• il y a 7 mois
À 7h50, l'astronaute française Sophie Adenot est l'invitée de Sonia Devillers. Elle sera la 11ème française à s'envoler dans l'Espace, au printemps 2026 et la deuxième astronaute française de l'histoire à partir en orbite. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-lundi-27-mai-2024-1257186

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00:00 Bonjour Sophie Adenau !
00:01 Bonjour Sonia !
00:02 Vous avez survécu à des processus de sélection et d'élimination drastiques,
00:06 donc ça y est, vous allez voler à 400 km de la Terre dès l'année prochaine au printemps.
00:11 Qu'est-ce que vous ressentez ?
00:12 Est-ce que vous piétinez d'impatience ?
00:14 Ou est-ce que vous mesurez la quantité astronomique d'apprentissage et d'entraînement qui vous reste à effectuer ?
00:22 Je dois dire que c'est un petit peu un mix de toutes les émotions.
00:25 C'est vrai que depuis l'annonce, il y a eu à la fois une joie intense.
00:32 Ce matin je me suis réveillée en me disant "mais c'est complètement dingue ce qui m'arrive quand même !"
00:36 Mais en même temps il y a une grande grande concentration
00:39 parce que je suis passée en mode un petit peu compte à rebours.
00:41 Oui dans deux ans, mais deux ans c'est demain,
00:43 quand on sait la somme de qualifications, de connaissances théoriques, opérationnelles,
00:47 de compétences que j'ai acquéries, ça va aller très très vite.
00:51 Mais ça mes entraîneurs me l'ont dit.
00:52 Alors justement, dans quelle phase de préparation vous entrez maintenant ?
00:56 Est-ce que vous pouvez nous décrire les entraînements qui vous attendent ?
01:00 Alors très concrètement, on commence avec le module sortie extravéhiculaire.
01:05 Pas plus tard qu'il y a quelques jours, j'ai fait toutes les mesures,
01:09 des mains, des pieds, tout le corps pour avoir un scaphandre à sa taille.
01:14 Et donc là dans les cinq prochains mois, c'est vraiment gros focus sur les sorties extravéhiculaires.
01:20 Mais pas que, parce qu'on a aussi toutes les leçons qui nous permettent de connaître
01:25 comment manier de manière opérationnelle les ordinateurs de navigation,
01:31 de procédure à bord de la station spatiale.
01:34 En fait, quand on est là-haut dans l'espace, il n'y a pas de mécanos avec nous pour nous aider,
01:38 comme on pourrait imaginer sur des hélicos, des avions qui font tout au sol.
01:43 Mais non, là en fait, on n'est pas seulement pilote dans l'avion,
01:46 dans le véhicule spatial, mais on est aussi mécano, maintenance et etc.
01:49 Donc, ça fait beaucoup de procédures à apprendre.
01:52 Il y en a 15 000 d'ailleurs à peu près.
01:53 15 000 procédures à apprendre.
01:55 Et quand vous dites les sorties extravéhiculaires,
01:58 c'est ce qu'il y a de plus difficile, les sorties dans l'espace ?
02:01 Effectivement, c'est un petit peu considéré comme étant le graal pour les astronautes,
02:05 parce que c'est difficile mentalement, c'est difficile en tant que travail en équipe,
02:11 c'est difficile physiquement.
02:13 Il faut savoir qu'on passe à peu près 7 heures dehors,
02:17 avec pour seul véhicule spatial qui nous protège, le scaphandre.
02:22 Et en plus, en tant que femme, les scaphandres ont été conçus il y a des dizaines d'années
02:29 et ils sont plus adaptés à une morphologie masculine.
02:31 Donc oui, là, je travaille aussi beaucoup le sport pour me muscler
02:34 et avoir la force suffisante pour le faire.
02:37 Ça représente un petit défi supplémentaire en tant que femme.
02:39 Et vous savez quelle mission spécifique vous allez devoir remplir à bord de la station spatiale ?
02:46 En fait, spécifiquement, non.
02:48 Mais à bord, c'est principalement du travail de recherche.
02:52 Il faut savoir qu'en espace de 6 mois, donc ma mission va durer 6 mois,
02:56 un équipage fait à peu près 200 expériences scientifiques.
03:00 Et ça, les expériences scientifiques répondent à un appel à candidature au niveau européen
03:06 et même international, parce qu'on travaille aussi pour de la science internationale.
03:11 Et tout ça va arriver au fur et à mesure.
03:13 Pour l'instant, c'est beaucoup trop tôt pour le savoir.
03:16 Là, j'apprends les tâches de base, les tâches opérationnelles, les tâches de maintenance,
03:20 qui elles, ne dépendent pas de la science qu'on va faire à bord.
03:23 Mais voilà, le détail, je ne l'ai pas encore.
03:26 Alors, sur Twitter, vous tenez, Sophie, un journal de bord de votre préparation.
