La conscience humaine, cette connaissance que nous avons parfois de notre existence et du monde autour de nous est tout à fait subjective et intermittente.
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00:00Depuis des millénaires, l'être humain est fasciné par la voûte céleste.
00:05Il a toujours voulu percer ses mystères et voyager dans les étoiles.
00:09Il a atteint la Lune et rêve déjà de Mars.
00:14Mais notre cosmos intérieur, la science commence à peine à le sonder.
00:21Que savons-nous de cet organe, aussi complexe que l'Univers,
00:25qu'est-ce qu'il fait ?
00:27Que savons-nous de cet organe, aussi complexe que l'Univers,
00:31censé abriter l'essence de l'être humain, sa conscience ?
00:35Que savons-nous de notre cerveau ?
00:48Je peux la tenir dans le creux de ma main, cette masse gélatineuse,
00:52qui peut contempler l'immensité de l'espace interstellaire.
00:57Elle peut réfléchir sur l'infini, les anges ou Dieu.
01:01Elle peut même s'observer elle-même.
01:06Est-ce qu'un cerveau est suffisamment complexe,
01:09en tout cas dans la pensée qu'il produit,
01:12pour arriver à décoder et à comprendre les mécanismes
01:15qui réellement président à son fonctionnement ou pas ?
01:18Comment élaborer une théorie sur le cerveau
01:21qui réponde à nos besoins d'aujourd'hui ?
01:23C'est la question la plus importante pour les neurosciences contemporaines.
01:54Aidés par les percées fulgurantes de l'imagerie médicale,
01:58les neuroscientifiques découvrent des aspects du fonctionnement cérébral
02:02qui révolutionnent notre compréhension de l'humain
02:05et de sa vie en société.
02:08Il s'agit d'un tournant dans l'histoire des sciences.
02:12Au cours de l'histoire humaine,
02:15il y a eu des moments charnières sur le plan des idées.
02:18D'abord, la Terre tourne autour du Soleil.
02:20Ça a été un grand choc.
02:23Certains ont refusé.
02:26Non, c'est le Soleil qui tourne autour de la Terre.
02:29Les gens n'aimaient pas l'idée.
02:32Ça a été le premier choc.
02:35Le deuxième a été le darwinisme.
02:38Les gens ont détesté l'idée que nous descendions des singes.
02:41Ça a été un autre choc et un grand combat.
02:45Et je crois que le troisième choc,
02:47et je crois que le troisième combat sera autour de la conscience.
02:50Le fait que notre conscience n'a rien de spécial.
02:53En fait, c'est notre mécanisme d'attention
02:56qui se combine à nos souvenirs.
02:59Il y a là une interaction intéressante, unique,
03:02chacun est différent,
03:05mais pas plus qu'une mouche, un chien ou un chat.
03:12Cette conscience, le propre de l'être humain,
03:14ne serait-elle qu'une combinaison d'attention et de mémoire ?
03:18Pour comprendre les avancées de la science,
03:21il faut oublier le passé, ses préjugés, ses théories.
03:28Dans l'évolution des idées sur le fonctionnement du cerveau,
03:31on trouve deux approches diamétralement opposées.
03:34Selon la première, les capacités mentales
03:37comme la vision, le jugement, la prévision,
03:40la mémoire et les émotions ont été transformées
03:42par différentes parties du cerveau.
03:45On l'appelle l'approche modulaire.
03:48A l'opposé, il y a une approche globale.
03:51Le cerveau fonctionnerait comme un tout,
03:54avec bien sûr des zones spécialisées.
03:57Mais il existe une quantité incroyable d'interactions
04:00entre ces zones spécialisées.
04:03C'est un portrait radicalement différent du cerveau
04:06tel qu'on l'imaginait il y a 15-20 ans.
04:09Les connexions changent constamment.
04:12Ils changent constamment pour répondre aux changements du milieu
04:15et aux exigences sensorielles.
04:20Il faut donc se représenter un système
04:23en équilibre dynamique constant avec le monde extérieur.
04:27Notre cerveau, le siège de la connaissance,
04:30apprend non pas en stockant, mais en adaptant en permanence
04:33son réseau de connexions.
04:39Nous, les animaux, vivons dans un océan de substances chimiques.
04:42C'est de là que nous vient notre alimentation.
04:45C'est la source de notre connaissance d'autrui
04:48et de nos prédateurs et de nos proies.
04:53C'est ce qui nous permet de trouver un abri ou un partenaire.
04:57Pour tout cela, nous nous servons principalement du nez.
05:02Et en fait, quand on étudie l'émergence du cerveau
05:05dans l'histoire des espèces,
05:08on voit que le nez a joué un rôle primordial.
05:12L'odorat est la clé du développement
05:15des mécanismes neuroneaux de l'intentionnalité.
05:19Pour agir dans l'infinie complexité
05:22du monde chimique qui nous entoure,
05:25les animaux ont dû apprendre à le sentir,
05:28l'explorer et le cataloguer.
05:35Nous n'arriverons jamais à identifier
05:38l'ensemble des substances chimiques dans lesquelles nous sommes immergés.
05:40Seulement les plus importantes,
05:43que nos sens apprennent à reconnaître par l'intermédiaire
05:46des neurotransmetteurs noradrénaline, acétylcholine,
05:49dopamine, sérotonine.
05:52Ces intermédiaires chimiques classiques
05:55nous permettent d'identifier de façon sélective
05:58ce qui est important pour nous.
06:11Face à un monde du vivant d'une richesse
06:14et d'une variété extrême,
06:17le cerveau répond par une complexité non moins importante.
06:27Le cerveau, ce qui le rend extrêmement compliqué,
06:30ce sont ses circuits.
