• il y a 6 mois
Depuis l’invasion russe en Ukraine, la guerre a fait son grand retour en Europe. Certains de nos voisins européens pensent par exemple à rétablir le service militaire pour leurs jeunes.
Que leur inspire la guerre ? et qu'inspire l'institution militaire après que le mouvement MeToo a gagné l'armée ?
On en parle dans "Avoir 20 ans".

Année de Production : 2024

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00:00Générique
00:19On la croyait disparue, rangée dans les pages sombres des livres d'histoire.
00:24Mais depuis maintenant deux ans et demi, depuis l'invasion russe en Ukraine, voilà qu'elle a fait son grand
00:30retour en Europe. La guerre est proche, à quelques centaines de kilomètres de nos frontières, et elle est de plus en plus concrète.
00:36Certains de nos voisins européens pensent par exemple à rétablir le service militaire pour leurs jeunes.
00:43Justement, que pense la jeunesse de cette nouvelle donne ? Ce pour qui la conscription en France appartient au passé ?
00:49Se voient-ils s'engager pour défendre leur pays ? Que leur inspire la guerre, crainte, effroi,
00:56patriotisme,
00:57antimilitarisme ? On en parle aujourd'hui dans Avoir 20 ans. Sur ce plateau, j'ai le plaisir d'accueillir
01:02l'aspirant Maëlla, bonjour. Bonjour. Vous avez 23 ans et vous êtes élève officier à l'école navale. Face à vous, Manes Nadel, bonjour.
01:10Vous avez 17 ans et vous êtes vice-président de l'union syndicale lycéenne.
01:15À côté de vous, j'ai le plaisir d'accueillir Rodi Louranet, bonjour. Bonjour. Vous êtes historienne, professeur d'histoire contemporaine à l'université de Bourgogne, et je cite
01:24votre ouvrage, Bon pour le service, la caserne à la fin du XIXe siècle. Et enfin, Thierry Ribouet sur ce plateau, bonjour.
01:32Vous êtes sociologue, chercheur en sciences sociales au CNRS, et votre dernier livre publié en
01:382021 s'appelle Contre la résilience à Fukushima et ailleurs, publié aux éditions de l'Échappée.
01:45Pour commencer, je vous propose tout simplement d'essayer de parler ensemble de ce que vous inspire la guerre aspirant Maëlla.
01:52Si je vous dis guerre aujourd'hui, à quoi est-ce que vous l'associez ? Est-ce que c'est de l'ordre du possible, du probable, du passé, du présent ?
02:00Disons qu'à l'école navale, la première chose qu'on nous a dit, c'est qu'on était la génération qui connaîtrait le feu sur l'eau,
02:06car la prochaine guerre certainement aura lieu en mer.
02:09Donc vous vous y préparez, et pour vous c'est du domaine du possible, et vous vous y préparez ?
02:13Disons qu'à l'école navale, on se prépare d'une certaine manière, de par l'aguerrissement sur les terrains, ou alors en mer quand on fait des corvettes.
02:21Donc les corvettes, c'est deux semaines en mer, sur des bâtiments à école, qui sont plutôt rustiques,
02:29qui ont une tenue moins stable que les bâtiments actuels, où on est beaucoup sollicité, on dort peu, et voilà, ça nous forme un petit peu à s'aguerrir.
02:40On vous y prépare concrètement, quand on vous dit que vous êtes la première génération qui va connaître le feu.
02:46Comment est-ce qu'on vous l'a dit, en fait ? On vous a dit, voilà,
02:48c'est pour, d'ici quelques années, pour vous ?
02:54Là-dessus, je ne peux pas vous dire, mais je pense qu'on s'y prépare davantage une fois sorti de l'école navale,
03:00lorsqu'on est affecté sur d'autres bâtiments, on fait des exercices avec, voilà, effectivement, avec des armes.
03:07On s'y prépare davantage, ou encore avec la mission Jeanne d'Arc, on prend davantage conscience, finalement, de notre futur métier et de ce qu'on va défendre.
03:18Même question, Manès, j'imagine que vous ne vous y préparez pas du tout de la même manière,
03:22mais on voit, voilà, que dans les écoles militaires, c'est quelque chose d'extrêmement concret et de l'ordre, au moins du possible, et qu'on s'y prépare.
03:30Non, mais déjà, moi, la guerre m'inspire plutôt quelque chose de négatif, a priori,
03:34mais je pense que c'est pareil pour tout le monde, personne n'a envie de souffrir ou de mourir.
03:38Mais après, moi, je ne suis pas forcément d'accord avec votre constat, c'est-à-dire que la guerre, en réalité,
03:43elle n'a jamais vraiment disparu, cette idée de la fin de l'histoire qui a été développée à la fin du XXe siècle,
03:48elle était quand même largement fausse, et on le voit aujourd'hui d'autant plus.
03:51Donc, pour moi, la guerre est moins quelque chose qui n'est pas vraiment là aujourd'hui et qui pourrait arriver à court terme,
03:59mais plutôt quelque chose qui est déjà là, en partie, et qui résulte d'une escalade qui peut mener à quelque chose de beaucoup plus grave.
04:07Mais dans tous les cas, c'est quelque chose à éviter, si possible, et je préférerais ne pas avoir à m'y préparer.
04:11Mais après, je comprends, bien sûr, qu'il y ait des gens dont l'utilité, en quelque sorte, consiste à s'y préparer.
04:18– On va parler du contexte un petit peu géopolitique actuel,
04:22mais vous n'avez pas le sentiment qu'elle est plus proche aujourd'hui qu'hier,
04:27ou plus possible, du domaine du probable ?
04:30– Si, je pense qu'il y a un risque d'escalade militaire encore plus forte qu'elle l'est aujourd'hui,
04:34et bien sûr, la guerre s'est rapprochée géographiquement, avec, vous l'avez dit, le conflit en Ukraine,
04:40même si on l'oublie parfois, mais il y a quand même eu déjà des conflits armés
04:43aux marches de l'Empire russe, si on peut dire ça comme ça, au début des années 2000.
04:49Mais en tout cas, oui, elle se rapproche, bien sûr, et c'est quelque chose, je pense, d'assez…
04:52Il y a beaucoup de choses qui peuvent stresser les lycéens, les jeunes, en général,
04:55mais je pense que la guerre et son imminence en font partie.
04:59– Une étude récente, mandatée par le ministère des Armées,
05:02a conclu à une forme de regain du patriotisme chez les jeunes.
05:06Est-ce que ça vous surprend, l'un et l'autre ?
05:09– Je pense que les conflits actuels amènent la jeunesse à la réflexion sur leur engagement.
05:15Pour beaucoup, certains ne savent pas encore que faire, donc ça peut être une voie,
05:20et aussi donner du sens à leur vie, en se sentant utile, finalement, à la France,
05:28c'est plutôt gratifiant.
05:30– Vous sentez, vous, un regain de patriotisme autour de vous, quelque chose de cet ordre-là ?
05:36Des personnes qui seraient prêtes à s'engager plus aujourd'hui qu'hier ?
05:40– Ça, moi, la comparaison avec hier, je suis compliqué,
05:42je suis plutôt dans aujourd'hui que dans hier,
05:44mais après, je trouve qu'il y a quelque chose de parfois un peu ambigu
05:49dans la manière dont on en parle, c'est-à-dire que,
05:50patriotisme, qu'est-ce que ça veut dire ?
05:52On peut bien sûr aimer son pays, que ce soit pour tout un tas de raisons,
05:56dont par exemple les idées qu'il devrait porter,
05:59mais par contre, je pense qu'il faut faire la différence
06:02entre l'amour possible pour son pays et la détestation de celui des autres,
06:06et je trouve que, souvent, quand on dit
06:07les jeunes seraient prêts à mourir pour la France,
06:09ou sont patriotiques, etc.,
06:11on ne définit pas vraiment ces termes-là auparavant,
06:13c'est d'ailleurs un peu le principe…
06:14– Comment vous le définiriez, pour vous,
06:16un patriotisme dans lequel vous vous reconnaîtriez ?
