• il y a 6 mois
Dans ce numéro d'A vos marques, Maxime Brami met en lumière une aventure entre deux hommes reliés par une même passion : la moto. L'un est pilote, Julien TONIUTTI, l'autre est non-voyant, François SPECK, et tous les deux ils ont participé au Championnat de France des rallyes routiers en 2021. Retour sur une aventure en duo exceptionnelle.

Category

🥇
Sport
Transcription
00:00...
00:14Bonjour à toutes et à tous, ravis de vous retrouver
00:16pour ce nouveau numéro d'Avomark.
00:18Votre rendez-vous 100% par un sport,
00:19c'est à retrouver tous les mardis à 19h sur Sports en France.
00:22Aujourd'hui, nous mettons à l'honneur une aventure sportive,
00:25une aventure humaine qui relie deux personnages,
00:29autour d'une passion commune, la moto, le rallye moto.
00:33François Speck et Julien Tognotti sont avec moi aujourd'hui.
00:36Bonjour messieurs.
00:36Bonjour, bonjour.
00:38Merci d'avoir accepté notre invitation.
00:41Avant de revenir sur vos parcours respectifs,
00:43on va s'intéresser tout de suite au rallye routier.
00:47Ce sera mon défi de tout savoir et tout comprendre.
00:54Messieurs, parlons tout de suite des rallyes routiers à moto.
00:58Pour les téléspectateurs qui ne connaîtraient pas bien votre discipline,
01:02on va commencer avec vous Julien.
01:03Est-ce que vous pouvez me rappeler le principe de la discipline ?
01:07Qu'est-ce que le rallye routier ?
01:09Le rallye routier, c'est plutôt simple en fait.
01:11Il faut partir du principe que c'est comme le rallye voiture.
01:15C'est-à-dire, on va parler de celui qu'on connaît le plus,
01:17c'est Sébastien Loeb.
01:18Ce que fait Sébastien Loeb en rallye voiture,
01:22nous on le fait en moto, ça s'appelle le rallye routier.
01:25C'est exactement la même chose.
01:26C'est-à-dire qu'il y a des liaisons sur route ouverte
01:29où il faut respecter le code de la route,
01:30où il faut se diriger grâce à un roadbook,
01:34trouver sa bonne route,
01:35qui nous emmène à une spéciale chronométrée sur route fermée
01:37où là, il faut rouler le plus vite possible.
01:39François, il existe du coup un championnat de France des rallyes routiers ?
01:42Oui exactement, il existe cette discipline
01:45que je trouvais un petit peu folle avant d'y participer.
01:50Julien m'a emmené dans cette aventure
01:51parce que je le soutiens depuis des années en tant que sponsor
01:55et fournisseur de ces suspensions
01:57parce que c'est moi qui fabrique les avanceurs pour Julien,
01:59enfin mon entreprise.
02:00Et quand il m'a emmené dans cette aventure,
02:03j'ai découvert cette discipline puisque je n'y étais jamais allé.
02:08J'avais toujours soutenu le pilote,
02:09mais je ne m'étais jamais rendu sur un rallye
02:11et je n'y avais jamais participé.
02:12Julien, c'est une compétition qui existe depuis longtemps.
02:16Vous êtes un habitué de ce genre de compétition ?
02:19Oui, c'est une des disciplines les plus anciennes du sport moto français.
02:23J'ai découvert cette discipline en 2007
02:28où j'ai deux copains qui m'ont proposé de participer
02:32au rallye du Beaujolais qui était à côté de chez moi.
02:34Mon aventure dans la compétition moto a commencé à partir de ce moment-là.
02:39Plusieurs catégories sont en compétition,
02:42notamment la catégorie duo.
02:45Vous pouvez peut-être nous en parler davantage puisque cela vous concerne.
02:49En gros, ce n'est pas compliqué.
02:51Un jour, je lui ai demandé de tester un de mes amortisseurs
02:56que je venais de fabriquer et il m'a dit « oui, mais je t'emmène ».