06:33C'est un système qui construit,
06:36au fur et à mesure de l'apprentissage,
06:38des circuits nouveaux.
06:41Et c'est quelque chose de changeant,
06:44de continuellement en mouvance.
06:47Et je pense que c'est sa mouvance perpétuelle,
06:50cette plasticité, qui le rend aussi fascinant.
06:55Les zones du cerveau coopèrent entre elles
06:58dans une grande mesure.
07:01Le cerveau a une très grande plasticité.
07:04C'est essentiel du point de vue théorique,
07:06mais aussi du point de vue psychologique.
07:09Le cerveau est un système de contrôle de la douleur
07:12ou la récupération après une attaque cérébrale,
07:15en fait pour tout trouble neurologique.
07:18Avant, on pensait qu'un cerveau adulte
07:21ne pouvait pas refaire ses connexions.
07:24Or, notre travail et celui de mes collègues
07:27montrent que les connexions peuvent évoluer
07:30même chez l'adulte.
07:33Parfois, le point d'équilibre des différentes parties
07:36de notre cerveau est le même.
07:39Les animaux vivants apprennent à cataloguer le monde,
07:42à trier les sensations, à faire des cartes mentales,
07:45et leurs neurones construisent des réseaux de connexion.
07:48Cette dynamique parfois imprévisible du cerveau,
07:51Walter Freeman la découvrait il y a 40 ans, par hasard,
07:54dans le bulbe olfactif du chat,
07:57la source principale de l'expérience sensorielle
08:00et de la connaissance de cet animal.
08:03Il se trouve alors face à un processus étonnant,
08:06un mouvement permanent.
08:10Son apport fondamental est d'avoir mis en évidence
08:13que le cerveau n'importe pas directement
08:16les informations de l'extérieur.
08:24J'ai découvert que le cerveau pousse l'animal à agir,
08:27à identifier les stimulations de l'extérieur,
08:30perçues comme des paquets d'énergie.
08:37Ces paquets d'énergie déclenchent la réaction
08:40de quelques neurones isolés et font éclater
08:43la structure existante.
08:46L'activité des neurones se reconstruit alors.
08:53Et le cerveau fabrique sa compréhension
08:56et sa connaissance de la réalité.
09:02Mais pour construire cette connaissance,
09:04il ne lui suffit pas d'un seul indice,
09:07mais d'indices multiples, répétés.
09:13Il faut renifler, flairer et flairer encore
09:16pour construire la connaissance de ce qui nous entoure.
09:20Jusqu'à ce qu'avec une dernière respiration,
09:23quelques neurones seulement suffisent à déclencher
09:26un modèle d'activité.
09:35Et on retrouve le même processus pour l'audition
09:38et le cortex auditif,
09:41pour la vision et le cortex visuel,
09:44et pour le toucher et le cortex somato-sensoriel.
09:53Les recherches de Walter Freeman ont ouvert la voie
09:56à un nouveau regard sur le fonctionnement du cerveau.
10:04À Copenhague, l'équipe de Maurice Pitot
10:07travaille avec des aveugles de naissance
10:10pour comprendre la capacité des neurones
10:13à construire des réseaux de connexion.
10:18On s'est rendu compte avec la technologie
10:21qu'il y avait dans le cerveau
10:24qu'il n'y avait pas de réseaux de connexion.
10:27C'est-à-dire qu'il n'y avait pas de réseaux de connexion
10:30dans le cerveau.
10:33On s'est rendu compte, avec l'avènement des scanners,
10:36parce que c'est ce qui a été vraiment le coup d'envoi
10:39de la compréhension du cerveau humain in vivo,
10:42que si on prend une radiographie cérébrale
10:45prise par un scanner d'un cerveau d'un aveugle,
10:48on se rend compte que c'est un cerveau
10:51qui a l'air totalement normal à l'œil.
10:55Et par la suite, on a décidé
10:58de mettre un sujet aveugle
11:00dans un scanner
11:03et on a demandé simplement à l'aveugle
11:06de lire un texte en braille dans le scanner
11:09pendant qu'on prenait des images.
11:12Ça, ça a été fait par des collègues de Harvard
11:15et ces sujets-là activaient les zones visuelles
11:18de la lecture d'un sujet voyant.
11:21Ça a été une surprise monumentale
11:24parce que, quand moi j'étais étudiant,
11:27on insistait beaucoup sur le fait
11:30que les zones visuelles s'atrophiaient
11:33et jusqu'à certains points disparaissent.
11:36Alors qu'en fait, ce n'est pas du tout vrai.
11:39Si on fait des mesures de l'activation du cerveau
11:42d'un aveugle au repos, on se rend compte
11:45que la perfusion du cerveau, au niveau de son métabolisme,
11:48est tout à fait normale, même à l'arrière du cerveau
11:51où se trouvent les zones visuelles.
11:54Alors on s'est dit, ah, ils ont un cortex visuel,
11:57donc c'est incroyable, et ce cortex visuel,
12:00on va le chercher.
12:03Au lieu de passer par l'œil, puisqu'on ne l'a pas,
12:06on va passer par le toucher ou on va passer par l'audition,
12:09donc par les oreilles.
12:16En fait, Maurice Tito est passé par une forme du toucher,
12:20par la langue.
12:23Son expérimentation est simple.
12:26Puisque le cortex visuel d'un aveugle peut être activé
12:28par les oreilles, il doit pouvoir l'être également
12:31par un autre de ses sens.
12:34Une caméra vidéo portée sur le front
12:37envoie une image grossière transmise sous forme
12:40de petits influx électriques grâce à une grille de pixels
12:43placée sur la langue.