06:19– Je crois qu'il y a une phrase de Jean Jaurès qui dit
06:21un peu d'internationalisme éloigne de la patrie,
06:24beaucoup l'en rapproche, quelque chose comme ça,
06:26mais moi, je pense qu'il y a un peu de ça,
06:27c'est-à-dire qu'évidemment, il faut avoir de la compassion
06:30pour tous les êtres humains, quels qu'ils soient en général,
06:33et je ne pense pas qu'il y ait de nations supérieures
06:36ou de peuples supérieurs à un autre,
06:38après la France, dans ce qu'elle a de républicain
06:40et de plus grand qu'elle a déjà eu dans son histoire,
06:43là, oui, je peux me reconnaître dedans,
06:45mais ce n'est ni dans une culture nationale particulière,
06:49je ne pense pas qu'il y ait de supériorité
06:50de certaines cultures sur d'autres,
06:52même si aujourd'hui, ça devient un peu la norme de le dire,
06:55par contre, je pense qu'il y a des idées
06:56que la France a pu porter dans son histoire
06:58et qui, elles, méritent d'être pleinement plébiscitées.
07:02– Odile Branette, ce regain de patriotisme
07:04dont parle cette étude qui, je le précise à nouveau,
07:08a été mandatée par le ministère des Armées,
07:10est-ce qu'il vous surprend aujourd'hui ?
07:13– Alors, effectivement, vous avez raison,
07:16je pense d'abord de préciser qu'on parle d'une étude
07:19qui a été commanditée par l'armée, en fait,
07:22auprès du Cevipof, pour sonder…
07:25– Ils sont en train de rechercher de sciences politiques, de Sciences Po.
07:28– De Sciences Po, pour essayer de sonder, un tout petit peu,
07:32les cœurs de la jeunesse des 18-25 ans,
07:37en 2023, autour de ces questions-là.
07:39Donc, il faut bien se rendre compte, d'abord,
07:42que ce sondage, il est pris, finalement,
07:44dans une espèce de questionnaire, finalement,
07:49que nous invite à poser le regain, effectivement,
07:58des tensions internationales.
08:00– Le contexte de la guerre en Ukraine, notamment.
08:02– Et le retour, nos deux jeunes présents sur le plateau
08:06en parlaient à l'instant, de cette guerre qui, en effet,
08:09n'a jamais été absente du quotidien,
08:12mais qui avait disparu, on va dire, de l'espace européen proche,
08:17après la guerre de l'ex-Yougoslavie.
08:19Donc, il y a cette espèce de réalité,
08:23dont on aurait certainement préféré qu'elle soit bien éloignée de nous,
08:28qui revient de manière extrêmement proche,
08:32et du coup, évidemment, se posent toutes les questions,
08:37absolument, qu'on voit à chaque époque, finalement,
08:42et là, c'est plutôt l'historienne qui parle,
08:44se reposer, c'est-à-dire la situation,
08:47la position des sociétés, des hommes et des femmes,
08:50par rapport à ces risques de guerre.
08:52Et je crois que la question du patriotisme,
08:56il faut la distinguer, en effet, du nationalisme,
09:01de manière très importante.
09:03Je pense que ce qu'indique ce sondage,
09:07surtout, c'est peut-être plus qu'un regain de patriotisme,
09:12je dirais plutôt une anxiété très forte de la jeunesse
09:16vis-à-vis du contexte international.
09:21Oui, parce que la guerre reste associée,
09:24notamment, c'est ce qui ressort en premier,
09:25à quelque chose d'anxiogène, de mortifère, etc.
09:30Voilà, il y a une très grande inquiétude.
09:32On ne peut pas dire que la jeunesse soit vâte en guerre,
09:33ce n'est pas du tout à ça qu'aboutit cette étude.
09:36C'est ce que je voulais dire.
09:38C'est-à-dire une très grande anxiété,
09:40une très grande préoccupation aussi,
09:42et les jeunes, je trouve, sont, à travers, en tout cas,
09:45dans cette enquête, très concernés par les enjeux internationaux
09:50et par ce qu'il est, contrairement à une idée
09:52qu'on aurait pu avoir, un peu, je l'ai dit,
09:55de jeunes déconnectés, de jeunes gens qui, finalement,
09:59seraient en dehors du monde dans lequel ils ne vivent pas du tout.
10:02Bien au contraire.
10:03Thierry Ribault, on est aussi dans un moment
10:05où le message politique, par exemple,
10:07le message présidentiel, se fait de plus en plus martial.
10:11Ça a commencé dès la crise Covid,
10:14avec les fameux « Nous sommes en guerre »,
10:15jusqu'à aujourd'hui, la guerre en Ukraine.
10:17Et dernièrement, quelque chose qui m'a frappée,
10:20le président de la République, lorsqu'il s'est entretenu
10:23avec des jeunes dans le groupe Ebra,
10:26voilà, on voit la couverture qui s'affiche,
10:29a parlé, assez rapidement, de l'Europe de la défense,
10:33de la dissuasion nucléaire.
10:35On est dans un climat martial, aujourd'hui, vous le diriez ?
10:39La guerre, c'est quand même, aussi,
10:42c'est quand même déjà une horreur,
10:45c'est l'horreur de retirer la vie à des êtres humains, quand même.
10:51C'est d'abord ça, la guerre.
10:53Il faut revenir sur...
10:54Vous voulez la dimension mortifère dont on parlait ?
10:55Oui, quand même.
10:56Et heureusement, j'ose espérer qu'il y a des jeunes
11:00qui ont peur de la guerre, et j'espère.
11:03Et cette peur-là, il ne faut surtout pas leur ôter,
11:05ou mettre en place des politiques qui permettraient de leur ôter
11:08en leur faisant croire que la guerre,
11:10c'est quelque chose de valorisant, de positif,
11:14et surtout, c'est quelque chose dont on pourrait se réparer.
11:18Il y a cette idéologie, actuellement,
11:21selon laquelle, comme toutes les autres catastrophes,
11:23la guerre, en fait, serait réparable.
11:25C'est-à-dire qu'au fond, les dégâts de la guerre seraient réparables.
11:29Or, en fait, ce n'est pas vrai.
11:31Du coup, comment est-ce que vous accueillez ce discours politique
11:34qui parle de plus en plus de façon martiale,
11:37qui parle de réarmement à la jeunesse ?
11:40Comment est-ce que vous l'interprétez ?
11:42Je l'interprète par le fait qu'il s'agit, en fait,
11:46pour moi, c'est un détournement des consciences.
11:48C'est-à-dire qu'en fait, faute de pouvoir répondre,
11:51ou de savoir répondre, le pouvoir actuel,
11:55faute de savoir répondre aux vrais problèmes de la société,
11:59qui sont les problèmes, quand même, de l'environnement,
12:03j'ai cru comprendre qu'il y avait des petits problèmes
12:05avec le réchauffement climatique,
12:08il y a quand même des problématiques globales qui sont très lourdes.
12:13En fait, faute de répondre à ça, qu'est-ce qu'on fait ?
12:15On va chercher des fausses réponses, comme la guerre, par exemple.
12:18La guerre, c'est une fausse réponse, ça aussi, il faut...
12:20C'est une réponse ou c'est un contexte ?
12:22Parce que c'est aussi un contexte qui s'impose à nous,
12:25c'est peut-être aussi un...
12:26C'est une réponse qui prétend...
12:27C'est un outil qui prétend répondre,
12:29mais qui ne répond à rien en matière des crises que nous traversons.
12:34C'est ça, le problème.
12:35Tout deux.
12:36Est-ce que vous avez l'impression qu'aujourd'hui,
12:38on prépare les esprits à cette idée, celle du réarmement national,
12:41celle de la mobilisation de la jeunesse, Manès, par exemple ?
12:47Non, mais ça, pour moi, c'est une évidence.
12:49D'une part, il y a un retour, effectivement, ça a été dit,
12:52de la parole militaire, ce n'est pas anodin, quand même.
12:55Non seulement, on peut considérer qu'il y a un retour de la guerre
12:58dans les esprits, mais il est aussi préparé par la parole,
13:00et la parole politique, elle prépare ça.
13:02Et quand on parle de guerre au moment du Covid,
13:04et je dirais même, quand on importe la logique guerrière
13:07au champ politique français, c'est-à-dire que,
13:10par exemple, sur le sujet palestinien,
13:12aujourd'hui, on reproche aux personnes qui se posent en soutien
13:16du peuple palestinien d'importer ce conflit-là,
13:18mais en réalité, ce sont les personnes au pouvoir
13:20qui vont dire, par exemple, tel camp politique fait du terrorisme,
13:25de l'éco-terrorisme, de l'apologie du terrorisme,
13:27on va apporter ces mots-là, comme si, en fait,
13:30la guerre était déjà dans les esprits.
13:33Il y a cette idée-là qu'on fait quand même,
13:35la guerre, un camp politique, ça veut dire quelque chose.
13:38Et donc, pour moi, oui, ça prépare cette idée-là.