03:00Je me suis un petit peu trouvé des excuses,
03:02mais le lendemain, il est revenu à la charge.
03:04Il m'a emmené dans une spéciale du rallye du Beaujolais.
03:09Les premiers kilomètres, il m'a emmené comme si j'étais un vieux pépé.
03:12Mais à force de lui dire « vas-y, accélère »,
03:15on a vraiment pris un plaisir fou là-bas.
03:19Et là, on a décidé tous les deux de se dire « pourquoi pas faire un rallye en championnat de France ? »
03:26Julien, pourquoi est-ce que vous avez proposé à François cette aventure ?
03:31En fait, l'idée au début, elle est arrivée en 2017.
03:34Puisqu'en 2017, il y a plusieurs catégories en rallye,
03:37mais en 2017, ils ont créé la catégorie duo.
03:40Cette catégorie duo qui permet de pouvoir emmener quelqu'un derrière soi.
03:43Il n'y a pas de notion de performance ou de résultat
03:45puisque plus il y a de poids sur une moto et moins ça va aller vite.
03:48En tout cas, ça va être plus compliqué de faire un bon chrono.
03:53Mais par contre, on peut faire découvrir sa discipline à sa femme, son frère, son père, etc.
03:58Et là, j'avais envie justement de…
04:01On s'est dit « pourquoi pas faire ça avec François ? »
04:03Ça, c'était en 2017 et ça s'est bien passé.
04:06On a montré à tout le monde que c'était possible.
04:09Et en fait, pour la petite anecdote, j'ai fait le Dakar en janvier 2019.
04:12Ça s'est bien passé jusqu'à la veille de l'arrivée.
04:15J'ai eu un gros crash la veille de l'arrivée
04:19où il y a eu un gros trauma crânien, 4 jours de coma, pronostic vital engagé, 48 heures.
04:23Et du coup, je sais très bien que j'ai beaucoup de chance
04:26parce qu'un pronostic vital engagé pendant 48 heures,
04:29je pourrais être dans un fauteuil roulant ou même dans une caisse en bois.
04:32C'est quoi le sens de ça ?
04:34En fait, vous avez voulu rendre à la hauteur de ce que la vie vous a épargné finalement ?
04:40Je voulais surtout, je me suis dit surtout
04:42que j'avais beaucoup de chance d'être aujourd'hui sur mes deux jambes,
04:45d'avoir un discours qui est cohérent, d'avoir toute ma tête.
04:48Et je voulais mettre en avant le handicap
04:50et ces personnes qui se battent avec un handicap qui est très loin à porter.
04:53Ces personnes dont font partie des gens comme François qui est à côté de moi,
04:58des gens comme Philippe Croison par exemple.
05:01François, il a perdu la vue il y a plus de 25 ans.
05:03Il s'est battu, il s'est relevé, il a remonté la pente, il a ouvert une société.
05:08Sa société aujourd'hui, elle fabrique 4000 amortisseurs par année
05:11et elle permet de faire vivre 15 personnes puisqu'il salarie 15 personnes.
05:17Moi, j'y mets deux bras, mes deux jambes, mes deux yeux, je serais incapable de faire ça.
05:20Et à l'image d'un Philippe Croison aussi qui a été amputé des quatre membres,
05:24il a traversé la manche à la nage, il a fait le Dakar, il a un record en plongée.
05:29Ces gens-là, il mérite qu'on parle d'eux, il mérite qu'on les mette en avant
05:33parce qu'ils ne se plaignent pas, ils vont de l'avant, ils font des choses extraordinaires.
05:37Ça, c'était la première chose.
05:38Et la deuxième chose, c'est que je voulais aussi redonner de l'espoir
05:41à quelqu'un qui pourrait être victime d'un handicap il y a six mois
05:44ou il y a un an, il aurait pu perdre un bras, une jambe, etc.
05:48Je voulais vraiment, cette personne qui aurait pu avoir ce handicap-là,
05:52qu'est-ce qu'on se dit quand on perd un bras ou une jambe ?