12:46Ils sont perçus comme un pétillement qui se dessine
12:49et se déplace.
12:53Ok, Oli, vous êtes prêt ?
12:55Nous avons compliqué un peu le parcours puisque vous êtes si doué.
12:58Dès que vous êtes prêt, montrez-nous les obstacles
13:01et contournez-les.
13:04Vous êtes prêt ?
13:17L'apprentissage est d'une importance capitale.
13:20Tous les phénomènes plastiques sont dépendants de l'entraînement.
13:23Quand on a commencé nos expériences,
13:26on s'est rendu compte qu'en début d'apprentissage,
13:29ils n'avaient aucune activation de leur lobe postérieur
13:32dans les régions visuelles du voyant.
13:35Mais au moment où l'apprentissage prenait place
13:38et ils amélioraient leur performance
13:41dans les différentes tâches,
13:44ils commençaient à recruter.
13:47Donc on voyait des activations qui apparaissaient
13:50dans la partie postérieure de leur cerveau.
13:53Cette plasticité,
13:56où ce qu'on pense être un réveil de connexion dormante
14:00entre ces régions-là,
14:03était dépendante de l'apprentissage.
14:08Les résultats sur le scanner sont stupéfiants.
14:11Le cortex visuel de ces aveugles de naissance
14:14a donc réussi à intégrer des informations
14:17provenant du toucher au travers de la langue.
14:19La zone activée par les informations
14:22transmises à la langue, ici en couleur,
14:25est celle de la vision.
14:29C'est vraiment incroyable
14:32de pouvoir enjamber les barres
14:35et contourner les cubes sans les toucher.
14:39Comment avez-vous réussi à repérer le cube
14:42pour le contourner ?
14:45Je voyais un espace à droite ou à gauche du cube
14:47qui me permettait de passer.
14:50Et selon l'angle d'inclinaison de ma tête,
14:53je pouvais évaluer la distance.
14:56Je voyais que ça devait être loin.
14:59Loin, c'est-à-dire environ deux mètres.
15:02Mais ici, ce n'est pas plus loin que la longueur de mon bras.
15:17Vous voyez ? Ok, arrêtez. Très bien.
15:47Dans l'espace de l'information et ce défond,
15:50des milliards de neurones collaborent.
15:57Nous avons un nom pour ces grandes populations de neurones.
16:01C'est la neuropil.
16:05Les neurones forment un tissu de fibre interconnectée
16:08avec les axones et les dendrites,
16:11les noyaux cellulaires et les capillaires
16:14qui acheminent les substances nutritives
16:17et la nourriture.
16:20C'est ça, la neuropil.
16:23La première neuropil, celle de la salamandre
16:26et des autres créatures rampantes comme les reptiles,
16:29puis plus tard, celle des oiseaux,
16:32c'est un cortex formé en trois couches.
16:39Et ce cortex a suffi tout au long du temps des dinosaures.
16:44Mais avec l'apparition des mammifères,
16:48au lieu d'un cortex à seulement trois couches,
16:51on voit apparaître un cortex à six couches.
17:01Ce qui est remarquable, c'est que désormais,
17:04les cerveaux ont une nouvelle possibilité de croissance
17:07et deviennent cent fois plus gros.
17:10Dès qu'il y a compétition entre un mammifère doté d'un néocortex
17:13et un oiseau, un poisson ou un reptile,
17:15le mammifère l'emporte haut la main.
17:18Les mammifères sont différents.
17:29L'aspect le plus important du néocortex,
17:32c'est sa surface.
17:35La façon dont elle peut augmenter sans changer de volume,
17:38c'est de se plisser.
17:45C'est la raison pour laquelle les deux hémisphères,
17:48au lieu d'être plats, sont parcourus de sillons
17:51et comprimés en une masse solide
17:54qui est assez petite pour passer par l'utérus
17:57lors de l'accouchement.
18:06Avant la naissance, le cortex n'est pas encore en activité.
18:10Les tissus sont prêts à entrer en action
18:12pour faire fonctionner les poumons,
18:15faire bouger les muscles, permettre d'avaler.
18:18Et ce n'est qu'après la naissance que le cerveau s'active.
18:26Dès la naissance, le cerveau établit ses connexions nerveuses.
18:30La moitié des réseaux d'un adulte se mettent en place pendant l'enfance.
18:34C'est le début de l'apprentissage.
18:37Notre cerveau cherche sans fin à répondre à nos besoins.
18:40Mais pour ne pas être submergé par la multitude des informations qui nous entourent,
18:45il lui faut faire un tri.
18:48Le mécanisme qui nous permet de sélectionner l'information utile,
18:52les scientifiques l'appellent l'attention.
18:58La circulation exige énormément d'attention.
19:01Et on ne peut porter attention qu'à une chose à la fois.
19:04C'est pourquoi on ne peut pas téléphoner en conduisant.
19:07On ne peut pas faire deux choses en même temps.
19:10C'est la règle de base.
19:13On ne peut prêter attention qu'à une seule chose à la fois.
19:18On a tous déjà vu cette image de deux profils
19:21qui ressemble à deux visages et entre les deux on dirait un vase.
19:25Et en alternant, on voit les deux visages ou le vase.
19:30Cette dynamique d'alternance est aussi, d'une certaine façon, une alternance d'attention.
19:35Se servir de techniques comme les illusions d'optique
19:39est une façon d'exclure tout le reste pour réduire ce qu'on perçoit à ces deux seules choses.
19:44Alors on peut vraiment se rendre compte de changements d'attention
19:47qu'on ne remarque pas dans le quotidien quand il se passe mille et une choses à la fois.
19:56Alors quand je fais ces expériences avec les mouches,
19:59c'est aussi un milieu très réduit.
