• il y a 6 mois
Près de 650 000 infirmières, en France, exercent à l'hôpital ou en libéral et ont fait le même choix : de prendre soin des autres. Mais qui sont vraiment ces soignants qui travaillent souvent en sous-effectif, cumulent les heures par conscience professionnelle et se battent pour offrir des soins de qualité à leurs patients ? Pendant plusieurs semaines, "Enquête de santé" a suivi le quotidien de quatre infirmier.e.s aux profils très différents pour prendre le pouls d'une profession qui, malgré la charge de travail et le manque de reconnaissance, ne cesse de se réinventer. Le documentaire de Géraldine Laura sera suivi d'un débat en direct animé par Marina Carrère d'Encausse.

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Personnes
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00:00:00Bonsoir, merci de nous retrouver en direct pour ce nouveau numéro d'Enquête de Santé.
00:00:17Il et elle sont près de 650 000 en France, exercent à l'hôpital ou en libéral, et
00:00:22ont fait un même choix, devenir infirmiers et infirmières, pour prendre soin des autres.
00:00:26Mais qui sont vraiment ces femmes et ces hommes qui veillent sur nous ? Quelles sont leurs
00:00:30conditions de travail et quelle est leur place dans notre système de santé ? Pour le comprendre,
00:00:34les équipes d'Enquête de Santé ont suivi durant plusieurs semaines le quotidien de
00:00:37quatre infirmiers aux profils très différents pour prendre le pouls d'une profession qui,
00:00:41malgré la charge de travail, le manque de moyens et de reconnaissance, ne cesse de se
00:00:45réinventer.
00:00:46Nous ouvrirons ensuite le débat avec nos invités, qui vont répondre à toutes vos
00:00:49questions, pour les poser, pour partager vos témoignages, plusieurs moyens, le 41 555
00:00:53alodocteur.fr ou encore hashtag SantéF5.
00:00:56Je vous retrouve après la diffusion de « Infirmières soignées à tout prix », c'est un film
00:01:01signé Géraldine Laurat, Benoît Lordelot, Mathieu Parmentier.
00:01:03Et bonjour ! Comment ça va ? J'ai des gouttes dans les yeux.
00:01:17Au réveil, les premiers mots d'âne sont pour Lydie, son infirmière.
00:01:22Prise de tension, médicaments.
00:01:31Chaque matin, Lydie s'assure que tout va bien chez cette arrière-grand-mère de 94
00:01:35ans qui vit seule.
00:01:36C'est agréable que l'infirmière passe le matin ?
00:01:45J'adore.
00:01:46Surtout ma préférée.
00:01:49Ça fait trois ans qu'on se connaît.
00:01:53On me l'a présentée, elle avait un chapeau bleu.
00:01:55Une robe bleu ciel.
00:01:57Une robe bleu ciel.
00:01:58On aurait dit la reine d'Angleterre.
00:02:01Elle est belle comme un cœur.
00:02:04Mettez votre appareil et on se fait un câlin.
00:02:06Et voilà.
00:02:07Je vous souhaite une bonne journée.
00:02:13Bonne journée.
00:02:14Allez, je continue.
00:02:18Bonne journée.
00:02:24Alors, où est-ce qu'elle est cette petite rue qu'elle a parlé, qu'elle a trouvée ?
00:02:31Infirmière libérale dans son village de l'Aragnes, dans les Hautes-Alpes, Lydie est
00:02:35devenue au fil des ans l'ange gardien de nombreux habitants de ce territoire rural
00:02:39et isolé.
00:02:40Donc ce matin, je suis partie, c'était à peu près 5h10.
00:02:46Et donc là, maintenant, on est à peu près à 10 patients.
00:02:51Et il est 8h.
00:02:53J'en ai 45.
00:02:55J'enchaîne, j'enchaîne.
00:02:57C'est un marathon.
00:03:02Mais à force de se donner corse et âme pour ses patients, Lydie a mis sa santé en danger.
00:03:07En particulier lors de la pandémie de Covid, quand elle était en première ligne, comme
00:03:11de nombreux soignants.
00:03:13J'avais un terme qui était vraiment malsain en soi.
00:03:15Maintenant, je le sais, c'était je suis au bout de ma vie.
00:03:18Aux urgences de la Timone à Marseille, Audrey enchaîne les situations complexes où elle
00:03:23doit faire preuve de sang-froid et rassurer ses patients.
00:03:26Avaler, avaler, c'est super ce que vous faites.
00:03:30Mais comme de nombreuses infirmières hospitalières, elle dénonce un manque de reconnaissance pour
00:03:35son métier.
00:03:36On parle de déserts médicaux, on manque d'infirmières.
00:03:38Oui, mais si le travail, notamment par le salaire, était un peu plus attractif, peut-être
00:03:42il y aurait un peu plus de personnes.
00:03:44Chez Léo, être infirmier, c'est une affaire de famille.
00:03:48Lui sera diplômé dans quelques semaines comme plus de 30 000 étudiants en France.
00:03:55En attendant, il continue d'apprendre les gestes de son futur métier sous le regard
00:03:59de Bernadette, 37 ans de service.
00:04:02Ça n'a pas marché jusqu'au bout, c'est désolé.
00:04:05C'est un très, très beau métier.
00:04:07Il faut juste savoir se protéger parce que sinon, sinon, on y laisse à bout.
00:04:13Infirmière de bloc opératoire en chirurgie cardiaque, Pauline est sans cesse à la recherche
00:04:17de nouveaux défis.
00:04:18Ça, c'est pour scier le sternum.
00:04:22Dans quelques semaines, elle va réaliser son rêve, soigner en plein désert les participants
00:04:27d'une des courses d'endurance les plus difficiles au monde.
00:04:30J'ai besoin que ça bouge, j'ai besoin que ce soit moins cadré.
00:04:34Ouais, qu'il y ait un peu d'aventure, ouais.
00:04:37Comme les 650 000 infirmiers et infirmières en France, Audrey, Lydie, Léo et Pauline ont
00:04:43des pratiques très différentes les uns des autres.
00:04:47Nous avons suivi leur quotidien pour prendre le pouls d'une profession qui, malgré la
00:04:50charge de travail et le manque de reconnaissance, ne cesse de se réinventer.
00:05:06Comme la majorité des 135 000 infirmières libérales en France, Lydie exerce à la
00:05:22campagne.
00:05:23Pour de nombreux habitants, elle est le dernier recours en cas de problème de santé.
00:05:29Salut Richard.
00:05:31J'ai eu une blessure à mon genou, et comme c'était infecté, je me suis soigné avec
00:05:37des plantes et du miel, mais c'était pas trop efficace.
00:05:41Alors j'ai répondu à Lydie, elle est venue au pied levé.
00:05:43Dans le monde rural, c'est compliqué d'aller chaque fois au docteur.
00:05:47Pourquoi ils sont pas disponibles ?
00:05:49Pas disponibles, jamais de rendez-vous, alors on fait comme on peut.
00:05:52Là, on a un médecin traitant qui est sur Marseille, et on le sollicite, on est ça,
00:05:56à trois, quatre personnes.
00:05:58C'est combien de temps de route ?
00:05:59C'est une heure et demie.
00:06:01Puis on connaît bien l'infirmière, alors on la sollicite facilement.
00:06:05Il y a quelques jours, Lydie a commencé à soigner la plaie de Richard, avant même
00:06:09de recevoir l'ordonnance du médecin.
00:06:13C'est joli ou pas ?
00:06:14Ça a l'air d'être beaucoup plus joli.
00:06:19Je mets tout au feu.
00:06:20Recyclage express.
00:06:22Dans la campagne, s'il n'y a pas les infirmières ou les aides-soignantes,
00:06:26on est foutus, quoi.
00:06:28Mon papa, il a resté sept ans alité avec une maladie dégénérative.
00:06:32S'il n'y a pas eu les infirmières pendant sept ans, les aides-soignantes,
00:06:35le dimanche, les jours fériés, le jour de Noël, le jour qu'il neige,
00:06:39et les jours que les gens n'ont pas envie aussi, sûrement, parce qu'il a été soigné
00:06:43jusqu'au dernier souffle.
00:06:44Là, c'est chouette, hein ?
00:06:46C'est ce que tu veux, toi aussi ?
00:06:47Moi, vu tout ce que tu me fais, j'aurais mort avant, je crois.
00:06:52Mais je serai toujours là comme les scouts.
00:06:55Toujours prêt.
00:06:57Allez.
00:06:59Bon, Richard, je te dis à demain matin de bonheur.
00:07:02Tiens, prends un saucisson.
00:07:03Oh, mais vas-en encore.
00:07:04Dis donc, tu me gâtes.
00:07:05C'est pour soigner ton cholestérol.
00:07:08Bonne journée, Richard.
00:07:09Ciao, merci.
00:07:10Merci pour le saucisson.
00:07:12200 kilomètres par jour,
00:07:14en moyenne,
00:07:15des visites, même lors de ses congés,
00:07:17Lydie est accro à son métier d'infirmière.
00:07:20Bonjour !
00:07:21Comment vous allez ?
00:07:24Ça va ?
00:07:25Oui.
00:07:26Aux côtés de ses patients malades, âgés ou isolés,
00:07:28elle ne compte pas ses heures.
00:07:29Dans le micro-ondes, il y a déjà du chou.
00:07:32Ah, oui.
00:07:33Vous l'avez oublié d'hier ?
00:07:34Car pour elle, soigner, c'est bien plus qu'un métier.
00:07:37Mon métier, pour moi, c'est un sacerdoce.
00:07:40Un peu comme les nonnes, un peu comme les sœurs,
00:07:43qui font le vœu de rester fidèles à leur engagement.
00:07:46Cette passion, elle m'anime.
00:07:48Elle me donne le goût de vivre
00:07:50parce qu'on a besoin d'objectifs dans la vie.
00:07:53Et moi, c'est un objectif de vie.
00:07:57Et son sacerdoce,
00:07:58Lydie l'exerce parfois au bord de la route.
00:08:02Et hier, par contre, Mathias,
00:08:04je vous ai couru 45 minutes après,
00:08:06pour vous dire qu'il n'y a pas de problème.
00:08:08Je vous ai couru 45 minutes après pour vous trouver.
00:08:11Maman, pourquoi ?
00:08:12Parce que je ne vous trouvais pas.
00:08:14Le corps du Christ.
00:08:15Amen.
00:08:16C'est quoi ?
00:08:17Amen.
00:08:21C'est ta vitamine.
00:08:22Allez, Mathias.
00:08:24À demain ?
00:08:28Pour certains de ses patients,
00:08:30Lydie est plus qu'une infirmière.
00:08:33Coucou !
00:08:34Ah, mon dieu, Lydie !
00:08:35Tenez, on vous ferme les volets ?
00:08:37Oui, oui, oui, fermez.
00:08:39Avec ça, hein ?
00:08:40Oui, oui.
00:08:41Voilà.
00:08:43Grâce à ses visites matin et soir,
00:08:45Lydie a changé la vie de Laure, bientôt centenaire.
00:08:50Vous pouvez raconter que vous étiez en Ehpad
00:08:53et que vous êtes revenue à la maison ?
00:08:55Non, j'étais complètement perdue, là-haut.
00:08:58Parce qu'il n'y avait que des...
00:09:01des malades assez importants.
00:09:03Je voulais faire le chemin.
00:09:05Je préférais la mort que de rester là-haut dedans.
00:09:08Heureusement que...
00:09:10elle m'a sauvée.
00:09:14On prend un peu l'attention.
00:09:18Il faut pas que je me barre.
00:09:29À bientôt.
00:09:30À bientôt, Lydie.
00:09:33Mon chéri.
00:09:34J'adore ses bisouets.
00:09:35C'est formidable.
00:09:39Ce qui me plaît le plus, c'est ce lien
00:09:42avec toutes ces personnes
00:09:44qui finalement finissent par être de la famille.
00:09:47Elles font partie de ma vie.
00:10:046h50.
00:10:05C'est l'heure de la prise de poste pour Audrey.
00:10:08Comme la très grande majorité des infirmières en France,
00:10:11elle travaille à l'hôpital public.
00:10:15Derrière ses portes,
00:10:17les urgences de la Timone à Marseille,
00:10:19un des plus gros services de France.
00:10:21Et bonjour.
00:10:22Audrey y exerce depuis 9 ans.
00:10:24Ça va ?
00:10:25Oui.
00:10:26Elle y passera les 12 prochaines heures.
00:10:30Le café obligatoire le matin.
00:10:32Il va y en avoir encore 10 aujourd'hui,
00:10:34mais celui-là, il a une saveur particulière.
00:10:37Audrey, boxe 20.
00:10:38Du coup, le monsieur a les hauts,
00:10:40du coup, on lui met un parfum.
00:10:42La B.U.T. négative.
00:10:43Aujourd'hui, Audrey travaillera main dans la main
00:10:45avec Edwin, son collègue médecin-urgentiste.
00:10:47À lui, les diagnostics.
00:10:49On y va ?
00:10:50À elle, les prises de sang,
00:10:52perfusions ou poses de sondes.
00:10:54Non, mais c'est des cendres.
00:10:56Un travail de l'ombre indispensable
00:10:58à la prise en charge des patients.
00:11:00Bonjour, madame.
00:11:01Bonjour, madame.
00:11:02Vous avez mal au ventre ?
00:11:04Depuis quand vous avez mal au ventre ?
00:11:08La santé de cette patiente est préoccupante.
00:11:10J'ai passé la gazovénose.
00:11:12Sa tension est anormalement élevée
00:11:14et elle se plaint de fortes douleurs.
00:11:16Je suis pas bien.
00:11:19J'ai un vertige terrible.
00:11:21Depuis quand vous avez les vertiges ?
00:11:23Ça fait un an.
00:11:24D'accord.
00:11:26Cette dame, elle est en danger, là,
00:11:28si on n'agit pas assez rapidement.
00:11:30Elle a pas mal d'antécédents, dont des cancers,
00:11:32donc voilà, il faut qu'on comprenne ce qui lui arrive.
00:11:34Ça va nécessiter de faire un scanner
00:11:36et d'une prise de sang qui est en cours.
00:11:38En attendant les résultats des examens,
00:11:40Audrey va tenter de soulager la patiente.
00:11:42Tu veux que je commence par quoi ?
00:11:44Par la sonde naseau ?
00:11:46La sonde naseau gastrique
00:11:48devrait permettre de diminuer les vomissements.
00:11:50C'est le soin que je déteste le plus
00:11:52parce que ça doit être horrible pour le patient.
00:11:55Avoir une sonde qui passe dans le nez,
00:11:57qui repasse dans la gorge,
00:11:59qu'il faut avaler et l'avoir jusque dans l'estomac,
00:12:02je souffre en même temps que le patient.
00:12:06Est-ce que le docteur vous a expliqué
00:12:08ce qu'on allait vous faire ?
00:12:10Vous savez que je vais devoir vous mettre
00:12:12une sonde dans le nez
00:12:14pour pouvoir aller dans l'estomac
00:12:16pour que vous puissiez aller à l'hôpital
00:12:18pour pouvoir aller dans l'estomac
00:12:20pour éviter que vous vomissiez trop ?
00:12:24Je vous mentirais si je vous disais le contraire.
00:12:26On va aller ensemble tout doucement.
00:12:28D'accord ?
00:12:32Elle a 20 de tension quand même.
00:12:38Est-ce que vous pouvez mettre la tête
00:12:40la plus en avant possible ?
00:12:42Voilà.
00:12:44Là maintenant je vais mettre la sonde.
00:12:46Détendez-vous.
00:12:48Essayez de vous détendre.
00:12:50Avalez.
00:12:52C'est super ce que vous faites.
00:12:54Encore.
00:12:56On est à 45.
00:12:58Ça va ?
00:13:00Bougez pas, c'est terminé.
00:13:02Vous avez été au top.
00:13:04On va lui mettre une couverture chauffante.
00:13:08Il faut rassurer.
00:13:10Faire baisser la pression du patient
00:13:12qui arrive, qui sait pas ce qu'il a,
00:13:14qui a mal, qui a peur.
00:13:16C'est un contexte qui est quand même anxiogène.
00:13:22Je pense qu'on apporte quelque chose aux gens en face.
00:13:24On leur apporte quelque chose
00:13:26au-delà des soins.