13:40D'ailleurs, j'en brillerais même sur le fait qu'aujourd'hui,
13:42j'ai l'impression que la thématique de la guerre civile,
13:45non seulement est toujours portée par l'extrême droite,
13:48c'est-à-dire que ça reste très présent dans leur esprit,
13:49l'idée que ce prétendu grand remplacement
13:52mènerait, au final, à une guerre civile,
13:54et commence à être, je pense, à préoccuper aussi les gens,
13:58c'est-à-dire que, je ne sais pas, je pense même...
14:00– Vous dites qu'on est imprégné de la guerre bien au-delà de ce qu'on parlait,
14:03c'est-à-dire la guerre concrète, aux frontières de l'Europe, etc.
14:05– Oui, mais je pense que ça y est parti.
14:07– Voilà, il y a un climat politique général qui impose cette logique guerrière.
14:12– Moi, je serais toujours d'accord avec monsieur sur le fait que
14:15c'est aussi une manière de se détourner des vraies problématiques,
14:18et la guerre ne va pas résoudre le réchauffement climatique
14:20ni l'effondrement social, loin de là.
14:23– On va continuer à parler de la mobilisation de la jeunesse
14:25et de la question de la guerre, mais Maëlla, tout simplement,
14:28est-ce que vous pourriez nous expliquer comment, pourquoi,
14:30vous avez eu l'envie de rentrer dans une école militaire
14:34et de faire carrière dans l'armée ?
14:36Qu'est-ce qui vous a attiré dans ce type de carrière ?
14:38– Alors déjà, depuis toute jeune, j'ai été attirée par ce milieu.
14:43J'ai eu mon grand-père paternel, que je n'ai pas eu la chance de connaître,
14:45qui était marin.
14:47Mon autre grand-père, lui, était sapeur-pompier volontaire.
14:52Mais je n'ai pas d'autres membres dans ma famille proche
14:55qui sont directement dans les armées,
14:57contrairement à certains où ça se fait de génération en génération.
15:01Également, j'ai toujours vécu en bord de mer,
15:03donc j'ai une attache forte avec la mer.
15:06Et de nature plutôt sportive et déterminée,
15:11j'ai voulu servir mon pays et puis aussi me dépasser, m'aguerrir davantage.
15:17– Et vous vous êtes préparée, vous, à l'idée de faire la guerre ?
15:20Vous disiez tout à l'heure d'aller au feu jusqu'à l'idée du sacrifice ultime.
15:25C'est quelque chose à laquelle vous vous sentez prête ?
15:27– En ayant décidé de m'engager dans la Marine nationale,
15:31cela signifie qu'on pourra être amené à donner comme recevoir,
15:35effectivement, le sacrifice ultime, c'est-à-dire donner comme recevoir la mort.
15:40Et ça fait partie intégrante de notre engagement.
15:42– Je me permets d'étudier quelque chose quand même.
15:47Très bref, un chiffre, je ne suis pas amateur de chiffres,
15:50mais on peut au moins citer celui-là.
15:5290% des victimes de l'utilisation des armes explosives ne sont pas des militaires,
15:58ce sont des civils.
16:01– Et donc vous voulez avertir sur les désastres de la guerre qui…
16:04– Moi je veux bien que les militaires aient le goût du sacrifice,
16:06c'est leur affaire.
16:09Mais seulement il y a 90% des gens qui meurent qui sont des civils.
16:13– On va continuer à… Allez-y.
16:15– Oui, il y a quelque chose qui m'intéresse aussi dans cette question-là.
16:18Je trouve ça bien qu'on ait un débat avec des gens qui ne sont pas du tout d'accord.
16:21En tout cas, c'est l'impression que j'ai.
16:23Mais moi, je peux comprendre l'idée, je peux même la partager,
16:26qu'il faudrait peut-être mourir pour une cause ou pour quelque chose de grand.
16:30Pour moi, les personnes qui sont mortes, par exemple dans la résistance,
16:34l'ont fait pour défendre les idéaux,
16:35et ce n'était pas pour défendre la France en tant que telle,
16:37puisque Vichy se réclamait aussi de la France.
16:40Mais je me demande comment simplement défendre les intérêts de son pays
16:47pourrait justifier de se sacrifier et de sacrifier d'autres personnes,
16:50potentiellement des gens qui ne le veulent pas, pour celui-ci.
16:54Et je ne comprends pas comment on peut penser ça,
16:57et je pense que madame n'est pas la seule,
16:59sans pour autant penser que par définition son pays serait supérieur aux autres.
17:04– On va continuer à s'intéresser aux jeunes qui s'intéressent aux questions de défense.
17:08Ils ne notent pas tous pour une école militaire, l'IHEDN,
17:12l'Institut des Hautes Études de la Défense Nationale,
17:14qui a pour mission de former les civils aux questions de défense,
17:17sensibilise aussi les jeunes à la chose militaire,
17:20direction Belfort où Fabien Recker a accompagné des étudiants
17:23pour une visite au 1er Régiment d'artillerie.
17:26Reportage.
17:28– À 22 ans, Andréa, étudiante à HEC,
17:32s'apprête à vivre une journée un peu différente,
17:34loin des amphis de la fameuse école de commerce.
17:37– On est un régiment d'artillerie en Bourgogne,
17:40et on va faire une visite de la base.
17:44Moi, je ne m'y connais pas trop en armée et les matériaux de défense,
17:50mais on va visiter ça et j'espère m'en apprendre un peu
17:55par rapport à comment ça fonctionne.
17:58– S'il vous plaît.
17:59– Comme Andréa, ces jeunes de toute la France
18:02sont venus se former aux questions de défense au sein de l'IHEDN,
18:06l'Institut des Hautes Études de la Défense Nationale.
18:09Au programme, une visite du 1er Régiment d'artillerie de Belfort.
18:13– Un régiment, vous rentrez un soldat, vous le formez, vous l'entraînez,
18:19vous l'entraînez plus spécifiquement pour une projection,
18:21et ensuite, il part en mission.
18:22Et ça, c'est un cercle quotidien.
18:24– Créé par Louis XIV, le 1er RA est l'un des plus anciens régiments d'artillerie en Europe,
18:31déployé sur tous les théâtres d'opération où intervient la France.
18:35– Là, c'est vous que vous voyez.
18:37La caméra est là.
18:39L'ennemi, il faut qu'il la trouve.
18:40– Elle est potentiellement à 1, 2, 3, 4 kilomètres de lui.
18:44– Ce camion radar baptisé Cobra est unique au régiment.
18:48– On a pu visiter l'intérieur, et l'intérieur, c'est très informatisé,
18:51il y a des ordinateurs, c'est un peu style…
18:54Je trouve que c'est un peu vieilli, c'est un peu style Star Trek,
18:57il y a des vieux ordi, c'est assez impressionnant.
19:00Le commandant nous a expliqué qu'ils ont eu toute une formation
19:04pour faire des calculs et ainsi détecter les obus ennemis.
19:11– Il y a l'observation et la reconnaissance,
19:13mais le cœur de métier du régiment, c'est l'artillerie,
19:16avec comme fer de lance le LRU, pour Lance Roquette Unitaire.
19:22Jeanne Aranda travaille en alternance dans un grand groupe hôtelier,
19:25mais n'exclut pas une carrière dans la défense.
19:28– C'est très intéressant, si jamais je suis amenée,
19:30si jamais à travailler dans la défense nationale,
19:32de pouvoir comprendre les enjeux des personnels
19:38qui opèrent sur ce genre de matériel.
19:40– Étudiant en double cursus de commerce et d'ingénieur,
19:44Mathieu, 23 ans, est lui aussi venu découvrir un univers qui le tente.
19:49– Je suis très intéressé par le domaine de l'énergie,
19:51donc la production d'énergie à partir de nucléaires,
19:53des énergies ne renouvelables, les réseaux électriques,
19:54mais je suis également intéressé par les enjeux de défense
19:56et parfois j'hésite à m'engager dans l'armée
20:00ou au sein d'un ministère en tant que conseiller,
20:04donc ça me permet d'en savoir plus sur le domaine,
20:06de préciser mes connaissances et de découvrir de nouvelles opportunités
20:10au sein de la défense pour le pays.
20:13– Et c'est bien là la philosophie des semaines de formation
20:15à destination des jeunes, proposées par l'IHDN,
20:19qui allient conférences et visites de terrain.
20:22– On prend des jeunes qui ont des profils très diversifiés,
20:25il va y avoir des ingénieurs, des journalistes, des médecins,
20:28on a déjà eu des producteurs de cinéma.