20:01Elles sont maintenues dans une arène et j'enregistre ce qui se passe dans leur cerveau.
20:05Elles regardent deux choses, le plus ou le carré, c'est tout.
20:10Lorsque l'attention de la mouche est attirée par l'une des deux formes,
20:14elle cherche à se diriger vers elle.
20:17Ce que le système infrarouge de Bruno Van Zwinderen
20:20détecte par l'observation du battement des ailes.
20:24De la même façon, le système analysera quand la mouche se désintéresse de cet objectif.
20:29La mouche peut contrôler le positionnement d'un objet
20:32en modulant le battement de ses ailes, la droite ou la gauche.
20:37C'est sa façon de nous indiquer ses choix,
20:40de nous dire si elle veut fixer un objet ou changer d'idée et regarder un autre objet.
20:59Le cerveau humain contient des milliards de neurones,
21:02et celui de la mouche 100 000.
21:05Pourtant, avec des structures très différentes,
21:08leur cerveau peut faire la même chose, comme prêter attention par exemple.
21:12Alors si on essaie de comprendre ce phénomène dans le cerveau le plus simple des deux,
21:17cela aide à comprendre le fonctionnement de tout cerveau, qu'il s'agisse ou non d'un mammifère.
21:22Il ne faut pas oublier ce que l'attention fait.
21:24Elle a pour but de nous permettre d'apprendre,
21:27de mémoriser son monde dans un petit bocal,
21:30et de se demander, comment vais-je réagir cette fois-ci,
21:33d'après ce qui m'est arrivé par le passé.
21:36Cela nous permet d'anticiper, ou de négliger une action.
21:41Pouvoir ignorer est une fonction importante du cerveau.
21:46L'attention me fascine au-delà de celle des mouches.
21:49Elles ont tous un rôle à jouer.
21:51L'attention me fascine au-delà de celle des mouches.
21:54J'ai trois enfants et chacun a sa propre dynamique de l'attention.
21:58On voit que les gens ont des capacités d'attention différentes.
22:01Il y a des enfants qui bougent tout le temps, qui souffrent d'un trouble de l'attention,
22:05et à l'opposé, il y a des enfants autistes qui concentrent leur attention
22:09sur une seule chose pendant de longues périodes de temps.
22:13Les deux auront des difficultés d'apprentissage.
22:16Les uns parce qu'ils changent de pôle d'intérêt trop souvent,
22:19les autres pas assez souvent.
22:21En fait, pour fonctionner de façon optimale,
22:24on a besoin d'une alternance de l'attention qui soit adaptée au monde dans lequel on vit.
22:40Si on se met à faire attention à tout, on sera submergé.
22:44Même avec 100 milliards de neurones, il y a un goulot d'étranglement.
22:48On ne peut porter attention qu'à certaines choses à la fois.
22:51Deux schémas d'activité ne peuvent se superposer,
22:54que ce soit un système nerveux ou un réseau neuronal.
23:00On a donc besoin de l'attention pour sélectionner les endroits précis du champ de vision
23:05ou certains objets, pour éviter une sorte de surcharge sensorielle.
23:10Notre cerveau fait donc le tri afin que nous puissions évoluer dans notre milieu.
23:14Il n'est jamais passif.
23:16Il tend à recréer à chaque instant ses propres modèles.
23:22Il ne faut plus penser en termes d'images qui se forment dans le cerveau.
23:27Il s'agit plutôt de descriptions symboliques du monde extérieur,
23:31des objets, d'événements, codés sous forme d'impulsions nerveuses dans le cerveau.
23:36On a des milliards de neurones qui s'activent et l'activation est différente
23:40si je regarde mon doigt ou une rose ou une pierre.
23:44Et pour le cerveau, ce modèle spatio-temporel est la rose,
23:48est la pierre, est mon doigt.
23:52Et c'est différent et unique pour chaque individu.
23:56Il n'y a pas de représentation stable.
23:59Notre connaissance évolue constamment vers de nouvelles formes,
24:03ce qui donne un regard très différent sur la dynamique du cerveau.
24:10Il se forme des vagues d'oscillations déclenchées par un stimulus
24:14et une fois que le déclencheur a joué, l'activité qu'il a générée disparaît.
24:18Elle n'a plus d'utilité.
24:27C'est en fait ce qui nous empêche d'être noyés par l'information.
24:33À chaque mouvement des yeux, des oreilles, chaque inspiration, chaque toucher,
24:39nous créons à nouveau notre compréhension, notre connaissance du monde.
24:45Composer, recomposer, associer, dissocier,
24:50c'est ce qui permet à notre cerveau de produire du sens.
24:55Donc le cerveau est avant tout, je ne dirais pas une machine,
24:59c'est une piètre comparaison, un organe fait de cellules neuronales
25:05capables de créer des simulations du monde externe.
25:08D'en faire des prévisions utiles et de générer l'action qui convient.
25:23Nous ne sommes conscients que d'une fraction de ce travail phénoménal du cerveau.
25:29Ce rapport entre ce qui est conscient et ce qui est non-scientifique
25:32fait partie des nouveaux terrains d'études des neuroscientifiques.
25:37L'image que nous avons aujourd'hui, c'est qu'en permanence,
25:41nous avons une pensée consciente qui occupe notre espace mental conscient.
25:45Et en parallèle, vous avez branché autour une multitude de représentations inconscientes.
25:50Et par ce genre de mécanisme de la course pour l'accès à la conscience,
25:54seulement certaines de ces représentations vont se développer.
25:57Ce que vous faites consciemment à un moment donné,
26:00ça détermine énormément les opérations mentales inconscientes qui sont à l'œuvre.