05:55On peut se dire la vie est foutue.
05:56Justement, avec le projet qu'on avait fait avec François en 2021,
06:00de mettre François derrière moi sur toute la saison du championnat de France des rallies en duo,
06:05c'est de montrer justement à ces personnes-là que non, la vie n'est pas foutue.
06:09Quand on croit en ses rêves et quand on se bat, tout est possible.
06:13C'est vraiment ce message-là que je voulais faire passer, c'était de redonner de l'espoir.
06:17Très beau message.
06:18J'aimerais qu'on revienne sur votre duo.
06:22En rallye, dites-moi si je me trompe, normalement un duo, c'est formé d'un pilote et d'un copilote.
06:26Mais là, le copilote, il n'a pas vraiment la vue sur la course.
06:30Donc est-ce que, François, quel est votre rôle dans ce duo ?
06:36Alors, on vient de parler de l'homme et son copilote, Elina.
06:41Il faut quand même savoir que là, dans cette expérience-là,
06:45ça a été quand même quelque chose d'exceptionnel.
06:46C'est quand même le pilote qui donnait des indications au passager.
06:50Oui, c'est ça.
06:50C'est quand même le passager qui lit le roadbook au pilote.
06:55Donc là, c'est Julien qui donne les informations au passager.
06:59Moi, j'ai un rôle finalement passif derrière, mais qui n'est pas si passif que ça.
07:05Puisqu'en fait, si moi, j'ai le moindre défaut de mouvement,
07:08je n'ai pas anticipé un mouvement moto, on peut aller à la chute.
07:12Et la chute, ça peut faire vraiment très mal.
07:16Je dois être extrêmement attentionné parce que je ne dois pas gêner Julien.
07:20C'est Julien qui vous passe des infos sur les postures à adopter en fonction de la course.
07:26Alors, pas la posture.
07:28En fait, Julien va m'indiquer un gros freinage violent.
07:32Il va me dire à la radio, attention François, gros freinage violent,
07:35grande gauche serrée, grande courbe droite.
07:38Quand il y a vraiment des gros efforts, il m'indique ce qui va arriver.
07:41Et du coup, il faut que moi, je réagisse instantanément.
07:45Mais lui, il faut qu'il anticipe les indications par rapport à la décision que lui va prendre au guidon.
07:51C'est-à-dire qu'il ne peut pas rentrer dans le virage
07:53et que dans le virage, Julien et François vont rentrer dans le virage et qu'on part.
07:56Alors, j'aimerais qu'on parle un petit peu moto.
07:58Sur quel modèle vous roulez ?
08:02On a roulé sur le Yamaha Niken.
08:04C'est une moto un petit peu originale qui a deux roues devant,
08:07mais qui est une moto qui est hyper stable, qui met en confiance,
08:10qui permet d'avoir un bon retour d'info du train avant.
08:13Et voilà, en plus, elle était bien suspendue puisqu'il y avait...
08:17Les suspensions étaient préparées avec des suspensions EMC.
08:20Et vu que je connais un peu le monde, c'était facile.
08:25La première fois, on allait faire 1000 Africa Twins avec un bon trail.
08:28Et sur les 120 et quelques engagés,
08:31Julien, je lui ai demandé dans l'épreuve de nuit de lui dire
08:34il faudrait en mettre un peu plus.
08:35Il m'a dit d'accord, on va arrêter de tricoter.
08:38Et on a fini 9e, je crois, sur les 120 engagés, un truc comme ça, à deux sur la moto.
08:43François, ça doit être des sensations quand même incroyables
08:45d'être sur ce genre de moto avec Julien sur les routes de France.
08:51J'en aurais pleuré de joie parce que jamais je n'aurais imaginé
08:55que je puisse prendre un plaisir pareil à être passager.
08:59Je n'ai jamais eu le moindre doute, la moindre peur.
09:02J'ai pris un plaisir mais incroyable.