20:31L'idée c'est de rassembler un échantillon de la société nationale française
20:36qui réfléchisse sur les questions contemporaines de défense.
20:39– Si Andréa, Mathieu ou Jeanne ne feront pas nécessairement carrière dans l'armée,
20:43peut-être auront-ils au moins envie de s'engager dans la réserve.
20:47L'armée cherche des réservistes et espère susciter des vocations.
20:53– Pour réagir à ce reportage, nous sommes en visio avec le sénateur
20:57Les Républicains du territoire de Belfort,
20:59président de la commission de la défense et des affaires étrangères,
21:02Cédric Perrin, bonjour.
21:04– Bonjour.
21:05– Cédric Perrin, vous connaissez bien l'IHDN, vous y intervenez parfois,
21:10pourquoi est-il pour vous important de former les jeunes
21:12aux questions de défense aujourd'hui ?
21:16– D'abord, je dois vous dire que je suis assez fier des jeunes
21:18qui ont été filmés dans ce petit reportage,
21:21parce que je pense que leur intérêt pour le patriotisme
21:24et pour la défense et la chose militaire me rassure quelque part,
21:28parce que je dois vous avouer qu'en écoutant les propos de votre invité tout de suite,
21:34qui expliquait que les militaires qui avaient le goût du sacrifice,
21:37c'était leur affaire, j'ai été particulièrement choqué.
21:40Voilà, je dois vous le dire, parce que c'est peut-être leur affaire,
21:42mais monsieur, si vous viviez dans un pays libre,
21:44c'est parce que certains ont fait le choix de s'engager il y a quelques années
21:47et de se battre pour notre liberté.
21:49Et dire que c'est leur affaire, c'est absolument choquant pour moi.
21:53Pour le reste, je pense que l'engagement qu'ils ont décidé de mettre en œuvre
21:59en intégrant cette semaine à l'IHEDN est un engagement particulièrement riche,
22:05qui leur permet en tout cas de connaître les contours de l'armée
22:07sans avoir pour objectif de s'y engager,
22:10et vous l'avez très bien justement dit dans le reportage,
22:12l'objectif de la loi de programmation militaire,
22:14c'est d'arriver à 80 000 réservistes d'ici à 2030,
22:17c'est peut-être 105 000 d'ici à 2035,
22:20et je pense que la sensibilisation en question de défense est un élément majeur.
22:24– C'est aussi une façon de montrer aux jeunes, vous parliez des réservistes,
22:27qu'il y a différentes façons de s'engager,
22:31il n'y a pas seulement en rentrant dans une école militaire,
22:34comme Maëlla sur ce plateau, on peut être réserviste,
22:37en quoi ça consiste exactement ?
22:40– Il y a une multitude de métiers,
22:42moi je trouve dommage d'ailleurs que dans les différents cursus de formation
22:46qui sont proposés à nos jeunes,
22:48il ne soit pas davantage expliqué quels sont les métiers
22:50qui peuvent être pratiqués en intégrant la marine,
22:54comme le fait Maëlla ou d'autres secteurs d'activité très intéressants,
23:00le cyber, quand vous allez visiter le porte-avions Charles de Gaulle
23:03et que vous voyez tous ces jeunes qui travaillent dans le domaine du nucléaire,
23:07il est bien évident que leur contrat terminé,
23:09s'ils souhaitent en tout cas passer dans le privé si je puis dire,
23:14leur avenir est tout tracé, sur le cyber c'est la même chose,
23:18il y a plein de métiers qui peuvent être découverts,
23:20qui ne sont pas forcément des métiers où on va dans une tranchée creuser
23:25et se battre sur le fond.
23:27– La défense ce ne sont pas que des personnes entrayées,
23:33ce sont des personnes qui peuvent être dans la société civile
23:35avec d'autres compétences.
23:38– Ce sont des gens qui sont y compris dans la société civile
23:40avec des compétences multiples et qu'ils peuvent ensuite valoriser,
23:44vous savez la difficulté des armées aujourd'hui c'est la fidélisation,
23:47le recrutement d'abord et la fidélisation ensuite,
23:49et si on prend des métiers comme celui du cyber par exemple,
23:52il est bien évident que d'un point de vue de la rémunération,
23:56les armées ne sont pas en capacité de concurrencer le privé,
23:59en revanche elles sont en capacité d'offrir à ces jeunes
24:03qui se lanceraient ou s'investiraient dans le domaine du cyber,
24:07une expertise, une expérience et puis une capacité de valoriser
24:12leurs connaissances absolument irremplaçables dans le privé ensuite,
24:16donc il y a évidemment dans le privé beaucoup de métiers à découvrir
24:20et moi j'espère qu'on arrivera davantage encore qu'on ne le fait aujourd'hui
24:23à faire découvrir ces métiers aux jeunes qui cherchent sans doute leur voie aujourd'hui.
24:27– Pour revenir à la question que j'évoquais tout à l'heure,
24:29est-ce que vous estimez vous aujourd'hui que nous sommes dans un contexte
24:33de réarmement où la guerre est désormais une possibilité
24:37à laquelle il faut préparer les esprits ?
24:40– Ecoutez, dans un monde où en 20 ans les dépenses de défense ont doublé,
24:45c'est-à-dire qu'elles sont passées de 2 000 à 2 000 milliards,
24:49on peut difficilement dire que nous ne sommes pas dans un monde
24:51qui malheureusement est en train de se réarmer,
24:53donc c'est bien évident qu'aujourd'hui la situation géopolitique,
24:58la situation internationale démontre clairement que les esprits s'échauffent
25:03malheureusement et je suis entièrement d'accord avec ce qui a été dit,
25:07par Manès et par tout le monde sur ce plateau,
25:11si on peut éviter la guerre, c'est évidemment l'objectif principal
25:15qui doit être fixé et que chacun se fixe,
25:17mais malheureusement nous sommes entourés de pays qui aujourd'hui,
25:22majoritairement, ne sont plus des démocraties
25:25et qui ont des ambitions qui sont des ambitions d'empire,
25:28des ambitions de constitution d'empire
25:30qui pour certains nous posent un certain nombre de difficultés
25:33et si tu veux la paix prépare la guerre,
25:36et je crois qu'aujourd'hui un certain nombre de pays
25:39ont vécu les dividendes de la paix ou en tout cas la fin de l'histoire,
25:43tout à l'heure Manès disait que ça n'a jamais été quelque chose
25:48qui nous a, je ne sais plus comment vous avez défini les choses,
25:54mais qui nous a échappé, les budgets ont baissé
25:57au moment de la chute du mur de Berlin,
25:59au moment de la fin du Pacte de Varsovie
26:03et c'était peut-être avec les yeux d'aujourd'hui une erreur,
26:07mais je pense qu'à ce moment-là chacun espérait vivement
26:09en tout cas que les dépenses militaires allaient diminuer
26:12et que nous allions vivre dans un monde en paix,
26:14ce qui n'est pas le cas, ce qui n'est pas le cas malheureusement
26:16et je pense que la situation ne va malheureusement pas en s'améliorant
26:20et donc il est nécessaire de préparer les choses
26:23pour être suffisamment dissuasif
26:25et je rejoins ce qui se disait tout à l'heure,
26:26c'est que nous sommes déjà en guerre,
26:27c'est-à-dire que la guerre de haute intensité
26:29telle que l'a définie le chef d'état-major des armées,
26:32c'est clairement que la guerre du cyber,
26:34la guerre du numérique, la guerre de l'informationnelle a déjà commencé
26:39et nous le subissons malheureusement au quotidien,
26:41les diverses attaques cyber que nous subissons
26:46ou que nos entreprises ou que nos services publics subissent quotidiennement,
26:48c'est déjà une forme de guerre
26:50et entre 2014 et 2020,
26:52les Ukrainiens se sont préparés à ce type de guerre
26:55parce qu'ils étaient également systématiquement attaqués
26:58par les forces russes notamment
27:00et je crois qu'une fois que cette guerre,
27:01malheureusement, ne permet pas d'être suffisamment dissuasif,
27:04on passe à un autre stade
27:06et aujourd'hui, effectivement,
27:08ce sont les Ukrainiens qui se battent pour nous en Ukraine
27:11et qui, vous le disiez tout à l'heure,
27:16connaissent évidemment des pertes très importantes.