26:05Et à cette richesse psychologique, on peut ajouter une autre splendeur,
26:09c'est le fait que cette vie inconsciente n'est pas cantonnée aux étages inférieurs du cerveau,
26:14mais qu'en réalité, les régions néocorticales, même les plus récentes,
26:18peuvent fonctionner inconsciemment.
26:21C'est-à-dire qu'il n'y a pas d'obstacles,
26:23les régions néocorticales, même les plus récentes,
26:26peuvent fonctionner inconsciemment et construire des représentations inconscientes très complexes.
26:31Et ce conscient et cet inconscient, les scientifiques peuvent maintenant les mettre en évidence.
26:37Vous allez entendre des sons.
26:40A chaque fois, vous aurez cinq sons de suite.
26:43Et ce qu'on va vous demander de faire, c'est toute seule, de trouver la règle.
26:47Avec le temps, le cerveau assimile les éléments d'un milieu et les considère comme normaux.
26:53Si un incident, une nouveauté, intervient, il nous le signale et prévient notre niveau conscient.
27:03Comme elle a compris que la règle globale est une règle dans laquelle les cinq sons ne sont pas identiques,
27:09lorsqu'elle entend cinq sons identiques, là, il y a un problème.
27:13Lorsqu'elle entend cinq sons identiques, là, elle compte le son comme un son qui est une violation de la règle.
27:19Et il y a donc dans son esprit et dans son cerveau des processus qui vont lui permettre de détecter cette violation de règle.
27:29Ce que l'expérimentateur va observer, c'est le signal issu des électrodes.
27:34Il mesure alors que la perception d'un son par le cerveau apparaît, de façon inconsciente, 200 millisecondes après son émission.
27:43Par contre, pour cette même zone du cerveau, lorsqu'elle réagit à la violation de la règle, donc consciemment,
27:49la réaction survient 400 millisecondes après l'émission de ce son.
27:54C'est un bon corréla de la prise de conscience.
28:00Il y a deux temps de la perception.
28:03Il y a toujours un premier temps qui est assez rapide, ce qu'on appelle un traitement montant,
28:07de l'extérieur vers l'intérieur du cerveau, donc des aires perceptives primaires vers les aires associatives.
28:11Et ce premier temps de la perception, il est, ou il n'est pas, suivi par un deuxième temps.
28:17Donc la même région va fonctionner deux fois.
28:19Une première fois, de manière en réalité inconsciente, et lorsqu'il y a un deuxième effet,
28:25donc un deuxième temps de la perception dans cette région-là,
28:29et bien là, en général, vous avez un accès à la conscience de cette représentation.
28:33Et c'est un résultat assez général.
28:35C'est-à-dire que cette temporalité en deux temps, en deux étapes de la perception,
28:38elle vaut également pour les autres choses, pour le souvenir, pour l'action, pour les gestes, pour la motricité, pour les émotions.
28:47Le passage de l'inconscient au conscient, le rôle de l'attention, la capacité de trier et de s'adapter,
28:54permettent de mieux comprendre comment notre cerveau fonctionne.
28:58Mais comment la connaissance se crée-t-elle ? Et où se loge-t-elle ?
29:03Quand on demande aux neurones de cesser de fonctionner, c'est de la connaissance,
29:08comme quand on leur demande de s'activer.
29:11Quand un stimulus arrive, c'est un événement extérieur.
29:15Chacun des sens le divise en fragments moléculaires.
29:21Tous ces processus ponctuels enclenchent la formation de ce qu'on appelle les perceptes.
29:26Des paquets d'ondes spécifiques, des cortexs sensoriels correspondants.
29:34Ils passent ensuite par l'hippocampe, où ils sont étiquetés dans le temps et dans l'espace.
29:45Quand cela s'est-il passé ? Et où cela s'est-il passé dans le monde extérieur ?
29:51Quand l'information ressort, elle se rend vers tous les cortexs, y compris le cortex moteur,
29:57en vue de la réaction à adopter.
30:01Donc, quand vous demandez où se trouve la connaissance,
30:05elle est dans les connexions synaptiques, partout.
30:09Ce n'est que depuis cinq ans que nous possédons les instruments permettant d'observer ce phénomène
30:18et de rendre compte de l'organisation globale des oscillations
30:24et de l'évolution de l'humanité.
30:28C'est ce que l'on appelle l'évolution de l'humanité.
30:32Et de rendre compte de l'organisation globale des oscillations,
30:38qui se font, se défont et se refont sans cesse,
30:42tous les dixièmes de seconde.
30:45C'est de la pensée.
30:50Ce sont les dynamiques que suivent les images conscientes et inconscientes qui nous passent par la tête.
30:57C'est l'expression d'une connaissance qui se recrée sans cesse.
31:02C'est de l'auto-organisation.
31:08Ces neurones, par milliards, coopèrent entre eux sans jamais cesser.
31:15Ce qui nous pose un énorme problème,
31:20parce que ça dépasse toutes nos connaissances en neurosciences
31:23à propos de ce que peuvent faire les neurones.
31:31Et nous n'avons pas encore le mathématicien qui nous donnera les équations de base
31:37dont nous avons besoin pour décrire la conscience et l'intentionnalité.
31:42En attendant le modèle mathématique qui nous permettra de décoder les mécanismes du cerveau,
31:47les scientifiques continuent d'explorer la relation fascinante entre le cerveau et le corps dont il fait partie.
31:55Et parfois, en étudiant certaines pathologies, ils peuvent se demander qui contrôle qui.
32:04Voyez comment l'eau tombe dans le mur.
32:06Elle a suivi le chemin où elle rencontrait le moins de résistance.
32:10Et ainsi, le sillon est devenu de plus en plus profond.