00:13:28C'est le coeur, je pense, des urgences aussi.
00:13:30De rassurer la personne,
00:13:32se mettre à sa place.
00:13:36230 personnes défileront dans les boxes des urgences aujourd'hui.
00:13:38Et Audrey ne sait jamais
00:13:40à quoi s'attendre.
00:13:42Vous habitez où ?
00:13:44Vous dormez où ?
00:13:46Chez un ami ?
00:13:48Cet homme se plaint de difficultés respiratoires.
00:13:52Audrey va faire une découverte surprenante.
00:13:58Ah, ça, c'est des lésions de grattage,
00:14:00des punaises de vie.
00:14:04Non, non.
00:14:06C'est pas des punaises.
00:14:08C'est pas des coups de corps, ça, ici ?
00:14:10C'est pas des coups de corps ?
00:14:16C'est pas des punaises.
00:14:18C'est des coups de corps.
00:14:20C'est nerveux.
00:14:28Attention, elle monte.
00:14:32En soi, c'est pas très grave,
00:14:34mais surtout, ça peut aussi tomber par terre,
00:14:36rester ici,
00:14:38et contaminer d'autres patients,
00:14:40et contaminer le box.
00:14:42Attention, là, là, là,
00:14:44elle marche.
00:14:46Tu vois ?
00:14:50Tout change très vite aux urgences.
00:14:52On est au cœur de la vie des Français.
00:14:54On reçoit pour de l'urgence somatique,
00:14:56la détresse morale,
00:14:58mentale, psychologique,
00:15:00la détresse sociale.
00:15:02On a tout ce qu'on peut rencontrer
00:15:04dans la vie.
00:15:08Malgré le manque de brancards,
00:15:10des patients qui peuvent passer des heures aux urgences,
00:15:12pour les équipes soignantes de ce service,
00:15:14les conditions de travail
00:15:16se sont améliorées ces dernières années.
00:15:2049 !
00:15:22Oh, je t'attends !
00:15:24Elle a quand même un vrai métier.
00:15:26Oui, je sais.
00:15:28Mais pour Audrey et ses collègues infirmières,
00:15:30le rôle de pilier des urgences n'est toujours pas reconnu
00:15:32à sa juste valeur.
00:15:34Comme moi, j'ai dit,
00:15:36au moment de la période du Covid,
00:15:38les applaudissements, c'est bien,
00:15:40mais ça nourrit pas.
00:15:42Enfin, on nous a vite oubliés.
00:15:44Salaire de base, au bout de combien d'années ?
00:15:46Moi, ça fait 9 ans.
00:15:489 ans ici.
00:15:502300 brutes, avec les responsabilités qu'on a,
00:15:52travailler un week-end sur deux,
00:15:54tous les fériés.
00:15:56On a Noël, dans le meilleur des cas,
00:15:58on l'a pas choisi dans notre métier,
00:16:00mais c'est quand même une énorme contrainte.
00:16:02Les vacances d'été,
00:16:04on peut pas tous partir.
00:16:06On est encore moins nombreux
00:16:08à pouvoir partir, et on l'accepte.
00:16:10C'est comme ça, on joue le jeu.
00:16:12On fait des sacrifices,
00:16:14on aime notre métier,
00:16:16mais à un moment donné,
00:16:18il y a un siècle, deux siècles de ça,
00:16:20c'était les sœurs
00:16:22qui étaient les infirmières.
00:16:24Elles avaient épousé, plus qu'un métier,
00:16:26une vocation, autre...
00:16:28On n'en est plus là.
00:16:30Parce qu'après,
00:16:32on parle de déserts médicaux,
00:16:34mais il n'y a plus de postes infirmiers,
00:16:36on manque d'infirmières.
00:16:38Si le travail, et notamment par le salaire,
00:16:40était un peu plus attractif,
00:16:42peut-être qu'il y aurait un peu plus de personnes.
00:16:44En France, les salaires des infirmiers hospitaliers
00:16:46sont 10% moins élevés
00:16:48que ceux de la moyenne européenne.
00:16:50Pas de message subliminal.
00:16:52En 2023, l'hôpital public comptait
00:16:54plus d'infirmiers à pourvoir.
00:17:02À 24 ans,
00:17:04Léo n'est pas encore infirmier.
00:17:06Après trois ans de formation,
00:17:08il obtiendra son diplôme dans quelques semaines.
00:17:10Pourtant, au départ,
00:17:12le jeune homme se rêvait médecin.
00:17:14Mais recalé au concours,
00:17:16il a bifurqué en école d'infirmier
00:17:18et a découvert sa vocation.
00:17:20Je me suis rendu compte
00:17:22que l'infirmier, ça me correspondait plus
00:17:24que la médecine après mon premier stage.
00:17:26Le médecin était très peu dans les chambres,
00:17:28très peu auprès du patient.
00:17:30Il faisait son examen clinique une fois le matin
00:17:32puis il ne voyait plus son patient
00:17:34pour le reste de la journée,
00:17:36alors que l'infirmier était tout le temps
00:17:38au contact du patient.
00:17:40Ça me plaisait plus.
00:17:42Depuis deux semaines,
00:17:44Léo est en stage dans le service
00:17:46des maladies infectieuses
00:17:48de l'hôpital de Célestat en Alsace.
00:17:50Tu m'as déjà presque qui la perf ?
00:17:54Cet après-midi, c'est Bernadette,
00:17:5637 ans de service, qui l'accompagnera
00:17:58et le guidera.
00:18:00On a une admission qui vient d'arriver
00:18:02en direct, donc elle n'a pas de bilan sanguin,
00:18:04donc on va lui faire une prise de sang.
00:18:06Avec des hémocultures
00:18:08et on va également lui faire un électrocardiogramme
00:18:10et lui poser une perfusion.
00:18:12Finis de préparer ton soin par rapport
00:18:14à ta prise de sang.
00:18:16Léo est concentré,
00:18:18car dans quelques semaines,
00:18:20il devra réaliser ses prises de sang tout seul.
00:18:22Un geste qu'il ne maîtrise pas
00:18:24encore parfaitement.
00:18:26Beaucoup d'élèves, malheureusement,
00:18:28sont dans des stages peu techniques.
00:18:30Léo a été en réa
00:18:32il n'y a pas longtemps sur Strasbourg
00:18:34et en réa, on pique beaucoup
00:18:36sur des voies centrales, donc on ne pique pas
00:18:38en périphérique et du coup,
00:18:40il n'a pas fait beaucoup de soins infirmiers.
00:18:42C'est un peu dommage.
00:18:44C'est maintenant à Léo
00:18:46de faire ses preuves lors d'une prise de sang
00:18:48sur une voie périphérique.
00:18:54Pression supplémentaire pour Léo.
00:18:56La patiente est très anxieuse.
00:19:00Je suis étudiant en chirurgie.
00:19:06J'ai réussi les dernières que j'ai faites.
00:19:08Je commence à désinfecter.
00:19:12Si vous arrivez tout de suite à montrer, c'est bien.
00:19:14C'est l'objectif.
00:19:22Je fais piquer.
00:19:26Ça marche.
00:19:28On est dedans.
00:19:30Première étape réussie.
00:19:34Mais l'aiguille sort de la veine.
00:19:40La veine était un peu fine.
00:19:42Ça n'a pas marché jusqu'au bout.
00:19:44C'est désolé.
00:19:46Il faut repiquer.
00:19:48Je vais laisser ma main à ma collègue.
00:19:50D'accord ?
00:19:52Ça ne marche pas, on passe la main.
00:20:02J'ai senti qu'elle était stressée
00:20:04et je pense que ça m'a mis la pression
00:20:06peut-être même d'une manière inconsciente
00:20:08mais il fallait que je la réussisse
00:20:10C'est clair et net que leur stress
00:20:12nous le dégage.
00:20:14Avec l'expérience, on arrive à prendre de la distance
00:20:16à essayer de parler d'autres choses
00:20:18à essayer de les détendre
00:20:20mais si vous n'êtes pas à l'aise avec votre geste en lui-même
00:20:22vous ne pouvez pas faire ça.
00:20:26Je pense que j'étais pareil il y a plusieurs années.
00:20:28Il faut le temps.
00:20:32Dans une des chambres voisines
00:20:34un patient en fin de vie est en difficulté.
00:20:36En accord avec son médecin
00:20:38il avait souhaité boire un peu de vin
00:20:40mais il s'étouffe.
00:20:42C'est le vin que vous lui avez donné ?
00:20:44Crachez si ça vient.
00:20:46Crachez, crachez.
00:20:52C'est bien.
00:20:54Encore, encore.
00:20:56Ça ne passe pas.
00:20:58Voulez-vous accrocher là-haut ?
00:21:08C'est un métier
00:21:10qui n'est pas facile émotionnellement
00:21:12puisqu'on est tout le temps confronté
00:21:14à la douleur, à la mort, à la souffrance
00:21:16des malades, de leurs proches.
00:21:18Certaines situations restent très compliquées.
00:21:22Ça va pour vous ou vous voulez sortir ?
00:21:24J'ai encore des difficultés
00:21:26face à la famille des patients en fin de vie
00:21:28qui ont besoin d'être assurés aussi
00:21:30qui ont besoin de soins comme des patients
00:21:32de soins relationnels plutôt
00:21:34où j'ai encore du mal à trouver ma place
00:21:36et les bons mots pour les rassurer.
00:21:38Si vous avez besoin, n'hésitez pas à appuyer sur la sonnette.
00:21:40On arrive.
00:21:42Si vous avez besoin d'aide, si quelque chose se passe,
00:21:44appuyez sur la sonnette.
00:21:52C'est très important de transmettre
00:21:54puisque c'est eux qui vont prendre la relève.
00:21:56C'est plus qu'important.
00:21:58C'est un très beau métier.
00:22:00Il faut juste savoir se protéger
00:22:02parce que sinon on y reste à peu.
00:22:04Il faut s'assurer, savoir prendre le temps,
00:22:06savoir aussi dire de temps en temps
00:22:08stop, il faut que je souffle.
00:22:10Ça, ça s'apprend.
00:22:12Ça s'apprend quand c'est brûlé les ailes.
00:22:14La journée de Pauline et sa famille commence à l'aube.
00:22:34Moi, c'est réveil à 5 heures.
00:22:36En gros, de 5 à 6,
00:22:38c'est les grands qui nous préparons.
00:22:40Et 6 heures, on les réveille.
00:22:42Après, tout est minuté pour qu'à 7 heures,
00:22:44ils soient prêts pour être déposés au périscolaire.
00:22:46C'est un peu la course.
00:22:48Des fois, c'est dur.
00:22:50Surtout quand t'as pas envie.
00:22:52Ou des fois, la rentrée.
00:22:54Ou des fois, tu veux rester couché.
00:23:00Le petit déjeuner est le seul moment de la journée
00:23:02que Pauline partage avec ses enfants.
00:23:06Infirmière en chirurgie cardiaque,
00:23:08elle travaille 12 heures par jour,
00:23:10sans compter ses astreintes.
00:23:12C'est compliqué de trouver
00:23:14entre l'épanouissement professionnel
00:23:16et les horaires,
00:23:18qui sont des horaires d'hôpitaux.
00:23:20À un moment, je suis assez consciente
00:23:22que c'est pas évident
00:23:24comme rythme que je leur impose.
00:23:26A ce soir, je vous aime.
00:23:32Mais à 35 ans,
00:23:34Pauline compte bien profiter
00:23:36de toutes les opportunités que lui offre son métier.
00:23:38Après 12 ans passés en réanimation,
00:23:40elle termine actuellement une formation
00:23:42pour devenir infirmière de bloc opératoire.
00:23:48Je suis arrivée ici en janvier 2023.
00:23:50C'est encore tout nouveau.
00:23:52J'aime bien me remettre en question
00:23:54et pas rester sur mes acquis.
00:23:56Donc oui, rebouger les cartes régulièrement,
00:23:58je préfère.
00:24:04Dans les prochaines heures,
00:24:06Pauline s'adapte à son rôle,
00:24:08celle d'infirmière instrumentiste,
00:24:10sorte de chef de bord de l'opération.
00:24:14Du coup, là, c'est tous les instruments
00:24:16qui peuvent intervenir dans la chirurgie.
00:24:20Donc on apprend les boîtes par coeur.
00:24:22Et après, du coup,
00:24:24on range dans l'ordre opératoire.
00:24:26Ça, c'est pour scier le sternum.
00:24:30Checklist.
00:24:32Aux commandes de l'intervention,
00:24:34c'est le professeur Fabien Dauguet,
00:24:36chirurgien cardiaque.
00:24:38Il va remplacer une valve défectueuse
00:24:40à l'intérieur du coeur d'une patiente de 70 ans.
00:24:44L'opération doit être la plus rapide possible.
00:24:48Le coeur va être arrêté
00:24:50et cette machine va prendre le relais.
00:25:04Il y a une répétition sur le bout des doigts.
00:25:06Elle anticipe chaque geste du chirurgien.
00:25:12Chaque chirurgien a ses habitudes.
00:25:14Nous, on est dans un geste
00:25:16qui nous fait toujours la même chose
00:25:18et il faut qu'on soit vraiment dans de la répétition
00:25:20pour le faire bien.
00:25:22Et donc, il faut que les infirmières
00:25:24apprennent aussi nos habitudes.
00:25:30J'ai besoin d'être concentrée
00:25:32et j'ai besoin d'un stop cardio.
00:25:40Si il n'y a pas d'infirmière, on ne peut pas travailler.
00:25:42C'est un peu comme un vol.
00:25:44Quand le plan est tracé, on a la météo
00:25:46mais parfois il y a des intempéries.
00:25:48Mais à part en chirurgie cardiaque,
00:25:50il peut y avoir des intempéries
00:25:52et on a besoin de pouvoir interagir en permanence.
00:25:54Si on n'a pas quelqu'un qui suit,
00:25:56qui est en capacité de nous donner l'instrument
00:25:58tout en gardant le regard sur le champ opératoire,
00:26:00je suis en charge en fait.
00:26:04L'opération est terminée.
00:26:06Après 4 heures de concentration intense,
00:26:08Pauline peut enfin souffler.
00:26:14C'est un peu épuisant.
00:26:16En règle générale, on a un peu soif
00:26:18et puis les batteries se rechargent rapidement.
00:26:22Mais la jeune femme, toujours en quête de nouveaux défis,
00:26:24a déjà la tête ailleurs.
00:26:26Dans quelques jours,
00:26:28elle part réaliser un rêve.
00:26:30Exercer son métier d'infirmière
00:26:32loin des murs de l'hôpital,
00:26:34dans le désert marocain.
00:26:36Ce projet est né après la crise du Covid
00:26:38qu'elle a vécu de plein fouet
00:26:40dans son service de réanimation.
00:26:46Pour Lydie aussi,
00:26:48comme pour la plupart des soignants en France,
00:26:50la pandémie a marqué un tournant.
00:26:52En première ligne,
00:26:54c'était le burnout.
00:27:02Aujourd'hui, elle tient à partager avec Lou
00:27:04l'une de ses remplaçantes
00:27:06des reliques qu'elle a gardées de cette période.
00:27:24J'avais fabriqué des surchaussures en tissu.
00:27:26On rentrait chez les gens comme ça.
00:27:30On n'avait pas le temps de manger,
00:27:32on n'avait pas le temps de se reposer.
00:27:34On finissait tes 22h30 pour recommencer à 5h.
00:27:36Comme un marathon.
00:27:38Mais ça a duré...
00:27:40Des mois déjà.
00:27:42De 2020 jusqu'en 2022.
00:27:44Fin 2019.
00:27:46Il fallait foncer.
00:27:48Il fallait aider, se soutenir.
00:27:50J'ai même fait, en plus de mon travail,
00:27:52des heures supplémentaires sur le laboratoire.
00:27:54Il manquait de personnel.
00:27:56J'avais un terme qui était vraiment
00:27:58malsain en soi.
00:28:00Maintenant je le sais, c'était
00:28:02je suis au bout de ma vie.
00:28:06Pendant des mois,
00:28:08Lydie a tenu pour être à la hauteur
00:28:10de sa mission de soignante.
00:28:12Mais en 2021, à 52 ans,
00:28:14elle découvre qu'elle souffre d'un cancer du sein.
