Avec François Costantini, docteur en sciences politiques et auteur de "Les relations internationales en fiches" publié aux éditions Ellipses.
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00:00Ici Sud Radio. Les Français parlent au français. Les carottes sont cuites. Les carottes sont cuites.
00:13Sud Radio Bercov dans tous ses états.
00:17Et pendant ce temps-là, pendant le temps des polémiques, des injures, des explications,
00:24du matin au soir et du soir au matin, en attendant les urnes, il se passe quand même beaucoup de choses dans le monde.
00:32Il ne faut pas l'oublier parce que, vous le savez, on n'a pas besoin d'expliquer pourquoi nous sommes tous liés.
00:39Et qu'est-ce qui se passe notamment ? La formidable réception qu'a offerte par Kim Jong-un, le leader maximo de Corée du Nord,
00:50à Vladimir Poutine, qui est maintenant au Vietnam. Pendant ce temps, d'ailleurs, à la Maison Blanche, Kamala Harris, la vice-présidente,
00:57recevait Queer Isle où on fêtait les progrès de la communauté LGBT dans une cérémonie tout à fait bariolée et diversifiée.
01:10François Constantini, bonjour.
01:12Bonjour Monsieur Bercov.
01:15Heureux de vous avoir. Vous êtes docteur en sciences politiques à l'Université de Paris, importé en Sorbonne,
01:19et vous êtes auteur, je rappelle de ce livre, des relations internationales en fiche aux éditions Ellipse.
01:24Il y a de quoi parler justement des relations internationales.
01:27C'est intéressant de voir le contraste, même si c'est entre les images que nous avons ici, entre les manifestations, certains émeutes, des déclarations.
01:38Et puis Vladimir Poutine reçu par Kim Jong-un et puis par les leaders vietnamiens en grande pompe.
01:48Les LGBT aussi, effectivement c'est le même jour, sinon on n'aurait pas à parler, mais quand même reçu en grande pompe également à la Maison Blanche par la vice-présidente.
02:00Et au fond, pendant que nous, nous allons aller en principe, ou pas, aux urnes dimanche prochain et dimanche d'après,
02:07François Constantini, au fond, est-ce que vraiment vous savez ce bouleversement dont tout le monde parle avec les briques, avec les plaques tectoniques qui bougent, etc.
02:17Est-ce que ce qu'on a vu hier, à la fois à Pyongyang quelque part et à la Maison Blanche,
02:23est-ce que ça éclaircit ou ça obscurcit ce qui est la situation ?
02:29Ah bien, il y a une fausse question, c'est que surtout ça fracture, c'est-à-dire que le monde est littéralement fracturé en deux.
02:36Et justement, vous avez raison, juste à poser cette grande fête LGBT à la Maison Blanche,
02:43c'est-à-dire cette espèce de nouvelle religion civique américaine qui est en pleine importation avec le succès qu'on a en Europe,
02:51et également la réception de Vladimir Poutine à Pyongyang et son voyage au Vietnam.
02:56Moi, il y a trois faits, en effet, qui m'interpellent.
02:59Et ici, je ne veux pas en profiter.
03:02Vladimir Poutine, dans son discours d'octobre 2022, pour justifier ses buts de guerre,
03:08énonce, je cite, au final, ce que je ne veux pas, c'est que sur les passeports russes,
03:14il y ait marqué parents et parents d'eux au lieu de père et mère.
03:17Recep Tayyip Erdogan, l'an dernier, à peine réélu président de la Turquie,
03:23a affirmé, je cite, la différence qu'il y a entre les autres parties et nous,
03:28c'est que chez nous, les LGBT ne seront jamais admis.
03:32Enfin, plus emblématique, le camarade Mélenchon, qui est allé au Sénégal récemment,
03:39sans s'en être ovationné, a parlé notamment du mariage pour tous, de marge homosexuelle en France,
03:45a été huée et a dû interrompre son discours à l'université de Dakar.
03:49Donc, l'Afrique, la Russie, la Turquie, je ne parle même pas de la Chine,
03:55par rapport à l'Occident, sont en train de se fracturer, notamment sur des valeurs sociétales
03:59qui font qu'on a un monde coupé en deux, à tort ou à raison.
04:03Là, je ne suis pas là pour le juger, mais il faut se mettre à la place.
04:06Comme vous savez, l'ancien ambassadeur Maurice Gourdeau-Montagne,
04:09les autres ne pensent pas comme nous, il faut savoir ce que pensent les autres.