32:13Il y a une analogie entre ces sillons et le chemin qu'empruntent les souvenirs dans le cerveau,
32:18le chemin par lequel on apprend de nouvelles choses.
32:22À mon avis, voilà ce qui se passe dans le cas d'un accident cérébral ou d'un membre fantôme.
32:27Pour le membre fantôme, il n'y a pas de mécanisme, il n'y a pas de mécanisme.
32:31Voilà ce qui se passe dans le cas d'un accident cérébral ou d'un membre fantôme.
32:35Pour le membre fantôme, le bras est vraiment paralysé parce que le nerf qui se rend au bras a été sectionné.
32:41Chaque fois que le cerveau envoie un signal au bras lui disant « bouge », la réponse visuelle est non, il ne bouge pas.
32:50Ce message s'inscrit dans les circuits du cerveau, dans le lobe pariétal, peut-être dans des parties du lobe frontal.
32:56Alors le cerveau renonce et vous avez une paralysie à prise.
33:02Dans les premiers jours d'un accident cérébral, l'éden dans le cerveau est ce qui cause en partie la paralysie.
33:08Mais même une fois que l'enflure disparaît, le cerveau a peut-être appris que le bras est immobilisé.
33:13Et donc vous vous retrouvez avec un bras beaucoup plus paralysé qu'il ne devrait l'être.
33:20Alors peut-on désapprendre la paralysie à prise ?
33:24On a eu l'idée de mettre un miroir au centre d'une table, dans une boîte.
33:28Et vous mettez le bras droit ici et vous regardez la réflexion du bras droit dans le miroir.
33:37Vous avez donc l'impression que votre membre fantôme est revenu, ressuscité, car vous avez l'illusion visuelle que le bras est là.
33:44Le plus étonnant, c'est que beaucoup de gens sentent que le bras fantôme s'anime tout d'un coup et commence à bouger, même s'il n'y a pas de bras.
33:50Dès que le bras fantôme reçoit le signal visuel, il a la sensation de bouger à nouveau.
33:57Ça soulage souvent la douleur ressentie dans le bras fantôme. Parfois celui-ci disparaît même, et la douleur aussi.
34:04J'avais trop de douleurs. Au début, quand tu te cotes 8 sur 10, tu n'es pas à l'hôpital, mais tu n'es pas loin.
34:12Moi, ça a marché dès la première fois que j'ai essayé la boîte à miroir. Je pouvais baisser à 1 sur 10.
34:20J'étais vraiment étonné, parce qu'au bout d'un an, un an et demi, j'ai arrêté de prendre mes pellules pour le mal fantôme.
34:29Aujourd'hui, ça fait, je peux dire, trois ans que je n'ai pas repris de ces pellules-là.
34:35Depuis cette découverte, il y a environ 10 ans, beaucoup d'autres expériences dans le cadre d'essais cliniques à grande échelle ont montré un rétablissement significatif du bras dans le cadre d'un accident cérébral.
34:47Et même si ça n'aide que 10 % des patients, et qu'on ne sait pas lesquels, 10 % ça représente des millions de personnes dans le monde.
35:06De son côté, Lionel Nakache s'est confronté à une pathologie étrange, avec un de ses patients atteint du syndrome de négligence.
35:13C'est une personne qui a perdu conscience d'un côté de son corps.
35:18Dès lors que nous sommes conscients de quelque chose, nous cherchons à produire du sens, malgré nous.
35:23Pour prendre l'exemple du patient négligent, qui ne reconnaît plus la partie gauche de son corps comme étant la sienne.
35:28Il peut avoir un symptôme de main étrangère.
35:31Vous lui dites, combien sommes-nous dans la pièce ?
35:34Il vous dit, écoutez docteur, on est deux, il y a vous et moi, on est deux.
35:38Vous lui dites, d'après vous, il y a combien de mains dans cette pièce ?
35:42Il vous dit, on est deux, chacun a deux mains, donc il y a bien quatre mains.
35:46À ce moment-là, vous lui montrez sa main gauche.
35:48Vous lui dites, à qui est cette main ?
35:50Ce n'est pas à moi, ce n'est pas ma main gauche.
35:52On est deux, ça doit être votre main, c'est votre main.
35:53Alors vous lui montrez vos deux mains, vous lui dites, regardez, voilà mes deux mains, et je vous montre cette troisième main.
35:58À qui est-elle ?
36:00Et là, on tombe dans cette fiction.
36:02C'est tellement fort pour lui que ce n'est pas sa main, qu'il peut parfois aller jusqu'à élaborer un discours totalement fictif, mais auquel il croit.
36:09Il va vous dire, écoutez, peut-être que vous avez trois mains, peut-être que c'est à quelqu'un d'autre, peut-être que c'est une main qu'on a coupée, qu'on a mise dans la chambre, mais en tout cas, ce n'est pas à moi.
36:16Un exemple pareil nous met sous les yeux que les données immédiates de la conscience incluent systématiquement cette couche de croyances et d'interprétations.
36:25Alors, c'est plus facile de voir que c'est une fiction quand c'est faux, mais la plupart du temps, nos fictions sont en surface vraies, sont correctes.
36:32Si je vous interroge sur vos convictions politiques, sur vos croyances, même sur les sentiments interpersonnels ou sur votre rapport aux extraterrestres, là, quand on fait ça, on voit apparaître une diversité d'opinions.
36:42Et quand on discute avec nos semblables, on voit que ce sont des choses qui sont souvent ancrées dans une conviction, dans une croyance très forte.
36:53Les fictions sont mises en évidence plus aisément dans les cas pathologiques, mais chaque individu a les siens.