00:28:16Dans le déni de la maladie,
00:28:18elle continue de soigner ses patients
00:28:20mais refuse les traitements proposés par son médecin.
00:28:24C'est pas facile de se soigner quand on est soignant.
00:28:26C'est surtout pas facile d'accepter
00:28:28qu'on peut être malade.
00:28:30Et puis de se dire
00:28:32j'y suis.
00:28:34Je suis de l'autre côté.
00:28:36Il faut que je prenne soin de moi.
00:28:38Ça a été très dur pour moi. J'étais en colère.
00:28:40Lorsque j'allais au rendez-vous,
00:28:42j'étais même agressif avec la secrétaire.
00:28:44J'étais agressif aussi avec les soignants.
00:28:46C'était trop dur à accepter.
00:28:48C'est la rencontre
00:28:50avec un autre cancérologue
00:28:52qui l'a aidée à accepter une chimiothérapie.
00:28:54Et dans cette épreuve,
00:28:56elle a pu compter sur le soutien indéfectible
00:28:58de son mari.
00:29:00Je remercie mon mari
00:29:02parce que
00:29:04malgré mes choix,
00:29:06il a toujours été là.
00:29:08Même s'il trépignait autour de moi
00:29:10en me disant
00:29:12qu'est-ce que tu fais ?
00:29:14Je veux te garder.
00:29:16Je ne l'écoutais pas.
00:29:28Aujourd'hui,
00:29:30il est heureux
00:29:32de ce choix.
00:29:34C'est parce qu'il m'a accompagnée
00:29:36dans ce cheminement
00:29:38qu'on en est là.
00:29:42C'est beau.
00:29:44C'est un chouette compagnon de route.
00:29:58L'épreuve de la maladie
00:30:00a transformé le quotidien de Lydie.
00:30:04Aujourd'hui, pour lever le pied,
00:30:06elle a diminué son temps de travail
00:30:08et partage ses tournées avec 3 remplaçants.
00:30:14A Marseille,
00:30:16Audrey a été appelée dans la nuit
00:30:18par ses collègues des urgences
00:30:20après l'admission d'une femme
00:30:22séquestrée et torturée
00:30:24par son mari et un autre homme.
00:30:26Elle s'est échappée
00:30:28de l'appartement.
00:30:30Elle est partie chez la voisine.
00:30:32C'est la voisine qui a appelé
00:30:34les pompiers.
00:30:36Elle est arrivée avec les pompiers.
00:30:38Il n'y avait pas la position.
00:30:40Depuis un an et demi,
00:30:42Audrey est la référente du service
00:30:44pour les violences faites aux femmes.
00:30:46Je me suis mis sur le dossier.
00:30:48Elle est en attente d'un gynéco.
00:30:50Une possibilité du viol.
00:30:52Elle a été scannée aussi.
00:30:54Elle a une amputation du champ visuel
00:30:56à gauche.
00:30:58Il y a une amnésie à plus ou moins d'effet.
00:31:00Elle a été mordue, frappée,
00:31:02griffée.
00:31:04Ils lui ont forcé à manger des excréments.
00:31:06Elle a des marques de brûlure
00:31:08de cigarettes sur les pieds.
00:31:10Toutes les personnes entrées dans le box
00:31:12ont pris 5 minutes pour sortir.
00:31:14C'était compliqué pour tout le monde.
00:31:16Ca va aller ?
00:31:18Oui, ça va.
00:31:20Audrey a développé un nouveau dispositif
00:31:22d'accueil des femmes victimes de violences.
00:31:24Il permet une prise en charge
00:31:26qui ne se limite pas aux soins d'urgence
00:31:28comme pour la patiente admise cette nuit.
00:31:30Je voulais savoir au niveau de la procédure
00:31:32si l'auteur présumé
00:31:34avait été interpellé ou pas.
00:31:36Non, toujours pas.
00:31:38Dès l'arrivée de la victime,
00:31:40l'hôpital a averti la police
00:31:42qui s'est déplacée pour enregistrer sa plainte.
00:31:44On se rappelle un peu plus tard
00:31:46dans la journée ?
00:31:48Non, c'est pas ça.
00:31:50Elle a été placée sous identité protégée
00:31:52et une association va l'accompagner
00:31:54pour préparer sa sortie en toute sécurité.
00:31:56Il y a quelques années,
00:31:58quand cette collaboration entre hôpital, police
00:32:00et association n'existait pas,
00:32:02Audrey avait connu un épisode
00:32:04particulièrement traumatisant.
00:32:06Au tout début, j'étais infirmière de nuit
00:32:08et j'ai reçu une jeune femme
00:32:10de 19 ans qui avait été battue par son copain.
00:32:12La prise en charge médicale
00:32:14avait été faite,
00:32:16mais j'avais envie de la convaincre
00:32:18de porter plainte et qu'il ne fallait pas rester comme ça.
00:32:20Et elle m'a juste dit
00:32:22mais en fait, toi, qu'est-ce que tu peux faire pour moi ?
00:32:24Là, maintenant, tout de suite.
00:32:26Parce qu'elle m'a dit qu'elle rentrait chez elle.
00:32:28Et en fait, moi, je n'ai pas pu lui répondre.
00:32:30Parce qu'à ce moment-là,
00:32:32je ne pouvais rien faire pour elle.
00:32:34Et ça, ça a été d'une violence pour moi.
00:32:38Oui, c'était d'une extrême violence.
00:32:44Bonjour.
00:32:46Excusez-moi de vous déranger.
00:32:48Je me présente.
00:32:50Je m'appelle Audrey.
00:32:52Je suis l'infirmière référente des violences faites aux femmes.
00:32:56Vous allez rester ici le temps
00:32:58qu'il faut, médicalement,
00:33:00mais aussi le temps de souffler parce que...
00:33:02Oui. Je veux juste me reposer un petit peu.
00:33:04Je suis léoptique.
00:33:06Ça fait trois jours que je n'ai pas dormi.
00:33:08D'accord.
00:33:10Là, la procédure suit son cours.
00:33:12Je pense que la police va revenir vous voir.
00:33:14Absolument.
00:33:16Est-ce que je peux vous poser une question ?
00:33:18C'était la première fois ?
00:33:20Oui.
00:33:22Ça fait longtemps que vous êtes ensemble ?
00:33:24Marié ?
00:33:26Ça fait dix ans.
00:33:28Dix ans ?
00:33:30Lâchez.
00:33:32Lâchez tout.
00:33:34Si vous avez besoin de pleurer, pleurez.
00:33:44Audrey et son équipe
00:33:46accompagnent en moyenne une femme victime de violences chaque jour.
00:33:50Oui.
00:33:52Vous êtes en sécurité.
00:33:54Vous rappelez mon prénom ?
00:33:56Non.
00:33:58Je vais vous le dire encore une fois.
00:34:00Audrey.
00:34:02Si vous avez besoin de quoi que ce soit,
00:34:04vous demandez qu'il m'appelle,
00:34:06et moi, je viens et on en rediscute.
00:34:08Oui.
00:34:10Je vous en prie.
00:34:12À tout à l'heure.
00:34:14La porte d'entrée principale
00:34:16pour ces femmes-là, c'est les urgences.
00:34:18Parce que...
00:34:20Où aller ?
00:34:2224 heures sur 24,
00:34:247 jours sur 7 pour demander de l'aide.
00:34:26Mis à part aux urgences.
00:34:30Moi, je ne connais pas d'autres structures.
00:34:32Qu'elles sachent qu'elles peuvent venir,
00:34:34et qu'il y a des choses qui sont mises en place aux urgences
00:34:36pour qu'elles puissent s'en saisir
00:34:38le jour où elles auront besoin de s'en saisir.
00:34:42En 2022, près de 240 000 femmes
00:34:44ont été victimes de violences conjugales en France.
00:34:48Grâce à son métier d'infirmière,
00:34:50Audrey a pu s'engager concrètement dans un combat
00:34:52qui lui tient à cœur.
00:34:56Léo, l'étudiant infirmier,
00:34:58a toute une vie professionnelle à inventer.
00:35:00Farine, crème, oignon, lardons.
00:35:02Dans sa famille,
00:35:04on partage deux passions.
00:35:06Les tartes flambées
00:35:08et les soins infirmiers.
00:35:10Pour la tarte flambée,
00:35:12on commence avec de la crème dessus.
00:35:14Une cuillère ou deux qu'on étale.
00:35:16Ensuite, on rajoutera les oignons,
00:35:18les lardons.
00:35:20Et selon comment on l'aime,
00:35:22avec du gruyère,
00:35:24du muster,
00:35:26pour qu'elle soit gratinée.
00:35:30Je pense que je maîtrise mieux
00:35:32les tartes flambées que les soins infirmiers
00:35:34parce que ça fait plus longtemps que j'en fais.
00:35:38Chez Léo,
00:35:40soigner, c'est une affaire de famille.
00:35:42Léna, sa compagne,
00:35:44est infirmière diplômée depuis six mois.
00:35:46Solène, sa sœur,
00:35:48est encore étudiante infirmière.
00:35:50Quant à Céline, sa mère,
00:35:52elle a 30 ans de carrière derrière elle.
00:35:54Moi, ça fait bientôt 30 ans.
00:35:56Je me lève toujours.
00:35:58Je suis toujours contente d'aller travailler.
00:36:00Jamais je me dis que ça fait brère d'aller travailler.
00:36:02C'est peut-être pour ça
00:36:04que je vous ai contaminées tous les deux.
00:36:06T'as eu la chance d'évoluer dans ta carrière aussi,
00:36:08ce qui fait que ça reste intéressant
00:36:10et que tu passes à autre chose.
00:36:12C'est vrai qu'on t'a toujours vu partir avec le sourire,
00:36:14revenir avec le sourire, être contaminée.
00:36:16J'étais quand même un petit peu surprise
00:36:18parce que Léo, à la base,
00:36:20je m'attendais plutôt
00:36:22à ce qu'il fasse de l'informatique
00:36:24ou des études scientifiques,
00:36:26mais je ne m'attendais pas forcément
00:36:28à ce qu'il aille vers les soins.
00:36:30Et puis quand il l'a dit,
00:36:32finalement, c'était quand même
00:36:34comme une évidence.
00:36:36Je la voyais heureuse au travail.
00:36:38C'est déjà quelque chose qui m'attirait, je pense.
00:36:40Je la voyais parler avec les gens
00:36:42et ça, je pense que c'est quelque chose qui m'a marqué aussi,
00:36:44la manière dont elle échangeait avec les personnes âgées de l'EHPAD.
00:36:46Je n'ai pas fait de prosélytisme,
00:36:48jamais, je ne pense pas.
00:36:50Je ne leur ai jamais dit qu'il faut être infirmier.
00:36:52Pas du tout.
00:36:54Il y a tellement de choses à découvrir dans ce métier.
00:36:56C'est génial.
00:36:58C'est un métier qui grandit avec nous,
00:37:00qui change, qui évolue avec nous.
00:37:02On a tellement de possibilités en tant qu'infirmière.
00:37:04Et puis Léo, il est dynamique.
00:37:06Je pense qu'il a de la ressource,
00:37:08donc je pense qu'il va changer aussi
00:37:10de voie plusieurs fois.
00:37:12Céline sait de quoi elle parle.
00:37:14En 30 ans, elle a vécu plusieurs vies d'infirmière.
00:37:16Après des premières années de soins très techniques
00:37:18en cancérologie puis en réanimation,
00:37:20elle est partie en EHPAD
00:37:22pour encadrer des équipes soignantes.
00:37:26Tous les deux sont attirés vers le côté technique
00:37:28de l'infirmière pour l'instant.
00:37:30Ils sont passionnés par ça.
00:37:32Au début, le côté technique, c'est génial.
00:37:34Je suis persuadée,
00:37:36les connaissants, qu'ils évolueront
00:37:38vers quelque chose de plus humain
00:37:40par après.
00:37:42J'ai une idée un peu, pour les deux,
00:37:44de ce qu'ils vont faire.
00:37:46Je me tais, parce que je ne peux pas dire.
00:37:50C'est sûr que d'avoir vu ma mère
00:37:52être encadrante d'une équipe de soins
00:37:54puis redevenir infirmière après,
00:37:56pourquoi pas rechanger par la suite,
00:37:58ça me rassure sur le fait
00:38:00que je ne vais pas être enfermé entre quatre murs
00:38:02dans un service et ne plus pouvoir y bouger.
00:38:04Moi, je suis super fière
00:38:06et je sais qu'ils seront heureux
00:38:08dans cette voie-là, je pense.
00:38:10Finalement, s'occuper des autres,
00:38:12c'est génial, quoi.
00:38:14Ca donne du sens à sa vie,
00:38:16en soi.
00:38:18C'est riche.
00:38:20C'est riche.
00:38:36Se réinventer sans cesse
00:38:38dans son métier,
00:38:40c'est ce que Nathalie Pauline a toujours recherché.
00:38:42Dans quelques heures,
00:38:44elle réalisera son rêve,
00:38:46travailler hors des sentiers battus
00:38:48lors du Marathon des Sables au Maroc.
00:38:52Je n'ai jamais fait ça,
00:38:54de faire un Marathon des Sables,
00:38:56donc il faut en profiter.
00:38:58Je savoure chaque instant.
00:39:00Pendant dix jours,
00:39:02elle va faire partie du staff médical
00:39:04de cette ultra-trail de renommée mondiale.
00:39:06Après trois heures de vol,
00:39:08six heures de route,
00:39:10c'est l'arrivée au bivouac
00:39:12pour les 850 participants
00:39:14et l'équipe médicale.
00:39:18On va là, je pense.
00:39:20Vu le monde avec ses valises !
00:39:22Pendant les six jours de course
00:39:24et les 250 km dans le sable et la chaleur,
00:39:26les organismes des coureurs
00:39:28vont être soumis à des conditions extrêmes.
00:39:30Bonjour !
00:39:32Tu parles français ?
00:39:34Ton certificat médical
00:39:36et ton ECG parfait.
00:39:38Pour Pauline et ses collègues,
00:39:40c'est l'heure des derniers conseils médicaux
00:39:42avant le grand départ.
00:39:44Les anti-inflammatoires,
00:39:46c'est important de ne pas en prendre
00:39:48parce que c'est toxique pour les reins.
00:39:50Au niveau des antécédents médicaux,
00:39:52rien de particulier ?
00:39:54T'as une allergie ?
00:39:56Je vais quand même en parler
00:39:58avec un doc,
00:40:00que les choses soient bien cadrées.
00:40:02Le premier hôpital est à des centaines
00:40:04de kilomètres de piste,
00:40:06alors Pauline ne laisse rien au hasard.
00:40:08Il faut qu'on connaisse
00:40:10les dossiers qui sont un peu sensibles.
00:40:12C'est aussi une première approche médicale.
00:40:14C'est plein d'aspects
00:40:16qui sont sympas.
00:40:18Et ça change du bloc !
00:40:20L'hôpital, on est dans un confort.
00:40:22On est entre quatre murs,
00:40:24on a nos médecins,
00:40:26on a notre petite table pour travailler.
00:40:28Mais c'est vrai qu'en étant tout le temps
00:40:30enfermée dans son même service,
00:40:32j'ai peur d'un moment donné
00:40:34de me remettre en question.
00:40:36J'ai pas envie de tomber là-dedans,
00:40:38dans une espèce de routine professionnelle.
00:40:40J'ai besoin que ça bouge,
00:40:42que ce soit mon corps,
00:40:44que ce soit mon âme,
00:40:46que ce soit mon corps.
00:40:48J'ai besoin que ça bouge,
00:40:50que ce soit moins cadré.
00:40:54Et qu'il y ait un peu d'aventure.
00:41:08Sous l'attente médicale,
00:41:10les soignants préparent le matériel
00:41:12à emporter demain sur les checkpoints
00:41:14le long de la course.
00:41:16Il y a des professions très variées.
00:41:18Il y a autant d'anesthésistes réanimateurs,
00:41:20d'urgentistes, que d'infirmières anesthésistes,
00:41:22des infirmières d'urgence,
00:41:24des infirmières de bloc opératoire.
00:41:26Ce sont des gens qui ont l'habitude
00:41:28de vadrouiller un petit peu
00:41:30et qui sont intéressés par
00:41:32les environnements hostiles
00:41:34et la médecine en process dégradé.