04:12Et ce monde, en effet, se fracture autour des valeurs sociétales,
04:15à partir notamment de civilisations plutôt différentes,
04:19ou plutôt, je vais parler, moi, plus tard, de civilisations et de décivilisations,
04:22et le monde va se fracturer, et les rapports diplomatiques
04:25vont prendre également ce tournant de plus en plus, je le pense.
04:28Alors, c'est très intéressant, effectivement, de vous montrer cette ligne de clivage sociétale,
04:33qui est beaucoup plus importante qu'on ne croit.
04:35Effectivement, ici, on traite ça avec ricanements d'autres,
04:39en disant, oui, tout ça, l'eau sociétale, c'est très bien,
04:43mais, bon, on sait les ravages que ça commence à faire en Europe,
04:46en tout cas l'euroquisme et autres,
04:48mais c'est une ligne de clivage, et vous l'avez tout à fait souligné,
04:51et à juste titre.
04:53Mais il y a aussi le reste, François Constantini,
04:55alors, il y a quand même les clivages économiques,
04:58je parle de la dédollarisation,
05:00je parle de l'Arabie Saoudite qui vend son pétrole en yuans,
05:06ou en roupies, ou en roubles, etc.
05:09Est-ce que ça, aujourd'hui, dans la relation internationale,
05:12ce côté, à la fois, dédollarisation, le problème des monnaies,
05:16le problème, effectivement, du BRICS contre G7,
05:19est-ce que là aussi, on avance de façon assez spectaculaire là-dessus ?
05:25Il y a un fait, notamment en 2023, qui est intervenu,
05:28qui est passé totalement inaperçu aux yeux des économistes,
05:31c'est qu'en termes d'agrégats de PIB,
05:34le PIB des BRICS a dépassé le PIB du G7.
05:38Je pense que c'est tout à fait révélateur,
05:40pour une raison, c'est que les pôles de croissance,
05:42aujourd'hui, en Asie, en Chine, en Asie, dans d'autres pays,
05:46et que les croissances, la croissance aux Etats-Unis,
05:48et surtout l'européenne, sont des zones de croissance faible,
05:51donc des zones, véritablement, d'appauvrissement,
05:53même si on ne voit pas, en effet, même si c'est un appauvrissement lent,
05:56en effet, ce sont des zones où on ne crée plus de croissance.
05:58Alors, il y a plusieurs choses, en effet.
06:00La dédollarisation de l'économie au plan tangible,
06:04je n'y crois pas pour l'instant, pourquoi ?
06:06Parce qu'il faudrait une monnaie concurrente au dollar,
06:08et on sait que la Chine n'est pas prête.
06:10Il faut, en effet, des systèmes d'échange.
06:12On a vu, notamment, avec le décrochage de la Russie de Suisse,
06:16ça posait le problème, mais il est vrai que la Chine a son propre système,
06:20notamment d'échange interbancaire.
06:22Mais, ensuite, il y a des pays qui sont au milieu.
06:26Par exemple, vous ne pouvez pas, l'Inde est dans les BRICS,
06:28mais sur le plan diplomatique, elle n'est pas alignée sur la Russie,
06:32et encore moins sur la Chine.
06:33Elle a une neutralité, et ça a son importance.
06:36Ce qu'il faut retenir, à mon sens,
06:37c'est, en effet, une croissance qui se répand,
06:41et un Occident qui se...
06:45Oui, qui se rétrécit de ce point de vue-là.
06:47Qui se rétrécit au plan économique, au plan de la recherche.
06:49Vous vous rappelez que la Chine est première pour les dépôts de brevets.
06:52Qui avait pu penser qu'un jour, les États-Unis auraient été dépassés ?
06:56En termes de production d'ingénieurs, l'Inde est le premier pays,
06:59certes, ils sont presque un milliard et demi,
07:01mais c'est le premier pays au nombre d'ingénieurs diplômés par an,
07:04et qu'en effet, il y a une désoccidentalisation, je pense,
07:07par le poids économique, par les mentalités,
07:09et surtout par le fait que l'Occident avait servi de matrice
07:13à la civilisation, du moins à l'organisation du monde aujourd'hui,
07:17et de plus en plus contester les valeurs qu'elle a portées,
07:20les droits de l'homme, d'autres, etc.,
07:22ne sont pas des valeurs qui sont partagées dans le monde,
07:25comme on pourrait le penser.
