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Anne Fulda reçoit Haïm Korsia pour son livre «Comme l'espérance est violente» dans #HDLivres

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Transcription
00:00Bienvenue à l'Heure des Livres, Aïme Corsia.
00:03Alors, on vous connaît, vous êtes grand rabbin de France depuis 2014,
00:08vous écrivez des essais et vous venez de publier un très joli livre
00:11qui s'appelle « Comme l'espérance est violente »,
00:14un livre qui est paru chez Flammarion.
00:16Alors, un livre dont le titre est tiré d'une citation,
00:20« Comme la vie est lente et comme l'espérance est violente »,
00:22des vers qui sont extraits d'un poème d'Apollinaire
00:25que tout le monde connaît, mais tout le monde ne se souvient peut-être pas de ces vers,
00:28sous le pont Mirabeau.
00:30On connaît plus, passe les heures, passe les jours.
00:33Mais l'amour demeure.
00:36Et l'amour demeure parce que justement il y a une espérance qui est violente.
00:39Que parfois, dans la vie, rien ne peut demeurer
00:42si on n'est pas capable de se faire violence pour sortir d'une forme d'apathie.
00:45Parce qu'effectivement, est-ce que l'espérance,
00:48qu'elle soit violente ou pas, c'est la seule chose qui reste
00:52lorsque justement les pays sont traversés par des vents mauvais,
00:56comme dirait un autre poète.
00:59Parce que si tout va bien, il n'y a pas besoin d'espérance.
01:02Quelle espérance vous avez quand tout est bien ?
01:05Vous espérez surtout que rien ne bouge.
01:07Donc par nature, c'est une situation statique
01:10qui n'apportera rien de bon.
01:12Parce que quand ça s'écroulera, il n'y aura personne pour porter de l'espérance.
01:15Alors que oui, on ne va pas vous dire qu'il faut que ça aille mal pour avoir de l'espérance.
01:19Mais il n'y a pas de raison de s'enfermer dans un monde
01:22où il n'y a plus d'espérance.
01:24Alors lorsque le pays est comme ça,
01:28emprunt d'une espèce de mélancolie que vous décrivez,
01:31est-ce que justement, prenez l'espérance,
01:33ça ne peut pas apparaître comme un peu naïf ?
01:37Alors vous avancez plusieurs pistes.
01:40Vous parlez notamment, il y a un besoin de transcendance.
01:42Et ça effectivement, c'est quelque chose, qu'est-ce que vous voulez dire par là ?
01:45Et pas exclusivement religieuse, je ne veux pas imposer une vision religieuse.
01:48Elle peut être républicaine, elle peut être humaniste.
01:51Je pense que quand vous avez des gens qui s'occupent au secours populaire,
01:55il y a des personnes qui s'occupent au secours catholique,
01:58d'autosecours populaire, ils s'occupent d'élever des frères et des sœurs.
02:02Il y a quelque chose de l'ordre de la transcendance.
02:04Je sors des données objectives du monde et je les transforme.
02:09C'est ce qu'on appelle en hébreu le tikkun olam.
02:11On parle dans mon livre, la réparation du monde.
02:14C'est tellement beau comme expression.
02:15On ne se rend pas compte à quel point on peut réparer le monde.
02:18Vous parlez de la mélancolie, ce n'est pas moi qui en parle.
02:20C'est Gérard Denarval qui dit que la mélancolie est cette maladie
02:24qui permet de voir le monde tel qu'il est.
02:26Et notre société, évidemment, est mélancolique
02:30puisqu'elle s'enferme dans les données objectives du monde.
02:34Tant de pourcents de personnes pensent ci, donc c'est comme ça.
02:36Tant de personnes pensent ça.
02:38On est limité, enfermé dans des données chiffrées.
02:43Et l'espérance, justement, cette violence de l'espérance
02:46qu'il faut essayer de réveiller partout,
02:48c'est ne pas s'enfermer dans les données objectives du monde.
02:50On nous dit, par exemple, des fois avant même les élections,
02:53on donne les résultats.
02:54Pourquoi les sondages l'ont dit, donc c'est fait.
02:56Mais attendez qu'on exprime quelque chose,
02:58qu'on puisse rencontrer les situations et rencontrer le futur.
03:02Tout cela me pousse à dire qu'il faudrait vraiment
03:05qu'on soit capable individuellement et collectivement surtout
03:08de sortir d'une forme d'enfermement dans lequel on est.
03:12Et alors l'un des moyens de le faire, c'est d'arrêter le temps,
03:15comme vous dites.
03:16Alors ça peut se faire par la religion,
03:18dans la religion juive, par le shabbat notamment,
03:20qui permet comme ça de figer le temps un instant.
03:23Ça peut se faire aussi autrement.
03:25C'est l'une des manières aussi de revenir à l'essentiel ?
03:29Je ne veux pas vous faire ralentir le monde,
03:32mais je pense que dans l'ultra vitesse dans laquelle nous sommes maintenant,
03:36il faut reprendre le temps, de vivre les choses.
03:39Et alors avec une psychiatre formidable qui s'appelle Marie Balmary,
03:43qui avait écrit un livre merveilleux qui s'appelait
03:45« Le sacrifice interdit » sur le sacrifice d'Avram sur Isa,
03:50qui n'a pas lieu.