03:31 Alors, pourquoi un stage de survie en haute montagne par un froid extrême ?
03:36 Un stage de survie, c'est important que ce soit en montagne ou en environnement maritime.
03:41 On a fait les deux.
03:42 Mais c'est important parce que si le véhicule spatial au retour arrive dans un endroit non prévu,
03:47 s'il y a une urgence à bord et qu'on doit vite partir, quitter la station avec le véhicule spatial,
03:53 il se peut qu'on arrive, qu'on atterrisse sur Terre dans un endroit qui est loin de tout.
03:59 Et il faut connaître les gestes de survie, les premiers gestes de survie,
04:04 et aussi comment se s'illuminer rapidement pour permettre aux équipes de secours
04:07 de venir nous retrouver facilement.
04:10 Parce que, mine de rien, la Terre est grande.
04:12 Pour les équipes de secours, le travail de recherche peut être assez long.
04:17 Et quels ont été les exercices les plus surprenants dans cette année
04:20 que vous venez d'achever d'entraînement en Allemagne ?
04:24 Est-ce que ça a été, par exemple, votre passage dans une centrifugeuse ?
04:27 En fait, je pense qu'il y a eu tellement d'événements insolites,
04:30 mais j'ai eu une joie immense d'en parler de tous les événements,
04:33 tellement c'était insolite et assez incroyable ce qui nous est arrivé.
04:37 Oui, le passage en centrifugeuse, c'était sympa.
04:40 L'idée, c'était de faire le profil de décollage et d'atterrissage,
04:44 et un profil aussi non nominal vis-à-vis de la trajectoire de la fusée.
04:49 Et en fait, ça consistait principalement aussi à être capable de subir 6G en continu.
04:56 Donc 6G, c'est 6 fois le poids du corps.
04:58 Mais ça, ça fait partie d'un des événements insolites.
05:01 Il y en a eu d'autres, le stage survie en montagne, j'ai adoré.
05:04 On nous a vraiment poussé dans les retranchements de notre zone de confort.
05:07 Et c'était vraiment chouette à la fin de se dire,
05:10 "En fait, on a fait ça tous en équipe et on nous aurait demandé avant."
05:14 Je pense qu'il n'y en a aucun de nous qui aurait dit,
05:15 "Oui, je suis capable de le faire avant."
05:17 Alors, il y a les tests psychologiques qui sont très, très nombreux.
05:21 Il n'y a pas que des entraînements physiques.
05:23 Vous êtes la maman d'un petit garçon.
05:25 Je crois, dont vous allez être séparés pendant une très longue période.
05:29 J'imagine que c'est des choses, des situations que vous avez déjà vécues
05:32 quand vous êtes parti en opération militaire.
05:35 Mais est-ce que là, par exemple, c'est un temps de séparation qui est plus long ?
05:38 Et est-ce que psychologiquement, la distance entre la Terre et l'espace
05:43 rend la séparation avec les gens qu'on aime plus difficile ?
05:47 En fait, c'est un mix de réponses, tout ça.
05:50 Parce qu'aujourd'hui, on est quand même à l'ère de la connexion.
05:53 On a des possibilités de conférences audio avec la famille, avec les proches.
05:57 Donc ça, c'est vraiment très, très bien fait.
06:00 L'Agence spatiale européenne nous soutient
06:03 et met un accent très, très fort sur le soutien aux familles aussi.
06:07 Donc, les familles sont encadrées par des astronautes expérimentés
06:10 qui vont leur expliquer, en fait, à toutes les phases, comment ça va se passer,
06:13 comment leurs proches ont ressenti l'expérience.
06:17 Donc, vraiment, l'Agence spatiale européenne
06:20 met vraiment l'accent sur le soutien des familles.
06:22 Et là, je pourrais citer une de mes collègues astronautes américaines
06:25 qui a dit, vous savez, pour les astronautes qui partent dans l'espace,
06:29 la préparation de la famille est tout aussi importante
06:32 que la préparation de l'astronaute en lui-même.
06:34 Parce que oui, c'est une aventure pour tout le monde,
06:37 pas que pour l'astronaute qui part.
06:39 C'est vraiment, j'allais dire, dans le sens,
06:42 c'est une aventure très large, pas qui concerne que la personne.
06:47 Et vous avez été sélectionnée parmi 22 000 candidats.
06:52 Il n'y avait pas eu de sélection depuis 2009.
06:55 Donc, c'est un miracle statistique d'arriver là où vous êtes.
07:00 Donc, les astronautes sont très rares à pouvoir partir dans l'espace.
07:05 Est-ce que vous pensez que les besoins vont s'intensifier à l'avenir ?
07:08 C'est-à-dire, par exemple, les Américains veulent construire une station en orbite lunaire.
07:13 Est-ce qu'il y aura plus de vols ?
07:14 Est-ce qu'il y aura beaucoup plus d'astronautes sur le départ dans les décennies qui viennent ?