00:41:36Cinq smectas ?
00:41:38Ok.
00:41:40Il m'en faut encore un.
00:41:42C'est bon.
00:41:44Il m'en faut encore deux fois cinq.
00:41:46Avec l'effort,
00:41:48on risque majoritairement des diarrhées.
00:41:50Après, l'activité physique
00:41:52plus le désert,
00:41:54si on a une diarrhée,
00:41:56ça peut amener sur une déshydratation.
00:41:58Il m'en faut une.
00:42:04Les derniers sacs sont prêts.
00:42:06Il ne reste plus qu'à attendre
00:42:08le lever du jour.
00:42:1430 kilomètres de course
00:42:16dans le sable et la chaleur
00:42:18attendent les coureurs
00:42:20pour cette première étape.
00:42:22Pauline a rendez-vous avec eux
00:42:24au troisième checkpoint
00:42:26dans 24 kilomètres.
00:42:44Je vais peut-être prendre un chapeau.
00:42:46Oui, il y a du soleil.
00:42:50Depuis l'annonce de son cancer,
00:42:52Lydie essaie de ralentir le rythme.
00:42:54Je veux bien que tu me donnes
00:42:56un petit peu d'huile,
00:42:58s'il te plaît, puisque tu es là-bas.
00:43:00Aujourd'hui, elle s'arrête déjeuner
00:43:02chez elle où, grâce à Jean-Louis,
00:43:04son mari, elle n'a plus qu'à mettre
00:43:06les pieds sous la table.
00:43:08C'est appétissant.
00:43:10J'ai un cuisinier,
00:43:12j'ai un amoureux,
00:43:14j'ai un partenaire,
00:43:16un compagnon.
00:43:18J'ai une perle.
00:43:20Je ne t'ai pas attendue.
00:43:22J'ai eu faim avant toi.
00:43:26Ah, j'ai le téléphone qui sonne.
00:43:28Je crois qu'il faut que tu te poses.
00:43:30Tu reprendras après.
00:43:32Il n'y a pas urgence.
00:43:34Il est dans mon oreille.
00:43:36Il ne s'arrête jamais.
00:43:38On a même pris une deuxième ligne
00:43:40parce qu'elle avait tellement d'appels
00:43:42sur son premier téléphone
00:43:44que c'était infernal, même en vacances.
00:43:46Au bout d'un moment, même ses collègues
00:43:48lui ont dit qu'il fallait qu'elle s'arrête.
00:43:50Elle n'a plus de vie.
00:43:52Ce n'est pas possible.
00:43:54Il faut que je la surveille.
00:43:56Sinon, elle ne s'écoute pas.
00:44:00Elle ne s'écoute pas.
00:44:02Il faut qu'on s'évade.
00:44:04Il faut sortir de la maison
00:44:06et ne plus penser au travail.
00:44:10Lydie ne s'est pas s'arrêter.
00:44:12Alors dès qu'elle a un moment de libre,
00:44:14elle quitte sa tenue d'infirmière
00:44:16et rejoint son terrain de jeu préféré,
00:44:18la piste de décollage de parapente
00:44:20à quelques kilomètres de chez elle.
00:44:24Loupé.
00:44:30Passionnée de vol libre depuis 20 ans,
00:44:32cette activité est devenue vitale pour elle.
00:44:34Je me rends compte que c'est le seul sport
00:44:36qui me permet de faire le vrai lâcher prise.
00:44:38J'en ai vraiment besoin avec le travail que je fais.
00:45:04Ah, ça fait du bien !
00:45:08Ce bleu, ce blanc,
00:45:10ces contrastes de couleurs,
00:45:12c'est reposant.
00:45:20La tête dans le ciel,
00:45:22les pieds au-dessus de son village de l'aragne,
00:45:24c'est ici que Lydie a trouvé son équilibre.
00:45:28Aujourd'hui,
00:45:30elle sait que pour bien soigner ses patients,
00:45:32elle doit aussi prendre soin d'elle.
00:45:46À 46 ans,
00:45:48Audrey a déjà eu plusieurs vies professionnelles.
00:45:50Elle a d'abord été claire de notaire,
00:45:52mais il y a 15 ans,
00:45:54en devenant jeune-maman,
00:45:56elle choisit de reprendre ses études
00:45:58pour embrasser sa vocation.
00:46:00Aujourd'hui,
00:46:02ses filles sont persuadées qu'elle a fait le bon choix.
00:46:04Elle est tellement passionnée.
00:46:06Quand on l'entend parler avec ses amis,
00:46:08on voit qu'elle aime ce qu'elle fait.
00:46:10Donc ça donne aussi envie de faire ça.
00:46:14Je pense que les parents,
00:46:16quand on transmet notre bien-être aux enfants,
00:46:18c'est aussi leur apporter
00:46:20une part d'éducation et de valeur.
00:46:22Et si elles,
00:46:24elles peuvent faire ce qu'elles veulent plus tard,
00:46:26je serai derrière parce que c'est important
00:46:28de faire ce qu'on veut et de mettre tout en oeuvre
00:46:30pour faire ce qu'on aime.
00:46:32Mais aujourd'hui divorcée,
00:46:34avec un salaire de 2300 euros brut par mois,
00:46:36Audrey imagine difficilement
00:46:38son avenir à l'hôpital.
00:46:40J'ai un bac plus 3.
00:46:42Je suis infirmière.
00:46:44Donc c'est quand même un métier qui est noble.
00:46:46J'avais un peu d'argent de côté.
00:46:48Ça fait un an et demi
00:46:50que j'ai plus d'argent de côté, en fait.
00:46:52Je navigue dans le rouge.
00:46:54Et pas parce que je me suis périllée
00:46:56que je me suis dit, ben non,
00:46:58c'est juste pour payer les factures.
00:47:00Dans 3 ans, ma grande va aller faire des études supérieures.
00:47:02La petite va suivre dans la foulée
00:47:04et comment je vais faire pour payer les études.
00:47:06Et pour ça, moi, je ne négocierai pas.
00:47:10C'est-à-dire
00:47:12que je serai prête à quitter mon métier hospitalier,
00:47:14mon métier que j'aime et que j'adore.
00:47:16Mais à un moment donné, je vais être obligée de faire un choix.
00:47:18Ce choix sera très difficile,
00:47:20mais dans la balance,
00:47:22mes filles passeront toujours en premier.
00:47:24Les questionnements d'Audrey
00:47:26sont ceux de nombreuses infirmières hospitalières.
00:47:28La moitié d'entre elles quittent en effet
00:47:30l'hôpital public après 10 ans d'exercice.
00:47:32Et parmi les démissionnaires,
00:47:3410% choisissent ensuite
00:47:36une carrière d'infirmière libérale
00:47:38où les revenus sont plus élevés
00:47:40que dans la fonction publique.
00:47:50Cet après-midi,
00:47:52on retrouve des amis fraîchement diplômés.
00:47:54Cette jeune génération d'infirmiers
00:47:56envisage l'avenir avec sérénité.
00:47:58Il y a tellement de besoins
00:48:00dans cette profession-là et dans tous les services
00:48:02que j'ai la possibilité de pouvoir choisir
00:48:04où je veux travailler et dans quelles conditions
00:48:06je peux me permettre de faire mon propre planning,
00:48:08donner mes propres disponibilités.
00:48:10On sent qu'on est
00:48:12demandé parce qu'on peut dire
00:48:14bon, moi, c'est OK, je viens chez vous,
00:48:16mais je ne veux pas travailler tel ou les week-ends
00:48:18ou un sur deux seulement.
00:48:20On a une génération qui n'a pas la même vocation
00:48:22que ce qui pouvait exister auparavant.
00:48:24On imagine le travail d'une manière différente,
00:48:26que ce soit le métier d'infirmier
00:48:28ou un autre métier, je pense,
00:48:30où le travail, ça fait partie de notre vie,
00:48:32mais ce n'est pas l'essentiel de notre vie.
00:48:34On ne va pas accepter de remplacer
00:48:36tous les dimanches parce que
00:48:38sinon il n'y a personne.
00:48:40Au bout d'un moment, il faut quand même faire changer les choses
00:48:42pour qu'on puisse avoir des conditions de vie
00:48:44qui soient équivalentes à celles de tous les autres métiers.
00:48:50Dans le désert marocain,
00:48:52c'est la première étape du marathon des sables.
00:48:54Sur le checkpoint,
00:48:56Pauline attend les premiers concurrents.
00:48:58Après 27 kilomètres de course,
00:49:00il passe sous ses yeux sans même s'arrêter.
00:49:02Mais elle se tient prête pour les suivants.
00:49:20Pour verser de l'eau sur la tête de quelqu'un,
00:49:22on pourrait se dire que ce n'est pas du tout un truc d'infirmier,
00:49:24mais en fait, c'est un but.
00:49:26Si on ne les refroidit pas,
00:49:28ils ont des gros risques de faire une hyperthermie,
00:49:30un coup de chaud,
00:49:32et donc le fait de les arroser,
00:49:34en commençant par la nuque,
00:49:36ça leur permet de vite rebaisser en température corporelle.
00:49:42Du coup, là, tu as une petite ampoule
00:49:44qui est en train d'arriver.
00:49:46C'est une ampoule qui est en train d'arriver.
00:49:48Du coup, là, tu as une petite ampoule
00:49:50qui est en train de se faire. On va la soigner.
00:49:54On désinfecte de l'intérieur, en fait.
00:50:00Ça fait bien mal.
00:50:04Mais bon, c'est pour continuer.
00:50:10Mon rôle, en fait, c'est d'être là pour eux
00:50:12et de faire en sorte de les soutenir
00:50:14pour qu'ils puissent pousser le plus loin possible
00:50:16et pour qu'ils soient contents d'eux aussi.
00:50:18Parce que c'est important qu'ils soient fiers
00:50:20de ce qu'ils ont fait sur cette semaine.
00:50:24Mais le travail de Pauline ne se résume pas
00:50:26à de la bobologie.
00:50:28Certaines situations sont plus critiques,
00:50:30comme celle de ce participant de 67 ans
00:50:32qui arrive au checkpoint à bout de force.
00:50:34C'est bon, c'est bon, je suis bien.
00:50:36Merci, Pierre.
00:50:42Pierre, tu veux un peu d'eau froide, là ?
00:50:44Ouais, ça va ?
00:50:46C'est bon, merci.
00:50:54Malgré l'épuisement,
00:50:56Pierre tiendra encore les derniers 6 km.
00:50:58Mais à l'arrivée,
00:51:00la poursuite de son 11e marathon des sables
00:51:02semble compromise.
00:51:04Ça va ?
00:51:10Ah ouais ?
00:51:12C'est bien, tu l'as fini, au moins.
00:51:16Ouais, faut que tu dormes.
00:51:18T'as un peu mangé, là, quand même ?
00:51:20Faut que tu manges, ce soir.
00:51:22C'est quoi, ça ?
00:51:24Un peu de soupe.
00:51:28Pierre est restaurateur.
00:51:30Ce n'est pas cette soupe qui va l'aider
00:51:32à oublier la dureté des épreuves de la journée,
00:51:34mais bien la présence de Pauline
00:51:36à ses côtés.
00:51:38Moi, j'ai un métier de plaisir,
00:51:40toi, t'as un métier de souffrance.
00:51:42Excuse-moi.
00:51:44Quand tu fais une prise de sang le lendemain,
00:51:46tu sais que la patiente,
00:51:48malheureusement, a un cancer.
00:51:50C'est pas quelque chose de métier.
00:51:52Moi, si sa viande n'est pas trop cuite,
00:51:54t'es pas gars.
00:51:56Il a volé tout à l'heure.
00:51:58Un, deux.
00:52:00Il n'est pas léger, lui.
00:52:02C'est une vraie expérience humaine.
00:52:04Autant du côté staff
00:52:06qu'avec les coureurs.
00:52:08On nous délient hyper vite
00:52:10parce qu'on est tous dans le même bateau.
00:52:12J'ai appris aussi à me connaître un peu.
00:52:14Finalement, je peux vraiment
00:52:16me passer plein de confort.
00:52:18C'est vraiment une expérience hyper riche.
00:52:20Si je peux la renouveler,
00:52:22je ressigne avec grand plaisir.
00:52:26À domicile,
00:52:28à l'hôpital
00:52:30ou sur des terrains moins balisés,
00:52:32comme les 650 000 infirmiers en France,
00:52:34Lydie, Audrey,
00:52:36Léo et Pauline
00:52:38soulagent et réconfortent
00:52:40dans les moments les plus difficiles de la vie.
00:52:42Mais à force de dévouement,
00:52:44ce métier très exposé
00:52:46peut les mettre en danger.
00:52:48Il est donc urgent de valoriser
00:52:50leur engagement et de prendre soin d'eux.
00:52:52Sinon, demain,
00:52:54qui prendra soin de nous ?
00:52:58Merci infiniment de nous retrouver pour ce débat en direct
00:53:00avec nos invités.
00:53:02Avec nous, Pauline Rabot et Audrey Franciosini
00:53:04que vous avez découvertes dans ce documentaire.
00:53:06Bonsoir, merci d'être là.
00:53:08On salue également Léo et Lydie
00:53:10que nous avons suivies dans ce documentaire.
00:53:12Pauline, je rappelle que vous êtes infirmière
00:53:14de bloc opératoire à l'hôpital privé de Massy.
00:53:16Audrey, vous exercez aux urgences
00:53:18de la Timone à Marseille.
00:53:20Avec nous également John Pint,
00:53:22infirmier libéral.
00:53:24Vous avez exercé pendant 23 ans
00:53:26en région parisienne
00:53:28l'activité que vous avez arrêtée il y a peu
00:53:30pour vous consacrer à vos fonctions
00:53:32de président du SNIL,
00:53:34le syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux.
00:53:36Emmanuel Hardy, bonsoir.
00:53:38Vous êtes ce qu'on appelle
00:53:40un infirmier de pratiques avancées.
00:53:42Vous êtes également président
00:53:44de l'UNIPAS, l'union nationale
00:53:46des infirmiers de pratiques avancées.
00:53:48Et puis le professeur Fabien Noguet,
00:53:50que nos téléspectateurs connaissent bien
00:53:52puisque vous avez gentiment représenté
00:53:54pendant quelques années avec moi le magazine de la santé.
00:53:56Là on vous voit dans un autre exercice,
00:53:58chirurgien cardiaque.
00:54:00Vous travaillez avec Pauline, vous êtes ancienne
00:54:02chef de service au CHU de Rouen, là vous êtes donc à Massy.
00:54:04Et vous nous donnerez bien sûr votre point de vue
00:54:06de chirurgien sur le métier d'infirmière.
00:54:08Pauline, à la fin du documentaire
00:54:10on vous quitte au Maroc, ça s'est passé comment
00:54:12à la fin du Marathon des Sables ?
00:54:14Ça s'est passé très bien, on a eu
00:54:16la chaleur et les épreuves
00:54:18avançant un peu plus de soins
00:54:20à faire.
00:54:22Après voilà, on les a tous accompagnés
00:54:24jusqu'à ce qu'ils soient finishers,
00:54:26donc vraiment une
00:54:28expérience extraordinaire.
00:54:30Fabien, vous êtes certes
00:54:32chirurgien cardiaque, certes
00:54:34ancien co-présentateur du magazine de la santé,
00:54:36mais vous êtes aussi
00:54:38ultra-trailer.
00:54:40Vous avez fait le Marathon des Sables.
00:54:42Alors en tant que médecin l'année dernière,
00:54:44mais ça, ça ne m'intéresse pas du tout, mais vous l'avez fait avant
00:54:46en tant que coureur. Vous avez eu besoin
00:54:48des infirmières, comment ça se passait ?
00:54:50On a besoin de toute l'équipe médicale,
00:54:52alors l'équipe soignante, c'est des podologues,
00:54:54des infirmières, des médecins,
00:54:56et il n'y a pas de hiérarchie du tout.
00:54:58Tout le monde est là pour amener du soin au coureur.
00:55:00Et donc les soins de pied, tout le monde s'y colle.
00:55:02On apprend, nous aussi,
00:55:04on apprend des podologues, les infirmières apprennent
00:55:06des podologues, donc il y a une transmission
00:55:08et on est tous là pour amener du soin et donc on a besoin
00:55:10des infirmières parce qu'on a besoin
00:55:12d'avoir du soin sur ces épreuves
00:55:14qui sont très exigeantes pour les organismes.