09:05C'est peut-être parce que j'ai certainement une très grande confiance en Julien
09:10et puis qu'il n'a plus rien à prouver non plus.
09:12Il a su montrer ce qu'il était capable de faire.
09:14Il n'avait pas besoin de venir là et de prendre un risque pour qu'on aille tomber.
09:17Mais il m'a offert certainement le plus beau cadeau que j'ai jamais eu
09:21depuis 30 ans que j'ai perdu la vue.
09:24J'arrive encore à conduire une moto seul dans le désert,
09:26à faire un peu le couillon avec.
09:28Mais là, le plaisir a été vraiment très intense.
09:32C'était vraiment un cadeau fabuleux qu'il m'a offert.
09:36On l'a vécu vraiment à fond tous les deux.
09:37On parlera, François, de vos défis futurs en solo dans le désert
09:42ou pas en fin d'émission.
09:44Moi, ce que j'aimerais comprendre, Julien, c'est d'un point de vue des autorités,
09:48emmener quelqu'un de non voyant sur une moto,
09:50j'imagine qu'il a fallu convaincre certaines personnes
09:54comment cela s'est passé.
09:55C'est une très bonne question.
09:56La première fois, ce qu'on a fait en 2017,
10:00pour faire un peu un one shot, on va dire,
10:02ça a été très compliqué puisque dans le code du sport de moto,
10:08il est inscrit qu'une personne aveugle n'a pas le droit de monter sur une moto
10:12pour faire de la compétition.
10:13Sauf qu'en 2017, ils ont intégré la catégorie duo
10:18et personne ne s'est jamais dit qu'on pouvait emmener un passager aveugle.
10:24Du coup, personne ne voulait prendre la responsabilité de dire
10:27« Ok, on l'autorise à monter ».
10:29François, après plusieurs tentatives, a trouvé une personne,
10:33un médecin, qui est le médecin Galin,
10:38qui lui était un officiel de la Fédération française de moto
10:44et qui nous a dit « Ok, François Speck, il a toutes les capacités
10:50pour monter en passager derrière Julien Tenutti.
10:53Donc moi, ok, pas de souci, je tamponne son certificat médical. »
10:58Et grâce à ça, on est allé le vendredi soir prendre une licence à la journée.
11:02C'est vrai que c'était des bénévoles qui étaient en face de nous,
11:05qui nous ont dit « Il ne peut pas, il est aveugle.
11:06Si, regardez, le médecin a donné son accord.
11:09Donc si le médecin donne son accord, pourquoi on ne pourrait pas ? »
11:12Le vendredi soir, il n'y a personne à la Fédération française de moto
11:15à partir de 18h.
11:16Donc du coup, on a pu faire notre rallye.
11:19Et quand le lundi matin, les documents avaient été envoyés
11:22pendant le week-end à la Fédération française de moto
11:24et qu'ils ont vu que le lundi matin, il y avait une personne aveugle
11:27qui avait roulé et que ça, c'était bien passé,
11:31on avait fait quelque chose, on peut appeler ça, c'est de la…
11:35Comment tu l'appelles ?
11:36Jurisprudence.
11:38C'est ça.
11:39Jurisprudence.
11:40Ah oui, donc on était à la limite quand même.
11:43On était à la limite, mais il fallait faire ça pour justement montrer
11:47que malgré le vendredi…
11:49En fait, c'est sûr que pas grand monde voulait se mouiller,
11:51pas grand monde voulait prendre le risque parce que s'il y avait un souci,
11:55c'était celui qui allait dire « Ok, moi, je donne mon accord »,
11:59qui allait avoir toutes les responsabilités.
12:00Là, les responsabilités, je les ai prises sur moi.
12:02Évidemment, je n'avais pas le droit à l'erreur, c'est sûr,
12:04j'avais une responsabilité qui était importante
12:06parce que c'est moi qui étais au guidon
12:07et j'avais derrière moi une personne qui avait 100% de ma validité.
12:12Mais du coup, grâce à ça, ça s'est bien passé.