07:27Oui, et c'est à la fois intéressant et préoccupant, d'une certaine manière,
07:31mais ça, on pourrait en parler très longuement,
07:33vous avez raison, François Costantini,
07:35est-ce que, de ce point de vue-là, ça débouche sur quoi ?
07:38Vous avez tout à fait raison, le dollar ne va pas être remplacé,
07:41d'ailleurs, ce n'est pas le problème, en tout cas, pas dans l'immédiat,
07:44mais est-ce que ça nous amène, et pour retourner à la France,
07:47parce que nous ne sommes pas évoluant sur une planète Mars ou Saturne,
07:52est-ce que, je voudrais juste revenir peut-être un tout petit peu,
07:57mais ce sont aussi les relations internationales,
08:00est-ce que ce qui se passe actuellement en France,
08:03au-delà même des échéances électorales,
08:06est-ce que nous sommes frappés nous-mêmes de plein fouet là-dedans,
08:09puisqu'on est en Europe, avec tout ce qui se passe entre Russie-Ukraine,
08:12Proche-Orient et autres, et ne parlons pas du Covid,
08:16est-ce que nous sommes frappés de plein fouet,
08:18et de quelle façon ça risque d'évoluer pour nous ?
08:22La France est toujours un pays qui avait une originalité diplomatique,
08:26voulue par le général de Gaulle.
08:28Elle est ancrée dans le bloc occidental, certes,
08:31mais avec son indépendance, elle voulait parler au monde entier.
08:34Aujourd'hui, en fait, la politique d'Emmanuel Macron,
08:36qui est en fait le CD King à partir des choix exclusifs de l'Union Européenne,
08:40je rappelle que d'ailleurs, Emmanuel Macron soutient ce qu'on appelle
08:43le rapport Verhofstadt, voté au gouvernement européen par ses partisans,
08:47qui veut faire passer toute décision en matière diplomatique et stratégique
08:50à la majorité canopiée et à l'unité,
08:53qui signifie en clair la disparition de l'autonomie diplomatique française.
08:56Il a supprimé le quai d'Orsay.
08:59Il a supprimé notamment le corps diplomatique,
09:01c'est-à-dire qu'aujourd'hui, des gens qui étaient passés par Sciences Po,
09:04par les langues zoos et par les nards,
09:06seront recrutés à la tête du client.
09:09Voilà, c'est-à-dire que c'est, pour moi, une véritable injure
09:12à des gens qui faisaient 30-40 ans dans un corps,
09:16et ce corps diplomatique est partalérant, il y a plus de siècles,
09:20que le monde entier nous envie d'ailleurs.
09:23Et je pense que la France, en perdant cette voie d'originalité,
09:26en parlant monde, aurait pu être, à mon sens,
09:29cette espèce d'élément modérateur dans un monde qui se fracture.
09:32Voilà, aujourd'hui.
09:33La France, aujourd'hui, est le père.
09:35Elle est elle-même fracturée.
09:37On le voit également, elle est fracturée entre trois blocs.
09:41Il y a un bloc, en effet, qui est dirigé quand même conjointement
09:44par l'extrême-gauche, qui est un bloc mondialiste,
09:47immigrationniste, qui veut faire disparaître la France.
09:49Il y a un bloc central qui veut également la faire disparaître
09:52que c'est l'incronisme et c'est la disparition soft
09:55conduit dans l'Union Européenne et dans la mondialisation.
09:58Et puis il y a un bloc, le bloc national,
10:00autour du Rassemblement National, d'Éric Ciotti,
10:03d'Enquête, du CNI, de la droite,
10:07ce bloc politique qui croit encore à la France,
10:10à son avenir, à la souveraineté nationale.
10:12Donc la France est elle-même traversée par ces courants mondiaux.
10:15Je parlais, vous avez cité l'idéologie LGBT,
10:18mais c'est vrai, il y a une fracture,
10:20même une fracture importante, à mon sens, dont on ne parle jamais,
10:23qui est une contradiction de LFI,
10:25c'est que la population en France,
10:27sûrement la plus opposée à cette idéologie,
10:29c'est celle, paradoxalement,
10:31qui vote le plus pour la France insoumise,
10:33c'est-à-dire la population musulmane,
10:36d'après les études qu'on a,
10:38ce qui montre également qu'il y a une espèce de malaise français,
10:41un petit peu à tous les étages.
10:43Et je pense que la France, aujourd'hui,
10:45ces élections ressortent, en quelque sorte,
10:47les fractures mondiales culturelles et politiques telles qu'on les connaît.