00:55:16On a une question de quelqu'un qui aimerait bien
00:55:18faire ça. On nous demande quelles démarches
00:55:20avez-vous faites et quelles étaient les compétences nécessaires
00:55:22pour travailler sur le Marathon des Sables ?
00:55:24Alors, les démarches, j'ai déposé
00:55:26mon CV auprès de
00:55:28de l'organisme qui
00:55:30gérait la médicalisation
00:55:32de l'événement.
00:55:34Après, les compétences,
00:55:36il faut déjà sortir de sa zone de confort,
00:55:38ne pas avoir peur de travailler
00:55:40dans un milieu hostile,
00:55:42parce que nous, on ne court pas
00:55:44mais on subit quand même la chaleur, on a des grosses
00:55:46amplitudes horaires qui sont quand même
00:55:48à prendre en compte.
00:55:50Après, juste la motivation et l'amour
00:55:52du soin.
00:55:54Et en milieu hostile, effectivement.
00:55:56Un peu hostile, oui. Il fait un peu chaud.
00:56:00Audrey, on voit dans le documentaire
00:56:02une patiente victime de violence conjugale
00:56:04à qui vous apportez votre aide.
00:56:06On a une question d'un téléspectateur
00:56:08qui nous demande comment va la patiente
00:56:10victime de violence.
00:56:12J'imagine que tout le secteur est couvert
00:56:14par le secret.
00:56:16Si vous restez informée de la suite, comment ça se passe ?
00:56:18Comment vous continuez
00:56:20à les accompagner éventuellement ?
00:56:22On n'a pas de nouvelles
00:56:24de la suite des événements.
00:56:26On sait qu'elle est partie,
00:56:28qu'elle a été mise en sécurité
00:56:30et après, notre travail s'arrête là.
00:56:34Ce n'est pas difficile, justement,
00:56:36que votre travail s'arrête là ?
00:56:38Il faut avoir un cadre et tenir un cadre
00:56:40parce que sinon, on peut vite se laisser déborder
00:56:42aussi par les situations.
00:56:44C'est quand même des situations
00:56:46qui sont très compliquées.
00:56:48On reçoit ces patientes vraiment en phase aiguë
00:56:50et si on vient
00:56:52à déborder, je pense que
00:56:54émotionnellement parlant,
00:56:56c'est difficile.
00:56:58On a bien compris que vous étiez investie
00:57:00parce que quand vous n'aviez pas pu répondre
00:57:02à une patiente, ça a été insupportable pour vous.
00:57:04Ce travail
00:57:06que vous faites aujourd'hui, grâce notamment
00:57:08à des encadrants
00:57:10qui sont très impliqués
00:57:12et très ouverts
00:57:14à toutes vos propositions,
00:57:16est-ce qu'aujourd'hui,
00:57:18vous avez l'impression d'apporter
00:57:20une vraie protection à ces femmes,
00:57:22qu'elles arrivent à se confier à vous ?
00:57:24Une vraie protection, je ne sais pas.
00:57:26Elles savent qu'elles peuvent venir
00:57:28et qu'on a du personnel qui est formé
00:57:30pour les écouter,
00:57:32pour les accompagner
00:57:34ne serait-ce que pour leur donner
00:57:36un temps d'écoute
00:57:38et des adresses
00:57:40et des numéros de téléphone.
00:57:42Ça, c'est important.
00:57:44Après, elles doivent
00:57:46elles-mêmes être actrices de leur futur.
00:57:48On n'est pas forcément toujours
00:57:50dans la même temporalité.
00:57:52C'est ce que j'ai appris en me formant.
00:57:54Parce qu'au départ, oui, on a envie qu'elles déposent plainte
00:57:56et on peut être frustré.
00:57:58Ça, c'est le plus compliqué pour nous.
00:58:00En fait, non, il faut juste leur laisser le temps
00:58:02et les écouter.
00:58:04On l'a vu avec cette plateforme
00:58:06dédiée à ces femmes-là.
00:58:08C'est un aspect qui n'est pas connu.
00:58:10C'est inattendu de notre métier.
00:58:12C'est vraiment un enrichissement
00:58:14de votre pratique que vous faites
00:58:16au fur et à mesure de votre exercice ?
00:58:18Oui, et je continue
00:58:20grâce à l'encadrement et grâce
00:58:22à ma chef de service
00:58:24et à ma cadre supérieure qui m'ont permis de monter
00:58:26toute l'année à Paris
00:58:28pour ici venir suivre
00:58:30un DU de violence faite aux femmes.
00:58:32C'est les recommandations
00:58:34aussi de l'HAS, c'est les recommandations
00:58:36de l'ARS où on
00:58:38doit avoir du personnel formé
00:58:40dans les hôpitaux pour pouvoir avoir
00:58:42une prise en charge efficiente de ces victimes.
00:58:44Le DU, c'est le diplôme
00:58:46universitaire.
00:58:48Pauline, vous avez également,
00:58:50en travaillant en chirurgie,
00:58:52souhaité évoluer,
00:58:54souhaité avancer, souhaité apprendre d'autres choses ?
00:58:56Oui, alors pour l'instant,
00:58:58je continue d'apprendre parce que
00:59:00ça ne fait pas si longtemps que ça que je suis dans le bloc
00:59:02et il y a beaucoup
00:59:04à apprendre.
00:59:06Je continue à être formée
00:59:08et oui, je ne suis pas
00:59:10fermée à des formations,
00:59:12bien au contraire. Moi, j'aime
00:59:14apprendre
00:59:16plusieurs facettes de mon métier, donc oui,
00:59:18évoluer et reprendre une formation,
00:59:20pourquoi pas.
00:59:22Vous êtes également pompier bénévole ?
00:59:24Tout à fait, je suis infirmière
00:59:26pompier volontaire dans le
00:59:28SDIS 91,
00:59:30donc sur mes temps de repos.
00:59:34Du coup, là, c'est encore une autre
00:59:36facette du métier
00:59:38qui est extrêmement enrichissante,
00:59:40une facette sur laquelle
00:59:42on est formé.
00:59:44Donc, on part dix jours en formation
00:59:46et
00:59:48on est entièrement formé au protocole
00:59:50qui sont validés par le médecin-chef,
00:59:52donc on n'agit pas
00:59:54sans
00:59:56savoir ce qu'on fait.
00:59:58On est remis à jour
01:00:00régulièrement, tous les ans, avec énormément
01:00:02de formations qui nous sont proposées,
01:00:04donc c'est aussi ce qui est très intéressant sur ce métier-là
01:00:06et qui complète
01:00:08bien.
01:00:10On parle d'infirmière de
01:00:12bloc opératoire, Fabien, on a l'impression,
01:00:14moi, quand j'ai fait mes études, que
01:00:16quand j'allais dans les blocs, que les infirmières de bloc opératoire,
01:00:18elles accompagnaient
01:00:20pratiquement toute la carrière d'un chirurgien,
01:00:22elles faisaient les mêmes du début pratiquement à la fin,
01:00:24elles faisaient quarante ans de carrière dans le bloc.
01:00:26On a vraiment l'impression que ça bougeait peu.
01:00:28Vous, vous avez des infirmières,
01:00:30vous voyez arriver au bloc, qui faisaient
01:00:32autre chose cinq ans avant et qui, éventuellement,
01:00:34feront autre chose cinq ans après ?
01:00:36Alors, effectivement, ça bouge un petit peu.
01:00:38Il y a assez peu, maintenant,
01:00:40ces carrières de quarante ans où l'infirmière
01:00:42est attachée à un chirurgien,
01:00:44à mon sens, ça n'existe plus maintenant.
01:00:46Ce qu'on voit, c'est qu'effectivement,
01:00:48il y a des infirmières qui ont eu leur diplôme,
01:00:50c'est après qu'elles rentrent dans les blocs opératoires,
01:00:52ça les intéresse, elles deviennent
01:00:54IBOD. Maintenant, il y a un diplôme,
01:00:56il y a une certification des infirmières
01:00:58de bloc opératoire.
01:01:00Même encore, il y a
01:01:02d'autres facettes. Elles peuvent
01:01:04être IBOD pendant cinq ou dix ans,
01:01:06elles peuvent encore, après, évoluer.
01:01:08Dans le domaine de la chirurgie cardiaque, elles peuvent aller sur
01:01:10la circulation extracorporelle,
01:01:12elles deviennent perfusionnistes,
01:01:14ou même, après, refaire une formation supplémentaire,
01:01:16peut-être que là, vous pourrez en parler,
01:01:18peut-être infirmière anesthésiste.
01:01:20Au sein d'un bloc opératoire...
01:01:22La circulation extracorporelle, c'est ce qu'on a compris,
01:01:24vous arrêtez à un moment la circulation pour pouvoir opérer,
01:01:26il faut qu'une machine prenne le relais.
01:01:28Il y a une machine qui prend le relais, absolument.
01:01:30Et donc, effectivement, au sein d'un bloc,
01:01:32le métier d'IBOD peut changer,
01:01:34elles peuvent évoluer,
01:01:36elles ne sont pas forcément stricto sensu pendant
01:01:38toute une carrière dans un bloc opératoire.
01:01:40Emmanuel, cette diversification des compétences,
01:01:42vous l'avez concrétisé, vous êtes devenu,
01:01:44je le disais, IPA, infirmier de pratique avancée.
01:01:46Ça veut dire quoi ?
01:01:48Alors, infirmier en pratique avancée,
01:01:50c'est une infirmière qui reprend deux années
01:01:52à la faculté de médecine.
01:01:54Vous dites infirmier de pratique avancée,
01:01:56c'est une infirmière.
01:01:58Oui, parce que c'est majoritairement féminin.
01:02:00Je me suis posé plein de questions sur le début de cette émission,
01:02:02donc vous ne savez pas si en disant qu'infirmière,
01:02:04j'allais vexer les hommes, c'est très compliqué.
01:02:06Je suis contente que vous l'ayez dit.
01:02:08Oui, c'est une profession majoritairement féminine.
01:02:10Donc, une infirmière en pratique avancée,
01:02:12elle reprend ses études à la faculté de médecine,
01:02:14deux ans.
01:02:16Elle a un grad master qui lui permet d'acquérir
01:02:18des connaissances supplémentaires, un champ de compétences élargi
01:02:20pour des décisions plus complexes.
01:02:22Concrètement,
01:02:24on fait beaucoup de cliniques,
01:02:26à peu près 70%. On fait des entretiens,
01:02:28on va s'intéresser à la personne,
01:02:30à son environnement,
01:02:32notamment au déterminant santé, la précarité, l'isolement.
01:02:34On va aussi s'intéresser aux facteurs
01:02:36de risque cardiovasculaire, au statut vaccinal.
01:02:38On a vraiment tout ce côté-là.
01:02:40Après, on fait un examen clinique et on en déduit
01:02:42en conclusion clinique. Et après, effectivement,
01:02:44on va avoir un rôle plus large, on va pouvoir prescrire des prises de sang,
01:02:46des examens d'imagerie complémentaires,
01:02:48on va pouvoir les demander.
01:02:50On va pouvoir également renouveler
01:02:52et adapter certains traitements.
01:02:54Donc, c'est vraiment un rôle plus large.
01:02:56Mais donc, c'est un peu ce que fait
01:02:58le médecin généraliste en entretien
01:03:00et en même temps, c'est aussi
01:03:02pour certaines spécialités,
01:03:04c'est vraiment prendre un peu
01:03:06pour le suivi de certaines maladies chroniques,
01:03:08c'est prendre le rôle du médecin pour le suivre, c'est ça ?
01:03:10Je suis tout à fait d'accord avec ça.
01:03:12En fait, on ne va pas orienter l'entretien de la même façon.
01:03:14On ne va pas employer le même vocabulaire.
01:03:16On va essayer de, par exemple, vulgariser
01:03:18pour que le patient puisse comprendre,
01:03:20augmenter son niveau de littératie en santé, ça, c'est le terme,
01:03:22qu'il puisse vraiment s'autonomiser.
01:03:24Ça, ça va être notre but. Donc, on ne va pas être tout à fait
01:03:26sur les mêmes aspects qu'une consultation médicale.
01:03:28On va être complémentaires, je dirais.
01:03:30D'accord. Et vous, vous exercez auprès
01:03:32de patients qui ont quel type de pathologie ?
01:03:34Surtout des pathologies
01:03:36chroniques stabilisées. Il y a une liste,
01:03:38mais pas que. On peut aussi, parfois,
01:03:40voir les gens en accès direct,
01:03:42et après les réorienter vers le professionnel de santé adapté.
01:03:44Ça peut être le médecin généraliste, ça peut être le SAMU social
01:03:46quand il y a des problématiques de logement,
01:03:48le CCS quand il y a de la précarité.
01:03:50On a un vrai rôle de porte d'entrée dans le système de santé.
01:03:52C'est une vraie solution, dans les déserts médicaux, par exemple ?
01:03:54C'est une des solutions, oui, je pense.
01:03:56On ne peut pas être les seuls, on n'est pas assez nombreux.
01:03:58Il faudra s'appuyer sur les infirmiers libéraux,
01:04:00sur d'autres professionnels libéraux, les kinés,
01:04:02les médecins généralistes. On est vraiment efficace
01:04:04au sein d'une équipe pluriprofessionnelle.
01:04:06Et vous êtes très nombreux parmi la population des infirmières ?
01:04:08On est 2329 au dernier recensement.
01:04:10C'est beaucoup ou pas ?
01:04:12C'est peu pour des objectifs ministériels.
01:04:14L'année dernière, à 5000.
01:04:16On est moitié moins que les objectifs ministériels.
01:04:18C'est plus dans d'autres pays européens, par exemple ?
01:04:20Oui, c'est à peu près entre 2 et 5% du total.
01:04:22Ça dépend des pays dans l'OCDE.
01:04:24Pourquoi il n'y en a pas assez en France ?
01:04:26Il y a eu des gros problèmes économiques.
01:04:28À l'hôpital, il y a peu de différence
01:04:30entre un IDE et un IPA,
01:04:32à peu près 4%. On a évalué à 50€.
01:04:34En ville,
01:04:36on a eu vraiment sous le seuil de pauvreté.
01:04:38Au début, on était à 700€ par mois.
01:04:40Là, avec le nouvel avenant, on est à peu près à 900€ en moyenne,
01:04:42selon les stades de la sécurité sociale.
01:04:44Donc ça évolue,
01:04:46mais va falloir que ça évolue un petit peu plus vite, je pense,
01:04:48pour pérenniser la profession.
01:04:50On va reparler salaire dans un instant.
01:04:52Juste un petit reportage. Les IPA, infirmiers en pratiques avancées,
01:04:54peuvent aussi exercer à l'hôpital
01:04:56comme dans des services spécialisés.
01:04:58C'est le cas à l'hôpital de Dinan,
01:05:00dans ce reportage de Géraldine Zavansky.
01:05:02Regardez.
01:05:04Comment ça va ?
01:05:06C'est le problème des boutons.
01:05:08Ici, à l'hôpital de Dinan,
01:05:10ce sont des patients atteints d'un cancer du poumon
01:05:12qui sont accompagnés par une infirmière en pratiques avancées.
01:05:14Sa consultation doit établir
01:05:16si le patient peut ou non
01:05:18recevoir le traitement prévu.
01:05:20Aujourd'hui,
01:05:22les premières séances d'immunothérapie d'André
01:05:24ont provoqué un psoriasis trop important.
01:05:26Je ne suis pas sûre
01:05:28qu'on fasse le traitement aujourd'hui
01:05:30parce que ça couvre
01:05:32beaucoup de place dans votre corps.
01:05:34On risque d'aggraver les choses
01:05:36si on fait l'immunothérapie.
01:05:38Vous avez besoin d'une pause.
01:05:40D'accord, je vous fais confiance.
01:05:42On ne peut pas initier de nouveaux traitements.
01:05:44Par contre, on peut arrêter,
01:05:46modifier ou poursuivre
01:05:48un traitement déjà instauré
01:05:50par un oncologue.
01:05:52Ça concerne les chimiothérapies,
01:05:54l'immunothérapie
01:05:56et tous les traitements en lien
01:05:58avec la maladie cancéreuse.