12:15On a montré que c'était possible et ça a fait une jurisprudence
12:17qui nous a permis en 2021 de pouvoir faire une saison complète
12:20de Changement de France des rallies.
12:22Et le nouveau président de la fédération, qui est Sébastien Poirier,
12:26nous a donné son accord pour dire « Ok, maintenant, on va faire un avenant
12:31qui va vous permettre de faire ça et de pouvoir communiquer sur le handicap. »
12:35Donc, merci aussi à Monsieur Sébastien Poirier.
12:38Vous faites partie des pionniers et vous avez ouvert des portes
12:42pour que d'autres personnes en situation de handicap
12:45puissent vivre les mêmes sensations que vit François.
12:51En fait, en résumé, vous donnez un droit à la sensation, Julien.
12:56Je veux vraiment justement montrer que malgré le handicap,
12:59tout est possible et qu'il faut se battre et il faut croire en ses rêves
13:02et que la vie n'est pas foutue quand on a un handicap.
13:05C'était vraiment important pour moi de faire passer ce message
13:10parce que j'aurais pu justement, suite à mon crash au Dakar,
13:14être dans un fauteuil roulant ou dans une situation de handicap un peu lourde à porter.
13:19J'aurais aimé à ce moment-là qu'il y ait quelqu'un qui me prenne par la main
13:21et qui me dise « Julien, viens, je vais te faire revivre les sensations que tu as vécues
13:25quand tu faisais du rallye et que tu étais 100% valide ».
13:29Voilà, ça, j'ai pu le faire avec François.
13:31Ça lui a permis de revivre un petit peu les sensations qu'il vivait avant son handicap
13:37parce que François, il était motard, mais il n'était pas que motard,
13:40il faisait aussi de la compétition.
13:42Donc là, il a pu revivre la compétition de l'intérieur
13:45là où, jusqu'à maintenant, grâce à sa société EMC,
13:49il sponsorise beaucoup de pilotes de motos
13:52et il vit la compétition, mais il ne la vit pas de l'intérieur.
13:55Grâce à vous, François Speck est redevenu motard.
13:58On va en parler dans la seconde partie de l'émission
14:01qui va être dédiée à vos parcours respectifs,
14:03mais également à la performance.
14:05C'est l'heure de Parcours Perf.
14:11François Speck et Julien Tognutti sont nos invités aujourd'hui
14:14dans A Vos Marques pour évoquer le rallye moto,
14:18une aventure qu'ils vivent en duo.
14:20Revenons sur vos parcours respectifs, messieurs.
14:24Comment votre passion est-elle née pour la moto, François Speck ?
14:29En petit, j'adorais bricoler les vélos,
14:31ça a été les mobilettes et puis la moto très, très, très vite.
14:35Et je n'ai jamais rien lâché, la première 125 à l'âge de 12 ans,
14:39la première 500, j'avais 14 ans.
14:41Donc, j'avais rien lâché et j'en ai d'ailleurs fait mon métier,
14:44j'ai appris la mécanique moto
14:47et j'ai monté ma première petite entreprise
14:51en démontant des motos d'occasion pour faire de la pièce neuve,
14:54et puis etc. jusqu'à fabriquer des châssis de moto dans les années 90.
14:59Fabriquer des châssis et puis voilà, je faisais de la compétition de moto,
15:03je m'éclatais en Moto2 et tout était génial.
15:06J'aimerais que vous me racontiez, François, un petit peu votre histoire.
15:09Vous avez eu un accident, vous êtes non-voyant depuis 1992,
15:15racontez-moi ce moment, l'avant, l'après.
15:18Eh bien, je faisais de la compétition à l'époque
15:20et je devais faire une très belle course qui s'appelait le guidon d'or à l'époque
15:23et quelques jours avant, j'ai dit je ne vais pas y aller
15:28parce que si je reviens, je serai dans un chariot,
15:30il va m'arriver un grave accident, ce n'est pas la peine, je ne peux pas y aller.