36:59Pour donner du sens au monde dans lequel nous vivons, nous inventons nos propres histoires, nos fictions.
37:06Chaque individu a les siennes, mais certaines deviennent des fictions collectives auxquelles nous adhérons.
37:14Pour comprendre comment nous les construisons, commençons par l'observation de l'autre.
37:36L'observation de l'autre
37:58Il y a des cellules qui s'activent chaque fois qu'un singe fait un geste précis.
38:02Ceci est connu depuis 20 ou 30 ans.
38:04Mais ce que Rizzolatti, en Italie, a découvert, c'est que certains de ces neurones, qu'on appelle neurones miroirs, s'activent aussi chez un singe qui observe un autre singe tirer un levier.
38:15La même chose se produit chez les humains.
38:17On peut observer, au moyen d'images fonctionnelles, qu'une zone du cerveau réagit quand une personne fait un geste.
38:23Et la même zone réagit quand elle observe une autre personne faire la même chose.
38:32C'est trop bizarre !
38:39C'est très étonnant. C'est comme si vous ressentiez la douleur d'une autre personne.
38:44C'est pourquoi j'aime les appeler les neurones de l'empathie, ou les neurones de l'aïllama.
38:49Ce neurone, en fait, estompe la barrière entre vous et une autre personne.
38:54C'est la base de bien des traditions philosophiques et mystiques, surtout orientales,
38:58selon lesquelles il n'existe aucune différence essentielle entre votre esprit et celui d'un autre.
39:06Ces traditions s'exprimaient en métaphore.
39:09Mais en étudiant ces neurones, nous pouvons démontrer qu'en effet, ces neurones estompent à leur manière la barrière entre vous et d'autres personnes.
39:17Cette capacité d'imiter est le fondement même de la culture humaine, la transmission de la culture.
39:24Au lieu du long processus de sélection naturelle darwinien, qui prend des centaines de milliers, presque des millions d'années,
39:30vous pouvez transmettre de l'information en une seule génération.
39:35Les neurones miroirs seraient-ils à la base des mécanismes de transmission des connaissances ?
39:40Interviendraient-ils aussi dans nos références culturelles, comme la représentation artistique ou la symbolique ?
39:48Je m'intéresse depuis longtemps à la métaphore, dans la langue et dans l'art.
39:53Et je pense qu'il y a beaucoup d'influences culturelles sur la métaphore.
39:58Je m'intéresse depuis longtemps à la métaphore, dans la langue et dans l'art.
40:03Voici un exemple tiré de l'art indien.
40:06C'est le dieu Shiva et sa compagne Parvati, assise sur ses genoux.
40:11Ils se regardent tous les deux tout en regardant le monde.
40:15L'idée transmise est que s'aimer n'est pas juste se regarder dans les yeux de manière narcissique, mais regarder ensemble l'univers, le monde.
40:23Ce qui est très intéressant, c'est qu'il a la main posée ici comme pour l'attirer par le menton, pour l'embrasser.
40:31Ce geste doit activer les neurones miroirs dans le cerveau.
40:35Mais l'artiste a exagéré le geste et ses neurones doivent être hyperactivés pour qu'on perçoive de façon si vivante les délices de l'amour.
40:43Si vous regardez bien, ça devient une sorte de métaphore de toutes les dualités de l'existence, de pôles opposés.
40:51Comme la nuit et le jour, le mal et le bien, le noir et le blanc, le bonheur et la tristesse, l'homme et la femme.
41:01Toutes les dualités et les antagonismes qui caractérisent le monde phénoménal s'effacent et c'est ce qu'on voit ici.
41:06Leur intimité fait tomber le mur entre deux opposés.
41:13Ces dualités sont désormais les préoccupations des neuroscientifiques.
41:17Pour Walter Freeman, le cerveau, organe de l'individualisation, est aussi l'organe de la socialisation.
41:24Et désapprendre est aussi crucial qu'apprendre.
41:27On considère le cerveau comme un organe d'adaptation, qui nous assure plus que la survie, qui nous permet d'agir pour changer les choses.
41:39Bien entendu, il ne fait pas ça tout seul.
41:42Le corps, dans sa totalité, est un organe de l'individualisation.
41:46Dans ce processus d'adaptation, désapprendre, c'est la première fois que l'on réalise que le cerveau est un organe d'adaptation.
41:54On ne peut pas l'apprendre en tant que ce qu'on apprend à l'école.
41:59On peut l'apprendre en tant que ce qu'on apprend à l'école.
42:03On peut l'apprendre en tant qu'un acteur.
42:07On peut l'apprendre en tant qu'un acteur.
42:11Dans ce processus d'adaptation, désapprendre est aussi crucial qu'apprendre.
42:18L'apprentissage, c'est le renforcement des connexions synaptiques.
42:24Pour désapprendre, se défaire des habitudes, les connexions synaptiques devront être affaiblies.
42:31Mais c'est un processus cumulatif par lequel une personne apprend de plus en plus,
42:37tout en se différenciant de plus en plus des autres.
42:42Et tout ce que nous connaissons de l'apprentissage
42:45implique ce processus qui nous sépare toujours plus les uns des autres.
42:57Or, la leçon la plus importante qui nous vient de la paléoanthropologie,
43:01de l'histoire de la race humaine au cours des derniers 500 000 ans, peut-être 3 millions d'années,
43:06c'est l'importance de la socialisation.
43:13Nous sommes avant tout une espèce sociale.
43:20Et le cerveau ne fait pas que contrôler, c'est en fait l'organe de la socialisation.
43:27Maintenant, comment parvenons-nous à dépasser les barrières qui nous séparent ?
43:32Le mécanisme qui rend cela possible, c'est la coopération.