27:18– Une toute dernière question, Cédric Perrin,
27:20on voit certains pays comme l'Allemagne
27:23débattre du retour de la conscription,
27:25on a vu la Lettonie qui a rétabli le service militaire en 2022,
27:29elle l'avait abandonné en 2007,
27:32est-ce que vous êtes favorable au retour
27:35du service militaire obligatoire aujourd'hui ?
27:39– Moi, je pense que ce n'est absolument pas la priorité
27:42et que ce n'est techniquement pas faisable à court terme.
27:45Donc pour moi, la priorité qui doit être donnée,
27:48c'est de donner les moyens à nos forces de répondre
27:51à l'ensemble des enjeux qu'ils se posent à nous
27:53et le retour d'un service militaire,
27:55ça impliquerait de changer à nouveau notre modèle d'armée
27:57puisque dans les années 90, je le rappelle,
27:59le modèle actuel qui se veut un modèle complet
28:01et professionnel a été choisi et il permet à la France
28:05de faire face à toutes les menaces aujourd'hui.
28:07Nous avons une armée très spécialisée,
28:10en tout cas très professionnelle,
28:11sur des matériels très spécifiques, très spécialisés
28:14et je pense qu'aujourd'hui, le véritable enjeu
28:17ce n'est pas le service militaire,
28:18c'est plutôt le renforcement du modèle
28:21de ressources humaines des armées,
28:23donc le recrutement, la fidélisation
28:24et puis la capacité qu'on peut avoir
28:28à effectivement attirer du monde et à les conserver,
28:32c'est la fidélisation, pour moi,
28:33c'est l'essentiel qui se trouve là aujourd'hui.
28:36– Merci, merci beaucoup Cédric Perrin
28:38d'avoir répondu à mes questions.
28:41Odile Rouanet, la conscription a été la règle dans de nombreux pays
28:45puis elle a été abandonnée par de nombreux pays
28:48à nouveau au tournant du XXIème siècle,
28:50comment ça s'est passé ?
28:51– Il y a plein de facteurs, d'abord il y a le contre-coup si vous voulez
28:57du passage à la dissuasion nucléaire
29:01qui a permis et favorisé si vous voulez cette idée
29:04que de toute façon un conflit de très très grande ampleur
29:08avec des masses de combattants de part et d'autre
29:11d'une frontière ou d'un front ou de plusieurs fronts
29:15allait devenir finalement quelque chose d'obsolète,
29:19donc on allait passer dans autre chose
29:20qu'il ne serait plus ces grands conflits intérétatiques
29:25qui impliquaient des armées très très importantes en nombre d'effectifs.
29:31Donc il y a eu ça, il y a eu le…
29:33et donc pour la France, si on parle uniquement de la France,
29:36après la guerre d'Algérie, on a cette espèce de retrait finalement
29:40de la réalité d'un risque de guerre,
29:45donc ça, ça a impliqué si vous voulez
29:47une sorte de recul par rapport aux services militaires,
29:54obligatoire, qui donc n'a été suspendu qu'en 1997.
30:00Il y a aussi un facteur très important,
30:02c'est évidemment les configurations et les reconfigurations géopolitiques
30:06après la chute du mur de Berlin et après l'effondrement de l'URSS.
30:11Donc voilà, on s'est replié sur des petites structures,
30:16des armées professionnelles, en France par exemple,
30:20mais pas seulement, en Belgique,
30:22enfin beaucoup beaucoup de pays européens sont passés à cette idée
30:25qu'une armée professionnelle pourrait suffire à, disons,
30:31organiser les conditions d'une sécurité maximale
30:36avec cependant de l'arme nucléaire, notamment pour la France.
30:42Donc ça, c'est un petit peu cette équation
30:45qui a fonctionné jusque très récemment
30:49et en particulier jusqu'au déclenchement du conflit entre la Russie et l'Ukraine.
30:55– Et on voit aujourd'hui que le débat revient sur la table,
30:59il y a aussi des pays qui ne l'ont jamais abandonné,
31:01on a vu une carte tout à l'heure, la Grèce, le Danemark, l'Autriche,
31:06l'Estonie, la Norvège ou encore Chypre,
31:09ce sont autant de pays où le service militaire est resté,
31:13et puis notamment la Finlande qui a plus de 1000 km de frontières
31:18en commun avec la Russie et où le service militaire est toujours la règle.
31:25Écoutez à ce propos le témoignage de Samuel
31:27à l'issue de six mois de service militaire obligatoire donc en Finlande.
31:32– It's just a part of your life, it's not something that you put a lot of…
31:36C'est une étape de la vie, ce n'est vraiment pas quelque chose
31:39qui nous met la pression, on sait qu'on doit servir
31:41et du mieux possible au cas où quelque chose arrive.
31:46– Manes, qu'est-ce que vous inspire ce témoignage ?
31:48Ça se passe en Europe, ce n'est pas si loin de chez nous,
31:52ça se passe en Finlande, de voir comme ça un jeune de votre âge
31:56ou un peu plus âgé pour qui le service militaire fait partie du cursus.
32:01Est-ce que vous pensez que ça pourrait être possible encore en France ?
32:06– Moi à titre personnel, ça ne m'étonnerait pas que la fenêtre d'Overton
32:09s'ouvre de ce côté-là et que ça re-rende dans le débat à un moment.
32:12Déjà, on a le retour de ce lexique guerrier,
32:15on a eu l'arrivée de ce service national universel
32:17qui en fait est une sorte de service militaire dans les mots
32:21mais sans le contenu puisqu'on n'apprend pas à manier des armes
32:25et encore heureux j'ai envie de dire, mais en tout cas moi…
32:28– Vous trouvez qu'au fur et à mesure, on pourrait aller vers là ?
32:33– Oui, parce que si on fait le constat que la guerre est déjà là,
32:35ce qu'a dit encore une fois le sénateur tout à l'heure,
32:38alors oui, si on pense que la guerre est déjà là
32:40et que de toute façon les autres pays sont par définition plus méchants que nous
32:43et vont nous attaquer à un moment, bon d'accord, on prépare la guerre.
32:45Et donc on se prépare à recommencer cette absurdité qu'est quand même la guerre.
32:48– Oui, je voudrais ajouter un petit peu à ce qui vient d'être dit,
32:51qu'il y a effectivement une espèce de fatalité en fait.
32:55Je trouve qu'actuellement l'État, que ce soit sur les aspects d'ailleurs stratégiques
33:03ou sur les aspects plus liés justement, on parlait tout à l'heure de la crise climatique,
33:07il y a un fatalisme en fait, les dirigeants sont devenus des dirigeants de la fatalité.
33:13Et donc la guerre fait partie de ces fatalités incontournables.
33:17– C'est-à-dire qu'on ne peut pas l'empêcher, donc il faut s'y préparer.
33:19– Voilà, il faut s'y préparer et donc il ne faut pas seulement s'y préparer
33:22avec des professionnels, mais il faut préparer la population,
33:26alors SNU et d'autres, et notamment avec la fameuse notion de résilience nationale
33:34qui a été développée par la Commission parlementaire pour la résilience nationale
33:38à partir de 2000, dans ses travaux de 2021, de juillet 2021,
33:43qui a rendu son rapport public trois jours avant l'entrée en guerre de la Russie en Ukraine,
33:50ça c'est assez intéressant.
33:51Et dans ce rapport, on voit parmi les 51 mesures qui sont proposées par les parlementaires,
33:58il y a évidemment la mise en place du SNU, le port de l'uniforme dans les écoles,
34:04l'instauration d'une journée nationale de la résilience,
34:08qui a d'ailleurs été actée puisqu'on en est déjà à sa deuxième édition maintenant,
34:13c'était en octobre, le 13 octobre.
34:16Donc ces mesures sont là, sans parler après de tout ce qui a découlé de tout ça encore,
34:22le continuum tout à fait, le réarmement civique, le réarmement démographique,
34:27donc j'ai envie de dire, on est déjà imprégnés de toute cette logique.
34:31On explique que déjà au niveau de la fertilité, il faut se préparer à la guerre,
34:35le réarmement démographique, c'est quand même considérer les hommes et les femmes
34:41comme des machines à reproduire, pour quoi faire ?
34:44Pour faire de la chair à canon, pas plus, pas moins.
34:47Odile Ouannet, vous voulez intervenir ?
34:49Je dirais qu'on est vraiment saturés effectivement par une sorte de rhétorique martiale
34:58qui envahit un peu tous les domaines du discours et tous les domaines de la réalité sociale.