15:33J'ai donc laissé l'engin à un de mes collaborateurs dans l'entreprise
15:37et lui, il est parti et je suis allé réparer une roue à sa place
15:42et cette roue était mal fabriquée, il y avait un vis de fabrication
15:45et quand je l'ai gonflé, c'est dessous l'ennui, ça fait un disque d'acier
15:50qui m'a percuté la tête à la hauteur des yeux,
15:53ça fait un disque d'acier qui m'a coupé la tête en deux.
15:55Donc, ça s'est fini avec trois semaines de coma,
15:5818 fractures du crâne, les yeux et le dos en moins
16:02et là, ça a été un peu l'indécente dans l'enfer pendant quelques années.
16:07La perte de contrôle de la société, la perte de la famille, la perte morale,
16:12on cherche la corde, on cherche le gaz, on cherche l'armoire à flamme assise,
16:16on a envie de s'arrêter.
16:17Et comment est-ce que vous avez surmonté cette épreuve ?
16:20Je pense que ce qui m'a vraiment sauvé,
16:23c'est que j'ai pu continuer à travailler dans le milieu de la moto
16:26et c'est ma passion qui fait que je me suis accroché à ça.
16:29Je pense que si je n'avais pas été passionné,
16:33je m'en serais certainement mal remis ou pas remis
16:36mais c'est vraiment le fait d'être resté avec ma passion qui faisait vraiment toute ma vie,
16:40la moto, c'était 24 sur 24.
16:43Le fait de rester travailler dans le milieu de la moto avec l'entreprise que j'avais à l'époque,
16:47c'est ce qui m'a fait tenir la tête hors de l'eau,
16:49même si j'en étais jusqu'à faire grève de la faim
16:51pour ne pas déposer le bilan de l'entreprise.
16:53Ça a marché, les médias s'en ont mêlé, m'ont soutenu,
16:56ça a fait craquer les compagnies d'assurance.
16:59J'ai gardé ma société et puis, d'histoire en histoire,
17:03j'ai commencé à récupérer une société anglaise
17:06qui fabriquait des amortisseurs.
17:08J'ai importé ça et puis pas de mots,
17:10deux ans après, ils ont déposé le bilan.
17:12J'ai dit tant pis, je viens de toucher le sol des indemnités de mon accident
17:15et avec ça, je vais m'éclater,
17:17je vais monter une entreprise en France,
17:18je vais fabriquer des amortisseurs.
17:20On m'a pris un peu pour un saint-vin,
17:22mais aujourd'hui, ça prouve que je n'avais pas si tort que ça,
17:24je n'ai pas ce qu'il faut que ça.
17:26Ça tourne, ça marche, j'ai une vie de rêve,
17:28je vis ma passion autrement que derrière la poignée de gaz
17:32mais je suis dans la moto tous les jours et je vis à fond.
17:36Simplement, il n'y a pas d'autre.
17:37Il y a beaucoup de personnes, même sans handicap,
17:42qui n'auraient pas fait le quart de ce que vous avez fait.
17:45Julien, c'est une belle rencontre que vous faites.
17:48Julien, c'est un pilote professionnel,
17:50vous avez participé au Tourist Trophy où vous êtes recordman français
17:54du meilleur tour sur l'île de Man, c'était en 2018,
17:57également sur le Dakar en 2019.
18:00Julien, racontez-moi un petit peu votre parcours,
18:03votre passion pour la moto, elle naît quand ?
18:07Je suis né dans une famille avec un père et une mère
18:11qui ne faisaient pas du tout de moto.
18:14Mes parents se sont séparés très jeunes, j'avais 3 ans.
18:17Je suis arrivé à la campagne à l'âge de 10 ans
18:19et forcément à la campagne, à cette époque-là,
18:22il n'y avait pas les réseaux sociaux, il n'y avait pas grand-chose,
18:24on avait juste le téléphone pour appeler les copains,
18:26c'était encore le téléphone avec le fil au bout
18:28pour ceux qui connaissent.