43:37Nous ne faisons pas qu'agir, nous agissons de concert.
43:51On vient tout juste de découvrir un groupe d'hormones qui ne sert pas vraiment à l'apprentissage,
43:57mais qui est très actif pour ce que j'appelle le désapprentissage.
44:01L'adaptation des uns aux autres, un processus qui s'apparente au lavage de cerveau.
44:11Les gestes nécessaires à la socialisation se retrouvent dans toutes les formes d'endoctrinement.
44:17La religion, la politique, l'embriganement par l'armée des jeunes qui subissent un lavage de cerveau,
44:25ou les formes d'intégration requises par les entreprises ou les équipes sportives.
44:31Toutes ces activités qui impliquent une fusion des individus dans un fonctionnement organisé exigent un désapprentissage.
44:40Et cela est facilité par une peptide, une substance chimique appelée oxytocine.
44:47On la trouve dans la rue sous le nom d'ecstasy.
44:51Elle aide à dissoudre les structures synaptiques préexistantes de façon sélective et permet l'émergence d'une nouvelle structure.
45:08Apprendre, désapprendre, c'est l'activité incessante de notre cerveau.
45:13Et les neuroscientifiques rêvent désormais de comprendre les secrets d'une société de cerveau qui est en train d'évoluer.
45:20Une société de cerveau qui coopère plutôt que de s'isoler dans des fondamentalismes et s'entre-déchirer.
45:29L'archétype de la coopération, c'est la danse.
45:33Dans toutes les tribus primitives, c'est un élément central du processus de socialisation.
45:41C'est le rythme qui aide à rassembler les gens pour former un groupe qui coopère, et c'est spécifiquement humain.
45:50C'est un mécanisme qui engendre la sécrétion d'oxytocine.
45:57Il n'entraîne pas à l'amnésie.
46:00Les gens se souviennent très bien de ce qu'ils étaient avant et savent ce qu'ils sont maintenant.
46:05Mais il est essentiel pour la formation du lien social.
46:21On citerait peu de choses de ce processus.
46:25En fait, ce n'est qu'au cours de la dernière décennie qu'il est devenu primordial pour l'avenir des neurosciences d'étudier le processus de la socialisation.
46:40Le fait qu'il y ait tant de conflits dans le monde, dans nos quartiers,
46:45dans chacune de nos villes, nous avons des gangs de rue, des jeunes qui ne croient pas dans l'avenir, qui dérivent.
46:57Ces jeunes sont des proies faciles pour la formation de liens sociaux par ce processus.
47:06Comme nous ne le comprenons pas, nous cherchons à le supprimer en emprisonnant ces jeunes.
47:13C'est un échec des neurosciences de n'avoir pas encore réussi à comprendre cet aspect de la dynamique du cerveau.
47:20Et c'est l'échec de notre modèle d'apprentissage comme outil pour développer une société stable.
47:33Ce mécanisme du cerveau rapproche les neurosciences du concept des anthropologues.
47:38L'humain est humain justement parce qu'il a développé son rôle social.
47:44Et si cet homme social n'était finalement qu'un cerveau social ?
47:50Je me demande d'où tout cela va nous mener d'un point de vue éthique et humaniste.
47:57Parce que je crois qu'un temps viendra où nous aurons une compréhension approfondie du cerveau, comme on comprend le foie.
48:05Et alors on sera en mesure de le contrôler.
48:07C'est déjà possible avec des drogues comme la cocaïne ou l'héroïne.
48:11Mais supposer qu'on arrive à créer des drogues non-addictives qui vous apportent la même euphorie et même une extase absolue et sans limite qui vous rendent réellement heureux.
48:23Imaginez que je puisse prendre votre cerveau, le mettre dans un bocal puis mettre des électrodes et vous faire penser, vous rendre vraiment heureux, comblé, vous faire voir Dieu.
48:34Si je peux vous faire ça, vous êtes devant un choix éthique.
48:38Vous dites je choisis ça ou je me choisis moi.
48:41Beaucoup de gens diront non, je ne veux pas être ça, je veux être moi parce que c'est ce que je suis vraiment.
48:46Mais votre vrai cerveau, c'est un cerveau dans un bocal.
48:49Et ce bocal s'appelle le crâne.
48:51Il est dans un bocal stimulé par des photons.
48:54Où est la différence ?
48:56Où est la différence ?
48:58Sur quelle base dites-vous je veux être le vrai moi et pas ce cerveau artificiel ?
49:03C'est votre propre cerveau mais stimulé de façon artificielle.
49:06Où est-ce qu'on tranche ?
49:08C'est le plus grand dilemme moral auquel l'humanité va devoir faire face.
49:16Avec Galilée, il a fallu admettre que la Terre n'était pas le centre de l'univers.
49:21Aujourd'hui, sommes-nous prêts à accepter l'idée que la supériorité de l'homme sur le monde du vivant, sa conscience, ne soit qu'une fiction collective ?
49:45Tout le monde sait comment on écrase une mouche.
49:48On l'écrase avec une tue-mouche.
49:50Mais la meilleure façon de tuer une mouche, et je suis d'accord pour les tuer même si je les étudie,
49:56c'est de se servir de leur attention sélective.
50:00Quand vous arrivez avec un seul tue-mouche, la mouche le regarde et s'en va.
50:05Mais si vous approchez la mouche avec trois de vos doigts, très doucement,
50:09la mouche va fixer l'un des doigts, ensuite l'autre, puis le troisième.
50:14Son attention limitée sera répartie entre les trois doigts.
50:17Alors vous pourrez la surprendre, car à un moment donné, elle fixera le mauvais doigt.
50:22Et alors vous l'aurez.
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