35:04On voit bien par ailleurs, notamment dans cette enquête du Cevipof
35:09sur laquelle on a commencé l'émission, que les vrais soucis de la jeunesse
35:17ne sont pas l'éventuel surgissement d'un conflit militaire,
35:23mais des problèmes de société, réchauffement climatique, inflation, pouvoir d'achat,
35:30même sécurité, qui sont des questions que les jeunes peuvent se poser éventuellement.
35:38Voilà, donc on a une espèce de, d'un côté un réel, des tensions diplomatiques très très importantes,
35:46et puis de l'autre côté, une sorte de, effectivement, d'utilisation politicienne,
35:53je vais aller dire, de la peur, de la peur que peut susciter le surgissement à nouveau d'une guerre
36:00dans un discours, et je crois qu'en même temps, voilà,
36:04il faut dissocier la question de la légitimité, de la préparation à une guerre qui serait forcément défensive,
36:14et donc là, et puis…
36:18– On reprocherait à nos dirigeants de ne pas s'y préparer.
36:21– Et puis le pacifisme, c'est-à-dire que ce n'est pas contradictoire.
36:25Vous parliez de Jaurès tout à l'heure, et bien Jaurès, c'est quelqu'un qui,
36:29avant d'être assassiné en 1914, expliquait que le pacifisme était absolument la cause à défendre par-dessus tout,
36:41mais qui en même temps considérait que l'organisation d'une armée capable de défendre la nation
36:49et derrière cette nation, les idéaux qui ont porté cette France au cours du XIXe siècle,
36:56l'héritage de la Révolution française, pour le dire vite, ça valait la peine.
37:00Vous voyez, ce sont deux réalités qui sont un petit peu différentes.
37:03– Maëla, quelle image vous vous faisiez de l'armée avant d'y rentrer,
37:07et puis est-ce que vous avez conscience d'être rentrée dans une institution
37:10qui convoie un certain nombre aussi d'images, de clichés peut-être aussi ?
37:15– Par rapport à l'autorité, je dirais que les armées doivent faire preuve d'un minimum d'autorité
37:22parce qu'ils sont là pour former des marins qui auront entre leurs mains des armes
37:27et donc seraient peut-être amenés à ouvrir le feu et donc porteront de grandes responsabilités.
37:33Ce n'est pas pour rien aussi qu'à l'école navale, les critères pour y intégrer sont sélectifs
37:38parce que derrière, on sera donc des futurs officiers amenés à commander
37:44et donc à prendre de grandes décisions telles que le sacrifice ultime.
37:47– Et vous, quelles ont été vraiment vos motivations profondes lorsque vous êtes rentrée dans l'armée ?
37:51Parce que vous m'avez parlé de votre histoire familiale, etc.
37:54Mais qu'est-ce qui vous fait vibrer lorsque vous rentrez dans l'armée ?
37:59– Au tout début, vous avez parlé de patriotisme,
38:01c'est aussi donc défendre les valeurs de la marine nationale.
38:06– Quelles sont-elles ces valeurs ?
38:08– Honneur, patrie, valeur et discipline.
38:10Et aussi à l'école navale, c'est pour la France, par les mers, nous combattons.
38:15Donc on tâche de répondre à ces valeurs.
38:20– Nous sommes aussi en visio avec Patrick Clairvoy.
38:22Bonjour, vous êtes psychiatre, vous êtes spécialiste des armées.
38:26Je cite votre livre,
38:28« Frères d'armes, médecins militaires en opérations extérieures »
38:31aux éditions Odile Jacob.
38:33Vous avez vu tout au long de votre carrière des jeunes arriver dans l'armée.
38:38Avec quelles motivations et aussi avec quelles idées préconçues parfois sur l'armée ?
38:45– Alors, je vais déjà, par rapport à tout le débat qui a précédé,
38:48dire d'où je parle.
38:50Je suis rentré dans l'armée en 1975.
38:52La menace dominante, c'était la guerre froide.
38:56Puis, dans mes opérations militaires,
38:59je suis intervenu sur des opérations qui étaient des courtes interventions
39:03de la France en Afrique, au Tchad et en République centrafricaine.
39:07Puis ça a été dans les opérations de maintien de la paix dans les Balkans.
39:13Puis ça a été la guerre contre le terrorisme en Afghanistan et au Mali.
39:17Donc, première remarque, la guerre, il y en a toujours eu.
39:21Il y en a tout le temps.
39:22Elle change de visage et faut-il se préparer à faire la guerre ?
39:25C'est une situation dans laquelle on est tous les jours.
39:29Quand vous avez des attaques cyber,
39:30quand vous avez des attaques contre les réseaux énergétiques,
39:33quand vous avez des attentats dans les rues,
39:35quelqu'un nous fait la guerre, d'une certaine manière.
39:38Finalement, pour les jeunes aujourd'hui,
39:42s'engager dans la défense, c'est faire la guerre
39:45à ceux qui viennent nous attaquer ou, en tout cas, nous menacer.
39:51Les jeunes que j'ai rencontrés dans l'armée,
39:53très souvent, étaient intéressés d'abord…
39:56Il y a trois facteurs.
39:59Il y a le côté un peu l'aventure.
40:01L'armée, c'est toujours une découverte.
40:04Vous apprenez un métier
40:06et vous allez découvrir des espaces géographiques
40:09que vous ne connaissez pas, des cultures que vous ne connaissez pas.
40:12Et puis, il y a aussi l'idée très importante de défense.
40:15Alors, un certain nombre de personnes qui sont intervenues sur ce plateau
40:22pensent qu'il faut opposer la guerre au pacifisme.
40:24Pas du tout.
40:25Les gens, je n'ai connu personne qui ne fasse la guerre
40:30par amour des armes, du feu, du meurtre, du sang, etc.
40:34Au contraire, l'exercice du militaire, l'exercice du soldat,
40:41c'est faire l'opération qui permet le maximum de protection
40:44des personnels que l'on doit protéger
40:46avec un minimum de destruction ou de dégâts de l'adversaire.
40:50Mais celui qui dit que celui qui fait la guerre,
40:53il a envie de faire couler du sang, il a envie de tuer de la chair à un canon,
40:57pas du tout.
40:58Et en tout cas, ce n'est pas du tout la réalité de la situation
41:01que j'ai pu observer sur ces 40 ans d'observation.
41:04– Attendez, Monsieur Malès souhaiterait réagir,
41:07et je vous redonnerai la parole ensuite, vous voulez réagir ?
41:09– Non, mais il y a deux choses, moi je n'ai pas supposé
41:11que les personnes qui se préparaient à la guerre en entrant dans l'armée
41:14aimaient par définition, d'ailleurs j'ai dit,
41:16personne, je pense, ne veut souffrir ni mourir.
41:19Mais par contre, je pense que quand on pose la guerre
41:22comme une solution déjà à certains problèmes,
41:26on fait déjà une erreur, parce que la guerre a toujours trouvé
41:29des prétextes qui, pour les personnes qu'elle concernait, se valaient.
41:32Quand on a fait la guerre, vous parliez de la guerre froide,
41:34les États-Unis avaient une raison, pour autant,
41:37n'étaient pas menacés dans leur existence par l'URSS,
41:40et pour autant trouvaient dans la lutte contre la dictature,
41:43et ils avaient plutôt raison, le moyen de faire cette guerre froide,
41:46qui a fait des millions de morts en Corée et ailleurs.
41:50Donc je pense qu'il faut s'attaquer au problème même qu'est la guerre,
41:53qui ne peut engendrer que des destructions,
41:55et non aux prétextes qu'on peut y trouver.
41:58Pareil, je pense qu'aujourd'hui beaucoup de guerres sont
42:00des héritages de la colonisation que les pays occidentaux ont menée,
42:04pour autant cette colonisation, qui était une forme de guerre aussi,
42:07n'avait-elle pas des prétextes que chacun pouvait justifier à l'époque ?
42:10Bien sûr que si.
42:11Donc le problème c'est justement de penser comme solution
42:14à des problématiques qu'on a nous, ou à des enjeux qu'on a nous,
42:17cette guerre justement.
42:19– Patrick Lervoye.
42:20– Oui, mais pardonnez-moi, pardonnez-moi, j'interviens.
42:24On me dit, la guerre n'est pas une solution.
42:28Personne n'envisage la guerre comme une solution.
42:31On envisage d'abord la guerre comme un problème,
42:33et il faut répondre à ce problème, notamment en se préparant à la défense.
42:38Je vous laisse au débat.
42:39– Non, je voudrais juste ajouter, il est quand même assez évident
42:44qu'aujourd'hui c'est le travail des uns de détruire
42:47pour que les autres puissent réparer.