01:06:00C'est-à-dire qu'une infirmière
01:06:02en pratique avancée
01:06:04peut faire des ordonnances d'antidouleur par exemple.
01:06:06Je vous laisse respirer fort par la bouche.
01:06:08Elle a aussi un autre symbole
01:06:10d'habitude réservé aux médecins,
01:06:12le stéthoscope.
01:06:14Au début, c'était assez difficile
01:06:16parce qu'on n'a pas du tout l'habitude
01:06:18en tant qu'infirmière de pratiquer
01:06:20l'auscultation, l'examen clinique.
01:06:22Ce qu'on veut surtout éviter,
01:06:24c'est une infection bronchique
01:06:26qu'on n'aurait pas entendue.
01:06:28Pour dépister la moindre complication,
01:06:30protéger la qualité de vie du patient,
01:06:32il faut du temps.
01:06:34L'arrivée de Coralie Bozek dans l'équipe
01:06:36a vraiment contribué à améliorer ce suivi.
01:06:38Coralie est autonome maintenant.
01:06:40Elle voit des patients
01:06:42en même temps que nous,
01:06:44ce qui nous permet d'avoir
01:06:46beaucoup plus de temps pour chaque patient.
01:06:48On divise quasiment le travail en deux.
01:06:50C'est urgent d'avoir de plus en plus
01:06:52d'infirmières en pratique avancée.
01:06:54John Peintre, je rappelle que vous êtes
01:06:56président du syndicat national des infirmières
01:06:58et infirmiers libéraux.
01:07:00Vous avez exercé dans le public
01:07:02en libéral. Est-ce quelque chose qui aurait pu
01:07:04vous tenter, cette pratique ?
01:07:06Oui, je pense que
01:07:08beaucoup de choses auraient pu me tenter.
01:07:10Quand je voyais
01:07:12les courses dans le désert, je trouvais que c'était passionnant.
01:07:14C'est aussi l'avantage
01:07:16de notre métier, c'est qu'on peut ouvrir
01:07:18vers beaucoup de choses.
01:07:20On l'entend, c'est aussi
01:07:22parfois ce qui donne de l'enthousiasme à exercer
01:07:24cette activité
01:07:26qui est malgré tout un métier
01:07:28difficile parce que c'est un métier de l'humain
01:07:30où on est en général
01:07:32très impliqué avec cette difficulté
01:07:34parfois à prendre suffisamment de recul.
01:07:36Je pense que c'est une chance
01:07:38que l'on a, c'est de pouvoir s'ouvrir sur beaucoup de choses.
01:07:40La pratique avancée était quelque chose
01:07:42qui aurait pu m'intéresser.
01:07:44Je crois que beaucoup de choses auraient pu m'intéresser.
01:07:46Il y a encore plein de temps
01:07:48devant vous. Oui, j'ai encore
01:07:50beaucoup de temps, j'espère.
01:07:52On nous demande si on doit passer
01:07:54par un médecin pour avoir recours
01:07:56à vos services. Comment ça se passe ?
01:07:58Est-ce qu'on peut nous contacter directement et avoir
01:08:00recours aux infirmiers de pratique avancée ?
01:08:02Depuis la loi RISC,
01:08:04les IPA peuvent prendre en charge
01:08:06directement les patients.
01:08:08Par contre, en structure d'exercice coordonnée,
01:08:10maison de santé, centre de santé,
01:08:12hôpitaux, EHPAD, oui c'est possible.
01:08:14Par contre, en exercice en cabinet médical
01:08:16simple, non.
01:08:18Vous avez l'impression que
01:08:20notamment, par exemple, pour les maladies chroniques,
01:08:22ça évite aux patients d'arrêter
01:08:24leur traitement ?
01:08:26On sait très bien qu'il y a tout un tas de pathologies
01:08:28où les patients arrêtent parce qu'ils ne voient pas leur médecin
01:08:30pour plein de raisons. C'est quelque chose
01:08:32qui peut être intéressant ? Oui, tout à fait.
01:08:34Ça permet de renforcer le suivi.
01:08:36Après, ça permet aussi
01:08:38de récupérer ce que j'appelle les perdus de vue.
01:08:40Ceux qui sont en rupture
01:08:42de parcours. Et on voit que le renoncement
01:08:44aux soins, la principale cause, c'est les délais d'attente.
01:08:46Il y a une lassitude et les gens ne viennent pas consulter.
01:08:48C'est pour ça que je dis que l'IPA peut être une porte
01:08:50d'entrée dans le système de santé.
01:08:52D'accord.
01:08:54On parlait tout à l'heure infirmier et infirmière.
01:08:56On nous demande si la profession est toujours aussi
01:08:58féminine. On a les derniers chiffres.
01:09:00C'est 87%
01:09:02de femmes pour
01:09:0413% d'hommes avec une moyenne
01:09:06d'âge un peu inférieure à 41 ans.
01:09:08Ça a évolué au cours du temps ?
01:09:10On passe au ratio ? Non, ça reste
01:09:12assez constant.
01:09:14J'ai fait mes études, maintenant,
01:09:16il y a quelques décennies et c'était
01:09:18déjà à peu près ces chiffres-là.
01:09:20Donc on voit que ça reste une profession
01:09:22très féminine.
01:09:24Mode d'exercice
01:09:2664,5%
01:09:28en milieu hospitalier,
01:09:3018% salariés en dehors
01:09:32de l'hôpital et 17,5%
01:09:34qui ont un exercice libéral ou mixte
01:09:36en dehors de l'hôpital. J'imagine que c'est
01:09:38dans les écoles, les entreprises.
01:09:40L'infirmier,
01:09:42c'est vraiment
01:09:44un infirmier libéral ?
01:09:46Parce qu'on connaît bien les infirmiers hospitaliers,
01:09:48on connaît moins bien les infirmiers libéraux.
01:09:50On a vraiment l'impression, et on l'a vu
01:09:52avec Lydie, que notamment dans les zones
01:09:54rurales, c'est le maillon absolument essentiel du soin ?
01:09:56Je crois que c'est
01:09:58un maillon essentiel,
01:10:00mais pas que en rural.
01:10:02Je crois qu'on oublie que des zones
01:10:04avec des grosses difficultés d'accès aux soins,
01:10:06ça existe aussi dans des
01:10:08grosses agglomérations.
01:10:10Pour avoir exercé en Ile-de-France pendant
01:10:12très longtemps, parfois l'infirmier
01:10:14c'est aussi le maillon
01:10:16qui... le professionnel
01:10:18qui va être vu au quotidien,
01:10:20qui va aussi orienter
01:10:22le patient, parce qu'il va y avoir
01:10:24besoin d'une consultation beaucoup plus rapprochée,
01:10:26qui va parfois alerter
01:10:28les services de secours
01:10:30ou le SAMU. C'est vraiment
01:10:32un acteur essentiel
01:10:34dans le maintien à domicile, notamment,
01:10:36parce qu'actuellement,
01:10:38il n'y a quasiment que les infirmiers qui font de la visite
01:10:40à domicile, et en ville,
01:10:42c'est un élément essentiel
01:10:44si on veut maintenir nos patients en ville.
01:10:46Je vous voyais réagir tout à l'heure quand
01:10:48Lydie parlait de
01:10:50sacerdoce de travail quasi de
01:10:52nonne.
01:10:54Vous n'aviez pas l'air tout à fait d'accord.
01:10:56Alors,
01:10:58je pense que mes collègues
01:11:00pourront réagir aussi.
01:11:02C'est vrai que je pense qu'on a souffert pendant
01:11:04longtemps, et on souffre encore, de cette vision
01:11:06d'être
01:11:08des nonnes, de parler
01:11:10de vocation, et on oublie
01:11:12qu'on a un métier, et que ce métier,
01:11:14oui, c'est
01:11:16un métier de l'humain. Donc, inévitablement,
01:11:18il y a cette proximité
01:11:20avec les patients quand on est en ville.
01:11:22Là, on le voit, il y a
01:11:24des patients qui ne voient que cet infirmier dans la journée
01:11:26quasiment. Donc, c'est vrai qu'il y a
01:11:28ce lien qui se crée,
01:11:30mais je pense pour autant qu'il ne faut pas qu'on oublie
01:11:32que c'est un métier qu'on exerce,
01:11:34et on le voit bien, alors. Je ne veux pas faire
01:11:36de la psychologie, mais
01:11:38si on en arrive au point de
01:11:40se négliger personnellement
01:11:42au détriment,
01:11:44ce métier, on ne l'exerce pas au détriment de notre vie,
01:11:46et je crois que c'est vraiment
01:11:48c'est contre ça qu'on doit se battre,
01:11:50et c'est l'image que l'on garde encore,
01:11:52c'est que l'infirmier, c'est quand même,
01:11:54oui, c'est
01:11:56on parle de dévouement,
01:11:58et on en subit les conséquences
01:12:00parce que de ce fait, on est
01:12:02une profession qui reste soumise
01:12:04à prescription médicale, soumise
01:12:06malgré tout, quand on parle de l'infirmier
01:12:08dans la population générale, c'est
01:12:10vous avez peut-être voulu faire médecine,
01:12:12ou alors, c'est peut-être que vous allez
01:12:14faire médecine pour progresser,
01:12:16mais en fait, non.
01:12:18C'est un métier à part entière, c'est pas des sous-médecins.
01:12:20Moi, je n'ai jamais fait médecine avant,
01:12:22je n'ai pas le sentiment d'avoir échoué quelque chose,
01:12:24c'était un choix que j'ai fait
01:12:26par certaines étapes, mais voilà, c'est un choix que j'ai fait,
01:12:28et c'est un métier,
01:12:30et c'est pas, je ne suis pas
01:12:32un sous-médecin,
01:12:34c'est un réel métier.
01:12:36C'est pas ça, à défaut d'être médecin.
01:12:38Effectivement, on a des compétences propres,
01:12:40on le voit bien dans le reportage, un événement qui nous a tous fait sourire,
01:12:42c'est quand elle dit aux patients, c'est le corps du Christ.
01:12:44Ça allait dans la série.
01:12:46Mais oui, mais le patient prend
01:12:48le traitement, parce qu'en fait, elle s'est mise
01:12:50à sa portée, elle a créé la communication, ça c'est
01:12:52des compétences, c'est extrêmement important en fait,
01:12:54parce que si on est que sur le côté religieux,
01:12:56on ne peut pas reconnaître notre expertise et nos compétences.
01:12:58Et ça, je pense que c'est un enjeu, dans une profession féminine.
01:13:00C'est vrai qu'on a
01:13:02quand même l'impression, et comme
01:13:04pour les médecins, en tout cas, moi j'ai cette impression
01:13:06pour les médecins, que les jeunes
01:13:08infirmiers ne veulent pas effectivement
01:13:10travailler jour et nuit,
01:13:12être dans le dévouement total,
01:13:14par rapport à la génération d'avant.
01:13:16Les jeunes médecins, c'est pareil, ils ne sont plus d'accord
01:13:18pour travailler jour et nuit, faire des accouchements
01:13:20la nuit, enfin, être disponible en permanence.
01:13:22Vous le ressentez, ça ?
01:13:24Oui, on le ressent, oui.
01:13:26C'est vrai que les
01:13:28jeunes infirmiers
01:13:30veulent avoir une partie aussi
01:13:32de leur vie à consacrer à autre chose.
01:13:34Et c'est normal.
01:13:36C'est tout à fait normal.
01:13:38Vous ressentez ça aussi ?
01:13:40Oui, moi aussi, je suis
01:13:42assez d'accord.
01:13:44Les jeunes infirmiers qui arrivent vont
01:13:46plus mettre d'abord
01:13:48leur vie privée et leurs
01:13:50activités avant
01:13:52le métier d'infirmière, peut-être que
01:13:54ce que nous, on a fait l'inverse
01:13:56au final.
01:13:58Mais je trouve ça normal
01:14:00aussi, pour le coup, il faut penser
01:14:02aussi un peu à soi.
01:14:04Mais ça nous oblige aussi
01:14:06dans les structures hospitalières à réinventer
01:14:08un petit peu le fonctionnement des services,
01:14:10parce qu'effectivement, on a plus de difficultés
01:14:12à trouver du monde pour le mercredi, par exemple,
01:14:14à trouver du monde pour le week-end,
01:14:16mais c'est un état de fait, en fait.
01:14:18En l'occurrence, c'est vrai que 87%
01:14:20de femmes,
01:14:22je veux pas du tout être désagréable, messieurs, mais c'est souvent les femmes
01:14:24qui emmènent les enfants aux activités ou chez le
01:14:26médecin, enfin voilà, c'est vrai, c'est quand même beaucoup les femmes.
01:14:28Et donc on est...
01:14:30Peut-être moins dans notre métier, parce que je pense
01:14:32que les conjoints sont rudement
01:14:34mis à contribution.
01:14:36Surtout quand c'est des couples
01:14:38d'infirmiers, infirmières, effectivement.
01:14:40Mais c'est vrai que
01:14:42on est obligés de se réinventer un petit peu et de réinventer
01:14:44les organisations de services.
01:14:46Alors des chiffres, une infirmière sur deux
01:14:48quitte l'hôpital au bout de dix ans d'exercice, selon l'adresse.
01:14:50Il y a 15 000 postes
01:14:52non pourvus à l'hôpital public en 2022.
01:14:54Donc vous avez dirigé un
01:14:56service au CHU de Rouen,
01:14:58de chirurgie cardiaque.
01:15:00Qu'est-ce qui fait que c'est quand même aussi
01:15:02compliqué de maintenir et de recruter des infirmières ?
01:15:04Moi, ce que j'ai pu observer
01:15:06dans ma pratique,
01:15:08les départs d'infirmières,
01:15:10de ce que j'observais,
01:15:12étaient liés à un perte de sens
01:15:14de leur profession.
01:15:16Les revendications
01:15:18n'étaient pas des problèmes de salaire.
01:15:20C'est venu après. Enfin, moi, c'est ce que j'ai observé.
01:15:22C'est venu après. Mais ce qu'on a observé dans un premier
01:15:24temps, c'est une perte de sens.
01:15:26C'était effectivement une perte de l'esprit
01:15:28de service, du personnel
01:15:30qu'on déplaçait
01:15:32pour aller boucher des trous, etc.
01:15:34Du personnel soignant
01:15:36qui se retrouve en difficulté face à des situations
01:15:38qu'il n'était pas habitué.
01:15:40C'est vraiment dans l'inconfort.
01:15:42Ils ont l'impression de mal soigner. Et donc, il y a une perte de sens
01:15:44de leur métier de princeps.
01:15:46Moi, c'est ce que j'ai pu observer
01:15:48vraiment, et ce qui m'a marqué.
01:15:50Et puis après, secondairement,
01:15:52sont venus les revendications salariales.
01:15:54C'est vrai que
01:15:56l'absentéisme, les burn-out,
01:15:58des tas de choses font que,
01:16:00bien souvent, on manque dans certains services
01:16:02d'infirmiers, on recrute
01:16:04des personnes pour un ou deux jours.
01:16:06Mais du coup, est-ce que parfois vous avez l'impression
01:16:08de ne pas assez bien faire votre travail ?
01:16:10Parce que vous n'êtes pas assez nombreux.
01:16:12Et que dans ce cas-là,
01:16:14il peut aussi y avoir une perte de sens.
01:16:16C'est sûr que quand on...
01:16:18Enfin, je parle pour moi,
01:16:20quand on finit par ne plus avoir le temps avec le patient,
01:16:22on perd quand même,
01:16:24je pense,
01:16:26les fondamentaux de notre profession.
01:16:30On aime soigner,
01:16:32mais on aime aussi prendre le temps
01:16:34de bien soigner.
01:16:36Et bien soigner, ça passe aussi par avoir le temps
01:16:38de communiquer avec eux,
01:16:40de les écouter, et au final,
01:16:42ne pas être en train de regarder la montre,
01:16:44à se dire, là, désolé, mais il faut que je coupe,
01:16:46il faut que j'aille à côté.
01:16:48Et c'est hyper frustrant.
01:16:50Une infirmière sur deux qui quitte l'hôpital
01:16:52au bout de 10 ans, c'est énorme.
01:16:56C'est quand même très inquiétant.