07:19 C'est une réalité, je n'ai pas de boule de cristal.
07:21 Mais ce qui est sûr, c'est qu'il y a une accélération de la thématique spatiale.
07:27 Ça, c'est indéniable.
07:29 Bon, mais maintenant, je pense qu'on va être surpris dans les années à venir.
07:33 Et qu'aujourd'hui, on ne peut même pas imaginer ce qui se passera dans les dix prochaines années.
07:38 Il n'y a rien qui est écrit dans un bouquin.
07:39 Tout est à faire.
07:41 Mais ce qui est sûr, c'est qu'on sent une grosse, grosse accélération en ce moment.
07:44 Donc, je pense qu'il faut s'attendre à ce qu'avec cette accélération, il y ait plus d'astronautes.
07:50 Mais encore une fois, je ne sais pas.
07:53 Est-ce que la Lune, c'est un rêve ?
07:56 Ou pour la professionnelle que vous êtes, pas spécialement ?
08:01 Bien sûr, vous demandez à n'importe quel astronaute, il vous dira que la Lune, c'est un rêve.
08:06 Oui, mais bon.
08:06 Alors après, par contre, j'aime bien, moi, dans la vie de manière générale, c'est ma philosophie.
08:10 Je prends les choses étape par étape.
08:12 Donc, avant d'aller plus en avant dans la question du rêve de la Lune, là, je suis bien concentrée sur la mission ISS.
08:18 Et vous êtes quand même, Sofiane, la génération qui est née après les premières images tournées sur la Lune,
08:24 après les premières images tournées dans l'espace.
08:27 Elles sont presque devenues banales pour nous, pour le grand public.
08:29 Vous les connaissez par cœur, évidemment.
08:31 Est-ce que vous pensez que quand on voit la Terre depuis un hublot, pour la première fois, d'une capsule,
08:36 est-ce qu'on éprouve quelque chose d'unique ou est-ce qu'on a, pour votre génération, une sensation de déjà vu ?
08:42 Alors écoutez, moi, ce que je peux vous dire, c'est que tous les astronautes à qui j'en ai parlé,
08:47 ils m'ont dit que c'est indescriptible, tellement c'est unique.
08:50 Et on a beau se préparer mentalement, en fait, il n'y a rien qui décrit l'émotion réelle ressentie.
08:56 Et c'est pour ça qu'il y a beaucoup d'astronautes qui...
08:58 Le besoin de le partager est plus fort, en fait.
09:02 Ça nous dépasse tellement, tellement c'est des émotions.
09:04 J'en parlais avec mon collègue Marcus, de Suède, qui est rentré de l'espace le 20 février.
09:11 Très, très récemment.
09:12 Et il nous a dit, mais quand il allait dans la coupole à bord de la station,
09:17 l'endroit où il y a toutes les fenêtres, où on voit la Terre,
09:20 il nous disait, mais c'était un flot d'émotions incroyables,
09:25 qui est difficile à décrire, en fait.
09:27 Et c'est ma dernière question.
09:29 Est-ce que le jour du décollage, votre fils sera, je ne sais pas comment ça s'appelle,
09:33 la salle où il y a tous les ordinateurs, tous les ingénieurs,
09:36 où il y a un décompte et tout le monde applaudit à la fin ?
09:38 On la voit beaucoup au cinéma, cette salle.
09:40 Est-ce que votre petit garçon sera...
09:43 Ça s'appelle le centre de contrôle Mission Control.
09:45 Le Mission Control. Mission Control Center.
09:48 Il y aura votre petit garçon ce jour-là ?
09:50 Il sera au plus près des équipes.
09:53 Je ne sais pas où précisément, je n'ai pas encore le détail d'où il pourrait être.
09:56 Je pense que les familles sont plus dehors à regarder la fusée,
10:00 mais oui, il sera au plus près des équipes, c'est sûr.
10:03 Thomas Pesquet, quand on a annoncé votre sélection
10:07 et le fait que vous seriez la prochaine à partir,
10:09 Thomas Pesquet a posté ce message en disant
10:12 "Sophie, tu vas devenir un maître Jedi".
10:14 C'est ça que vous devenez ?
10:16 Pour l'instant, je n'en suis pas encore là.
10:19 Dans mon état d'esprit, j'ai plutôt à me dire
10:22 "Wouh, j'ai encore 15 000 procédures à regarder avant".
10:26 Je n'en suis pas là encore, mais merci Thomas.
10:28 Franchement, il est super. Il m'a épaulée tout du long.
10:31 Il m'a donné plein de conseils et on a un super bon contact.
10:35 C'est chouette, c'est un peu comme un "big brother".
10:38 C'est un "big brother".
10:40 C'est vraiment chouette.
10:40 Merci beaucoup Sophie Hadnaud.
10:42 Nous aussi, on continue à vous suivre jusqu'au décollage.
10:45 A bientôt.
10:46 Merci beaucoup. Merci Sonia, à bientôt.

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