42:50On est quand même dans cette logique-là,
42:51y compris d'ailleurs réparer psychologiquement,
42:54puisque la guerre fait aussi des dégâts psychologiques énormes.
42:58– Je voudrais qu'on continue à parler un petit peu de l'institution militaire,
43:01car le sujet dont je voulais aussi parler,
43:04ce n'était pas seulement la guerre avec vous, Patrick Lervoye,
43:07mais c'était aussi l'institution militaire en tant que telle.
43:13Vous disiez, lorsqu'on vous a pré-interviewé,
43:16qu'il y a aussi un certain nombre d'idées reçues
43:18qui sont attachées à l'institution militaire,
43:22parmi les jeunes même que vous avez vues rentrer dans l'armée,
43:25quelles sont-elles ?
43:26Et comment réagissent-ils ensuite quand ils sont face à la réalité de l'armée ?
43:31– La réalité de l'armée, alors, les jeunes engagés,
43:34il y a une jeune engagée de l'école navale qui nous l'a présentée,
43:38c'est d'abord accepter de se soumettre à des contraintes,
43:42des contraintes de formation, des contraintes d'exercice.
43:45Et la plupart des gens que j'ai rencontrés,
43:48et aujourd'hui je suis médecin dans le libéral,
43:51je continue à suivre des anciens militaires,
43:53ceux pour qui ils se sont engagés,
43:55l'idée principale est la suivante,
43:57je prends sur moi de m'engager à aller sur des terres d'opération s'il faut y aller,
44:03pour qu'il n'y eût pas, sur le sol français, dans ma famille,
44:08des deuils ou des pertes ou des souffrances que je vais éviter.
44:11Et donc beaucoup de jeunes, je les ai vus accepter leur mission,
44:15par exemple dans l'Afghanistan,
44:17par exemple dans les pays d'Afrique type le Mali ou le Niger,
44:22parce qu'ils voulaient combattre la menace là où elle s'était,
44:27pour prévenir les destructions qui peuvent avoir lieu en France,
44:30malheureusement il y en a eu,
44:31il y a eu le 13 novembre avec le Bataclan, le Stade de France, etc.
44:37Mais il y a un certain nombre de menaces qui ont pu être combattues
44:42dès le sol où les gens étaient formés pour nous attaquer.
44:46Donc les idées reçues des jeunes, c'est toujours,
44:49d'abord la guerre n'est jamais ce qu'on se représente
44:51et certainement pas comme vous la voyez dans les films.
44:54La guerre, quand des gens sont sur des théâtres d'opération,
44:57les jeunes que vous voyez, beaucoup ont une fonction de service.
45:02Ça veut dire, il y a des combattants spécialisés qui portent le feu,
45:06comme vous le dites, il y a des pilotes d'hélicoptères,
45:08il y a des tireurs d'élite, il y a des fantassins.
45:11Mais derrière tout ça, il y a toute une série de jeunes
45:13qui sont prêts à aller en guerre pour aider ces forces-là
45:18à contenir la menace là où elle se trouve.
45:22Je vous rappelle le principe de Sun Tzu, c'est très vieux, ça a 4000 ans.
45:26Sun Tzu, c'est si vous avez engagé le combat,
45:31c'est que déjà vous n'avez pas été suffisant
45:34à dissuader l'adversaire de vous attaquer.
45:38Et donc, c'est ce que disait aussi le sénateur,
45:41si tu veux la paix et tu prépares la guerre,
45:44ça veut dire être suffisamment fort, suffisamment armé
45:49pour que celui qui voudrait attaquer nos intérêts,
45:52nos familles, notre sol, nos biens, nos valeurs,
45:56comprenne qu'il n'a pas la force suffisante pour nous détruire.
46:02Et là où on indiquait, je l'ai entendu dans le débat,
46:05qu'effectivement nous sommes entourés de pays
46:09où la démocratie perd de ses forces,
46:12il est important que nous gardions nos forces démocratiques.
46:16Et je rappelle l'état d'esprit de la démocratie,
46:18chaque citoyen porte la responsabilité
46:23de défendre le pays, son pays, sa patrie.
46:27– Maëlla, vous disiez tout à l'heure, Patrick Clairvoyant,
46:31qu'il y a vraiment différentes fonctions dans l'armée,
46:36que tout le monde n'est pas du tout en train d'aller au feu.
46:41Vous, par exemple, à quoi vous vous préparez comme type de métier ?
46:45– Alors, à l'école navale, il y a cinq spécialités.
46:48On peut être soit en surface, donc sur un bâtiment,
46:52on peut être dans l'aéronaval, on peut être commando,
46:55plongeur des mineurs ou encore sous-marinier.
46:58Et donc là, moi, pour l'instant, j'ai vocation à être en surface,
47:01mais je ne connais pas encore ma spécialité.
47:05– Vous êtes combien, en fait, de femmes dans votre promotion, aujourd'hui ?
47:10– On est une dizaine, une dizaine sur 90.
47:13– Est-ce que c'est compliqué d'être une femme dans ce milieu-là,
47:18aujourd'hui, très masculin ?
47:20– C'est vrai que le milieu est trop peu féminisé encore,
47:24mais une femme a totalement sa place.
47:27Il n'y a pas d'hommes, il n'y a pas de femmes,
47:30il y a des marins, c'est ce qu'on peut dire.
47:32Et donc, certes, on doit encore faire notre place,
47:37mais on la mérite tout autant.
47:39– Et vous avez été confrontée à du sexisme dans votre quotidien,
47:45comme élève officier ?
47:47– Non, on doit, comme je vous ai dit, faire davantage notre place.
47:52On est certes, c'est peut-être plus compliqué physiquement
47:57et cela, fin, génétiquement, mais on doit quand même être combattive.
48:03– Génétiquement ? – Physiologiquement.
48:06– Physiologiquement, merci.
48:09– C'est vrai que lors d'exercices d'aguerrissement,
48:12il faut vraiment qu'on montre qu'on en a tout autant envie
48:16et qu'on ne baisse pas les bras, même si ça peut être un peu plus dur.
48:20– En tout cas, l'armée, comme d'autres secteurs,
48:23le cinéma, le théâtre, les médias, le sport,
48:26même les jeux vidéo aujourd'hui, la santé n'échappe pas au mouvement
48:30MeToo, ce mouvement de dénonciation de violences sexuelles.
48:34On va regarder, je vous propose un témoignage très fort
48:36qui a été recueilli par Samia Deshir, celui de Ninon Matei,
48:39qui a dû quitter l'armée après avoir dénoncé l'agression
48:43et le harcèlement sexuel dont elle a été victime par un cadre de l'armée.
48:46Regardez.
48:47– Je suis appelée par ce cadre-là qui me demande de lui parler à part
48:55et qui va me dire, si tu me regardes encore une fois avec ces yeux-là,
48:59comme si je le regardais avec un regard particulier,
49:03je vais t'emmener dans la forêt, il faudra que t'assumes.
49:06J'arrive à m'en sortir sans trop de problèmes
49:10et à la suite de ça, je vis à moitié,
49:14c'est-à-dire que chaque seconde, je me dis, ça va être quoi la suite en fait ?
49:20Et la suite, elle a été très simple,
49:21c'est que je me suis retrouvée un soir dans le couloir,
49:24traînée par les chevilles,
49:27et à devoir entendre des menaces,
49:37des mises en situation absolument dégoûtantes.
49:40J'ai dû sentir ses mains sur moi, j'ai dû…
49:46Ouais.
49:48– Depuis le ministre des armées Sébastien Lecornu
49:51et la secrétaire d'État aux anciens combattants,
49:53Patricia Miralles ont annoncé une mission d'inspection
49:56sur les violences sexuelles dans l'armée,
49:58ils l'ont annoncée dans une tribune dans Le Monde.
50:01Odile Ranet, l'armée ce n'est un mystère pour personne
50:04est surnommée aussi la grande muette.
50:06Est-ce un cadre dans lequel parler est particulièrement difficile ?
50:10Je voulais le mentionner aussi,
50:12le mouvement MeToo a été absolument général
50:14et on a découvert bien d'autres milieux
50:16où il est extrêmement difficile de parler,
50:18donc je ne ferai pas forcément une spécificité sur l'armée,
50:21mais c'est quand même un cadre
50:23où il est particulièrement compliqué de s'exprimer ?
50:25– Ah oui, ça reste une profession dans laquelle
50:29ses membres ne peuvent pas s'exprimer librement
50:33sur tous les sujets.