01:16:58Oui, mais en plus, quitte l'hôpital,
01:17:00ça veut dire peut-être faire autre chose,
01:17:02mais toujours dans le métier.
01:17:04Ou se reconvertir.
01:17:06Ce qu'on constate de plus en plus, c'est quand même
01:17:08cette volonté de vouloir faire autre chose.
01:17:10Et je pense, et là, je vous rejoins complètement,
01:17:12il y a une perte de sens du métier infirmier.
01:17:14On le ressent énormément
01:17:16en libéral aussi,
01:17:18et peut-être que...
01:17:20La problématique de la rémunération
01:17:22vient rapidement après,
01:17:24mais la première chose
01:17:26qui s'est rencontrée déjà avant la crise sanitaire,
01:17:28c'était, au bout d'un moment,
01:17:30mais quel est le sens de mon métier ?
01:17:32Qu'est-ce que je fais ?
01:17:34Et en fait, on le constate en libéral,
01:17:36notre métier, on ne peut pas le réaliser
01:17:38complètement, c'est-à-dire que
01:17:40prendre en charge un patient dépendant,
01:17:42c'est de la compétence propre
01:17:44de l'infirmier. Prendre en charge une plaie,
01:17:46c'est de la compétence propre de l'infirmier.
01:17:48Sauf que les règles de remboursement
01:17:50des soins en ville
01:17:52font que j'ai besoin d'une prescription médicale.
01:17:54Et on le voit, l'infirmière ici le dit,
01:17:56c'est qu'elle a commencé les soins avant d'avoir
01:17:58une prescription médicale.
01:18:00Sauf qu'elle a commencé les soins
01:18:02avant la prescription médicale.
01:18:04Et donc, ça veut dire que pendant ce temps-là,
01:18:06si le médecin rédige mal l'ordonnance après
01:18:08ou s'il ne commence pas l'ordonnance
01:18:10au moment où elle a commencé les soins,
01:18:12tous ces soins-là ne seront pas rémunérés.
01:18:14Et au bout d'un moment,
01:18:16c'est ce temps où on a de moins en moins de médecins
01:18:18en ville, c'est ce temps perdu
01:18:20à courir après des prescriptions
01:18:22alors qu'on se dit, mais c'est ma compétence,
01:18:24pourquoi j'ai besoin d'une prescription
01:18:26pour ouvrir un remboursement ?
01:18:28Et vous voyez, c'est plein d'éléments comme ça
01:18:30qui font qu'à un moment, c'est décourageant,
01:18:32surtout que vous le disiez effectivement,
01:18:34les infirmiers libéraux, c'est vraiment partout en France
01:18:36où ils sont absolument indispensables,
01:18:38et notamment à la prise en charge des personnes
01:18:40gravement malades ou en fin de vie,
01:18:42les patients très lourds.
01:18:44Honnêtement, c'est encore gérable,
01:18:46franchement, les patients
01:18:48très lourds,
01:18:50ça doit être très compliqué à gérer,
01:18:52j'allais dire d'un point de vue quand même financier,
01:18:54c'est très compliqué, parce que les patients,
01:18:56il y a énormément de soins pour eux,
01:18:58il faut y aller beaucoup de fois, y compris
01:19:00parfois en urgence, comment ça...
01:19:02Alors, ça dépend
01:19:04vraiment des situations,
01:19:06mais c'est vrai que sur des patients très dépendants,
01:19:08sur des patients en fin de vie,
01:19:10des soins palliatifs,
01:19:12là, c'est vrai qu'on a cette difficulté
01:19:14tout doucement où les infirmiers disent
01:19:16mais je ne vais plus le faire, je ne vais plus
01:19:18le prendre en charge, parce que
01:19:20d'un autre côté, je vais passer beaucoup de temps,
01:19:22je ne peux pas voir d'autres patients,
01:19:24ce sont mes collègues qui vont le voir,
01:19:26et ce temps-là n'est pas rémunéré,
01:19:28n'est pas reconnu.
01:19:30C'est ça, le soin palliatif,
01:19:32par exemple,
01:19:34comment est-il rémunéré ? Puisque
01:19:36il y a peu de soins techniques,
01:19:38c'est toujours la difficulté,
01:19:40en gros, quand on écoute les décideurs,
01:19:42vous y allez, vous faites, vous n'allez y faire rien de soin,
01:19:44mais le soin, ce n'est pas juste aller
01:19:46faire une perfusion, un patient en fin de vie,
01:19:48c'est parfois juste l'accompagner,
01:19:50accompagner sa famille,
01:19:52et ça, c'est du temps qui n'est jamais reconnu,
01:19:54qui est pourtant, et là, je pense qu'on a
01:19:56une formation, on est vraiment formé
01:19:58à cette relation humaine, alors je ne dis pas
01:20:00que les autres professions ne le sont pas,
01:20:02mais c'est vraiment, moi, je dirais que ça, c'est le cœur
01:20:04de notre métier, c'est vraiment cette relation humaine,
01:20:06et elle n'est jamais reconnue,
01:20:08jamais valorisée, et à l'hôpital, je pense que vous avez
01:20:10aussi cette difficulté, c'est-à-dire,
01:20:12tu dis qu'on court d'un patient à l'autre,
01:20:14mais en même temps, parfois, ce n'est pas parce qu'on fait un soin,
01:20:16c'est qu'on passe du temps avec ce patient,
01:20:18parce qu'on va accompagner ce patient.
01:20:20Alors que ce qui est vraiment rassurant, quand on voit ce documentaire,
01:20:22parce que vous n'étiez pas dans le documentaire,
01:20:24c'est qu'il y a vraiment cette passion du métier,
01:20:26il y a quand même un vrai sens à ce que vous faites,
01:20:28ça, c'est quand même très rassurant,
01:20:30il ne faudrait pas que ça se perde, ça.
01:20:32On vous a entendu parler, effectivement,
01:20:34on va donner les chiffres sur les salaires,
01:20:36mais on vous a entendu,
01:20:38sérieusement, vous envisageriez
01:20:40d'arrêter cette profession
01:20:42à un moment, quand vous en aurez besoin pour vos filles,
01:20:44d'arrêter vraiment cette profession ?
01:20:46Peut-être pas arrêter cette profession,
01:20:48parce que je l'aime, moi, ma profession,
01:20:50c'est quand même mon métier d'infirmière,
01:20:52et je vais encore travailler
01:20:54avec la joie,
01:20:56et je pense que j'ai encore des choses
01:20:58à transmettre à mes patients
01:21:00et aux étudiants
01:21:02et à mes collègues,
01:21:04mais par contre, oui,
01:21:06si je suis maman
01:21:08de deux jeunes adolescentes
01:21:10qui vont faire des études supérieures,
01:21:12après, il faut rester
01:21:14dans la réalité aussi,
01:21:16et seule, je ne pourrais pas.
01:21:18Alors, les quelques chiffres
01:21:20concernant les salaires,
01:21:22à l'hôpital public,
01:21:24c'est 2530 euros net,
01:21:26à l'hôpital privé,
01:21:282460, en libéral,
01:21:302960,
01:21:32c'est moyenne...
01:21:36Parce qu'on a souvent l'impression
01:21:38que c'est beaucoup plus élevé dans le privé
01:21:40que dans le public.
01:21:44Alors, il y a eu un rattrapage
01:21:46après le Covid dans le public,
01:21:48mais d'abord, c'est sous forme de primes,
01:21:50donc c'est pas de bêtise,
01:21:52donc c'est pas inclus dans la retraite.
01:21:54Mais bon, il y a eu quand même un rattrapage,
01:21:56mais finalement, l'exercice libéral,
01:21:58c'est pas non plus la panacée.
01:22:00Non, alors, l'exercice libéral,
01:22:02donc il y a des grosses disparités
01:22:04d'une activité à une autre.
01:22:06Ce qu'il faut voir, c'est que cette rémunération,
01:22:10elle va être uniquement
01:22:12sur les actes.
01:22:14Et c'est vrai que beaucoup d'hospitaliers
01:22:16quittent le secteur hospitalier
01:22:18pour rejoindre le libéral
01:22:20en disant qu'on va avoir une meilleure rémunération.
01:22:22On voit bien qu'il y a
01:22:24un écart, mais qui n'est pas si énorme que ça,
01:22:26qu'un infirmier libéral
01:22:28a énormément d'heures.
01:22:30Je ne dis pas qu'en hôpital, on ne fait rien,
01:22:32ce n'est pas du tout mes propos.
01:22:38Il y a toute la partie administrative
01:22:40qui est complètement transparente,
01:22:42de courir derrière les prescriptions.
01:22:44Et ça, c'est vraiment un gros problème.
01:22:46On a 50% de nos prescriptions
01:22:48qui sont erronées,
01:22:50et qui font que les infirmiers
01:22:52s'exposent à un risque
01:22:54de devoir rembourser les soins qu'ils ont réalisés
01:22:56jusqu'à trois ans après.
01:22:58Donc voilà, on a cette rémunération
01:23:00et on le voit qu'elle baisse au fur et à mesure.
01:23:02Et c'est là où je disais, il y avait cette problématique
01:23:04du sens du métier il y a quelques années.
01:23:06En libéral,
01:23:08le secteur hospitalier a l'impression
01:23:10que c'est l'Eldorado, que tout se passe bien,
01:23:12qu'on choisit nos patients.
01:23:14Et ce n'est pas cette réalité-là.
01:23:16Avec une grosse surcharge administrative
01:23:18et la rémunération devient réellement problématique
01:23:20puisqu'on le voit, les bénéfices,
01:23:22ce qui correspond à la rémunération,
01:23:24a chuté en 2022
01:23:26de 7%.
01:23:28Les actes
01:23:30quotidiens des infirmiers libéraux,
01:23:32je pose un pansement par exemple,
01:23:34qui doit être aux alentours de 6 euros, c'est ça ?
01:23:36Le pansement simple va être à 6,30 euros.
01:23:38Depuis quand ce prix ?
01:23:40Depuis 2009, depuis 15 ans.
01:23:42Il y a des actes qui ont été revalorisés,
01:23:44des actes qui n'ont pas du tout évolué.
01:23:46La prise de sang reste un acte
01:23:48à 6 euros.
01:23:50C'est la partie des gestes les plus fréquents.
01:23:52Et on le voit bien, l'étudiant,
01:23:54même si avec de l'expérience on y arrive un peu plus,
01:23:56l'étudiant admet que lui-même
01:23:58parfois une prise de sang, c'est compliqué.
01:24:00Et même quand on a l'expérience,
01:24:02parfois une prise de sang, un patient qui est
01:24:04difficilement piquable, et à l'hôpital,
01:24:06vous pouvez peut-être appeler un conseur à l'aide.
01:24:08En ville, vous ne pouvez pas toujours.
01:24:10Notamment les patients qui ont beaucoup de chimio,
01:24:12qui ont des veines très abîmées,
01:24:14ça peut prendre du temps.
01:24:16Parfois sur une prise de sang, vous y allez à 3,25 heures,
01:24:18toujours pour cette même rémunération.
01:24:20Et c'est pareil, on a des contraintes administratives
01:24:22qui se rajoutent au fur et à mesure,
01:24:24parce qu'on met de la sécurité,
01:24:26de l'identito-vigilance
01:24:28dans tous nos actes,
01:24:30et ce qui fait que l'administratif
01:24:32prend de plus en plus de temps.
01:24:34Audrey, vous vous spécialisez
01:24:36notamment au bloc opératoire,
01:24:38ça change beaucoup la rémunération ?
01:24:42On a une prime de bloc,
01:24:44mais avec ma prime de bloc
01:24:46inclue,
01:24:48et mes astreintes,
01:24:50je suis à peu près sur ce salaire-là.
01:24:52D'accord. Et on peut espérer
01:24:54combien en fin de carrière ?
01:24:56Alors j'avoue, je ne sais pas.
01:24:58Fabien, vous n'êtes pas en fin de carrière,
01:25:00mais vous savez ce que j'ai dit ?
01:25:02Non, je n'ai pas cette information-là.
01:25:06Pour les infirmiers en pratique avancée,
01:25:08c'est quoi à peu près ?
01:25:10On écarte par rapport,
01:25:12nous on avait trouvé 50 euros en plus
01:25:14par mois, et la FHF a trouvé 38.
01:25:16La Fédération Hospitalière de France.
01:25:18A trouvé 38,
01:25:20des rémunérations proches d'un infirmier
01:25:22de profession socle.
01:25:24D'accord. C'est un problème
01:25:26vraiment important,
01:25:28le salaire dans la fuite
01:25:30des infirmières dans la difficulté de recrutement,
01:25:32c'est une réalité ?
01:25:34Je pense qu'il faut le corréler aux conditions de travail.
01:25:36On ne peut pas parler rémunération
01:25:38sans parler du nombre d'heures,
01:25:40de la pénibilité du travail,
01:25:42travail de nuit, horaires décalés.
01:25:44Oui, mais que ce soit en hôpital,
01:25:46alors je ne parle pas du tout des infirmiers en entreprise
01:25:48ou dans les écoles, mais que ce soit
01:25:50à l'hôpital public ou en libéral,
01:25:52c'est quand même des heures, on a l'impression que c'est très vaste.
01:25:54C'est quand même un métier
01:25:56qui est extrêmement prenant.
01:25:58Ce qui est surprenant, c'est qu'on n'est toujours pas compris.
01:26:00On a l'impression
01:26:02que les pouvoirs politiques s'étonnent toujours
01:26:04que les infirmiers fuient,
01:26:06quittent l'hôpital,
01:26:08quittent vers le libéral,
01:26:10parce que c'est toujours ce fantasme
01:26:12du libéral qui est
01:26:14vraiment source de gros revenus,
01:26:16alors que ce n'est pas réellement le cas.
01:26:18Mais le problème, il est là,
01:26:20c'est comment on rend attractif le métier
01:26:22déjà à l'hôpital si on ne veut pas de fuite
01:26:24vers...
01:26:26Parce qu'on a eu beaucoup d'installations libérales.
01:26:28C'est une démographie
01:26:30qui est très dynamique en libéral.
01:26:32Mais si on veut arrêter ces fuites, c'est peut-être
01:26:34à un moment se poser la question de comment on rend ce métier
01:26:36attractif et comment aussi
01:26:38on maintient les gens à l'hôpital.
01:26:40Parce que la reconnaissance, on y vient dans un instant,
01:26:42le Covid a permis un début
01:26:44de reconnaissance, mais qui a vraiment duré,
01:26:46on le sait, notamment durant le confinement,
01:26:48mais ça a été quelque chose, pour en parler avec beaucoup
01:26:50de soignants, qui a fait du bien quand même,
01:26:52qui a mis du baume un peu au cœur
01:26:54aux soignants qui bossaient tellement pendant toute cette période
01:26:56avec tous les risques que l'on connaît.
01:26:58Et puis en fait, il n'y a eu que la reconnaissance.
01:27:00Il y a eu des primes, mais qui ne font pas partie
01:27:02de la retraite.
01:27:04C'est une reconnaissance qui a été
01:27:06assez purement humaine, il faut être honnête.
01:27:08Qui ne s'est pas vraiment manifestée
01:27:10dans les chiffres.
01:27:11Il y a aussi une reconnaissance des compétences
01:27:13qu'il faut qu'ils s'opèrent, parce que ça,
01:27:15ce n'est pas toujours le cas. On ne reconnaît pas toujours
01:27:17nos compétences. Je prends un exemple,
01:27:19avant, on était un infirmier
01:27:21dans un service. Maintenant, on doit être polyvalent.
01:27:23Donc, quelque part, c'est nier
01:27:25l'expertise infirmière. Et ça, je pense
01:27:27que ça doit être
01:27:29corrélé à la fuite vers
01:27:31l'extérieur.
01:27:33Quelle est l'expertise infirmière ?
01:27:35Cette période de Covid a été quand même très particulière.
01:27:37Comment vous l'avez vécue, vous,
01:27:39tous les quatre, dans votre exercice ?
01:27:41Non, madame ?
01:27:43Les urgences, peut-être ?
01:27:45Nous, on a été en première ligne,
01:27:47pour le coup.
01:27:49Effectivement, les patients
01:27:51ont été très reconnaissants
01:27:53envers notre profession.
01:27:55Ça a très vite
01:27:57été oublié.