18:30Et du coup, si on voulait aller les voir,
18:32les villages étant séparés de 4-5 kilomètres, il fallait une mobilette.
18:36Donc à 14 ans et demi, j'ai réussi à avoir une mobilette
18:40parce que de 14 ans à 14 ans et demi,
18:42j'ai tanné ma mère tous les soirs pour qu'elle m'achète une mobilette,
18:45elle a craqué un jour.
18:47Et du coup, mobilette à 14 ans et demi,
18:51une 125 à 16 ans puisque j'ai passé le permis de 125,
18:54une moto à 18 ans puisque j'ai passé le permis de moto à ce moment-là
18:57et je m'étais promis que je passerais le permis moto avant le permis voiture,
19:00ce n'est pas vrai, j'ai eu le permis voiture le matin
19:02et le permis moto la pendidique, pour la petite anecdote.
19:04Et à 23 ans, j'ai monté un magasin de moto.
19:07Et du coup, j'ai découvert le rallye à 27 ans,
19:14j'ai deux copains qui sont rentrés dans mon magasin de moto
19:16une semaine avant le rallye du Beaujolais
19:18et qui me disent « Julien, c'est pour toi, inscris-toi,
19:20il faut que ça va te plaire, tu aimes bien rouler sur la route
19:26et c'est pour toi ».
19:27Et je leur dis « Non, je tiens le magasin samedi
19:29et du coup, je n'ai pas de moto pour rouler sur la route ».
19:31Donc, ils repartent un peu déçus.
19:32Et à 20-48 heures avant, « Julien, inscris-toi, il reste deux places ».
19:35« Non, je n'ai pas de moto et je bosse samedi. »
19:38Et là, j'ai mon mécano qui me tape sur l'épaule et qui me dit
19:40« Tu n'as pas d'excuse, je tiens le magasin samedi et je te prête ma moto ».
19:44Et l'histoire de ma vie, ma deuxième vie,
19:47elle a basculé à ce moment-là, elle a commencé à ce moment-là
19:50puisque sans cette tape sur l'épaule,
19:53aujourd'hui, je serais peut-être encore en train de vendre des batteries,
19:55des filtres à air, des filtres à huile et de faire des révisions de moto.
19:58Donc, je suis parti en rallye, ça s'est bien passé.
20:01Et depuis, notamment, vous avez gagné 5 championnats de France,
20:06des rallies routiers, c'est bien ça ?
20:09Oui, il y a eu 5 types de champions de France des rallies,
20:11il y en a 5 aujourd'hui.
20:13Après, quand c'est arrivé, je me suis dit « Qu'est-ce que c'est la suite ?
20:16Il n'y a pas de championnat d'Europe des rallies, c'est franco-français.
20:18La suite, c'est une course qui me faisait rêver, c'était le Touristrophie,
20:20une course qui me paraissait inaccessible.
20:22Mais je me suis dit que si je n'essayais pas, c'est sûr que je n'y arriverais pas.
20:24Donc, j'ai essayé de me qualifier sur une course qui s'appelle le Manx Grand Prix.
20:29Il m'a fallu 2 ans pour me qualifier là-bas, j'y suis arrivé.
20:32Et en 2016, j'ai fait mon premier Touristrophie.
20:35Et vous êtes le premier à enchaîner le Touristrophie et le Dakar, si je ne me trompe pas.
20:39Et c'est là que se crée votre lien avec François.
20:43Le lien avec François est bien plus ancien que ça.
20:47Pour la petite histoire, c'est que François, avant de monter mon magasin de moto,
20:50puisque j'ai dit qu'il y a 23 ans que j'allais monter un magasin,
20:53je suis allé voir François sur un salon de la moto.
20:57J'ai rencontré François et je suis allé le voir en lui demandant des conseils parce qu'il...
21:04J'étais exposant là-bas et j'ai vu un petit jeune de 23 ans arriver.
21:08« Bonjour monsieur, s'il vous plaît, vous avez monté une belle société.