50:37Ce qui est bien, je pense,
50:39dans ce qui commence à se passer autour de MeToo dans l'armée,
50:44c'est que l'armée précisément est une institution
50:49qui vit dans une nation
50:51et donc qui est sensible aux évolutions de la société
50:55et par conséquent, les menaces,
51:00les actes répréhensibles,
51:04les différentes formes de harcèlement,
51:08elles sont, je crois,
51:11très importantes pour les femmes dans l'armée.
51:14Je pense que pour avoir beaucoup travaillé en historienne
51:17sur la place des femmes dans les armées,
51:20sur la question du rapport,
51:22de la construction de la masculinité au service militaire,
51:26je dirais que le machisme est constitutif
51:29d'une forme d'éthos militaire.
51:35Pendant très longtemps, un soldat était aussi quelqu'un
51:40qui avait une forme de mépris pour ce qui…
51:43je ne dis pas une femme ou quelques femmes,
51:45mais pour le féminin en général.
51:48Et puis, il y avait une partition genrée des rôles.
51:50Les femmes perdaient le sang en accouchant
51:53et les hommes perdaient leur sang au combat.
51:56Donc, il y avait cette espèce de partition-là
51:59et du coup, moi, je pense que c'est une très bonne chose,
52:04qu'on n'en ait qu'au tout début.
52:05– On n'en ait qu'au tout début de la libération de la parole.
52:08Comme dans bien des domaines.
52:10Patrick Clairvoy, est-ce que vous êtes d'accord
52:12avec l'idée que le machisme soit un peu constitutif de l'armée ?
52:17Est-ce que vous êtes optimiste sur les capacités de l'armée
52:21à laisser se libérer la parole sur cette question
52:24des violences sexistes et sexuelles ?
52:27– Alors, c'est un débat.
52:29Moi, pendant les 40 ans où j'ai été militaire,
52:32j'ai vu cette évolution d'une armée quasiment exclusivement masculine
52:36devenir fortement féminisée.
52:40Plus il y a de femmes dans un groupe, mieux le groupe se comporte.
52:46Et ce que j'ai observé aussi, c'est que…
52:48– Avec Maïla, elles sont 10 sur 80 dans la promotion.
52:51Il y a encore bien des marges à avoir.
52:54– Pardonnez-moi.
52:54Alors, la marine est très en retard et ce n'est que très très récemment,
52:58par exemple, que l'armée française, la marine,
53:02a accepté des personnels féminins à bord des sous-marins.
53:06Mais par exemple, aux États-Unis, le personnel féminin
53:08à bord des sous-marins, c'est sous Barack Obama.
53:10C'était récent aussi.
53:13S'il y a bien un pays, alors pardonnez-moi de citer ces références,
53:16mais s'il y a bien un pays qui très vite a féminisé ses forces,
53:18c'était à l'époque l'URSS.
53:22Alors, oui, parce qu'il y a toujours dans une posture,
53:25l'armée, c'est quand même, oui, se préparer au combat.
53:28Et dans la notion de combat, il y a toujours cette histoire
53:31de force physique, j'allais dire de testostérone.
53:35Mais l'armée aujourd'hui, un bon combattant,
53:37ce n'est pas quelqu'un qui est musclé.
53:39C'est quelqu'un qui sert très bien les outils,
53:43les armements qu'on lui a donnés.
53:46Et c'est plutôt une tête bien faite et bien entraînée.
53:49Donc, moi, je pense qu'aujourd'hui, alors il y a encore
53:52d'énormes progrès à faire, bien évidemment.
53:56C'est un sujet, alors je vous raconte juste un débat,
53:57puis vous allez voir.
53:59Je suis membre du comité de rédaction d'une revue militaire
54:02qui s'appelle Inflexion, que je recommande à tout le monde,
54:04bien évidemment.
54:06Et il y a un numéro qui s'appelait
54:08homme-femme, frère d'arme, point d'interrogation.
54:13Et donc, on a commencé le débat du comité de rédaction
54:16et il y avait un homme en uniforme qui disait
54:18je rappelle que la femme est un homme comme les autres.
54:22Et à ce moment-là, il y avait une femme qui fait
54:24je rappelle que dans l'armée, un homme sur deux est une femme.
54:27Voilà, et c'est montré comment aussi ça doit rentrer
54:30dans les esprits, cette notion de féminisation.
54:34Mais à mes yeux, j'observe que de plus en plus,
54:40les gens corrigent des comportements machistes.
54:44D'abord, ils sont réprimés.
54:45Ils sont réprimés par la loi.
54:47Ils sont réprimés par le règlement disciplinaire.
54:50Et l'une des forces, par exemple, qui donne ça,
54:54c'est qu'on donne de plus en plus de très hautes fonctions militaires
54:58à des femmes.
54:58Et vous avez des femmes commandantes de bases aériennes,
55:01vous avez des femmes commandantes d'escadrilles,
55:03pilotes d'avions de chasse.
55:04Vous avez probablement, je pense, j'en ai vu une
55:08il y a quelques années, commandante d'un bateau de surface.
55:11Et donc, plus le temps passe, plus les femmes arrivent
55:16dans des postes importants, plus le militaire en général,
55:21homme ou femme, apprendra à respecter et à considérer,
55:24comme l'a dit votre jeune engagé à l'école navale,
55:28il n'y a pas de femmes, il n'y a pas d'hommes, il y a des marins.
55:31Je trouve ça très belle phrase et très amusante aussi.
55:34– Merci Patrick Clairvoyant d'avoir participé à cette émission.
55:38Merci.
55:39Pour conclure sur une image un peu plus légère, un peu plus amusante,
55:42je voulais vous montrer quelques images d'une campagne de communication
55:47de la gendarmerie nationale.
55:49Je trouvais ça amusant parce que tout à l'heure,
55:50Patrick Clairvoyant nous a dit, attention,
55:52l'armée, ce n'est pas les films de guerre,
55:55j'ai rajouté, ce n'est pas les jeux vidéo,
55:57mais regardez ces images de communication
56:00que l'on voit sur les réseaux sociaux.
56:01♫ Musique d'ambiance ♫
56:10Les codes sont empruntés au jeu Call of Duty,
56:13la campagne date de novembre dernier, elle a été virale.
56:17Maïla, est-ce que vous avez vu cette campagne ?
56:20– Non.
56:21– Non ? Et qu'est-ce que ça vous inspire
56:23que les institutions militaires, là c'est la gendarmerie,
56:26mais fassent appel à l'imaginaire du jeu vidéo aujourd'hui
56:30pour communiquer ou pour essayer d'attirer les jeunes ?
56:35– Je ne m'exprimerai pas sur le plan de la communication
56:38comme tel fait par le gouvernement.
56:41– Non mais est-ce que vous voyez beaucoup de jeunes,
56:42par exemple autour de vous, qui sont rentrés dans l'armée,
56:44qui avaient un peu cette image aussi des jeux vidéo,
56:47des films de guerre, etc., en tête, en rentrant dans l'institution ?
56:52– Je pense qu'on est quand même assez mature pour comprendre
56:56que ça reste un jeu vidéo en soi.
57:00– Oui, mais alors qu'est-ce que ça vous inspire du coup à vous autres
57:04que l'institution joue sur cette image quand même ?
57:08– C'est assez logique, je pense qu'il s'agit d'attirer les jeunes
57:11et la guerre à travers les jeux vidéo,
57:18c'est quand même une guerre complètement déréalisée.
57:22Et donc on est très très loin de la réalité,
57:25de l'expérience de l'armée et, chose différente du combat,
57:32et donc on est dans une image finalement assez bling bling
57:36de ce que peut être l'engagement militaire,
57:39mais à mon avis très très très loin de la réalité.
57:43Donc ça pose aussi la question de cet éventuel retour d'un,
57:50je dirais, d'un tropisme guerrier dans la jeunesse.
57:53Il est à relativiser et surtout qu'on s'interroge sur les modèles
58:00qui structurent les imaginaires de la jeunesse
58:03et là on a quand même une influence très forte des jeux vidéo,
58:07du cinéma américain, plus ou moins réaliste, et des jeux vidéo.
58:13Donc là je trouve qu'on est vraiment dans cette…
58:15– On est à la limite.
58:16– Oui.
58:17– Eh bien merci, merci beaucoup à tous les quatre
58:19d'avoir participé à ce débat.
58:21Merci à vous d'avoir participé à cette émission.
58:25On se retrouve le mois prochain pour un nouveau numéro d'Avoir 20 ans.
58:28– Sous-titrage MFP.

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