01:27:59Moi, je trouve que
01:28:01les patients ont aussi énormément changé
01:28:03depuis la pandémie.
01:28:05C'est-à-dire ?
01:28:07Il y a beaucoup plus de frustration
01:28:09de la part des patients
01:28:11qui veulent tout, tout de suite, aussi.
01:28:13D'accord.
01:28:15Ils n'ont pas réalisé que votre métier
01:28:17faisait tout ce que vous pouviez.
01:28:19Vous, vous avez vécu ça comment ?
01:28:21Alors, moi, j'étais en réa.
01:28:23Ah oui, dans le chaud !
01:28:25Donc, ça a été
01:28:27assez intense.
01:28:29Après, moi, je trouve que
01:28:31le Covid, ça a un peu eu l'effet
01:28:33d'un soufflé,
01:28:35où on a eu, effectivement,
01:28:37temporairement un peu de lumière
01:28:39sur notre profession, sur ce qu'on faisait.
01:28:41Sur les risques que vous preniez,
01:28:43quand même, pendant cette période.
01:28:45Parce qu'on se souvient qu'il n'y avait pas de matériel,
01:28:47de protection, il n'y avait pas tout ça.
01:28:49Oui, et puis, je parle pour moi,
01:28:51mais c'est vrai qu'il y avait
01:28:53effectivement le côté soins,
01:28:55avec on ne sait pas trop ce qui nous arrive dessus,
01:28:57on n'a pas de protection.
01:28:59Mais il y a aussi la charge mentale qu'on avait.
01:29:01C'est-à-dire que,
01:29:03moi, mes enfants, ils étaient tout petits.
01:29:05Mon fils, à l'époque du Covid,
01:29:07avait à peine un an. Donc, quand on rentre à la maison,
01:29:09on ne sait pas trop ce qu'on leur ramène
01:29:11chez eux, en fait.
01:29:13Je trouve que la charge mentale
01:29:15a été quand même assez importante
01:29:17sur cette période-là.
01:29:19Et effectivement, on a vite oublié...
01:29:21Je pense que les personnes ont quand même
01:29:23assez rapidement oublié le métier d'infirmière.
01:29:25Parce que finalement...
01:29:27Oui, le Covid était...
01:29:29Oui, je trouve qu'on est vite revenus dans une normalité.
01:29:31Et puis...
01:29:33Alors oui, le Covid était une pandémie,
01:29:35mais finalement,
01:29:37les soins et la charge de travail,
01:29:39elles restent quand même présentes.
01:29:41Enfin, il ne faut pas oublier
01:29:43qu'après le Covid, on a quand même
01:29:45récupéré tous les patients
01:29:47qui ont eu des retards de prise en charge.
01:29:49Donc, il y a eu la pandémie, mais il y a eu
01:29:51le après-pandémie.
01:29:53Je trouve qu'on n'en a pas spécialement parlé, finalement.
01:29:55Et ça, je pense que ça a aussi
01:29:57contribué
01:29:59à fatiguer
01:30:01la profession d'infirmière
01:30:03de vite oublier le après.
01:30:05En fait, il n'y a pas eu de temps mort
01:30:07entre la fin de la pandémie et la reprise d'activité.
01:30:09Donc, ce qui fait qu'effectivement,
01:30:11on a fait focus sur le Covid,
01:30:13mais tout le travail qui a été fait derrière,
01:30:15sans temps mort, reprise tout de suite,
01:30:17parce qu'il fallait rattraper ce retard de soins,
01:30:19a fait que ça a été une mise sous pression continuelle.
01:30:21Il y a eu beaucoup de démissions
01:30:23à ce moment-là, ou pas après le Covid ?
01:30:25Pour le libéral,
01:30:27j'étais en activité
01:30:29à un moment.
01:30:31Ça a été très particulier
01:30:33parce que d'un seul coup,
01:30:35on a compté sur nous.
01:30:37On était quasiment les seuls professionnels à aller au domicile,
01:30:39à faire des visites à domicile
01:30:41de familles qui étaient atteintes de Covid.
01:30:43On n'avait pas de protection.
01:30:45À la rigueur, à l'hôpital, on a un côté de se dire
01:30:47il y a un encadrement,
01:30:49il y a quelque chose qui nous protège un peu.
01:30:51C'est peut-être la vision, moi,
01:30:53de l'hôpital.
01:30:55En ville, on était vraiment tout seuls.
01:30:57Rapidement, les professionnels, les infirmiers libéraux
01:30:59se sont organisés.
01:31:01On fait des ramassages de matériel,
01:31:03on trouve du matériel, des protections.
01:31:05En parallèle, l'administration
01:31:07et notamment l'assurance maladie
01:31:09a facilité le quotidien
01:31:11en disant vous pouvez continuer soin
01:31:13même si votre prescription n'est plus valable.
01:31:15On a eu cette période où on a compté sur nous,
01:31:17on nous a facilité le quotidien
01:31:19et après la crise sanitaire,
01:31:21ça a été maintenant
01:31:23les mesures sont terminées,
01:31:25on revient à ce qui se passait avant
01:31:27et c'est là ce sentiment où on a compté sur nous,
01:31:29on n'a aucune reconnaissance
01:31:31et là où on avait une certaine
01:31:33autonomie, une certaine flexibilité,
01:31:35on nous l'enlève.
01:31:37Dans un contexte qui est devenu de plus en plus compliqué
01:31:39parce que le système de santé s'est
01:31:41aggravé depuis la crise sanitaire
01:31:43et on est dans un contexte
01:31:45qui est devenu très explosif.
01:31:47On a oublié effectivement, mais quand on voit Lydie montrer la façon
01:31:49dont elle se fabriquait des blouses
01:31:51et où les infirmières hospitalières prenaient des salles poubelles,
01:31:53je me souviens des images, c'était quand même
01:31:55un petit peu surréaliste.
01:31:57Je voudrais qu'on revienne sur un problème récurrent
01:31:59qui sont les violences à l'hôpital et notamment aux urgences.
01:32:01On regarde quelques images d'un reportage
01:32:03qu'on avait réalisé à l'hôpital de Tourcoing,
01:32:05des images signées Benoît Lordelot, regardez.
01:32:09Christine, l'infirmière d'accueil
01:32:11avec sa veste noire,
01:32:13tente toujours de raisonner les agresseurs.
01:32:15Mais leurs propos sont incohérents.
01:32:17Si je meurs, je meurs ici, parce que je suis mon époux.
01:32:19La sécurité ici, c'est tout.
01:32:21Il a tué mon mari, non.
01:32:23C'est ça la sécurité
01:32:25que vous avez ?
01:32:27C'est pas le leur, là on va l'appeler la police.
01:32:29Rien n'y fait.
01:32:31Les équipes sont désemparées.
01:32:35Maman !
01:32:37Vous entretenez votre hystérie collective.
01:32:39Ça sert à quoi ?
01:32:41Calmez-vous.
01:32:43Tu veux pas t'installer sur un brancage ?
01:32:45C'est ce que je lui ai déjà demandé.
01:32:47T'as pris l'attention de tout ça ?
01:32:49Le vigile est sonné. Il a été plaqué au sol et violemment frappé.
01:32:51T'as mal quelque part ?
01:32:53T'as pas mal au thorax ?
01:32:55Non, non.
01:32:57Je crois qu'il y a encore sous le...
01:32:59J'ai reçu des coups de pied.
01:33:03Il n'a pas de blessure grave.
01:33:05Mais il va déposer plainte.
01:33:11Christine a repris son poste.
01:33:13Mais le coeur n'y est plus.
01:33:15Malgré ses 8 ans d'expérience à l'accueil de nuit,
01:33:17elle ne comprend toujours pas
01:33:19comment la situation a une nouvelle fois dégénéré.
01:33:23Je prends hyper bien soin d'elle.
01:33:25Je l'accueille, elle est pas bien.
01:33:27C'est pas grave.
01:33:29C'est des choses qui arrivent.
01:33:31T'as vachement d'empathie.
01:33:33Elle t'insulte de tous les noms.
01:33:35Elle dit que c'est de ta faute.
01:33:41C'est pas trop dur de reprendre
01:33:43le fil de la soirée.
01:33:45Ça s'est passé en début de nuit.
01:33:47Après, c'est compliqué.
01:33:51C'est compliqué.
01:33:53On est là, on te soutient.
01:33:55Ça va aller ?
01:33:59On entend sans cesse parler des agressions.
01:34:01Hier, à Rouen,
01:34:03c'est un patient mécontent
01:34:05qui a gazé un infirmier.
01:34:07Vous êtes aux urgences.
01:34:09On sait que c'est la zone la plus à risque.
01:34:11Vous avez été confrontée à ce genre de situation ?
01:34:13C'est quasiment quotidien, aux urgences.
01:34:15Et notamment
01:34:17pour les infirmières d'accueil.
01:34:19Puisque nous sommes
01:34:21les premières à voir les patients.
01:34:23C'est nous qui faisons le tri.
01:34:25Et quasiment quotidiennement,
01:34:27on a le droit à des insultes.
01:34:29Des agressions physiques ?
01:34:31Moi, personnellement,
01:34:33j'ai été victime d'un étranglement
01:34:35dans un boxe, en 2021.
01:34:37C'est quelque chose qui vous fait peur ?
01:34:39Au quotidien,
01:34:41de votre exercice ?
01:34:43Je pense qu'on n'y pense pas, au quotidien.
01:34:45Sinon, on arrêterait de travailler.
01:34:49Il y a des situations dans lesquelles
01:34:51on sait que ça va dégénérer.
01:34:53Donc on est sur nos gardes.
01:34:55Et on fait en sorte
01:34:57d'essayer de baisser la tension
01:34:59pour que la situation s'apaise.
01:35:01Le plus difficile à gérer,
01:35:03c'est les cas où on ne s'y attend pas.
01:35:05Et où ça dégénère d'un coup.
01:35:07Et les violences verbales,
01:35:09quotidiennes, ça use aussi ?
01:35:11C'est moins grave qu'une agression physique ?
01:35:13Non, parce que
01:35:15je défie quiconque
01:35:17de venir à notre place pendant 12 heures
01:35:19et se faire insulter verbalement
01:35:21pendant 12 heures.
01:35:23Vous rentrez à la maison le soir,
01:35:25vous en avez un peu
01:35:27gros sur la patate, comme on dit.
01:35:29Parce qu'on n'est pas là pour
01:35:31se prendre l'agressivité.
01:35:33On comprend.
01:35:35On comprend que les patients arrivent,
01:35:37ne savent pas ce qu'ils ont,
01:35:39ils sont angoissés, stressés,
01:35:41et ils arrivent aux urgences,
01:35:43parce que pour eux, c'est grave.
01:35:45Bien souvent, ça ne l'est pas.
01:35:47C'est le système de l'éducation.
01:35:49Mais se faire insulter
01:35:51pour diverses raisons,
01:35:53et on sait bien que ce n'est pas nous
01:35:55personnellement qui sommes visés,
01:35:57c'est la blouse blanche, c'est le système,
01:35:59c'est tout, mais c'est dur.
01:36:01Mais quand vous avez été victime
01:36:03de cette tentative d'étranglement,
01:36:05vous avez senti la violence monter ?
01:36:07Pas du tout. Pas du tout.
01:36:09J'étais allée plusieurs fois dans le box
01:36:11discuter avec cette personne.
01:36:13Il avait écouté,
01:36:15on avait discuté,
01:36:17il cherchait son téléphone portable,
01:36:19et il s'est levé d'un coup en disant
01:36:21que c'était moi qui lui avais volé.
01:36:23Il dit, non, je suis votre infirmière,
01:36:25je n'ai pas votre portable.
01:36:27Et là, il s'est levé,
01:36:29il m'a attrapée par le cou,
01:36:31il m'a bloquée contre le mur.
01:36:33Quelqu'un est arrivé rapidement ?
01:36:35J'ai une collègue qui a vu la scène
01:36:37et qui a crié, qui a alerté la sécurité.
01:36:39Il a été condamné ?
01:36:41Il a été condamné à huit mois
01:36:43d'emprisonnement.
01:36:45On imagine que c'est particulièrement
01:36:47marquant aux urgences,
01:36:49évidemment.
01:36:51Les infirmiers libéraux
01:36:53risquent aussi quelque chose ?
01:36:55Il y a de plus en plus
01:36:57d'expositions à la violence.
01:36:59On a eu des cas assez marquants
01:37:01d'infirmiers qui se sont retrouvés
01:37:03soit gravement blessés,
01:37:05soit des décès.
01:37:07On a eu des infirmiers
01:37:09qui sont décédés.
01:37:11On a eu une de nos collègues.
01:37:13Le procès a lieu actuellement.
01:37:15On rappelle que c'est une profession
01:37:17à 87% féminine,
01:37:19où on est du matin au soir
01:37:21dans des zones qui sont parfois
01:37:23désertes, rurales,
01:37:25ou parfois dans des cités.
01:37:27On peut être le matin,
01:37:29on peut être le soir tard,
01:37:31la nuit parfois, quand on est appelé
01:37:33pour une perfusion ou un soin
01:37:35où on doit intervenir.
01:37:37Il y a des moments qui sont propices
01:37:39déjà à tout ce qui est extérieur.
01:37:41On peut être là au mauvais moment,
01:37:43au mauvais endroit.
01:37:45Parfois c'est les familles,
01:37:47parfois c'est les patients
01:37:49parce qu'ils ont des problèmes psychiatriques.
01:37:51Parfois c'est réellement ça.
01:37:53D'autres situations, c'est la famille
01:37:55qui à un moment va péter les plombs
01:37:57parce qu'ils n'ont pas de réponse
01:37:59à un besoin de santé, à une demande.
01:38:01Ce qui fait qu'ils vont s'en prendre
01:38:03à la personne qui vient.
01:38:05C'est souvent les infirmiers libéraux.
01:38:07On a énormément de violence
01:38:09et de plus en plus de violence verbale.
01:38:11Là on en est à la même situation.
01:38:13Un moment c'est de dire je ne vais pas
01:38:15aller chez le patient pour me faire insulter.
01:38:17Ça c'est réellement une grosse problématique.
01:38:19Oui tout à fait, l'isolement à domicile.
01:38:21En plus on arrive dans l'environnement
01:38:23de la personne donc ça peut favoriser
01:38:25la violence. On voit aussi
01:38:27beaucoup en ville dans les maisons de santé.
01:38:29Je rejoins, il y a beaucoup de frustration
01:38:31des gens qui ne trouvent pas de solution.
01:38:33C'est la porte d'entrée, les urgences
01:38:35ou la maison de santé, le centre de santé,
01:38:37le cabinet médical qui sont vraiment
01:38:39la porte d'entrée, le premier recours.
01:38:41On voit quand même une recrudescence
01:38:43des violences verbales, physiques je ne sais pas
01:38:45mais verbales oui.
01:38:47On a quand même dit beaucoup,
01:38:49il nous reste vraiment 30 secondes
01:38:51et on ne dit pas de questions, juste un immense merci
01:38:53aux infirmières et aux infirmiers.
01:38:55Les jeunes, le salaire est ce qu'il est,
01:38:57les agressions, les conditions pas faciles.
01:38:59Vous leur diriez quand même allez-y, engagez-vous,
01:39:01parce que ça avance.
01:39:03Ça avance et on y va à grand pas.
01:39:05Et ça reste un beau métier.
01:39:07Magnifique.
01:39:09Il y a plein de perspectives, c'est ça aussi l'aventure.
01:39:11Quand on voit vos sourires,
01:39:13ça donne quand même.
01:39:15Sinon c'est lourd.
01:39:17On peut être chirurgien aussi si on veut.
01:39:19On a besoin aussi.
01:39:21Bien sûr, pour travailler avec les infirmiers,
01:39:23qui vous aident un petit peu.
01:39:25Merci en tout cas infiniment
01:39:27à tous les cinq d'être venus.
01:39:29Merci à Lydie et Léo qui sont dans ce documentaire
01:39:31et qui ont témoigné.
01:39:33C'est la fin de cette émission.
01:39:35Demain, les Docs du Mag
01:39:37à 13h40 sur France 5
01:39:39pour voir en intégrale
01:39:41nos meilleurs reportages.
01:39:43Passez une excellente fin de soirée et à demain.
01:39:45Au revoir.
01:39:59...

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