particularité de Vaud,
19:54c'est vraiment d'être à cheval
19:56entre la mer et la montagne
19:58et d'avoir ces différents types de paysages.
20:00Mais ce qui est intéressant
20:02au-delà des paysages,
20:04c'est le monde rural.
20:06Ce que j'aime beaucoup, moi,
20:08en province nord,
20:10c'est l'authenticité des gens.
20:14Contrairement au sud de l'île,
20:16la population est ici
20:18à majorité kanak
20:20et les traditions y sont restées plus vives.
20:22Chaque année,
20:24se tient à quelques pas
20:26du célèbre cœur de Vaud
20:28la fête de la robe.
20:30Une journée
20:32lors de laquelle les couturières du nord
20:34présentent leur nouvelle création.
20:42Car au début du XXe siècle,
20:44la robe mission est définitivement
20:46adoptée par les femmes kanak.
20:48Si elle couvre leur forme,
20:50ce vêtement a le mérite
20:52de laisser le corps relativement libre.
20:54Les femmes ne font
20:56que l'adapter à leur usage.
21:02On se l'est appropriée,
21:04elle a été modifiée.
21:06Les couleurs sont beaucoup plus chatoyantes,
21:08plus vives.
21:10Elle devient moins longue, plus ample.
21:12Elle est découpée, elle ne va pas jusqu'au poignet.
21:14Elle ne remonte pas jusqu'au bas du menton.
21:16On commence à percevoir
21:18les épaules des femmes,
21:20on voit leurs chevilles.
21:22On s'est adapté au climat,
21:24ça c'est clair.
21:26Du coup, on voit
21:28beaucoup plus de souplesse,
21:30c'est beaucoup plus aérien.
21:32Mais la manière
21:34dont les femmes kanak s'emparent de ce vêtement
21:36n'est pas au goût de l'administration coloniale.
21:38Jusqu'en 1946,
21:40les kanaks sont assujettis
21:42au code de l'indigénat,
21:44un ensemble de règles imposées par la France
21:46qui réduit leurs droits
21:48et tente d'effacer leurs traditions.
21:50Aucun décret ne l'interdit,
21:52mais la robe est vue d'un très mauvais oeil.
21:56On va vous faire comprendre
21:58qu'elle n'est pas assez bien
22:00pour cet organisme,
22:02notamment dans les endroits publics et dans les administrations.
22:04Qu'elle n'était pas assez bien
22:06pour l'école.
22:08Malgré la fin du régime colonial,
22:10il faut attendre les années 60
22:12pour que les kanaks
22:14osent revendiquer leur identité.
22:18Dans une série d'actions protestataires,
22:20des petits groupes se rassemblent
22:22pour défendre notamment
22:24le port de la robe
22:26que l'on préfère désormais appeler
22:28la robe kanak.
22:30On se dit
22:32moi je ne la mets pas
22:34parce qu'à un moment donné
22:36tu m'as obligé à la mettre
22:38mais parce que ça aussi c'est moi.
22:40Elle refait surface.
22:42Vous allez avoir
22:44le combat des femmes
22:46pour la valorisation de cette robe.
22:48Elle commence à s'imposer aussi
22:50comme un élément identitaire.
22:52Il va faire partie de nous.
22:56Depuis les années 80,
22:58des motifs typiquement kanak
23:00sont apparus sur les robes
23:02comme la flèche fêtière,
23:04ce symbole des ancêtres
23:06que l'on retrouve en haut
23:08des cases traditionnelles.
23:10Chaque tribu de l'île
23:12s'est aussi appropriée une couleur
23:14pour se distinguer lors des cérémonies.
23:16En se diversifiant,
23:18ce vêtement traditionnel
23:20a offert à certaines couturières
23:22une émancipation financière.
23:30Hanoumea,
23:32la capitale calédonienne,
23:34la robe kanak
23:36fait vivre des créatrices.
23:44Dans son atelier,
23:46Esekka, originaire de l'île de Lifu,
23:48sublime les robes
23:50qui ont habillé ses ancêtres
23:52et fabrique chaque pièce à la main.
23:56Chaque robe est unique
23:58donc je veux rester sur
24:00cette façon de travailler,
24:02rester dans l'artisanat.
24:06Esekka transmet aujourd'hui
24:08son savoir-faire
24:10pour que la tradition perdure.
24:16Mais si certaines de ses robes
24:18ont conservé la forme des origines,
24:20le style est désormais plus international
24:22pour suivre la mode.
24:24Les femmes aiment
24:26la robe traditionnelle
24:28mais plus ouverte
24:30au niveau du col,
24:32un peu plus échancrée.
24:34Des fois même,
24:36il y a un dos nu
24:38et on rajoute la dentelle,
24:40des fantaisies,
24:42des paillettes.
24:44Elles préfèrent des croisillons
24:46au dos, devant,
24:48même sur les manches.
24:50Et si on rajoute en bas,
24:52c'est bien quand c'est travaillé.
24:54C'est ça que les femmes aiment bien.
25:00Mon ambition,
25:02c'est que la robe traditionnelle,
25:04la robe kanak,
25:06ne reste pas uniquement kanak.
25:08Lorsqu'on voit une autre femme
25:10d'une autre ethnie
25:12qui la porte,
25:14je suis fière de ça.
25:16Les femmes ont fait
25:18d'un outil d'oppression
25:20un symbole de leur soif de liberté.
25:22Dans les rues de Nouméa
25:24comme dans le reste de l'archipel,
25:26la robe unit
25:28les Calédoniennes
25:30dans un sentiment
25:32d'appartenance commun.
25:46Sous-titrage Société Radio-Canada

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