03:52On a pensé à faire une sorte de shabbat, vous l'avez dit,
03:57d'arrêt, mais le dimanche, de la pression numérique.
04:02Regardez votre téléphone, vous avez des gens qui vous envoient un message
04:05et deux minutes après, ils me disent « mais tu ne m'as pas répondu ».
04:08Mais où on a vu dans la Torah qu'il faut répondre dans les deux minutes
04:11à un texto, à un message, à une injonction ?
04:14Moi, je veux pouvoir prendre le recul, le répondre si j'ai envie.
04:17Je pense que ce repas dominical qu'on avait dans nos subconscients collectifs,
04:22il se passe toujours avec le téléphone sur la table
04:25et on oublie de se parler puisqu'on est en échange en permanence
04:28avec les 3500 amis qu'on a mais qu'on n'a jamais vus
04:31sur Facebook ou Snapchat, tout ce que vous voulez.
04:33Maintenant, je suis vraiment vieux, donc ce n'est plus comme ça,
04:35ça doit être TikTok ou autre chose, mais c'est le même principe.
04:37Donc l'idée, c'est au moins une fois par semaine de prendre un peu de recul
04:40par rapport à la pression du temps et de retrouver un partage du temps.
04:45C'est pour ça que nous sommes des contemporains, comme Temporis.
04:48On partage le temps avec celles et ceux qu'on veut rencontrer.
04:51Parce qu'on ne voit plus les gens à qui on parle.
04:55Moi, j'ai vu des mamans, j'en étais vers d'orage pour tout vous dire,
04:59des mamans, une bonne maman juive,
05:01qui au moment de la barmitzva de son fils,
05:03au lieu de regarder son fils de manière énamourée, fière de lui,
05:07elle a son iPad et elle regarde son fils à travers l'iPad
05:13puisqu'elle filme au lieu de regarder son fils.
05:15Donc en fait, elle ne vit pas l'événement.
05:16Et c'est tragique, je trouve, que dans notre monde,
05:19on ne soit plus capable de vivre les choses
05:21uniquement à travers un outil qui nous permettra ultérieurement
05:24de nous rappeler ce moment qu'en fait, on n'a pas vécu.
05:26Moi, je préfère qu'on vive directement.
05:28Et ça, c'est quelque chose qui permet la rencontre,
05:30parler avec vous.
05:32Alors, vous vous évoquez, puisque vous avez entamé ce livre,
05:36commencé avant le 7 octobre, mais vous avez pu en parler.
05:39Et vous évoquez à un moment la possibilité ou le désir
05:43que derrière la figure de l'ennemi ne s'efface pas celle du frère.
05:47Est-ce que c'est toujours souhaitable ?
05:49Est-ce que c'est surtout toujours possible ?
05:51Toujours.
05:53Je ne l'invente pas.
05:55Je me fonde sur un livre qui s'appelle La Bible.
05:57On y croit, on n'y croit pas.
05:58Peu importe, il y a des choses qui sont des invariants de l'humain.
06:01Et on explique que quand les Hébreux passent la mer Rouge,
06:04qui s'est ouverte miraculeusement,
06:06les Égyptiens s'engassent dans la mer Rouge
06:08et la mer se referme sur eux, ils meurent.
06:10Donc, les Hébreux sont sains et saufs.
06:12Les Hébreux chantent, dansent, sont heureux.
06:15Les anges dans le ciel chantent, dansent.
06:17Et ils disent à Dieu, mon Dieu, tu ne chantes pas avec nous ?
06:20Et Dieu leur dit, mes enfants, les Égyptiens sont en train de mourir
06:23et vous voulez que je chante ?
06:25En fait, c'est toujours un enfant de Dieu qui meurt.
06:29C'est toujours un enfant de Dieu qui fait le mal.
06:32Il faut évidemment être avec les victimes du mal.
06:35Mais il faut comprendre comment un assassin,
06:38comment un terroriste, comment un malfaisant
06:41peut à un moment dévier de son humanité,
06:44de ce lien naturel de fraternité
06:46qui devrait lui rendre impossible certains gestes, certaines pensées.
06:51Et ce n'est jamais une réussite
06:54quand on arrête un méchant.
06:56C'est formidable.
06:57Mais on ne peut pas dire que la société a réussi
06:59parce qu'il a réussi à exister en réalité.
07:02En tout cas, je vous conseille de lire ce livre.
07:04Comme l'espérance est violente,
07:06merci beaucoup à Yves Corsia.
07:08C'est un petit traité de philosophie.
07:10Ce n'est pas qu'un livre religieux, finalement.
07:12J'étais assez chafouin
07:14de le trouver parfois dans les rayons religion des librairies,
07:17alors que moi, je le voyais plutôt comme quelque chose de très contemporain,
07:21actuel, presque sociologique,
07:23où on en est, notre société,
07:25notre envie de faire société ensemble.
07:27Voilà.
07:28Alors, je vous conseille de lire.
07:29Et c'est donc paru chez Flammario.
07:31Merci beaucoup à Yves Corsia.
07:32Merci à vous.

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