21:12Est-ce que vous pouvez m'expliquer comment il faut faire pour créer une société ?
21:15Est-ce que vous pouvez me guider ? »
21:16Et je lui ai dit « Ben les gamins, viens me retrouver dans l'entreprise.
21:19Je vais t'expliquer mon parcours et je vais surtout te montrer partout où je me suis planté
21:23et ça t'évitera déjà de prendre des claques comme je les ai prises. »
21:27Et ça a permis à Julien de lancer sa première entreprise comme ça.
21:31Et il est parti dans le monde du business.
21:34C'est ça, j'ai démarré cette activité à 23 ans.
21:38Et on s'est retrouvés après avec François justement, mais là par rapport au sport,
21:43puisque j'ai décroché deux titres de champion de France des rallies au début.
21:50Et après, je suis passé chez Yamaha, j'ai eu un contrat avec Yamaha France.
21:55Et justement, cette moto qui était la Yamaha MT-09, elle méritait de meilleures suspensions.
22:00Je suis allé voir François, François m'a dit « t'inquiète pas, on va faire ce qu'il faut ».
22:03Et il a équipé ma moto de ses suspensions EMC.
22:06Et j'ai décroché deux nouveaux titres de champion de France des rallies avec ses suspensions EMC.
22:10Donc ça montre aussi les performances de la marque EMC.
22:15On peut gagner des rallies, on peut gagner des titres de champion de France.
22:19On voit François sur la moto, il est handicapé.
22:22Mais je pense qu'il ne faut pas qu'on oublie, en parlant tous ensemble,
22:26qu'il y a aussi beaucoup d'autres handicapés qui sont des superbes nettes.
22:32Alors pas dans le sport, mais dans le milieu du travail.
22:34Et quand on voit les gars qui vont boulot dans des ateliers,
22:37même dans des ateliers moto avec leurs petits chariots d'handicapés,
22:40je dis que là, ça aussi c'est des sacrés phénomènes ces gars-là.
22:45Quelles sont vos prochaines échéances, vos prochaines compétitions en duo ?
22:49J'ai bien dit en duo parce qu'on va revenir sur un défi un peu fou
22:53que vous voulez vous lancer François, juste après ça.
22:56En duo, l'idée c'est que si on peut se refaire au moins un rallye cette année,
23:01ce serait sympa après une saison complète en champion de France des rallies 2021
23:07ensemble avec François.
23:08Si on peut se refaire au moins un petit rallye ensemble cette année, on le fera.
23:11François, si je vous dis que vous ambitionnez avec votre moto
23:14d'être plus rapide qu'une fusée, est-ce que je suis dans le vrai ?
23:19C'est un projet, mais j'aime bien les projets un peu fous.
23:22J'arrive encore aujourd'hui à rouler au guidon d'une moto, seul.
23:26Il faut de l'espace, donc le désert ça va bien, les grandes plages,
23:29les grands prêts, les trucs comme ça.
23:30Et je prends encore un grand plaisir à accélérer et aller vite,
23:33et même à mettre une moto en travers.
23:35Mais j'aimerais bien faire un petit délire et je rentre de Floride ce week-end
23:40et je suis passé devant un Cap Canaveral, j'ai un ami qui connaît bien là-bas.
23:44Et j'ai l'ambition d'aller sur la piste d'atterrissage de la navette,
23:49d'aller sur un point de gaz très fort avec une Harley Gavitio.
23:54Et j'aimerais bien être un miro là-bas, rapide, sympa.
24:00Je n'attendais pas moins de vous.
24:03Merci messieurs, en tout cas, d'avoir participé à cette émission.
24:07On suivra votre aventure avec grand intérêt.
24:11Merci à vous de nous avoir suivis.
24:13Merci aux équipes en régie pour la préparation de cette émission.
24:15On se retrouve la semaine prochaine pour un nouveau numéro d'Avomark.
24:18Belle semaine à tous sur Sport en France. Salut !
24:33Sous-titrage ST' 501

Recommandations