10:51Et ce que vous dites, à juste titre,
10:54je trouve, François Constantini,
10:56c'est que la France aurait pu jouer un rôle
11:00à la fois modérateur, à la fois médiateur,
11:03mais dans les prises d'opposition qu'elle a eues,
11:05que ce soit sur un plan de santé,
11:07mais sur un plan Russie-Ukraine ou autre,
11:09n'a pas du tout pris, peut-être, cette voie-là,
11:12alors qu'elle aurait pu jouer le trait d'union,
11:15en tout cas, une tentative de trait d'union.
11:17Elle ne l'a pas fait.
11:18Oui, je pense absolument.
11:20Elle l'avait pourtant joué.
11:22On essaye toujours de trouver une compétence à François Hollande.
11:27Le seul à qui, peut-être, c'était les accords de Minsk-2
11:31qu'il avait signés avec Angela Merkel,
11:33le président Poroshenko,
11:35ukrainien et Vladimir Poutine,
11:37qui, je le rappelle quand même,
11:39reconnaissait la souveraineté ukrainienne sur le Donbass,
11:42ce qui n'était pas rien,
11:43mais prévoyait leur autonomie.
11:45Voilà.
11:46Et il faut ajouter, effectivement,
11:48que Hollande lui-même a dit qu'il n'a fait ça,
11:51avec Angela Merkel,
11:52que pour permettre à l'armée ukrainienne
11:54de se réarmer complètement.
11:56C'est-à-dire qu'il l'a admis.
11:58Donc, même cela, je ne sais pas si on peut le reconnaître.
12:01Même ça, on l'a appris, en effet, récemment.
12:04Elle vient de le souligner.
12:06Et c'était, en fait, fait par une dose de séisme,
12:08alors que ça aurait dû être un accord calme.
12:11Ça aurait peut-être dû nous éviter le conflit dramatique
12:13que nous connaissons aujourd'hui.
12:14Tout à fait, et c'est ça qui est...
12:16Et juste un mot, à votre avis,
12:18ces tendances que vous avez inventoriées,
12:21à votre avis, ça va continuer comme ça ?
12:23Est-ce que ça peut déboucher,
12:25sans faire de prophétisme,
12:27ni de prévision,
12:29mais est-ce que ça peut arriver à un stade
12:31un peu plus violent,
12:33des affrontements encore un peu plus forts,
12:35tel qu'on voit ?
12:36Oui, il faut craindre,
12:38il faut craindre, en quelque sorte,
12:40un certain nombre de fractures,
12:43de fractures nouvelles, notamment au plan mondial.
12:45Pour plusieurs raisons.
12:46Nous avons eu la guerre froide,
12:47mais la guerre froide, cette fracture était artificielle.
12:49Il y avait le communisme et le monde occidental,
12:52et le communisme n'était pas accepté par des peuples.
12:54Or, aujourd'hui, vous avez des peuples également,
12:56y compris dans les régimes dits autoritaires,
12:59qui n'éprouvent pas, pour autant,
13:01les valeurs d'autres pays.
13:02C'est ça, le problème.
13:03C'est que nous avons une fracturation, disons,
13:06qu'on pourrait qualifier de morale,
13:08autour de ce qu'on peut appeler des valeurs morales,
13:11qui ne sont pas partagées, en effet.
13:14Vous ne pouvez pas parler,
13:16ce qu'on entend en Occident,
13:17sur les droits de l'homme,
13:18sur le droit à la différence,
13:20sur la GVT,
13:21je peux vous dire que ni un Russe,
13:23ni un Indien,
13:24ni un Africain,
13:25l'Africain, qu'il soit d'ailleurs Crépien,
13:27musulman ou animiste,
13:28ni un Chinois,
13:29ne l'entendent de la même façon.
13:30Alors, c'est là qu'il faut craindre, en effet,
13:32ces fractures, et l'élargissement de ces fractures.
13:35Merci beaucoup, professeur Constantini.
13:38Je vous remercie.
13:39Je rappelle les relations internationales en fiche,
13:41votre livre aux éditions Ellipse.
13:43Merci beaucoup d'avoir été avec nous.
13:45On va marquer une courte pause sur Sud Radio.
13:47On revient dans un instant avec André Bercoff.
13:49Et vous, 0826-300-300 pour intervenir.
13:52Ce sera les perles, les huées et les bravos.
13:54A tout de suite sur Sud Radio.